Language of document : ECLI:EU:T:2007:219

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

11 juillet 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative PiraÑAM diseño original Juan Bolaños – Marques nationales verbales antérieures PIRANHA – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑443/05,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Rivas Zurdo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Juan Bolaños Sabri, demeurant à Torrellano (Espagne), représenté par Mes P. López Ronda et G. Marín Raigal, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 21 septembre 2005 (affaire R 1191/2004-1), relative à une procédure d’opposition entre El Corte Inglés, SA et Juan Bolaños Sabri,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka, MM. V. Vadapalas, E. Moavero Milanesi et N. Wahl, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2005,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2006,

à la suite de l’audience du 10 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 novembre 2001, l’intervenant a présenté une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif comprenant les éléments verbaux « pirañam diseño original juan bolaños », reproduit ci-après :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 16, 21 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’ « arrangement de Nice »), et correspondent aux descriptions suivantes :

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; cartes à jouer ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        Le 23 septembre 2002, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 76/2002.

5        Le 28 novembre 2002, la requérante a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’opposition était fondée sur les enregistrements espagnols des marques verbales PIRANHA, à savoir :

–        la marque n° 790520, enregistrée le 28 février 1978 pour des produits compris dans la classe 25 : « Vêtements, y compris bottes, chaussures et chaussons » ; 

–        la marque n° 2116007, enregistrée le 20 mars 1998 pour des produits compris dans la classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits fabriqués à partir de ces matières non compris dans d’autres classes ; fourrures, malles, valises, parapluies, ombrelles et cannes ; cravaches et sellerie ».

6        L’opposition était dirigée contre l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94. La requérante a fait valoir l’existence d’un risque de confusion en raison de la similitude entre les marques en cause et de la similitude entre les produits désignés par la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure, ainsi que de la renommée de cette dernière.

8        Le 1er juillet 2004, l’OHMI a adressé une notification à la requérante aux fins que celle-ci produise les preuves de l’usage de la marque antérieure n° 790520. Ne les ayant pas reçues dans le délai imparti, la division d’opposition a statué uniquement sur la base des preuves dont elle disposait.

9        Par décision du 29 octobre 2004, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour les « vêtements, chaussures » et la « chapellerie » compris dans la classe 25, rejetant la demande d’enregistrement pour ces produits. Elle a estimé que les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque communautaire avait été demandé, relevant de la classe 25, et les produits couverts par la marque antérieure n° 2116007, relevant de la classe 18, présentaient un certain degré de similitude. La comparaison de signes en cause aurait fait apparaître des similitudes visuelles et conceptuelles manifestes, ainsi qu’une certaine identité phonétique. Dès lors, la division d’opposition a constaté l’existence d’un risque de confusion.

10      La division d’opposition a rejeté l’opposition en ce qui concerne les produits relevant des classes 16 et 21 à défaut de preuve démontrant la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

11      Le 15 décembre 2004, l’intervenant a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 21 septembre 2005 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et rejeté l’opposition dans son ensemble. Elle a estimé que les produits en cause avaient une nature et une finalité différentes, qu’ils étaient produits par des fabricants différents et étaient vendus à travers des canaux de distribution distincts. Selon la chambre de recours, il n’existait pas de rapport de concurrence ou de substitution entre ces produits et, dès lors, ils ne pouvaient pas être considérés comme similaires. En outre, une complémentarité esthétique entre les produits en cause serait trop subjective pour être prise en compte. La condition de similitude des produits, nécessaire à l’établissement de l’existence d’un risque de confusion sur le territoire concerné, n’étant pas remplie, la chambre de recours n’a pas jugé nécessaire d’examiner le degré de similitude ou d’identité éventuelle entre les signes en cause.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à l’OHMI de rejeter la demande d’enregistrement de la marque communautaire PiraÑAM diseño original Juan Bolaños pour les produits relevant de la classe 25 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI, au stade de ses conclusions écrites, a conclu, à titre principal, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        renvoyer l’affaire aux chambres de recours pour qu’elles évaluent le poids du lien entre les produits en cause dans l’appréciation du risque de confusion dans le cas d’espèce ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres frais,

ou, à titre subsidiaire, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Lors de l’audience, l’OHMI a indiqué que ses conclusions devaient être interprétées en ce sens qu’il s’en remettait à la sagesse du Tribunal. 

16      Lors de l’audience, l’intervenant conclu à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours.

 En droit

 Sur la recevabilité de certaines conclusions des parties

 Arguments des parties

17      L’OHMI expose que le chef de conclusion de la requérante visant à ce que le Tribunal lui ordonne expressément de rejeter la demande d’enregistrement de la marque communautaire PiraÑAM diseño original Juan Bolaños est irrecevable. Il rappelle qu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI des injonctions, mais à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts.

18      S’agissant de ses propres conclusions, l’OHMI soutient que rien ne s’oppose à ce qu’il se rallie à un chef de conclusions de la partie requérante, ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer ce dernier.

 Appréciation du Tribunal

19      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à l’OHMI de refuser la demande d’enregistrement de la marque communautaire PiraÑAM diseño original Juan Bolaños pour les produits relevant de la classe 25.

20      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge communautaire contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge communautaire [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, Rec. p. II‑1115, point 14]. Partant, les conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de rejeter la demande d’enregistrement sont irrecevables.

21      En ce qui concerne les conclusions de l’OHMI par lesquelles celui-ci s’en remet à la sagesse du Tribunal, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, rien ne s’oppose à ce que l’OHMI se rallie à un chef de conclusions de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal [arrêts du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II‑1845, point 36, et du 16 janvier 2007, Calavo Growers/OHMI – Calvo Sanz (Calvo), T‑53/05, non encore publié au Recueil, point 27]. En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête [arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, Rec. p. II‑4633 point 22].

22      Ainsi, l’OHMI se limitant à s’en remettre à la sagesse du Tribunal, ses conclusions sont recevables.

 Sur le fond

23      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

24      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que n’existait aucune similitude entre les produits désignés par la marque dont l’enregistrement est demandé, relevant de la classe 25, et les produits désignés par la marque antérieure, relevant de la classe 18. Elle rappelle que la classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives et que ce sont les liens substantiels entre les produits et non leur appartenance conventionnelle à l’une ou à l’autre des classes qui sont décisifs lors de l’appréciation de leur similitude. En l’espèce, la chambre de recours aurait utilisé de manière automatique des critères trop généraux et abstraits. Les facteurs de similitude des produits constitués par leur nature, leur utilisation ou leur destination, leur caractère concurrent ou complémentaire ne seraient ni absolus ni exclusifs de l’existence d’autres facteurs.

25      Au regard des spécificités du cas d’espèce, et notamment de l’appartenance des produits en cause au secteur de la mode, la similitude des produits devrait être appréciée du point de vue des consommateurs concernés. Or, ceux-ci établiraient des liens étroits entre les produits en cause, en raison de leur fonction esthétique commune. À cet égard, la requérante estime que la chambre de recours n’a pas apprécié à sa juste valeur l’importance des nécessités esthétiques dans la société moderne. La perception par le consommateur de la similitude entre les produits en cause serait, en outre, renforcée par la circonstance que ceux-ci partagent fréquemment les mêmes circuits de distribution et de vente et sont souvent fabriqués à partir du même matériau relevant de la classe 18, le cuir.

26      Par conséquent, des liens suffisants uniraient les produits en cause pour qu’ils soient considérés comme similaires. La requérante rappelle que l’OHMI, dans une procédure juridictionnelle antérieure, a lui-même défendu la thèse de l’existence d’une complémentarité entre les produits relevant de la classe 25 et les produits en cuir et en imitation du cuir non compris dans d’autres classes, relevant de la classe 18, en raison de leur dimension esthétique commune. Cette complémentarité s’étendrait à l’ensemble des produits de la classe 18.

27      La requérante souligne que les signes en conflit sont également similaires et en déduit que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 trouve à s’appliquer.

28      L’OHMI distingue, aux fins de l’analyse de la similitude des produits de la classe 25 avec ceux de la classe 18, deux groupes de produits relevant de la classe 18.

29      S’agissant, d’une part, des produits en cuir et en imitation du cuir non compris dans d’autres classes, relevant de la classe 18, tels que des accessoires personnels, l’OHMI considère qu’ils possèdent au-delà de leur fonction de base, une importante fonction décorative, ornementale et esthétique, qui joue un rôle décisif lors de leur acquisition. En outre, ces produits seraient souvent fabriqués à partir de la même matière et distribués dans les mêmes points de vente que les produits de la classe 25. Dès lors, les produits en cause auraient plus d’un point commun et présenteraient ainsi au moins un faible degré de similitude entre eux. La chambre de recours aurait donc violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en considérant que les différences entre ces produits étaient telles qu’elles excluaient à elles seules tout risque de confusion pour le public pertinent.

30      En outre, l’OHMI prie le Tribunal d’indiquer si un examen abstrait de ces produits permet d’établir qu’il existe, ou pourrait exister, entre eux une certaine similitude provoquée par un éventuel rapport de complémentarité, et le cas échéant, de préciser quelles seraient les conditions requises en ce qui concerne les autres facteurs permettant d’établir l’existence d’un risque de confusion dans les territoires à prendre en considération.

31      Il confirme qu’il a soutenu, dans le cadre de procédures juridictionnelles antérieures, la thèse de l’existence d’une relation de complémentarité étroite entre certains produits de la classe 18 tels que des sacs, des portefeuilles, des porte-monnaie et autres accessoires en cuir ou en imitation du cuir, qui figurent parmi les produits en cuir et en imitation du cuir non compris dans d’autres classes désignés par la marque antérieure, et les vêtements, chaussures et la chapellerie, visés par la marque dont l’enregistrement est demandé. La jurisprudence du Tribunal ne s’opposerait pas à cette thèse.

32      S’agissant, d’autre part, des autres produits de la classe 18 (cuir et imitation du cuir, fourrures, malles, valises, parapluies, ombrelles et cannes ; cravaches et sellerie), l’OHMI estime qu’ils sont bien plus éloignés des produits de la classe 25 et qu’à leur égard la dimension esthétique n’est pas prépondérante.

33      À l’audience, l’intervenant a soutenu que la chambre de recours avait fait une juste appréciation de la jurisprudence en considérant que les produits en cause n’étaient pas similaires. En substance, il considère que les canaux de distributions des produits en cause sont généralement différents. De plus, la complémentarité esthétique serait un critère trop vague pour être pris en compte. En outre, il considère que, les signes en cause ne présentant qu’une faible similitude, il ne peut, en toute hypothèse, exister un risque de confusion pour le public pertinent.

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ». Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, on entend par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

35      Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion dans l’esprit du public, qui se définit comme le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir, à propos de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17, et, s’agissant de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 25 et 26].

36      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, point 35 supra, point 17, Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 35 supra, point 19, et Fifties, point 35 supra, point 27).

37      Pour apprécier la similitude des produits, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, point 35 supra, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des produits concernés [arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 53].

38      Selon la règle 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, la classification des produits et des services résultant de l’arrangement de Nice est établie à des fins exclusivement administratives. Des produits ne peuvent, par conséquent, être considérés comme étant différents au seul motif qu’ils figurent dans des classes différentes.

39      C’est à la lumière de ces considérations que la légalité de la décision attaquée doit être appréciée.

40      Il convient de souligner que la chambre de recours a estimé qu’il n’existait aucun risque de confusion pour le public pertinent sur la seule base d’une comparaison des produits en cause. Cependant, une similitude, même faible, entre les produits en cause, aurait imposé à la chambre de recours de vérifier si un éventuel degré élevé de similitude entre les signes n’était pas de nature à faire naître, dans l’esprit du consommateur, un risque de confusion quant à l’origine des produits.

41      Il y a donc lieu de vérifier si l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause ne sont pas similaires est fondée.

42      En premier lieu, les produits relevant de la classe 25 et les produits relevant de la classe 18 sont souvent fabriqués à partir de la même matière première, c’est-à-dire en cuir ou en imitation du cuir. Cette circonstance peut être prise en compte dans l’appréciation de la similitude des produits. Toutefois, au vu de la grande variété des produits susceptibles d’être fabriqués en cuir ou en imitation du cuir, ce facteur ne suffit pas, à lui seul, à établir une similitude des produits [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 55].

43      Cependant, en second lieu, il apparaît que les canaux de distribution de certains des produits en cause sont identiques. Une distinction doit toutefois être opérée selon que les produits de la classe 25 sont comparés à l’un ou à l’autre des groupes de produits de la classe 18 identifiés par l’OHMI.

44      D’une part, s’agissant du second groupe de produits de la classe 18 (cuir et imitations du cuir, fourrures, malles, valises ; parapluies, ombrelles et cannes ; cravaches et sellerie), la chambre de recours a pu à bon droit constater que les canaux de distribution étaient différents de ceux utilisés pour la distribution des produits de la classe 25. Le fait que ces deux catégories de produits puissent être vendues dans les mêmes établissements commerciaux, tels que des grands magasins ou des supermarchés, n’est pas particulièrement significatif, dès lors que l’on peut trouver dans ces points de vente des produits de nature très diverse, sans que les consommateurs leur attribuent automatiquement une même origine [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 43].

45      D’autre part, s’agissant du premier groupe de produits de la classe 18, à savoir les produits en cuir et en imitation du cuir non compris dans d’autres classes, tels que, par exemple, un sac à main, un porte-monnaie ou un portefeuille, il convient de souligner que ces produits sont fréquemment commercialisés avec les produits de la classe 25, dans des points de vente qui ne sont pas seulement constitués par des établissements relevant de la grande distribution, mais également des magasins plus spécialisés. Il s’agit là d’un facteur qui doit être pris en compte dans l’appréciation de la similitude de ces produits.

46      Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a d’ailleurs confirmé l’existence d’une faible similitude entre les produits « sac pour dame » et « chaussure pour dame » (arrêt SISSI ROSSI, point 42 supra, point 68). Cette conclusion doit être étendue aux relations entre l’ensemble des produits désignés par la marque dont l’enregistrement est demandé, et relevant de la classe 25, et les produits en cuir et en imitation du cuir non compris dans d’autres classes, relevant de la classe 18, désignés par la marque antérieure.

47      Au vu de ce qui précède, force est de constater qu’une faible similitude existe entre les produits de la classe 25 et le premier groupe de produit de la classe 18. Par conséquent, la chambre de recours ne pouvait conclure à l’absence de risque de confusion pour le public pertinent sur la seule base d’une comparaison des produits en cause.

48      Quant à l’éventuelle complémentarité des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, relevant de la classe 25, et des « produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d’autres classes », relevant de la classe 18, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise [arrêt SISSI ROSSI, point 42 supra, point 60].

49      Or, des produits tels que des chaussures, des vêtements, des chapeaux ou des sacs à main peuvent remplir, au-delà de leur fonction première, une fonction esthétique commune en contribuant, ensemble, à l’image extérieure du consommateur concerné.

50      La perception des liens les unissant doit donc être appréciée en tenant compte de la recherche éventuelle d’une coordination dans la présentation de cette image extérieure, qui implique une coordination de ses différentes composantes entre elles à l’occasion de leur création ou acquisition. Cette coordination peut notamment jouer entre les vêtements, les chaussures et la chapellerie, relevant de la classe 25, et les différents accessoires vestimentaires qui les complètent, comme les sacs à main, relevant de la classe 18. Cette éventuelle coordination dépend du consommateur concerné, du type d’activité pour laquelle cette image extérieure est constituée (travail, sport ou loisir notamment) ou des efforts de marketing des acteurs économiques du secteur. En outre, la circonstance que ces produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise.

51      Il en résulte que certains consommateurs perçoivent l’existence d’un lien étroit entre les vêtements, les chaussures et la chapellerie, relevant de la classe 25, et les accessoires vestimentaires que sont certains « produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d’autres classes », relevant de la classe 18, et qu’ils peuvent donc être amenés à penser que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise. Dès lors, les produits désignés par la marque dont l’enregistrement est demandé relevant de la classe 25 présentent un degré de similitude qui ne peut être qualifié de faible avec les accessoires vestimentaires inclus dans les « produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d’autres classes », relevant de la classe 18.

52      C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas en l’espèce de risque de confusion sans avoir procédé à l’analyse préalable de la similitude éventuelle des signes.

53      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, en conséquence, d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      La décision de la chambre de recours étant annulée et l’OHMI devant à ce titre être considéré comme ayant succombé, nonobstant le sens de ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenant, ayant succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 21 septembre 2005 (affaire R 1191/2004‑1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par El Corte Inglés, SA.

3)      Juan Bolaños Sabri supportera ses propres dépens.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Vadapalas

Moavero Milanesi

 

       Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’espagnol.