Language of document : ECLI:EU:T:2007:195

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 juillet 2007 (*)

« Concurrence − Position dominante − Marché de la fourniture d’emplacements pour l’exploitation de commerces de détail dans l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle détenu par l’exploitant Aéroports de Paris − Rejet d’une plainte − Recours en annulation − Défaut d’intérêt communautaire »

Dans l’affaire T‑458/04,

Au Lys de France SA, établie au Raincy (France), représentée par MG. Lesourd, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M P. Oliver et Mme O. Beynet, puis par M. Oliver, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Aéroports de Paris, établi à Paris (France), représenté par Mes H. Calvet et O. Billard, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 17 septembre 2004 classant la plainte introduite par la requérante à l’encontre de l’établissement public Aéroports de Paris pour violation de l’article 82 CE (affaire COMP/D3/38.666 Au Lys de France/Aéroports de Paris),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 7 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) :

« 1. Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Une mesure structurelle ne peut être imposée que s’il n’existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s’avérait plus contraignante pour l’entreprise concernée que la mesure structurelle. Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.

2. Sont habilités à déposer une plainte aux fins du paragraphe 1 les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime et les États membres. »

2        L’article 7 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18) dispose :

« 1. Lorsque la Commission considère que, sur la base des informations dont elle dispose, il n’existe pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte, elle informe le plaignant de ses raisons et lui impartit un délai pour faire connaître son point de vue par écrit. La Commission n’est pas tenue de prendre en considération les observations écrites reçues après l’expiration de ce délai.

2. Si le plaignant fait connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission et que ses observations écrites ne mènent pas à une appréciation différente de la plainte, la Commission rejette la plainte par voie de décision.

[…] »

 Antécédents du litige

3        La requérante est une société anonyme spécialisée dans le commerce de détail de confiserie et de chocolaterie, activité qu’elle a exercée dans l’aérogare n° 1 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle entre 1974 et 1998. Aéroports de Paris est un établissement public chargé de l’exploitation des aéroports de la région parisienne.

 Sur la convention d’occupation temporaire du domaine public dans l’aérogare n° 1 de l’aéroport de Roissy‑Charles‑de‑Gaulle

4        À la suite d’une consultation réalisée par Aéroports de Paris pour le renouvellement de la convention de la concession dans l’aérogare n° 1, la requérante a présenté une offre par lettre de candidature du 23 novembre 1994. Cette offre a été retenue par Aéroports de Paris et ses éléments financiers ont été repris dans une convention du 12 mars 1996 fixant, moyennant le paiement d’une redevance commerciale égale à 35 % de son chiffre d’affaires hors taxes, assortie d’un minimum garanti annuel, les conditions d’occupation temporaire du domaine public à compter, rétroactivement, du 1er janvier 1995.

5        En novembre 1995, la compagnie Japan Airlines, dont les passagers contribuaient pour moitié au chiffre d’affaires de la requérante, a été transférée dans l’aérogare n° 2. Le chiffre d’affaires de la requérante est passé de 38 millions de francs français (FRF) en 1994 à 32 millions en 1995 puis à 22 millions en 1996. De ce fait, et par application du minimum garanti, le poids de la redevance commerciale dû à Aéroports de Paris dans le chiffre d’affaires de la requérante est passé de 29 % en 1994 à 44 % en 1995 et à 52 % en 1996. La requérante a tenté de renégocier avec Aéroports de Paris le montant de cette redevance, mais sans succès.

6        La convention d’occupation temporaire du domaine public dans l’aérogare n° 1 a été résiliée par décision unilatérale du directeur général de Aéroports de Paris le 22 janvier 1998 (ci-après la « décision de résiliation de la convention d’occupation temporaire du domaine public »). Depuis le 4 juin 1998, la requérante n’occupe plus d’emplacement dans l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Elle n’a pas retrouvé un emplacement de même nature dans l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, étant donné qu’elle a été écartée, par lettres des 23 mai et 12 juin 1997, de la présélection des candidats admis à participer à la consultation organisée pour la conclusion d’une convention d’occupation temporaire du domaine public aéroportuaire en vue de l’exploitation d’un commerce de vente de gastronomie et de confiserie dans l’aérogare n° 2 (ci-après la « décision de rejet de candidature »). À cet égard, la requérante a contesté la légalité des conditions dans lesquelles sa candidature avait été écartée.

7        La requérante a alors saisi le tribunal administratif de Melun en vue d’obtenir l’annulation de la décision de rejet de candidature. Le 14 mai 1998, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande d’annulation pour cause d’irrecevabilité. La cour administrative d’appel de Paris a, par arrêt du 15 juin 2000, annulé le jugement du tribunal administratif de Melun et la décision de rejet de candidature au motif qu’elle avait été rendue par une autorité incompétente, un comité de sélection sans base légale s’étant substitué au conseil d’administration de Aéroports de Paris.

 Sur la procédure administrative

8        Le 30 janvier 2003, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission, sur la base de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204) (remplacé par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003), relative à un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE par Aéroports de Paris sur le marché de l’octroi des concessions de domaine public aéroportuaire à caractère commercial. Selon elle, Aéroports de Paris a enfreint l’article 82 CE en lui imposant entre 1995 et 1998 des redevances discriminatoires et disproportionnées et en l’évinçant ainsi du domaine public aéroportuaire.

9        La Commission a répondu à cette plainte, par lettre du 23 avril 2003 et, ensuite, par un courrier du 26 janvier 2004 adressé conformément à l’article 6 du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18) (remplacé par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773/2004), dans lesquels elle faisait part à la requérante de son intention de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire. La position de la Commission s’appuyait notamment sur l’arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T‑24/90, Rec. p. II‑2223).

10      La requérante a fait valoir, dans ses réponses du 19 mai 2003 à la lettre du 23 avril 2003 et du 25 février 2004 au courrier du 26 janvier 2004, que sa plainte revêtait un intérêt communautaire suffisant pour justifier l’ouverture d’une instruction formelle par la Commission et que celle-ci était la seule institution en mesure de mettre fin à l’abus en cause. Ainsi, la requérante prétendait qu’elle ne disposait pas de voies de recours efficaces en droit interne au sens de l’arrêt Automec/Commission, précité.

11      Par lettre du 17 septembre 2004, la Commission a informé la requérante que la plainte ne semblait pas revêtir un intérêt communautaire suffisant pour justifier l’ouverture d’une instruction formelle (ci-après la « décision attaquée »). Le rejet de cette plainte reposait sur deux considérations. En premier lieu, la Commission s’est fondée sur la considération selon laquelle l’ouverture d’une instruction formelle serait disproportionnée par rapport à la probabilité de pouvoir prouver l’abus et à l’importance de l’infraction alléguée quant au fonctionnement du marché commun. Elle a estimé que les agissements de l’intervenant avaient porté essentiellement atteinte aux intérêts particuliers de la requérante et que la poursuite de l’examen de l’affaire pour déterminer si l’intervenant avait enfreint ou non l’article 82 CE l’obligerait à entreprendre une analyse détaillée des relations contractuelles entre les deux parties. Elle serait donc amenée à endosser le rôle d’arbitre entre les intérêts particuliers des deux parties, ce qui serait plutôt le rôle des juridictions nationales. Elle a constaté qu’aucun des éléments exposés par la requérante ne permettait de conclure que les pratiques de l’intervenant étaient susceptibles d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun (considérants 23 à 27 de la décision attaquée). En second lieu, la Commission s’est fondée sur la considération selon laquelle la requérante pourrait faire valoir efficacement ses droits devant le juge national (considérants 28 à 49 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2005, Aéroports de Paris a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 13 mai 2005, le président de la première chambre a fait droit à cette demande.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 novembre 2006.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la décision attaquée « avec toutes conséquences de droit ».

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme manifestement non fondé, au titre de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, sans poursuivre la procédure ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé au terme de la procédure ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris les dépens de l’intervention.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

19      L’intervenant fait valoir que le présent recours devrait être déclaré irrecevable, au motif que la requérante et son représentant, M. S. Pouillet, n’ont pas qualité pour agir.

20      L’intervenant souligne que, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, la recevabilité d’un recours s’apprécie à la date à laquelle il est introduit, en l’espèce le 22 novembre 2004 (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider/Commission, 50/84, Rec. p. 3991 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, Rec. p. II‑695, et ordonnance du Tribunal du 15 février 2005, PKK et KNK/Conseil, T‑229/02, Rec. p. II‑539).

21      Il fait observer que la requête a été introduite par la requérante « représentée par Monsieur Serge Pouillet, son président-directeur général en exercice demeurant audit siège » alors que ce dernier n’avait plus qualité pour agir, à cette date, au nom de la requérante, pas plus d’ailleurs que la requérante elle-même.

22      En effet, selon l’intervenant, la cour d’appel de Paris a prononcé, le 12 novembre 2004, la liquidation judiciaire de la requérante et a renvoyé au tribunal de commerce de Bobigny le soin de désigner les organes de la procédure de liquidation. Ce dernier aurait désigné, le 1er décembre 2004, les organes de la procédure de liquidation de la requérante, c’est-à-dire le juge commissaire et son suppléant, ainsi que le mandataire liquidateur, Me B. Jeanne.

23      Premièrement, la mise en liquidation judiciaire de la requérante aurait pour conséquence qu’elle se trouve, depuis le 12 novembre 2004, dessaisie de ses droits et actions au profit du liquidateur (article L. 622‑9 du code de commerce français). Dès lors, seul le liquidateur aurait qualité pour introduire le recours. À cet égard, la Cour de cassation aurait jugé que la mise en liquidation judiciaire d’une société lui interdit d’agir seule en justice et rend irrecevable l’exercice par cette dernière de voies de recours, une éventuelle intervention du liquidateur n’étant par ailleurs pas susceptible de régulariser la procédure lorsqu’elle est postérieure à l’expiration du délai de recours (Cass. com., 10 décembre 2003, Bull. civ. IV, n° 204).

24      Deuxièmement, la mise en liquidation judiciaire aurait pour conséquence que la société et ses organes sociaux, dont le président-directeur général, sont dissous par l’effet du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire (Cass. com., 16 mars 1999, Bull. civ. IV, n° 66).

25      En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, l’intervenant a précisé que la personnalité morale de la requérante avait cessé d’exister à partir de sa mise en liquidation judiciaire.

26      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle a donné, le 10 novembre 2004, par le biais de son président-directeur général, le pouvoir d’exercer le présent recours à Me G. Lesourd. À cette date, le président-directeur général était encore en fonction, puisque le pouvoir est antérieur au 12 novembre 2004 (date à laquelle la liquidation judiciaire a été prononcée).

27      En deuxième lieu, la requérante fait observer que, selon la thèse de l’intervenant d’après laquelle seul le mandataire liquidateur avait qualité pour introduire le recours, elle n’aurait pas pu exercer un recours contre la décision attaquée. Elle indique que le tribunal de commerce de Bobigny n’a désigné le mandataire liquidateur que le 1er décembre 2004, à savoir à une date qui est postérieure à l’expiration du délai de recours contre la décision attaquée. La requérante estime qu’elle ne pouvait connaître ni la date à laquelle la cour d’appel statuerait quant à sa demande de liquidation, ni le contenu de son jugement, alors que le juge de première instance avait rejeté la demande de liquidation.

28      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la recevabilité du recours doit être examinée au regard du droit du contentieux administratif français, en tant qu’il réglemente la capacité d’ester en justice des sociétés placées en liquidation (arrêts de la Cour Bensider/Commission, précité, point 9, et du 11 octobre 2001, Commission/Oder-Plan Architektur e.a., C‑77/99, Rec. p. I‑7355, points 28 à 30).

29      Quant à l’article L. 622‑9 du code de commerce français, invoqué par l’intervenant, la requérante rétorque que celui-ci n’a pas pour effet de faire perdre à la société en elle-même toute capacité d’ester en justice. Selon la requérante, le Conseil d’État admet qu’un recours introduit par une personne qui n’avait pas qualité pour recevoir mandat ou pour représenter une personne morale peut être régularisé, dès lors que la personne ayant qualité pour agir aura déclaré s’approprier les conclusions dont le juge a été saisi. Le président-directeur général de la requérante était donc, dans l’attente de la désignation du liquidateur judiciaire, parfaitement fondé à former un recours à l’encontre de la décision attaquée. Ce dernier a, au demeurant, décidé de poursuivre la procédure. D’ailleurs, le Tribunal a accepté ce type de régularisation dans son arrêt Sinochem Heilongjiang/Conseil, précité (points 27 à 34).

 Appréciation du Tribunal

30      L’intervenant soulève une exception d’irrecevabilité, alléguant essentiellement que la requérante et son représentant, M. Pouillet, n’ont pas qualité pour agir au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, dans ses conclusions, la Commission se limite à demander que le recours soit rejeté sur le fond et ne conteste pas la qualité pour agir de la requérante. Or, aux termes de l’article 40, quatrième alinéa, et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, les conclusions d’une requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties au litige. En outre, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention, conformément à l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure.

32      Il s’ensuit que l’intervenant n’a pas qualité pour soulever une exception d’irrecevabilité et que le Tribunal n’est donc pas tenu d’examiner les moyens invoqués par celui-ci (voir, à ce sujet, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS/Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 22).

33      Toutefois, s’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public, dans la mesure où elle concerne la qualité pour agir de la requérante ainsi que son accès aux voies de recours, il convient d’examiner d’office la recevabilité du recours, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T‑239/94, Rec. p. II‑1839, point 26, et la jurisprudence citée).

34      Afin de se conformer aux exigences de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure, relatif à la requête introductive d’instance émanant d’une personne morale de droit privé, une entité telle qu’une société mise en liquidation au sens du code civil et du code de commerce français qui introduit un recours en son nom est tenue de fournir la preuve de son existence juridique susceptible d’attester son autonomie et sa responsabilité, même limitée, et celle que le mandat donné à son avocat a été régulièrement établi par un représentant, qualifié à cet effet.

35      Premièrement, il y a lieu de constater que, conformément à l’article 1844‑8 du code civil et à l’article L. 237‑2 du code de commerce, la personnalité morale de la société dissoute subsiste pour les besoins de la liquidation judiciaire jusqu’à la clôture de celle-ci.

36      Deuxièmement, la requérante a joint à sa requête un extrait du registre du commerce et des sociétés en date du 10 octobre 2004, attestant son enregistrement, par le greffier du tribunal de commerce de Bobigny, en tant que société anonyme en possession d’un capital propre, constituée d’un conseil d’administration, d’un directoire, d’un commissaire titulaire aux comptes et de son suppléant pour en contrôler la gestion comptable. Il ressort également de cette pièce que, lors de l’assemblée générale du 30 octobre 1996, il a été décidé de poursuivre l’activité de la société malgré un actif net devenu inférieur à la moitié du capital social.

37      Troisièmement, s’agissant du mandat donné à l’avocat par le président-directeur général, il y a lieu de relever qu’au moment de la préparation de ce mandat, le 10 novembre 2004, le président-directeur général était le représentant légal de la société, étant donné que le jugement prononçant la liquidation judiciaire est intervenu seulement le 12 novembre 2004. Ce mandat a nécessairement été préparé avant l’introduction du recours, puisqu’il en constitue l’une des annexes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, Rec. p. II‑267, point 55).

38      Quatrièmement, s’agissant de l’introduction du présent recours le 22 novembre 2004, dix jours après la mise en liquidation, il convient de rappeler que le mandataire liquidateur, qui a été désigné par le tribunal de commerce de Bobigny le 1er décembre 2004, a autorisé l’avocat de la requérante à poursuivre la procédure devant le Tribunal par lettre du 5 septembre 2005.

39      Il résulte de l’ensemble des éléments susmentionnés que le recours introduit par la requérante doit être considéré comme recevable.

 Sur le fond

40      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré d’une erreur de droit ainsi que d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’existence d’un intérêt communautaire suffisant. Le deuxième est tiré d’une insuffisance de motivation en violation de l’article 253 CE. Le troisième est tiré d’une violation de l’article 82 CE.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit ainsi que d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’existence d’un intérêt communautaire suffisant

 Arguments des parties

–       Sur l’affectation du fonctionnement du marché commun

41      La requérante fait valoir, tout d’abord, que c’est à tort que la Commission a dénié à la plainte un intérêt communautaire en raison du fait que les agissements de l’intervenant portaient essentiellement atteinte à ses intérêts particuliers. La Commission serait en contradiction directe avec l’arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission (C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341). La requérante prétend que la Commission s’est fondée sur le fait que seuls les intérêts de la requérante étaient concernés pour a priori exclure l’intérêt communautaire.

42      La requérante conteste, ensuite, la définition du marché concerné dans la décision attaquée. Elle fait observer que la Commission a considéré, respectivement aux considérants 14 et 16 de ladite décision, qu’il n’était pas nécessaire de définir précisément le marché géographique en cause et que la question de savoir si l’abus allégué affectait une partie substantielle du marché commun pouvait rester ouverte. Or, la requérante estime que la définition du marché concerné permet de fixer un cadre de référence pour déterminer si le fonctionnement du marché commun est suffisamment affecté pour en déduire l’existence éventuelle d’un intérêt communautaire justifiant l’instruction de la plainte.

43      La requérante ajoute que l’analyse effectuée par la Commission est en contradiction avec sa décision 98/513/CE, du 11 juin 1998, relative à une procédure d’application de l’article [82 CE] (IV/35.613 – Alpha Flight Services/Aéroports de Paris) (JO L 230, du 18 août 1998, p. 10), ainsi qu’avec les arrêts de la Cour et du Tribunal s’y rapportant, qui avaient établi une infraction de l’article 82 CE (arrêts de la Cour du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, Rec. p. I‑9297, et du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, Rec. p. II‑3929). Le fait que les méthodes tarifaires appliquées par l’intervenant ont été jugées contraires à l’article 82 CE par la Commission dans une décision antérieure permettrait de conclure que les méthodes générales d’octroi des concessions de commerce de détail dans les aérogares parisiennes et de fixation des taux de redevances dues par ces commerces seraient également incompatibles avec cette même disposition.

44      De plus, la requérante prétend que le litige concerne non seulement ses propres intérêts, mais également ceux de plusieurs entreprises commerciales, tant françaises que communautaires, sur un marché important. À cet égard, elle invoque l’arrêt de la Cour du 10 décembre 1991, Siderurgica Gabrielli (C‑179/90, Rec. p. I‑5889), dans lequel, selon elle, il a été jugé que le marché constitué par un port était un marché local qui avait une étendue pertinente au sens du droit communautaire de la concurrence.

45      Dans ce contexte, la requérante fait valoir, enfin, que le Tribunal a, dans son arrêt du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission (T‑111/96, Rec. p. II‑2937), déjà décidé que le fait, pour une entreprise en position dominante, d’imposer l’exécution d’un contrat, alors que les circonstances économiques applicables lors de la conclusion de ce contrat avaient été bouleversées, constituait un abus de position dominante.

46      Partant, la requérante estime que la Commission a méconnu l’existence d’une affectation sensible du marché commun en niant l’existence d’un intérêt public communautaire telle qu’elle résulterait pourtant de la jurisprudence pertinente en l’espèce.

47      La Commission fait valoir qu’elle a légitimement estimé, aux considérants 23 à 27 de la décision attaquée, que les pratiques concernées de l’intervenant n’étaient pas susceptibles d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun. Elle indique que l’abus allégué ne concernait qu’un seul commerce de détail de confiseries, situé dans l’aérogare n° 1 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et qu’il n’avait d’effets sensibles ni sur le marché de l’exploitation d’installations aéroportuaires (marché sur lequel l’intervenant est actif), ni sur le marché du commerce de détail de confiseries (marché sur lequel la requérante est active), ni sur un autre marché. Selon la Commission, la probabilité d’établir un effet sensible sur le commerce entre États membres était très réduite, puisque la perte de clientèle résultait du déplacement de la compagnie Japan Airlines à une autre aérogare.

48      La Commission ajoute qu’elle a, au terme d’un examen approfondi des faits de la cause et des arguments de la requérante et après avoir analysé des décisions et la jurisprudence en la matière, conclu que les pratiques énoncées n’étaient pas susceptibles d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun. Elle s’est fondée, notamment, sur le fait que l’affaire ne concernait que les intérêts particuliers de la requérante et ne présentait pas un intérêt public suffisant.

49      S’agissant de l’argument tiré de la définition du marché concerné, la Commission considère qu’elle pouvait conclure que la requérante n’avait avancé aucun élément tendant à démontrer que l’abus allégué était susceptible d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun, à supposer même que le marché concerné s’étende à l’ensemble des aéroports de la région parisienne. Selon la Commission, la définition du marché en cause, y compris celle du marché géographique, et la question de l’affectation du fonctionnement du marché commun sont deux notions qui poursuivent des objectifs distincts (voir la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, JO C 372, du 9 décembre 1997, p. 5, et l’arrêt Automec/Commission, précité). La définition exacte du marché géographique concerné n’étant dès lors pas nécessaire à l’analyse de l’effet sur le fonctionnement du marché commun, la Commission estime qu’elle était fondée à laisser la question de la définition du marché géographique ouverte, sans que cela constitue une contradiction de motifs.

50      Concernant la question de savoir si l’abus allégué affectait une partie substantielle du marché commun, la Commission fait valoir que la requérante méconnaît les termes de l’article 82 CE. Il ressortirait de cet article que la condition de l’affectation du commerce entre les États membres est distincte de celle selon laquelle un abus doit porter sur l’ensemble du marché commun ou du moins sur une partie substantielle de celui-ci. L’argument développé par la requérante fondé sur la décision de la Commission dans l’affaire Alpha Flight Services serait erroné : la portée de l’abus visé par cette décision ne se limitait pas à l’ensemble des aéroports de la région parisienne, mais s’étendait, du moins indirectement, au marché des services de transport au départ ou à destination des aéroports pertinents. Dans le cas d’espèce, en revanche, d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles sur les activités de commerce de détail seraient sans effet significatif, direct ou indirect, sur le marché des services de transport au départ ou à destination des aéroports de la région parisienne (considérant 24 de la décision attaquée). Il serait fort possible que le marché concerné par les agissements allégués par la requérante ait été constitué de la seule aérogare n° 1 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

51      Quant à l’argument selon lequel le litige porterait également sur les méthodes générales d’octroi des occupations du domaine public et de fixation des taux de redevances de l’intervenant, la Commission fait observer qu’elle a constaté, au considérant 18 de la décision attaquée, que la requérante n’avait apporté aucun élément à l’appui de cet argument. Contrairement à ce que prétend la requérante, la circonstance que les méthodes tarifaires appliquées par l’intervenant sur un autre marché aient été jugées contraires à l’article 82 CE par la Commission dans une décision antérieure ne permettrait pas de conclure que les méthodes générales d’octroi des concessions de commerce de détail dans les aérogares parisiennes et de fixation des taux de redevances dues par ces commerces seraient également incompatibles avec cette disposition.

52      Au vu de tout ce qui précède, la Commission considère que la probabilité de pouvoir établir des effets significatifs, qu’ils soient réels ou potentiels, sur le commerce entre États membres et une violation de l’article 82 CE était infime et qu’elle pouvait dès lors estimer qu’il serait disproportionné d’engager une instruction visant à établir une infraction à cette disposition (considérant 27 de la décision attaquée). Le premier moyen serait donc manifestement dépourvu de tout fondement.

53      L’intervenant soutient l’argumentation de la Commission.

–       Sur la protection juridictionnelle adéquate devant les juridictions nationales

54      La requérante fait valoir qu’il n’existerait pas de protection adéquate de ses droits devant les juridictions nationales. Elle évoque à cet égard des éléments relatifs à la procédure qu’elle a engagée devant les juridictions nationales.

55      Selon la requérante, l’appréciation de l’intérêt communautaire de la plainte est indissociable de celle consistant à déterminer si elle a pu utilement contester la violation du droit communautaire de la concurrence devant l’autorité nationale compétente. La Commission aurait commis une erreur de droit en dissociant ces deux aspects.

56      En premier lieu, la requérante invoque le fait que le conseil de la concurrence français n’a pas été considéré comme compétent en l’espèce et que la juridiction administrative, déclarée seule compétente, n’aurait pas appliqué l’article 82 CE.

57      Elle soutient que seules les procédures du droit communautaire et la saisine de la Commission pourraient lui permettre, dans le respect des principes du droit d’accès au juge reconnu par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, premièrement, de faire constater un abus de position dominante par l’intervenant, deuxièmement, de faire sanctionner l’intervenant et, troisièmement, d’obtenir une injonction de renégociation en vue de son retour sur le domaine public aéroportuaire.

58      Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle n’a entendu à aucun moment faire de la Commission une instance d’appel des juridictions nationales, mais qu’elle a voulu uniquement saisir la Commission en tant qu’institution communautaire chargée de faire respecter le droit communautaire de la concurrence, alors que ce droit communautaire avait été ignoré par toutes les instances nationales, susceptibles d’être saisies.

59      En second lieu, la requérante fait valoir que le juge administratif français n’a qu’un pouvoir restreint pour imposer des mesures positives comme des injonctions et que ce pouvoir n’est pas comparable aux pouvoirs de la Commission. En outre, ce même juge n’aurait pas le pouvoir d’imposer des sanctions à l’encontre des entreprises en infraction.

60      La Commission souligne que c’est à titre subsidiaire qu’elle a constaté, aux considérants 28 à 49 de la décision attaquée, que la requérante bénéficiait d’une protection adéquate devant les juridictions nationales. À titre principal, elle aurait fondé son rejet de la plainte de la requérante sur la circonstance que les pratiques dénoncées par cette dernière n’étaient pas susceptibles d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun.

61      La Commission fait valoir, à cet égard, que le Tribunal, dans son arrêt Automec/Commission, précité, a jugé qu’elle était en droit de rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire si les droits du plaignant pouvaient être sauvegardés d’une façon satisfaisante, notamment par les juridictions nationales. Selon la Commission, il ressort du même arrêt qu’il existe, d’après les articles 81 CE et 82 CE, une certaine présomption que les juges nationaux sont aptes à apporter une protection satisfaisante aux droits des entreprises au regard des règles de concurrence et à appliquer de façon satisfaisante le droit communautaire en général. La Commission en déduit qu’il appartient au plaignant de démontrer qu’une telle protection n’existe pas.

62      La Commission considère que le simple fait de ne pas avoir gain de cause au cours d’une procédure ne saurait signifier que l’on ne dispose pas d’une voie de recours adéquate permettant de sauvegarder ses droits de façon satisfaisante. Elle ne saurait être une juridiction d’appel des juridictions nationales (considérant 48 de la décision attaquée). Selon la Commission, il importe que les dispositions du droit de la concurrence puissent être appliquées par les juridictions nationales. Si celles-ci considèrent que, en l’espèce, un tel examen est sans pertinence du fait de certaines conséquences découlant du droit national applicable, il n’appartiendrait pas à la Commission d’en juger. La Commission estime qu’elle ne saurait déduire de la non-application de l’article 82 CE par les juridictions nationales une protection insatisfaisante des droits qui en découlent, étant donné que les pratiques contestées ne sont pas susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres et qu’en conséquence il n’y a pas lieu d’appliquer cet article.

63      La Commission fait observer, s’agissant de la prétendue absence de pouvoirs du juge administratif français pour imposer des mesures positives, qu’elle a indiqué aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle considérait que le droit français prévoyait bien que les juridictions administratives disposaient d’un certain pouvoir d’injonction. La Commission ajoute que l’existence de tels pouvoirs, et notamment du pouvoir d’injonction, n’est pas requise par la jurisprudence communautaire pour établir l’existence d’une protection satisfaisante des droits des particuliers devant les juridictions nationales. Elle souligne ainsi que, au point 93 de l’arrêt Automec/Commission, précité, le Tribunal a affirmé que le fait que le juge national n’avait pas le pouvoir d’ordonner la cessation de l’infraction n’empêcherait pas la Commission de rejeter une plainte en raison d’une protection efficace devant les juridictions nationales.

64      En ce qui concerne la prétendue absence de pouvoir de sanction du juge administratif, la Commission estime, ainsi qu’elle l’a suffisamment démontré aux considérants 43 à 49 de la décision attaquée, conformément au point 93 de l’arrêt Automec/Commission, précité, qu’un tel pouvoir de sanction n’est pas requis pour considérer qu’une protection satisfaisante des droits conférés est garantie par les articles 81 CE et 82 CE devant les juridictions nationales.

65      La requérante rétorque que la Commission soutient à tort que la circonstance que la requérante bénéficiait ou non d’une protection adéquate devant les juridictions nationales serait sans conséquence quant à l’appréciation de la légalité de la décision attaquée. L’impossibilité avérée de la requérante d’avoir eu accès à une juridiction nationale acceptant d’examiner les violations alléguées du droit de la concurrence communautaire affecterait de façon dirimante la régularité du refus de la Commission d’instruire sa plainte.

66      L’intervenant fait valoir, tout d’abord, que la requérante confond le système institutionnel et juridictionnel des Communautés européennes et celui de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, la Commission n’exercerait en aucun cas le rôle d’une juridiction d’appel des décisions rendues par les juridictions nationales, à la différence de la Cour européenne des droits de l’homme.

67      L’intervenant fait valoir, ensuite, que la situation de la requérante ne caractérise nullement l’absence de voie de droit permettant au juge national de sauvegarder les droits de l’entreprise plaignante de façon satisfaisante visée par l’arrêt Automec/Commission, précité (point 94). D’une part, l’intervenant estime qu’il ne saurait être sérieusement contesté que le juge administratif français est parfaitement compétent pour appliquer, le cas échéant, l’article 82 CE, lequel est d’effet direct. D’autre part, contrairement à ce que prétend la requérante, la cour administrative d’appel de Paris aurait, dans son arrêt du 15 mars 2005, examiné le litige au regard du droit de la concurrence. Par conséquent, bien que les juridictions françaises n’aient pas donné gain de cause à la requérante sur le terrain du droit de la concurrence, l’intervenant considère qu’il n’en reste pas moins que cette dernière a pu valablement faire valoir ses droits sur ce terrain devant ces juridictions, lesquelles sont parfaitement en mesure de lui assurer une protection juridictionnelle adéquate conformément aux exigences de la jurisprudence communautaire.

68      Enfin, l’intervenant fait observer que la requérante a obtenu gain de cause devant les juridictions nationales sur d’autres terrains. En premier lieu, la décision de rejet de candidature aux fins de l’exploitation de deux autres commerces situés dans l’aérogare n° 2 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle aurait été annulée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 15 juin 2000. En second lieu, le Conseil d’État aurait constaté, dans son arrêt du 14 novembre 2001, que les montants dus par la requérante à l’intervenant en contrepartie de l’occupation du domaine public aéroportuaire devaient être calculés, par référence aux taux pratiqués à l’égard d’autres occupants d’emplacements commerciaux dans l’aérogare, sur la base d’un taux de 27 % et non pas de 35 % ainsi que cela était prévu par la convention.

69      La requérante rétorque que l’invocation de l’arrêt du 15 mars 2005 de la cour administrative d’appel de Paris est dénuée de sérieux. Premièrement, cet arrêt ne concernerait que le refus de l’intervenant de confier à la requérante une seconde concession commerciale, deuxièmement, le litige n’aurait pas été examiné au regard des règles du droit de la concurrence.

 Appréciation du Tribunal

70      Il convient de rappeler que les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE produisent des effets directs dans les relations entre particuliers et engendrent directement des droits à l’égard des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Au vu de cette compétence partagée entre la Commission et les juridictions nationales, et de la protection qui en résulte pour les justiciables devant les juridictions nationales, il y a lieu de considérer que l’article 7 du règlement n° 1/2003, qui prévoit que les personnes qui font valoir un intérêt légitime sont habilitées à présenter une demande de constatation d’infractions aux articles 81 CE et 82 CE, ne confère pas à l’auteur d’une telle demande, quand bien même la Commission aurait acquis la conviction de l’existence d’une telle infraction, le droit d’obtenir une décision de la Commission, au sens de l’article 249 CE, quant à l’existence ou non d’une infraction aux dispositions précitées du traité. Il n’en va autrement que si l’objet de la plainte relève des compétences exclusives de la Commission, comme le retrait d’une exemption accordée au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, s’agissant de l’article 3 du règlement n° 17, arrêt Ufex e.a./Commission, précité, point 87 ; voir arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, Rec. p. II‑185, point 59, et la jurisprudence citée, et du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service/Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 48).

71      S’agissant du rejet d’une plainte sur la base d’un défaut d’intérêt communautaire, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a précisé dans l’arrêt Automec/Commission, précité, que la Commission est en droit d’accorder des degrés de priorité différents à l’examen des plaintes dont elle est saisie et qu’il est légitime qu’elle se réfère à l’intérêt communautaire que présente une affaire comme critère de priorité (points 83 à 85). Il ressort également du même arrêt, dans lequel le Tribunal s’est prononcé notamment sur la légalité d’une décision de classement, que la Commission peut rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire (arrêts Automec/Commission, précité, point 85, et Tremblay e.a./Commission, précité, point 60).

72      Pour apprécier l’intérêt communautaire qu’il y a à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie. Il lui appartient, notamment, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 81 CE et 82 CE. Le fait qu’un juge national ou une autorité nationale de la concurrence est déjà saisi de la question de la conformité d’une entente ou d’une pratique avec les articles 81 CE ou 82 CE est un élément qui peut être pris en compte par la Commission pour évaluer l’intérêt communautaire de l’affaire (arrêts Automec/Commission, précité, point 86 ; Tremblay e.a./Commission, précité, point 62, et Riviera Auto Service e.a./Commission, précité, point 46).

73      Il y a donc lieu de vérifier si la Commission, au vu des éléments mentionnés au point précédent, n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation quant à l’intérêt communautaire à poursuivre l’examen de l’affaire.

74      Dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, défini le marché de produits en cause comme le marché des services de gestion des aéroports. Les services concernent en particulier : la fourniture d’emplacements commerciaux sur le domaine public aéroportuaire, l’agrément des entreprises les occupant, le contrôle et l’organisation des activités commerciales dans les aérogares des aéroports parisiens (considérant 13 de la décision attaquée).

75      Ensuite, s’agissant de la délimitation du marché géographique en cause, la Commission a constaté que les questions suivantes pouvaient rester ouvertes : la première était la question de savoir si ce marché recouvrait l’ensemble des aéroports de la région parisienne ou s’il convenait de restreindre sa définition à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ou même à la seule aérogare n° 1 de cet aéroport et la deuxième était la question de savoir si le marché des services de gestion des aéroports concernés constituait une partie substantielle du marché commun (considérants 14 à 16 de la décision attaquée). Elle a également considéré que, à la différence de l’affaire Alpha Flight Services, précitée, les éventuelles pratiques anticoncurrentielles qui pourraient être constatées sur le marché pertinent dans le cas d’espèce n’auraient pas d’effet significatif, direct ou indirect, sur le marché des services de transport au départ ou à destination des aéroports parisiens (considérant 24 de la décision attaquée). Il s’ensuit qu’il s’agit, en l’espèce, d’un marché local et que la Commission, contrairement à ce que prétend la requérante, n’avait pas besoin de délimiter encore plus en détail le marché géographique aux fins de sa décision.

76      Il ressort également de la décision attaquée que, premièrement, la Commission a, pour évaluer l’intérêt communautaire de l’affaire, pris en compte le fait que l’intervenant détenait le monopole légal d’exploitation des aéroports parisiens et que cela le plaçait en position dominante sur le marché des services de gestion du ou des aéroports concernés, rendus aux entreprises exerçant une activité de commerce de détail dans les aérogares concernées des aéroports de la région parisienne, et qu’il avait fait l’objet de plusieurs décisions concluant qu’il avait enfreint les règles de concurrence dans différentes affaires (considérants 15 et 22 de la décision attaquée). Deuxièmement, la Commission a mentionné l’instruction de plusieurs affaires en France ayant mis en cause différents aspects de la gestion du domaine public aéroportuaire de l’intervenant (considérant 20 de la décision attaquée). Troisièmement, elle a évoqué sa propre décision du 11 juin 1998 à l’encontre de l’intervenant dans l’affaire Alpha Flight Services (considérant 24 de la décision attaquée). Quatrièmement, la Commission a fait référence à la saisine de plusieurs juridictions françaises, dans des litiges opposant l’intervenant et la requérante, ainsi que du conseil de la concurrence, de la question de la conformité des pratiques dénoncées par la requérante en l’espèce avec les dispositions du traité en matière de concurrence (considérants 32 et 36 de la décision attaquée).

77      À cet égard, il importe de relever que les éléments de fait et de droit apportés par la requérante ne permettent pas de présumer que les pratiques de l’intervenant dénoncées par cette dernière sont susceptibles d’affecter de manière significative le fonctionnement du marché commun. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la Commission pouvait considérer à bon droit, aux considérants 26 et 27 de la décision attaquée, qu’il apparaissait que les agissements de l’intervenant avaient essentiellement porté atteinte aux intérêts particuliers de la requérante.

78      Les difficultés commerciales et financières auxquelles la requérante s’est heurtée découlaient, ainsi qu’elle l’admet elle-même, du transfert de l’aérogare n° 1 à l’aérogare n° 2, en novembre 1995, des activités de la compagnie aérienne Japan Airlines, dont les passagers contribuaient de façon importante au chiffre d’affaires de la requérante (voir point 5 ci-dessus). En raison de la chute des revenus causée par cette perte de clients, la requérante s’est vue dans l’impossibilité de continuer à payer la redevance fixée dans la convention de concession conclue avec l’intervenant. Ce dernier a refusé de renégocier le montant de ladite redevance.

79      Or, rien dans le dossier ne permet de supposer que les griefs adressés dans ces circonstances par la requérante à l’intervenant aient eu un rapport avec des agissements anticoncurrentiels de ce dernier. En effet, la requérante n’a fait valoir aucun élément susceptible d’établir que les difficultés et désaccords intervenus entre les parties étaient distincts de leurs différends de nature purement contractuelle relatifs à l’occupation temporaire de l’emplacement commercial en cause.

80      En d’autres termes, même à supposer que l’intervenant détienne une position dominante en sa qualité de propriétaire des emplacements situés dans l’aérogare en question et en sa qualité de puissance concédante, rien dans la plainte de la requérante ne justifie la conclusion selon laquelle le comportement de l’intervenant vis-à-vis de la requérante avait pour objectif ou pour effet de distordre la concurrence.

81      S’agissant de la prétendue absence d’une protection juridictionnelle adéquate au niveau national, le Tribunal rappelle que les juridictions nationales sont compétentes pour appliquer les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE, qui produisent des effets directs dans les relations entre particuliers et engendrent directement des droits à l’égard des justiciables. Il s’ensuit que la requérante peut introduire un recours devant les juridictions nationales compétentes ou, le cas échéant, devant les autorités nationales compétentes s’agissant de l’application de l’article 82 CE. Il appartient donc aux juridictions ou aux autorités nationales compétentes saisies d’un tel recours de statuer, à la lumière de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, sur la question de savoir si l’intervenant a abusé de sa position dominante.

82      La compétence pour faire application desdites dispositions appartient à la fois à la Commission et aux juridictions nationales (voir point 70 ci-dessus). Il convient donc d’examiner si la Commission a correctement apprécié l’étendue de la protection que les juridictions nationales pouvaient accorder aux droits que la requérante tirait des dispositions du traité.

83      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal, lorsque les effets des infractions alléguées dans une plainte ne sont ressentis, pour l’essentiel, que sur le territoire d’un seul État membre et que des litiges relatifs à ces infractions ont été portés par le plaignant devant des juridictions et des autorités administratives compétentes de cet État membre, la Commission est en droit de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire, à condition toutefois que les droits du plaignant puissent être sauvegardés d’une façon satisfaisante par les instances nationales, ce qui suppose que celles-ci sont en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituent une infraction aux dispositions précitées du traité (arrêt Automec/Commission, précité, points 89 à 96).

84      Le Tribunal considère que la requérante n’a produit aucun élément dont il pourrait être déduit que le droit français ne prévoit aucune voie de droit permettant au juge national de sauvegarder ses droits de façon satisfaisante. Il ne ressort pas non plus de ces arguments que les juridictions françaises n’étaient pas en mesure de réunir les éléments factuels pour déterminer si les pratiques en cause constituaient une infraction à l’article 82 CE.

85      Au contraire, il résulte du dossier que la requérante a pu valablement faire valoir ses droits devant les juridictions françaises. Elle a introduit auprès du juge administratif un recours en annulation de la décision de rejet de candidature pour exploiter d’autres boutiques dans l’aérogare n° 2, un recours en annulation de la décision de résiliation de la convention d’occupation temporaire du domaine public et un recours en réparation des préjudices subis dans le cadre duquel elle a également soulevé des questions relatives à d’éventuelles infractions à l’article 82 CE.

86      Le fait que le juge administratif a annulé la décision de rejet de candidature et déclaré irrecevable la demande d’annulation de la décision de résiliation de la convention d’occupation temporaire du domaine public en vertu du droit national applicable et non pas en vertu de l’article 82 CE ne remet pas en cause cette constatation.

87      Par ailleurs, il ressort du dossier que le Conseil d’État a constaté une discrimination entre les redevances acquittées par d’autres occupants d’emplacements commerciaux similaires situés dans l’aérogare n° 1, y compris par la société qui a succédé à la requérante sur l’emplacement que celle-ci occupait jusqu’à son départ, et les redevances acquittées par cette dernière. Par conséquent, les montants dus par la requérante à l’intervenant ont été recalculés sur la base d’un taux de 27 % et non pas de 35 % ainsi que cela était prévu par la convention d’occupation.

88      Il y a lieu de rappeler que, dans sa décision du 20 septembre 2000, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 février 2001 et par l’arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 2002, le conseil de la concurrence s’est déclaré incompétent étant donné que les faits incriminés se rattachaient à la gestion du domaine public mettant en cause des prérogatives de puissance publique dont l’appréciation ne relevait que de la juridiction administrative.

89      À ce propos, la Commission a considéré, à juste titre, au considérant 33 de la décision attaquée, qu’il ne lui appartenait pas de déterminer quelle juridiction française était compétente dans cette affaire. Il ne lui incombait pas non plus d’examiner les éléments de droit national français qui déterminent la répartition des compétences entre juridictions judiciaires et juridictions administratives, d’autant que ceux-ci étaient sans pertinence au regard de la présente plainte dès lors que la Commission pouvait constater que la requérante disposait de voies de recours au niveau national.

90      S’agissant de la prétendue absence de pouvoirs du juge national, il y a lieu de rappeler que, dans l’hypothèse où le juge administratif français ne disposerait pas de pouvoirs pour imposer des mesures positives et des sanctions, il ressort des points 93 et 94 de l’arrêt Automec/Commission, précité, que cela n’empêcherait pas la requérante d’obtenir une protection satisfaisante des droits conférés par les articles 81 CE et 82 CE.

91      Il résulte de tout ce qui précède que l’examen de la décision attaquée n’a révélé ni erreur de droit ni erreur manifeste d’appréciation. En prenant en compte l’absence d’intérêt communautaire suffisant en raison du fait que les agissements de l’intervenant avaient porté essentiellement atteinte aux intérêts particuliers de la requérante et du fait que la requérante avait effectivement disposé de voies de recours devant les juridictions administratives, il était légitime de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire au motif que l’ouverture d’une instruction formelle par la Commission aurait entraîné un investissement disproportionné par rapport à l’intérêt de l’affaire et que la requérante pouvait efficacement faire valoir ses droits devant le juge national.

92      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation en violation de l’article 253 CE

 Arguments des parties

93      La requérante dénonce l’insuffisance de motivation de la décision attaquée dans la mesure où elle ne répond pas à divers éléments de son argumentation en ce qui concerne l’affectation du fonctionnement du marché commun et l’absence de protection adéquate devant les juridictions nationales. La requérante admet, toutefois, que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l’appui de leur demande (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, points 103 et 104, et ITT Promedia/Commission, précité, point 79).

94      La Commission, soutenue par l’intervenant, souligne que, d’après la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, si elle est tenue de motiver les décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amenée à prendre sa décision, il n’est pas exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par l’intéressé au cours de la procédure administrative (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 72 ; arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 35, et du 19 mai 1994, Air France/Commission, T‑2/93, Rec. p. II‑323, point 92).

95      Selon la Commission, il ressort de la décision attaquée qu’elle a examiné les éléments avancés par la requérante. Elle aurait dûment motivé le rejet de la plainte, premièrement, en précisant pourquoi le fonctionnement du marché commun ne paraissait pas être affecté de manière significative, deuxièmement, en justifiant le caractère manifestement disproportionné de mesures d’instruction visant à établir une infraction à l’article 82 CE, troisièmement, en expliquant que les droits de la requérante pouvaient être protégés de façon satisfaisante devant les juridictions nationales. Ainsi, les fondements de la décision attaquée seraient suffisamment clairs pour que la requérante puisse connaître les raisons du rejet de sa plainte et faire valoir ses arguments à leur égard devant le juge communautaire.

 Appréciation du Tribunal

96      Selon une jurisprudence constante, la motivation d’une décision individuelle doit permettre, d’une part, à son destinataire de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Une décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres (arrêts du Tribunal Asia Motor France e.a./Commission, précité, point 103 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 51, et ITT Promedia/Commission, précité, point 128).

97      Il y a lieu de rappeler que, dans la motivation des décisions que la Commission est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, elle n’est pas obligée de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l’appui de leur demande de constatation d’une infraction auxdites règles, mais il suffit qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt ITT Promedia/Commission, précité, point 131, et la jurisprudence citée).

98      Or, ainsi qu’il ressort clairement du résumé des éléments essentiels de la décision attaquée au point 11 ci-dessus, la Commission a rejeté la plainte pour défaut d’intérêt communautaire en tenant compte d’une série de considérations tirées d’un examen des éléments exposés par la requérante, dont, notamment, la constatation que le comportement reproché à l’intervenant n’était pas susceptible d’affecter le fonctionnement du marché commun.

99      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 82 CE

 Arguments des parties

100    La requérante fait valoir que la Commission aurait violé l’article 82 CE en n’examinant pas les conditions d’application de cet article dans le cas d’espèce. La requérante souligne qu’elle a subi non seulement l’application forcée de clauses léonines et abusives en matière de fixation du taux de redevance qui absorbaient plus de la moitié de son chiffre d’affaires, mais également une discrimination abusive au bénéfice d’autres entreprises.

101    La Commission fait observer qu’il ressort de la décision attaquée que le rejet de la plainte est fondé sur l’absence d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de la plainte. La Commission ne s’étant donc pas prononcée sur les conditions d’application de l’article 82 CE, ce moyen serait dès lors inopérant.

102    L’intervenant fait valoir que la requérante ne saurait valablement se prévaloir d’une prétendue violation par la Commission de l’article 82 CE, puisque celui-ci nécessite pour son application que les pratiques en cause soient susceptibles d’affecter de manière sensible le commerce entre États membres. La condition d’affectation sensible n’étant pas remplie, ce moyen serait donc inopérant.

 Appréciation du Tribunal

103    Selon une jurisprudence constante relative à l’article 3 du règlement n° 17, cette disposition, remplacée par l’article 7 du règlement n° 1/2003, ne confère pas à l’auteur d’une demande présentée en vertu de cet article le droit d’obtenir une décision de la Commission, au sens de l’article 230 CE, quant à l’existence ou non d’une infraction aux articles 81 CE et/ou 82 CE. La Commission est ainsi en droit d’accorder des degrés de priorité différents à l’examen des plaintes dont elle est saisie, et il est légitime qu’elle se réfère à l’intérêt communautaire que présente une affaire comme critère de priorité. Elle peut rejeter une plainte pour défaut d’intérêt communautaire suffisant à poursuivre l’examen de l’affaire (voir arrêt Ufex e.a./Commission, précité, points 86 et suivants, et la jurisprudence citée ; arrêts Automec/Commission, précité, points 75 et 83 à 85 ; Tremblay e.a./Commission, précité, points 59 et 60, et la jurisprudence citée, et Riviera Auto Service e.a./Commission, précité, point 48).

104    La Commission ayant considéré que l’affaire ne présentait pas un intérêt communautaire suffisant et n’ayant donc pas qualifié les pratiques dénoncées au regard de l’article 82 CE, il s’ensuit que le troisième moyen, tiré de la violation de cette disposition, est inopérant.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission et l’intervenant, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Au Lys de France SA est condamnée aux dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2007

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.