Language of document : ECLI:EU:T:2009:468

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

25 novembre 2009 (*)

« Aides d’État – Mesures en faveur du Danske Statsbaner – Obligations de service public –Décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑87/09,

Jørgen Andersen, demeurant à Ballerup (Danemark), représenté par Mes M. Nissen, J. Rivas de Andrés et J. Gutierrez Gisbert, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Martenczuk et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 4776 final de la Commission, du 10 septembre 2008, d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide d’État C 41/2008 (ex NN 35/2008), mise en exécution par le Royaume de Danemark en faveur de Danske Statsbaner,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et N. Wahl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, Μ. J. Andersen, exerce, sous le nom commercial Gråhundbus v/Jørgen Andersen, des activités de services de transport par autocar au Danemark et à l’étranger. Il effectue, notamment, une liaison entre Copenhague (Danemark) et Ystad (Suède). Ystad est reliée par voie navigable à l’île de Bornholm (Danemark).

2        Le 3 février 2003, le requérant a déposé, auprès de la Commission des Communautés européennes, une plainte concernant de prétendues aides d’État que le Royaume de Danemark aurait octroyées à l’opérateur historique dans le domaine du transport ferroviaire au Danemark, à savoir les Danske Statsbaner (DSB).

3        La plainte en question concernait la liaison ferroviaire entre Copenhague et Ystad, qui a été incluse dans un contrat de service public conclu entre le ministère des Transports danois et les DSB pour la période allant de 2005 à 2014.

4        Dans le cadre de cette plainte, le requérant a estimé, notamment, que les compensations de service public n’étaient pas acceptables lorsque le marché concerné est ouvert à la concurrence, que le gouvernement danois devait choisir la solution la moins onéreuse pour la collectivité et que, en tout état de cause, la compensation accordée devait correspondre au surcoût résultant de l’imposition des obligations de service public.

5        Sur la base de la plainte déposée par le requérant ainsi que d’une seconde plainte déposée en 2006 par une association danoise représentant les intérêts de plusieurs opérateurs d’autocars, la Commission a adopté la décision C (2008) 4776 final, du 10 septembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 4 décembre 2008 (JO C 309, p. 14) dans la langue faisant foi (le danois), précédée d’un résumé dans les autres langues officielles. Par le biais de la décision attaquée, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide d’État C 41/2008 (ex NN 35/2008), que le Royaume de Danemark a mise en exécution en faveur des DSB.

6        Il ressort du point 5 de la décision attaquée que les DSB appartiennent à l’État danois et fournissent notamment des services de transport ferroviaire des passagers.

7        Outre les mesures dénoncées par le requérant, la décision attaquée concerne également des mesures relatives à un autre contrat de service public pour la période allant de 2000 à 2004, dénoncées dans la seconde plainte de 2006.

8        Il ressort du point 58 de la décision attaquée que le contrat conclu entre le ministère des Transports danois et les DSB concernant la liaison entre Copenhague et Ystad pour la période allant de 2005 à 2014 prévoit le paiement de plusieurs millions de couronnes danoises (DKK) par an en faveur des DSB en compensation de l’exécution d’obligations de service public.

9        S’agissant de l’appréciation des mesures prévues par ce contrat sous l’angle des dispositions relatives aux aides d’État, la Commission a examiné, tout d’abord, si elles constituaient des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. La Commission n’a pas pu exclure que lesdites mesures constituaient de telles aides. Ainsi, elle s’est livrée à une première appréciation relative à la compatibilité de celles-ci avec le marché commun.

10      S’agissant, plus particulièrement, de la qualification des mesures en question d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la Commission a relevé que les paiements en cause étaient effectués au moyen de ressources d’État et que les DSB étaient une entreprise au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (points 66 et 67 de la décision attaquée). En ce qui concerne la question de savoir si ces mesures procurent aux DSB un avantage économique, la Commission a énoncé, au point 68 de la décision attaquée, qu’elle examinerait si les quatre critères établis à cet égard par l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark ») étaient remplis en l’espèce.

11      En ce qui concerne le premier critère, selon lequel l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution des obligations de service public clairement définies (arrêt Altmark, point 89), la Commission a relevé, tout d’abord, que les États membres disposaient d’un large pouvoir d’appréciation afin de déterminer si un service est d’intérêt économique général. Ensuite, la Commission a estimé que les motifs invoqués par l’État danois, à savoir la continuité du territoire et les exigences de fiabilité et de régularité du trafic entre Copenhague et l’île de Bornholm, la desserte des villes côtières sur le parcours du train et l’octroi des tarifs réduits à certaines catégories d’usagers, ne faisaient pas apparaître que la décision d’inclure cette ligne dans le contrat de service public était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Dans ces conditions, la Commission a estimé que le premier critère établi par l’arrêt Altmark était rempli en ce qui concerne la liaison entre Copenhague et Ystad (points 70 à 76 de la décision attaquée).

12      En ce qui concerne le deuxième critère, selon lequel les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente (arrêt Altmark, point 90), la Commission a relevé qu’il était rempli pour la période allant de 1999 à 2008. Elle a toutefois exprimé des doutes, à cet égard, quant à la période allant de 2009 à 2014, en raison de l’absence d’un budget prévisionnel, qui aurait servi de base pour calculer la compensation à accorder (point 80 de la décision attaquée).

13      En ce qui concerne le troisième critère, selon lequel la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt Altmark, point 92), la Commission a exposé, aux points 102 et 103 de la décision attaquée, qu’elle n’excluait pas l’existence d’une surcompensation s’agissant de la liaison entre Copenhague et Ystad ainsi que de l’ensemble du trajet entre Copenhague et l’île de Bornholm.

14      En ce qui concerne le quatrième critère, selon lequel, en l’absence de procédure de marché public pour le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’un service public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt Altmark, point 93), la Commission a exprimé des doutes quant à la méthodologie mise en œuvre par les autorités danoises (points 104 à 107 de la décision attaquée).

15      En outre, la Commission a estimé, aux points 108 à 112 de la décision attaquée, que les mesures en cause risquaient d’affecter les échanges entre les États membres. Dans ces conditions, ces mesures relèvent, selon la Commission, de la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

16      S’agissant de la compatibilité de l’aide avec le marché commun, la Commission a exposé, aux points 116 et 117 de la décision attaquée, que, selon l’arrêt Altmark, il y avait lieu d’examiner si le règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), ou le règlement (CEE) n° 1107/70 du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 130, p. 1), sont applicables au cas d’espèce. En effet, au cas ou l’un ou l’autre de ces règlements était applicable en l’espèce, la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché commun ne saurait être appréciée qu’au vu de ceux-ci et non au vu des dispositions du droit primaire, tels que les articles 87 CE ou 73 CE.

17      S’agissant du règlement n° 1191/69, la Commission a indiqué, tout d’abord, que le contrat de service public en cause relevait du champ d’application de l’article 14 de ce règlement (point 118 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a exposé que l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 1191/69 dispensait les États membres de l’obligation de notification conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, uniquement en ce qui concerne les compensations accordées pour équilibrer les obligations de service public imposées unilatéralement aux entreprises de transport par les pouvoirs publics. En revanche, la procédure de notification s’applique aux paiements effectués en vertu d’un contrat de service public au sens de l’article 14 de ce règlement (points 119 à 123 de la décision attaquée).

18      En outre, la Commission a relevé qu’une aide contenue dans un contrat de service public pouvait être déclarée compatible avec le marché commun et que, en l’absence de critères précis contenus dans le règlement n° 1191/69 à cet égard, l’appréciation de la compatibilité devrait se faire au regard des principes généraux qui résultent du traité, de la jurisprudence et de sa pratique décisionnelle (points 126 et 127 de la décision attaquée).

19      La Commission s’est ainsi référée à l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4). Le point 14 de cet encadrement dispose :

« Le montant de la compensation ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Le montant de la compensation comprend tous les avantages accordés par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit. Le bénéfice raisonnable peut notamment inclure tout ou partie des gains de productivité réalisés par les entreprises en cause au cours d’une période convenue et limitée, sans réduire le niveau qualitatif des services confiés à l’entreprise par l’État. »

20      La Commission a exprimé des doutes quant à la question de savoir si le prix payé par le gouvernement danois comprenait uniquement ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public (points 129 à 131 de la décision attaquée).

21      S’agissant de l’examen de la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché commun sur la base du règlement n° 1107/70, qui est également applicable en l’espèce selon la Commission, cette dernière a relevé que le contrat de service public en cause n’entrait dans aucun des cas énumérés à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement et que, par conséquent, l’aide litigieuse ne pouvait être déclarée compatible avec le marché commun sur cette base (points 132 à 135 de la décision attaquée).

22      Enfin, la Commission a considéré que l’aide en question ne pouvait être déclarée compatible avec le marché commun sur la base de l’article 86, paragraphe 2, CE, puisque l’article 73 CE constituait une règle spéciale par rapport à cette disposition (point 136 de la décision attaquée).

23      Par lettre du 18 décembre 2008, le requérant a demandé à la Commission de lui confirmer que les points 75 et 76 de la décision attaquée comportaient une appréciation définitive quant au caractère de service public de la ligne entre Copenhague et Ystad.

24      Par lettre du 8 janvier 2009, la Commission a confirmé au requérant, notamment, que la lecture qu’il avait effectuée de la décision attaquée était correcte, en ce sens qu’elle n’a pas formulé de doutes quant au premier critère établi par l’arrêt Altmark et qu’elle a considéré que les autorités danoises n’avaient pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que la ligne entre Copenhague et Ystad devait être couverte par le contrat de service public conclu avec les DSB.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 février 2009, le requérant a introduit le présent recours.

26      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 juin 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 15 juillet 2009.

27      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 6 et 16 juillet 2009, le Royaume de Danemark et les DSB ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité et juger l’affaire au fond ;

–        annuler la position de la Commission, figurant aux points 75, 76 et 145 de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

30      La Commission conteste la recevabilité du recours pour deux motifs. D’une part, la Commission considère que les points 75, 76 et 145 de la décision attaquée, dont la légalité est contestée par le requérant, ne constituent pas un acte susceptible de recours, dès lors qu’ils ne font pas partie du dispositif de la décision attaquée. D’autre part, la Commission fait valoir que la décision attaquée n’affecte pas la position juridique du requérant.

31      Dans l’hypothèse où le recours serait jugé recevable, la Commission demande au Tribunal d’inviter le requérant à faire traduire en langue de procédure certains documents annexés à la requête et rédigés en danois.

32      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner d’abord le second motif d’irrecevabilité.

 Arguments des parties

33      Premièrement, la Commission fait valoir que la qualification de la liaison entre Copenhague et Ystad comme étant de service public n’affecte pas le contrat concernant la période allant de 2000 à 2004 (voir point 6 ci-dessus). En effet, cette liaison ne serait concernée que par le second contrat visé dans la décision attaquée, à savoir celui relatif à la période allant de 2005 à 2014. Partant, le requérant n’aurait pas d’intérêt à l’annulation de la partie de la décision attaquée relative au contrat couvrant la période allant de 2000 à 2004.

34      Deuxièmement, la Commission indique que, si, selon la jurisprudence, le bénéficiaire d’une aide ou l’État membre concerné peuvent intenter un recours contre une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen afin de contester le caractère de la mesure litigieuse en tant qu’aide ou en tant qu’aide nouvelle, il n’en demeure pas moins que cette approche n’est pas transposable à la situation d’un concurrent du bénéficiaire de cette mesure.

35      En effet, ce ne serait qu’au regard du bénéficiaire des mesures litigieuses que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen peut avoir un impact négatif, en ce sens qu’elle crée l’impression que ce dernier a reçu une aide illégale, qui devra, le cas échéant, être recouvrée. En revanche, une telle décision ne pourrait que profiter au concurrent du bénéficiaire de l’aide et lui donner la possibilité de commenter les mesures litigieuses.

36      Le fait que la Commission n’ait pas exprimé de doutes quant au respect du premier critère établi par l’arrêt Altmark ne saurait renverser cette appréciation, dès lors que les critères en question doivent être remplis cumulativement afin que les mesures en cause échappent à la qualification d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Par conséquent, ce fait ne préjuge pas sa position finale sur l’existence d’une aide d’État compatible ou incompatible avec le marché commun en partie ou dans son intégralité.

37      En outre, il résulterait de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen inclut une évaluation préliminaire de l’aide et expose les raisons qui incitent la Commission à douter de sa compatibilité avec le marché commun. Cette décision vise par ailleurs à permettre à l’État membre concerné et aux parties intéressées de présenter leurs observations. Aussi, rien n’empêcherait le requérant de soumettre ses observations s’agissant du premier critère établi par l’arrêt Altmark, même si la Commission n’a pas formulé de doutes à cet égard. En effet, ainsi qu’il résulte de l’article 7 du règlement n° 659/99, rien n’empêcherait la Commission de revenir sur les appréciations faites dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

38      S’agissant de la lettre du 8 janvier 2009, celle-ci ne ferait que confirmer que la Commission n’avait pas soulevé de doutes quant au premier critère établi par l’arrêt Altmark.

39      La Commission souligne par ailleurs que, s’agissant de la présente procédure, une décision finale au titre de l’article 7 du règlement n° 659/99 sera adoptée dans tous les cas. Le requérant pourrait donc attaquer cette décision au cas où celle-ci indiquerait que les mesures litigieuses ne constituent pas une aide d’État ou qu’elles constituent une aide d’État compatible avec le marché commun.

40      Enfin, la Commission met l’accent sur les « conséquences systémiques » négatives d’ordre procédural qu’engendrerait l’affirmation de la recevabilité du présent recours.

41      Le requérant estime, quant à lui, que la décision attaquée contient la position définitive de la Commission sur la qualification de la liaison entre Copenhague et Ystad de service public, ce qui affecterait sa situation juridique et ses intérêts en tant que concurrent du bénéficiaire de l’aide, à savoir les DSB. En effet, si la Commission n’avait pas qualifié cette liaison de service public, ce serait l’ensemble de l’aide accordée aux DSB à ce titre qui pourrait été déclaré incompatible avec le marché commun. En revanche, en raison de cette qualification, ce ne serait que le montant correspondant à la surcompensation des obligations de service public qui pourrait être qualifié d’aide d’État incompatible avec le marché commun et recouvré.

42      Il en résulterait que la décision attaquée produit des effets juridiques définitifs revêtant un caractère autonome par rapport à la décision finale, puisque, si la Commission avait considéré que le premier critère établi par l’arrêt Altmark n’était pas rempli, il n’y aurait pas lieu d’examiner si les trois autres critères le sont.

43      Le caractère définitif de cette position résulterait par ailleurs de la lettre de la Commission du 8 janvier 2009 (voir point 24 ci-dessus), ce qui rendrait sans objet la présentation d’observations à cet égard durant la procédure formelle d’examen. Par conséquent, la décision finale ne serait qu’un acte confirmatif de la décision attaquée sur ce point, tout recours contre celle-ci étant, dans cette mesure, irrecevable.

44      Aussi, en rejetant définitivement les allégations du requérant relatives à l’inexistence des obligations de service public, la Commission aurait affecté de manière irrévocable les intérêts et la situation juridique de ce dernier. La décision attaquée serait assimilable à une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Le présent recours serait donc recevable au regard des conditions posées par la jurisprudence pour les recours contre ce dernier type de décision. En tant que seul concurrent des DSB sur la ligne entre Copenhague et Ystad, le requérant remplirait ces conditions.

45      En outre, ce serait précisément la qualification de la liaison en question de service public qui aurait permis aux DSB de rester actif sur ce marché ou d’offrir leurs services à un coût moins élevé.

46      Cette qualification affecterait également les possibilités qu’aurait le requérant de contester les mesures litigieuses devant les juridictions nationales, dès lors qu’elle rendrait pratiquement impossible l’obtention d’une suspension de celles-ci ou d’un recouvrement provisoire des montants versés dans leur intégralité.

47      S’agissant de l’argument de la Commission, selon lequel le recours litigieux ne pourrait pas affecter le contrat se rapportant à la période allant de 2000 à 2004, le requérant fait observer qu’il est probable que la liaison entre Copenhague et Ystad ait également bénéficié des subventions en vertu de ce contrat. En tout état de cause, si le Tribunal considère que cet argument de la Commission est fondé, cela n’aurait pour conséquence que le rejet du recours comme irrecevable uniquement dans la mesure où celui-ci vise ce contrat.

48      Le requérant conteste, enfin, l’argument de la Commission tiré des « conséquences systémiques » négatives d’ordre procédural qui résulteraient de l’affirmation de la recevabilité de son recours.

 Appréciation du Tribunal

49      Aux termes de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces et explications fournies par les parties pendant la procédure écrite et décide, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

50      Il ressort d’une jurisprudence constante que le recours en annulation au sens de l’article 230 CE est ouvert à l’égard de tous les actes pris par les institutions, quelle qu’en soit la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt de la Cour 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 29, et la jurisprudence citée).

51      Ainsi, en matière d’aides d’État, constituent des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme d’une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, qui n’ont pas de tels effets (arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 42).

52      Le requérant fait valoir que la décision attaquée satisfait à ces critères, en dépit du fait que, par son biais, la Commission n’a fait qu’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’encontre d’une mesure bénéficiant à son concurrent, les DSB. Selon le requérant, le fait que la Commission a considéré, dans cette décision, que l’État membre concerné n’avait pas commis d’erreur manifeste en appréciant que les DSB sont effectivement chargés d’obligations de service public, et que le premier critère établi par l’arrêt Altmark était donc rempli, limite définitivement le montant de l’aide pouvant être déclaré incompatible avec le marché commun et, dès lors, recouvré. Il s’ensuivrait que la décision attaquée a produit des effets de droit obligatoires à son égard en modifiant définitivement et de façon caractérisée sa situation juridique.

53      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen inclut une évaluation de nature préliminaire permettant à la Commission de se former une première opinion quant aux questions de savoir si les mesures sous examen présentent le caractère d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et, dans l’affirmative, quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Il en résulte que cette décision revêt un caractère préparatoire à la décision finale, qui fixera définitivement la position de la Commission sur ces aspects.

54      Le caractère nécessairement provisoire des appréciations contenues dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen est confirmé par l’article 7 du règlement n° 659/1999, qui prévoit que la Commission peut décider dans la décision finale que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, que l’aide notifiée est compatible avec le marché commun, que l’aide notifiée peut être considérée comme compatible avec le marché commun si certaines conditions sont respectées ou que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec. p. II‑5015, point 48).

55      Partant, contrairement à ce que fait valoir le requérant, même si la Commission n’a pas exprimé de doutes, dans la décision attaquée, au sujet de la décision des autorités danoises de qualifier de service public la liaison ferroviaire entre Copenhague et Ystad, il lui est néanmoins loisible de modifier sa position au vu des observations soumises par les parties intéressées tout au long de la procédure administrative. Cette appréciation n’est pas affectée par le fait que la Commission s’est exprimée dans des termes affirmatifs dans la décision attaquée ou même dans la lettre du 8 janvier 2009 (voir point 24 ci-dessus).

56      Il y a encore lieu d’examiner si, malgré le caractère préparatoire de la décision attaquée, la position prise par la Commission s’agissant de la qualification de la liaison entre Copenhague et Ystad de service public produit des effets juridiques revêtant un caractère autonome par rapport à la décision finale, qui sera adoptée sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 659/1999. En effet, il résulte de la jurisprudence que de tels effets sont susceptibles de justifier la recevabilité du recours (arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4145, points 25 à 30 ; Espagne/Commission, C‑312/90, Rec. p. I‑4117, points 17 à 24, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑7303, points 57 à 65).

57      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les quatre critères établis par l’arrêt Altmark concernent la qualification de la mesure en cause d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et, plus précisément, la détermination de l’existence d’un avantage au profit du bénéficiaire de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, non encore publié au Recueil, point 130).

58      Ensuite, il y a lieu de rappeler, à l’instar de la Commission, que, pour échapper à la qualification d’aide d’État au sens de cette disposition, une mesure doit satisfaire à l’ensemble de ces critères.

59      Si, contrairement à ce qu’énonce le deuxième critère de l’arrêt Altmark (voir point 12 ci-dessus), les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation n’ont pas été préalablement établis de façon objective et transparente et s’il ne peut être conclu que les conditions imposées par le troisième et le quatrième critère (voir points 13 et 14 ci-dessus) sont respectées, il ne peut être déterminé dans quelle mesure les montants accordés excèdent ce qui est nécessaire pour l’exécution des obligations de service public en tenant également compte d’un bénéfice raisonnable, ce montant devant, dès lors, être qualifié d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

60      Il ne saurait donc être accepté que, lorsqu’une mesure remplit uniquement le premier critère de l’arrêt Altmark (voir point 11 ci-dessus), elle constitue une aide d’État qui, en cas d’incompatibilité avec le marché commun, doit être récupérée uniquement dans la mesure où elle excède ce qui est nécessaire pour l’exécution des obligations de service public en tenant également compte d’un bénéfice raisonnable. Au contraire, si la Commission parvient à la conclusion que l’aide en cause est incompatible avec le marché commun, il lui incombera d’ordonner sa récupération conformément à l’article 14 du règlement n° 659/1999.

61      Il résulte de ce qui précède, premièrement, que l’appréciation contenue aux points 75, 76 et 145 de la décision attaquée est par nature provisoire et, deuxièmement, qu’elle ne produit pas d’effet juridique autonome quant à la question de savoir dans quelle mesure les montants versés aux DSB pourront être qualifiés d’aide d’État incompatible avec le marché commun et récupérables en vertu de la décision finale, qui sera adoptée conformément à l’article 7 du règlement n° 659/1999. En outre, au cas où les appréciations de la Commission contenues dans la décision attaquée deviennent définitives dans le cadre de sa décision finale, le requérant aura la possibilité d’intenter un recours en annulation contre celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Regione Siciliana/Commission, précité, point 49), dans la mesure où il justifiera d’un intérêt à agir.

62      Ces mêmes considérations font que, contrairement à ce qu’estime le requérant (voir point 44 ci-dessus), la décision attaquée n’est pas assimilable à une décision prise au titre de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement n° 659/1999 et constatant, dans le cadre de l’examen préliminaire, que les mesures litigieuses ne constituent pas une aide d’État ou qu’elles constituent une aide d’État compatible avec le marché commun.

63      Il en découle que le recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le premier motif d’irrecevabilité soulevé par la Commission (voir point 30 ci-dessus).

64      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la Commission concernant la traduction de certaines annexes de la requête (voir point 31 ci-dessus).

65      De même, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention déposées par le Royaume de Danemark et les DSB au soutien des conclusions de la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 16 février 2007, Dikigorikos Syllogos Ioanninon/Parlement et Conseil, T‑449/05, non publiée au Recueil, points 86 et 87).

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Jørgen Andersen est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2009.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’anglais.