Language of document : ECLI:EU:T:2011:377

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

14 juillet 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Principe de bonne administration – Amendes – Communication sur la coopération »

Dans l’affaire T‑189/06,

Arkema France SA, établie à Colombes (France), représentée initialement par Mes A. Winckler, S. Sorinas Jimeno et P. Geffriaud, puis par Mes Sorinas Jimeno et E. Jégou, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Arbault et Mme O. Beynet, puis par MM. V. Bottka, P. J. Van Nuffel et B. Gencarelli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), en ce qu’elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, M. Prek, A. Dittrich, L. Truchot et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Arkema France SA (anciennement Atofina SA), est une société de droit français qui commercialisait à l’époque des faits, notamment, du peroxyde d’hydrogène (ci‑après le « PH ») et du perborate de sodium (ci-après le « PBS »).

2        Entre la date de début de l’infraction et le mois d’avril 2000, son principal actionnaire, à 97,5 %, était Elf Aquitaine SA. À partir du mois d’avril 2000, la requérante a été détenue à 96,48 % par Elf Aquitaine, elle-même détenue à 99,43 % par Total SA.

3        En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération »).

4        Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission, qui l’ont mise en mesure d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de trois entreprises, dont ceux de la requérante.

5        À la suite de ces vérifications, plusieurs entreprises, dont notamment EKA Chemicals AB, la requérante et Solvay SA, ont sollicité l’application de la communication sur la coopération et transmis à la Commission des éléments de preuve concernant l’entente en cause.

6        Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées.

7        À la suite de l’audition des entreprises concernées, qui s’est déroulée les 28 et 29 juin 2005, la Commission a adopté la décision C (2006) 1766 final, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals, Degussa, Edison SpA, FMC Corp., FMC Foret SA, Kemira Oyj, L’Air liquide SA, Chemoxal SA, SNIA SpA, Caffaro Srl, Solvay SA, Solvay Solexis SpA, Total, Elf Aquitaine et la requérante (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54). Elle a été notifiée à la requérante par lettre du 8 mai 2006.

 Décision attaquée

8        La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les destinataires de celle‑ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision attaquée).

9        L’infraction constatée a consisté principalement en l’échange, entre concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.

10      La requérante, Total et Elf Aquitaine ont été tenues « conjointement et solidairement » responsables de l’infraction (considérant 441 de la décision attaquée).

11      Aux fins du calcul des montants des amendes, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »).

12      La Commission a déterminé les montants de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (considérant 452 de la décision attaquée), celle-ci ayant été qualifiée de très grave (considérant 457 de la décision attaquée).

13      En application d’un traitement différencié, la requérante, Total et Elf Aquitaine ont été classées dans la troisième catégorie, correspondant à un montant de départ de 20 millions d’euros (considérants 460 à 462 de la décision attaquée).

14      Afin de s’assurer d’un effet dissuasif suffisant, un coefficient multiplicateur de 3 a été appliqué à ce montant de départ, compte tenu du chiffre d’affaires important des sociétés faîtières du groupe, à savoir Elf Aquitaine et Total (considérant 463 de la décision attaquée).

15      La requérante ayant pris part à l’infraction, selon la Commission, du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000, à savoir pendant une période de cinq ans et sept mois, le montant de son amende a été majoré de 55 % au titre de la durée (considérant 467 de la décision attaquée). Cette majoration n’a pas été opérée sur le montant de l’amende imputable à Total, dont la responsabilité de l’infraction en cause a été retenue pour la période du 30 avril au 31 décembre 2000 (considérant 468 de la décision attaquée).

16      La Commission a retenu une circonstance aggravante à l’égard de la requérante, compte tenu de la situation de récidive par rapport aux infractions constatées dans sa décision 85/74/CEE, du 23 novembre 1984, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (affaire IV/30.907 – Peroxygènes) (JO 1985, L 35, p. 1) et sa décision 94/599/CE, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (affaire IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14). En conséquence, elle a appliqué, au montant de base de l’amende imputable à la requérante, une majoration égale à 50 % du montant de base qui lui aurait été appliqué si les sociétés faîtières du groupe n’avaient pas été destinataires de la décision attaquée (considérants 469 à 471 et note en bas de page no 409 de la décision attaquée).

17      La Commission a considéré que la requérante était la deuxième entreprise à avoir rempli la condition visée au point 21 de la communication sur la coopération et lui a accordé, à ce titre, une réduction du montant de l’amende de 30 %, cette réduction ayant été appliquée sur le montant total de l’amende infligée à la requérante, à Total et à Elf Aquitaine (considérants 509 à 514 et 529 de la décision attaquée).

18      L’article 1er, sous o) à q), de la décision attaquée dispose que les trois sociétés ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant à l’infraction concernée, Total, du 30 avril au 31 décembre 2000, et la requérante et Elf Aquitaine, du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000.

19      L’article 2, sous i), de la décision attaquée impose à la requérante une amende de 78,663 millions d’euros, dont Total et Elf Aquitaine sont tenues « conjointement et solidairement » responsables, respectivement, à hauteur de 42 millions d’euros et de 65,1 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2006, la requérante a introduit le présent recours.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre et, les parties entendues, la présente affaire a été renvoyée devant la sixième chambre élargie.

22      Deux membres de la chambre élargie étant empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, deux autres juges pour compléter la chambre.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 septembre 2010.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, six moyens tirés, le premier, d’une violation des règles relatives à l’imputabilité de l’infraction commise par une filiale à sa société mère et du principe d’égalité de traitement, le deuxième, d’erreurs de fait relatives à l’imputation de l’infraction à Total et à Elf Aquitaine, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration, le quatrième, d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration du montant de l’amende au titre de l’effet dissuasif, le cinquième, d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive et, le sixième, d’erreurs de droit et de fait relatives à la réduction du montant de l’amende en application de la communication sur la coopération.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles relatives à l’imputabilité de l’infraction commise par une filiale à sa société mère et du principe d’égalité de traitement

 Observations liminaires

27      Il convient de rappeler que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 54, et la jurisprudence citée).

28      La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

29      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

30      L’infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

31      Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

32      En effet, il en est ainsi, parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens susmentionné. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 59).

33      La Cour a également jugé que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

34      La Cour a donc précisé que, dans ces conditions, il suffisait que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale était détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable du paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

35      En l’espèce, aux considérants 370 à 379 de la décision attaquée, la Commission a résumé, en référence à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les principes qu’elle entendait appliquer pour identifier les destinataires de la décision attaquée.

36      Elle a rappelé notamment qu’une société mère pouvait être tenue pour responsable du comportement illégal d’une filiale, dans la mesure où cette dernière ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais appliquait pour l’essentiel les instructions qui lui étaient imparties par la société mère. Elle a précisé pouvoir, en substance, présumer qu’une filiale à 100 % appliquait pour l’essentiel les instructions données par sa société mère, cette dernière pouvant renverser la présomption par la preuve contraire (considérant 374 de la décision attaquée).

37      Concernant la responsabilité d’Elf Aquitaine, la Commission a relevé que celle-ci avait détenu 98 % du capital de la requérante et avait toujours nommé les membres du conseil d’administration de cette dernière. Ainsi, la Commission a présumé qu’Elf Aquitaine avait exercé une influence déterminante sur le comportement de la requérante (considérant 427 de la décision attaquée).

38      Concernant Total, la Commission a indiqué que celle-ci avait pris le contrôle de 99,43 % du capital d’Elf Aquitaine en avril 2000, qu’elle contrôlait directement ou indirectement le capital de la société du groupe ayant joué un rôle direct dans les comportements infractionnels et que, compte tenu de ces circonstances, elle avait présumé l’exercice d’une influence déterminante de Total sur le comportement de ses filiales Elf Aquitaine et la requérante (considérants 428 et 429 de la décision attaquée).

39      Aux considérants 430 à 432 de la décision attaquée, la Commission a exposé les arguments invoqués par la requérante, ainsi que ceux avancés par Total et Elf Aquitaine, à l’encontre de l’imputation de l’infraction à ces dernières, et les a examinés aux considérants 433 à 440 de celle-ci.

40      Au considérant 441 de la décision attaquée, elle a confirmé sa conclusion, selon laquelle la requérante, Total et Elf Aquitaine constituaient une entreprise unique, et a retenu leur responsabilité de l’infraction en cause, étant précisé que Total répondait de l’infraction uniquement à partir de la date de sa prise de contrôle du capital d’Elf Aquitaine, à savoir pour la période du 30 avril au 31 décembre 2000.

41      En contestant cette appréciation, la requérante invoque, en substance, deux griefs, tirés, d’une part, d’une violation des règles relatives à l’imputabilité et, d’autre part, d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur la prétendue violation des règles relatives à l’imputabilité de l’infraction commise par une filiale à sa société mère

42      La requérante a précisé, lors de l’audience, qu’elle ne contestait pas le constat de l’infraction en cause, mais uniquement l’imputation de celle‑ci à Total et à Elf Aquitaine, dans la mesure où cette imputation avait eu des conséquences sur le montant de son amende.

43      Elle soutient, en substance, que la détention de la totalité, et, a fortiori, de la quasi-totalité, du capital de la filiale ne permet pas, à elle seule, de conclure automatiquement que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale et de lui imputer la responsabilité de l’infraction commise par cette dernière. La Commission aurait commis une erreur de droit, en ayant imputé la responsabilité de l’infraction aux sociétés mères de la requérante sur la base de la seule présomption liée à leur détention de la quasi-totalité de son capital.

44      Il convient de constater, à cet égard, que la méthode suivie par la Commission pour imputer l’infraction litigieuse à Total et à Elf Aquitaine, en ce qu’elle est fondée sur la présomption en cause, est conforme à la jurisprudence citée aux points 27 à 34 ci-dessus.

45      D’une part, contrairement à ce que la requérante semble suggérer, cette imputation n’a pas été fondée sur la seule structure de détention du capital, mais également sur le constat que la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’avait pas été renversée (voir notamment les considérants 437 et 441 de la décision attaquée).

46      D’autre part, il ressort de cette jurisprudence (voir notamment points 33 et 34 ci-dessus) que la structure de détention du capital d’une filiale constitue un critère suffisant pour poser ladite présomption, sans que la Commission soit tenue d’avancer des indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère, comme la requérante l’exige.

47      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que de tels indices supplémentaires aient pu être relevés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 13 et 54). Il ressort en effet sans aucune ambiguïté tant de l’arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, précité (points 61 et 62), que de l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra (points 61 et 62), que la mise en œuvre de la présomption en cause n’est pas subordonnée à l’existence de tels indices. De même, il n’est pas exigé que la Commission établisse à cette fin que la société mère avait connaissance, au moment des faits, du comportement infractionnel de sa filiale.

48      Il y a lieu de relever encore que la jurisprudence susvisée concerne spécifiquement le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, point 60). Or, en l’espèce, Total et Elf Aquitaine ne détenaient pas la totalité du capital de la requérante (voir point 2 ci-dessus).

49      Toutefois, il convient de souligner que la requérante ne fait valoir aucun argument tiré du fait que les participations de Total et d’Elf Aquitaine n’atteignaient pas les 100 %. Au contraire, elle a précisé, lors de l’audience, qu’elle n’arguait pas que ledit fait « change[ait] fondamentalement les choses par rapport au contrôle juridique » de la filiale, confirmant ainsi qu’elle ne s’opposait pas à l’application du même régime probatoire dans les situations du contrôle entier et quasi entier du capital.

50      Dès lors, le présent grief doit être rejeté.

 Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

51      La requérante soutient que, en se fondant sur la seule présomption en cause à l’égard de ses sociétés mères, la Commission a opéré une « discrimination injustifiée » dans l’administration de la preuve. En effet, la requérante aurait été la seule filiale, pour laquelle la Commission se serait contentée d’invoquer la présomption, alors que, à l’égard des autres entreprises concernées, elle aurait apporté des éléments supplémentaires relatifs à l’exercice d’une influence déterminante par les sociétés mères.

52      Il y a lieu d’observer, à cet égard, qu’il ressort des considérants 370 à 379 de la décision attaquée, que la Commission a retenu, au regard de tous les destinataires, la même règle selon laquelle le contrôle de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale suffit pour poser une présomption réfragable permettant d’imputer la responsabilité à la société mère. La présomption en cause a en effet été appliquée tant au groupe de Total qu’aux autres groupes de sociétés visés par la décision attaquée.

53      Le fait que, au regard de certains destinataires de la décision attaquée, à savoir Akzo Nobel, FMC, L’Air liquide, SNIA et Edison, la Commission a invoqué, en plus de la présomption, certains indices supplémentaires de l’influence déterminante exercée par des sociétés mères ne saurait signifier que les principes appliqués n’ont pas été les mêmes pour tous les destinataires.

54      En effet, s’agissant d’Akzo Nobel, il ressort du considérant 384 de la décision attaquée que, « puisque [celle-ci] contrôle EKA [Chemicals] à 100 %, la Commission estime qu’[elle] a exercé une influence déterminante sur EKA [Chemicals], aucun élément de nature à renverser cette présomption n’ayant été produit ». Cette considération n’est pas contredite par le fait que, au considérant 385 de cette même décision, la Commission s’est référée à certains indices supplémentaires tendant à la confirmer.

55      S’agissant de FMC, la Commission a indiqué qu’elle tirait la conclusion quant à la responsabilité de celle-ci « du fait que FMC Foret [était] une filiale contrôlée (indirectement) à 100 % par FMC » (considérant 390 de la décision attaquée). Cette considération est sans préjudice du fait que, au considérant 391 de la décision attaquée, la Commission a invoqué un indice supplémentaire de l’influence déterminante exercée par FMC sur sa filiale.

56      S’agissant de L’Air liquide, la Commission a relevé, au considérant 403 de la décision attaquée, que, « étant donné que [celle-ci] détenait 100 % du capital de Chemoxal à l’époque de l’infraction et avait le pouvoir de désigner les membres du conseil d’administration de Chemoxal, [elle] a[vait] présumé que [celle-ci] exerçait une influence déterminante sur le comportement de sa filiale ». La Commission a précisé cette observation en indiquant, au considérant 405 de la décision attaquée, que « la participation de 100 % au capital donn[ait] lieu à une présomption qui [pouvait] être réfutée en montrant que […] la filiale bénéfici[ait] d’une […] autonomie ».

57      S’agissant de SNIA, il résulte du considérant 411 de la décision attaquée que sa responsabilité a été retenue, compte tenu de sa fusion avec la société qui était la société mère à 100 % de l’entité directement impliquée dans l’infraction, la situation invoquée n’étant donc pas comparable à celle de la requérante.

58      Enfin, s’agissant d’Edison, la Commission a indiqué, au considérant 418 de la décision attaquée, que, « en l’absence d’argument réfutant la présomption, la détention de 100 % du capital a été considérée [par la jurisprudence] comme un élément suffisant ». En outre, aux considérants 419 à 421 de la décision attaquée, la Commission a invoqué certains éléments supplémentaires, en indiquant que ceux-ci contredisaient l’argument d’Edison tiré de l’autonomie de sa filiale.

59      Il ressort, ainsi, des considérants précités de la décision attaquée que la Commission a considéré, au regard de tous les destinataires de la décision attaquée, que le contrôle de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale suffisait, en l’absence d’argument réfutant la présomption en résultant, à imputer la responsabilité à une société mère, des indices supplémentaires d’une influence exercée par certaines sociétés mères concernées sur leurs filiales ayant été exposés, lorsqu’ils étaient disponibles, soit pour renforcer la conclusion résultant déjà valablement du contrôle entier du capital de la filiale, soit pour répondre aux arguments développés par les entreprises concernées.

60      Par ailleurs, en ce qui concerne le groupe auquel appartient la requérante, la Commission a également relevé, en plus du lien capitalistique, le fait que les membres du conseil d’administration de la requérante avaient été nommés par Elf Aquitaine (considérant 427 de la décision attaquée), sans pour autant subordonner l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale détenue à 100 %, ou presque, à sa société mère à l’existence d’éléments additionnels.

61      Dès lors, il convient de rejeter le présent grief comme étant non fondé et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait relatives à l’imputation de l’infraction à Total et à Elf Aquitaine

62      La requérante soutient que, même à supposer que la méthode consistant à recourir à la présomption en cause soit valable, la Commission n’était pas fondée, en fait, à imputer l’infraction à Total et à Elf Aquitaine.

63      En premier lieu, elle soutient avoir remis en cause cette imputation, en ayant démontré l’absence de toute implication des dirigeants d’Elf Aquitaine et de Total dans les pratiques infractionnelles en cause.

64      À cet égard, il convient de relever que la Commission a imputé l’infraction litigieuse à Total et à Elf Aquitaine au motif que, au moment des faits, elles formaient une seule entreprise avec la requérante. Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’est fondée sur la présomption résultant de leur contrôle de la quasi-totalité du capital de la requérante et a constaté que celle-ci n’avait pas été renversée lors de la procédure administrative.

65      Or, cette considération n’étant pas fondée sur la participation des sociétés mères de la requérante aux comportements infractionnels, l’argumentation de la requérante tirée de l’absence d’implication directe des dirigeants de ces sociétés et de leur ignorance des faits incriminés ne saurait la remettre en cause.

66      En deuxième lieu, la requérante soutient avoir renversé la présomption en cause, en ayant démontré, lors de la procédure administrative, son autonomie dans la détermination de sa politique commerciale.

67      Selon la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, pour renverser la présomption en cause, il incombe à la société mère d’apporter des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte sur le marché de façon autonome.

68      À cet égard, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, points 61 et 74).

69      Il n’y a pas lieu, notamment, de restreindre cette appréciation aux seuls éléments se rapportant à la politique commerciale stricto sensu de la filiale, telle que la stratégie de distribution ou des prix. En particulier, la présomption en cause ne saurait être renversée par la seule démonstration que c’est la filiale qui gère ces aspects spécifiques de sa politique commerciale sans recevoir de directives à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 27 supra, points 65 et 75).

70      En l’espèce, il ressort du dossier que, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a fait valoir, en substance, que sa politique commerciale n’avait jamais été définie par ses sociétés mères, compte tenu notamment de la structure du groupe, ainsi que de la faible proportion des activités concernées par l’infraction par rapport à son chiffre d’affaires global.

71      Il convient de relever d’emblée que cette argumentation ne repose que sur de simples affirmations, la requérante n’ayant apporté aucun élément de preuve concret au soutien de sa thèse tirée de son autonomie sur le marché. En particulier, la partie concernée de la réponse à la communication des griefs ne renvoie à aucun document à l’appui des affirmations qu’elle contient.

72      L’argumentation avancée par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs n’était donc manifestement pas susceptible de constituer un faisceau d’indices suffisant à renverser la présomption en cause.

73      De surcroît, il y a lieu de relever que l’argumentation en cause, outre le fait qu’elle n’était pas étayée par des éléments de preuve pertinents, n’était pas de nature à démontrer l’autonomie de la requérante.

74      Premièrement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle Total et Elf Aquitaine n’étaient que des holdings non opérationnels, il y a lieu d’observer que cette seule circonstance ne saurait suffire pour exclure que ces dernières aient exercé une influence déterminante sur la requérante, en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe. En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, un holding est une société ayant vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et dont la fonction est d’en assurer l’unité de direction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 63).

75      Or, la requérante admet elle-même qu’Elf Aquitaine intervenait dans les décisions les plus importantes qui pouvaient avoir un impact à l’échelle du groupe tout entier et qu’elle déterminait une politique très générale relative à la compatibilité des activités des différentes branches entre elles, aux changements d’activités et à l’implantation géographique des activités dans le monde. Ces affirmations tendent à confirmer que la fonction d’Elf Aquitaine était d’assurer une unité de direction et une coordination, de nature à influer sur le comportement de la requérante sur le marché.

76      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante fait valoir que Total et Elf Aquitaine ne sont pas intervenues dans la détermination de la politique commerciale relative au PH et au PBS, il convient de constater que, dans un groupe de sociétés, la division des tâches constitue un phénomène normal qui ne suffit pas à renverser la présomption selon laquelle la requérante, Total et Elf Aquitaine constituaient une seule entreprise, au sens de l’article 81 CE.

77      Aucune conclusion ne saurait davantage être tirée du fait que les sociétés mères n’aient jamais eu de clients communs avec la requérante, qu’elles aient été absentes des marchés investis par celle-ci et des marchés connexes et que l’activité relative aux produits concernés ne constituait qu’une très faible part du chiffre d’affaires global du groupe.

78      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’absence de système d’information et de rapport entre elle-même et ses sociétés mères, à l’exception d’une information résultant des obligations légales en matière comptable et de régulation financière, il y a lieu d’observer que, étant donné que l’autonomie de la filiale ne s’apprécie pas au regard des seuls aspects de la gestion opérationnelle de l’entreprise, le fait que la filiale n’ait jamais mis en œuvre, au profit de sa société mère, une politique d’information spécifique sur le marché concerné ne saurait suffire à démontrer son autonomie.

79      Quatrièmement, s’agissant de l’argument soulevé par la requérante pour la première fois devant le Tribunal, tiré du fait qu’elle s’est séparée d’un point de vue capitalistique du groupe Total le 18 mai 2006, il convient de relever que cette séparation, postérieure à l’infraction et à l’adoption de la décision attaquée, ne saurait servir d’indice pertinent afin d’apprécier les liens entre les sociétés concernées au cours de la période infractionnelle.

80      Cinquièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position adoptée par la Commission dans la décision attaquée s’écarte de celle prise dans sa décision C (2003) 4570, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques), il y a lieu de relever qu’il ressort des considérants 373 à 391 de ladite décision que la Commission n’a pas du tout analysé la problématique de la responsabilité de la société mère de la requérante et, en particulier, qu’elle ne s’est pas prononcée sur la question de son autonomie par rapport à la société mère.

81      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission n’est pas tenue de vérifier systématiquement si le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 330 et 331). Par conséquent, le seul fait que la Commission n’ait pas envisagé la possibilité d’adresser la décision C (2003) 4570 à la société mère de la requérante ne s’opposait pas à ce qu’elle le fasse en l’espèce, en conformité avec les principes dégagés par la jurisprudence en matière d’imputabilité.

82      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission a conclu, à bon droit, que les éléments produits par la requérante, même pris dans leur ensemble, n’étaient pas suffisants à renverser la présomption en cause.

83      S’agissant du document produit par la requérante en annexe à la requête, intitulé « Pouvoirs internes et engagements de dépense », visant à étayer son argument selon lequel Total se limitait à approuver les investissements les plus importants réalisés par ses filiales, il y a lieu de relever que ce document n’a pas été invoqué par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs et, dès lors, ne saurait être invoqué afin de contester l’appréciation opérée par la Commission dans la décision attaquée.

84      En tout état de cause, il y a lieu de relever que le document en cause ne constitue pas un élément de preuve de nature à établir l’autonomie de la requérante, en ce que, d’une part, ainsi qu’il ressort de sa réponse à la demande de renseignements adressée par la Commission lors de la procédure administrative, il contient les règles déterminant le droit d’engager le groupe, applicables « depuis 2001 », ne se rattachant donc pas à la période infractionnelle en cause et que, d’autre part, la considération selon laquelle l’intervention de la société faîtière du groupe dans la politique commerciale de sa filiale est limitée à des investissements d’un certain seuil ne suffit pas à établir l’autonomie de cette dernière.

85      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de considérer que la Commission a conclu, à bon droit, que les éléments produits par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption en cause.

86      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration

87      La requérante argue que, ayant omis de répondre aux arguments présentés pour démontrer son autonomie, la Commission aurait violé l’obligation de motivation ainsi que le principe de bonne administration.

88      En premier lieu, s’agissant de l’obligation de motivation, elle soutient que la Commission n’a pas pris position sur les arguments résumés au considérant 431 de la décision attaquée, tirés du fait que la nomination des membres de son conseil d’administration par Elf Aquitaine ne prouvait pas en soi l’exercice d’un contrôle effectif et que la requérante bénéficiait d’une totale autonomie dans la détermination de sa politique commerciale. En outre, elle aurait omis d’exposer certains arguments présentés par la requérante, s’agissant du fait que les dirigeants des sociétés Total et Elf Aquitaine n’avaient jamais été impliqués dans les pratiques visées dans la décision attaquée et que le contrôle exercé par les sociétés mères se limitait à autoriser les investissements les plus importants.

89      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

90      Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application de l’article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue solidairement pour responsable de l’infraction, une telle décision doit contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, points 78 à 80).

91      Il en résulte que, lorsque, comme en l’espèce, la Commission se fonde sur la présomption selon laquelle une société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et que les sociétés concernées ont avancé, lors de la procédure administrative, des éléments visant à renverser cette présomption, la décision doit contenir un exposé suffisant des motifs de nature à justifier la position de la Commission selon laquelle ces éléments n’étaient pas suffisants pour renverser ladite présomption.

92      Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il ressort des considérants 430 à 441 de la décision attaquée que la Commission a pris une position motivée sur les éléments invoqués par la requérante et ses sociétés mères lors de la procédure administrative.

93      En effet, après avoir décrit, aux considérants 430 à 432 de la décision attaquée, l’argumentation avancée par les entreprises concernées dans leurs réponses respectives à la communication des griefs, la Commission a répondu aux arguments soulevés, tirés principalement de l’illégalité de l’imputation du comportement sur la base de la présomption, au regard notamment des principes d’autonomie d’une entité juridique, de la personnalité des peines, de la responsabilité personnelle, de la présomption d’innocence et d’égalité des armes.

94      En outre, aux considérants 433 à 441 de la décision attaquée, elle a constaté que la présomption liée à la détention par Elf Aquitaine et par Total de la quasi‑totalité du capital de la requérante n’avait pas été renversée et que la conclusion quant à la responsabilité de ces premières pour l’infraction en cause devait être maintenue sur la base de cette présomption.

95      Il y a lieu de considérer que, par ces motifs, la Commission a répondu également aux points essentiels des arguments de la requérante.

96      En outre, la Commission n’étant pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 64 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 89 supra, point 64), il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir apporté une réponse précise sur chaque argument invoqué par la requérante. En effet, une réponse globale, telle que celle qui a été donnée dans la présente affaire, peut, selon les circonstances de l’espèce, suffire pour que l’entreprise puisse défendre utilement ses droits et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

97      Le caractère succinct de la motivation de la décision attaquée sur ce point est d’ailleurs justifié par le fait que l’argumentation invoquée par la requérante consistait en de simples affirmations et n’était pas étayée par des éléments de preuve concrets relatifs à sa prétendue autonomie sur le marché.

98      À cet égard, s’agissant plus particulièrement de l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission a omis d’exposer aux considérants 430 à 432 de la décision attaquée son allégation selon laquelle le contrôle exercé par les sociétés mères se limitait à autoriser les investissements les plus importants, il convient d’observer que cette allégation est comprise dans celle selon laquelle « [la requérante] joui[ssai]t d’une totale autonomie dans sa politique commerciale et son comportement sur le marché », qui est reproduite au considérant 431, quatrième tiret, de la décision attaquée, laquelle est rejetée comme étant insuffisante dans le cadre de la réponse globale apportée aux éléments contraires en cause au considérant 437 de cette décision, indiquant que « la présomption [en cause] n’a pas été réfutée ».

99      En outre, il y a lieu de rappeler que le caractère succinct de cette réponse est justifié par le fait que les allégations en cause n’étaient étayées par aucun élément de preuve concret.

100    S’agissant de l’argument selon lequel les dirigeants de Total et d’Elf Aquitaine n’avaient jamais été impliqués dans les pratiques incriminées, il ressort des points 64 et 65 ci-dessus que la Commission ne s’est pas fondée sur cet élément pour imputer l’infraction litigieuse aux sociétés mères de la requérante, l’absence de prise de position explicite sur l’argument en cause ne pouvant donc entraîner une violation de l’obligation de motivation.

101    Quant au fait que la Commission n’a pas répondu explicitement à l’argument, reproduit au considérant 431 de la décision attaquée, selon lequel la nomination des membres du conseil d’administration de la requérante par Elf Aquitaine ne prouvait pas l’exercice d’un contrôle effectif, il y a lieu de relever qu’il ressort des considérants 427 à 429 de la décision attaquée que cet élément a été mentionné en plus de la présomption en cause et qu’il n’a pas conditionné l’imputation de l’infraction litigieuse aux sociétés mères de la requérante. Par conséquent, l’absence de réponse explicite à l’argument en cause n’a pas empêché la requérante de connaître les justifications de cette imputation, ni de la contester devant le Tribunal.

102    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’obligation de motivation en cause était renforcée en l’espèce, la décision attaquée étant fondée sur une approche novatrice, il convient de relever que la présomption d’exercice d’une influence déterminante par une société mère sur sa filiale, fondée sur le seul lien capitalistique, a déjà été appliquée par la Commission, notamment dans sa décision C (2004) 4876, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Akzo Nobel, Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, EKA Chemicals, Akzo Nobel AB, Atofina, Elf Aquitaine, Hoechst AG, Clariant GmbH, Clariant AG (affaire E-1/37.773 – AMCA), dans laquelle elle avait imputé l’infraction commise par la requérante à Elf Aquitaine. La requérante ne saurait donc soutenir que la Commission a appliqué en l’espèce une position radicalement nouvelle à l’égard de ses sociétés mères.

103    En tout état de cause, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est pas limitée à fournir une motivation sommaire, mais elle a exposé, d’une manière explicite, en faisant référence à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, tant les principes qu’elle entendait appliquer pour identifier ses destinataires (considérants 370 à 379 de la décision attaquée) que l’application de ces principes à l’égard du groupe Total (considérants 427 à 441 de la décision attaquée).

104    Par conséquent, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation n’est pas fondé.

105    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a violé le principe de bonne administration, en s’étant fondée sur une simple présomption d’influence déterminante et ayant omis d’examiner avec soin les éléments apportés pour renverser cette présomption, en particulier ceux relatifs à l’absence de pertinence de la nomination des membres du conseil de la requérante par Elf Aquitaine et à l’autonomie de la requérante dans la détermination de sa politique commerciale.

106    Or, ainsi qu’il résulte des points 98 à 101 ci-dessus, la réponse succincte apportée dans la décision attaquée à ces éléments est justifiée, s’agissant de l’allégation tirée de l’autonomie de la requérante, par le fait que cette allégation n’était étayée par aucun élément de preuve concret et, s’agissant de l’argument contestant la pertinence de la nomination des membres du conseil d’administration, par le caractère surabondant de cet élément qui n’a pas conditionné l’imputation en cause. Dès lors, le caractère succinct de cette réponse ne permet pas non plus de constater une violation de l’obligation d’examiner avec soin et impartialité les éléments pertinents résultant de la procédure administrative.

107    En outre, la lecture des considérants 434 à 441 de la décision attaquée permet de constater que la Commission a examiné les arguments de la requérante et de ses sociétés mères, résumés au considérant 431 de la décision attaquée, visant à contester l’imputation de l’infraction en cause. L’analyse de la réponse à la communication des griefs ne permet pas d’identifier d’autres éléments pertinents qui auraient été ignorés par la Commission.

108    Il en résulte que le grief tiré de la violation du principe de bonne administration n’est pas fondé.

109    Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration du montant de l’amende au titre de l’effet dissuasif

110    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en appliquant la majoration en cause, sur le fondement de la considération liée au chiffre d’affaires réalisé par Elf Aquitaine et Total, dans la mesure où l’infraction ne pourrait leur être imputée.

111    Il y a lieu d’observer que ce grief repose entièrement sur la prémisse selon laquelle l’infraction litigieuse ne pouvait être imputée aux sociétés mères de la requérante, qui a été rejetée dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens. Il y a donc lieu de l’écarter d’emblée.

112    En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en ayant, dans le cadre de la majoration en cause, pris en compte la taille et le chiffre d’affaires du groupe, sans prouver que les dirigeants des sociétés mères avaient pris part à l’infraction ou que les ressources du groupe avaient été utilisées par la filiale.

113    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller à son caractère dissuasif et, à cet égard, elle peut notamment prendre en considération la taille et la puissance économique de l’entreprise en cause (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 106 et 120, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 243).

114    Il y a lieu de rappeler que la nécessité d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende exige que le montant de l’amende soit modulé, afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379).

115    C’est notamment la possibilité pour l’entreprise concernée de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende qui peut justifier, en vue d’un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l’application d’un multiplicateur (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 18, et arrêts Degussa/Commission, point 114 supra, point 284, et Hoechst/Commission, point 114 supra, point 379).

116    Ainsi, en l’espèce, la Commission a pu légalement augmenter le montant de départ de l’amende en cause, compte tenu de la taille globale de l’entreprise qui était constituée par la requérante, Total et Elf Aquitaine.

117    En outre, s’agissant de la considération justifiée, notamment, par la possibilité pour l’entreprise concernée de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires au paiement de l’amende, la Commission n’était pas tenue, contrairement à ce que prétend la requérante, d’établir un lien entre l’utilisation des ressources de l’entreprise concernée et l’infraction en cause, mais pouvait légalement tenir compte de la taille globale de l’entreprise.

118    Dès lors que la majoration en cause se fonde légalement sur la taille de l’entreprise concernée, les ressources utilisées dans le cadre de l’infraction ne constituant pas un critère pertinent, son application ne saurait être constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement du seul fait qu’elle ne distingue pas entre les entreprises contrevenantes selon ledit critère.

119    Concernant l’allégation de la requérante tirée du prétendu caractère disproportionné de la majoration en cause, il y a, tout d’abord, lieu de relever que l’infraction sanctionnée correspond à des comportements dont l’illégalité a été affirmée par la Commission à maintes reprises depuis ses premières interventions en la matière, justifiant pleinement la détermination du montant de l’amende à un niveau suffisamment dissuasif (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, points 46 et 47).

120    Il y a, ensuite, lieu de relever que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence. À cet égard, compte tenu de la taille de l’entreprise concernée, attestée par le chiffre d’affaires mondial particulièrement important de Total et d’Elf Aquitaine au cours de l’exercice financier le plus récent précédant l’adoption de la décision attaquée (considérant 463 de la décision attaquée), l’augmentation en cause, par application d’un coefficient multiplicateur de 3, ne saurait être considérée comme disproportionnée au regard de l’objectif de dissuasion.

121    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration de l’amende au titre de la récidive

122    Ce moyen se subdivise en deux branches

 Sur la première branche, tirée d’une violation des principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique

123    Dans la requête, la requérante fait valoir que, en se fondant sur des condamnations antérieures, portant sur des faits remontant à plus de 20 ans avant l’adoption de la décision attaquée, la Commission a violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique.

124    Lors de l’audience, elle a précisé que, ayant pris connaissance des arrêts de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission (C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, non encore publié au Recueil), elle se désistait de la présente branche du sixième moyen, tout en maintenant l’argumentation développée dans le cadre de la seconde branche dudit moyen, tirée d’une violation du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

125    Il n’y a donc plus lieu d’examiner la première branche du moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité

126    En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe non bis in idem, dans la mesure où les mêmes condamnations antérieures que celles invoquées dans la décision attaquée avaient déjà été prises en compte à son égard au titre de la récidive dans deux décisions antérieures, les décisions C (2003) 4570 et C (2004) 4876.

127    Il y a lieu de rappeler que l’application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 338).

128    Or, d’une part, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la prise en considération par la Commission, dans la décision attaquée, d’infractions antérieures ne vise pas à sanctionner une nouvelle fois lesdites infractions, mais uniquement à sanctionner la requérante pour sa participation à l’entente visée dans la décision attaquée en tenant compte de son comportement de récidiviste, le fait que la Commission ait déjà pris en considération ces mêmes infractions dans les deux décisions antérieures invoquées n’entraîne pas une violation du principe non bis in idem.

129    D’autre part, et en toute hypothèse, il y a lieu de relever que les conditions cumulatives d’applicabilité du principe non bis in idem exposées au point 127 ci‑dessus ne sont pas réunies dès lors que la condition d’identité des faits fait défaut. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a sanctionné la requérante en raison de sa participation à l’entente, pour laquelle elle n’avait préalablement ni engagé de poursuites ni adopté de sanctions, ce que ne soutient d’ailleurs pas la requérante.

130    La Commission n’a donc pas violé le principe non bis in idem en prenant en considération ses décisions 85/74 et 94/599 pour constater le comportement de récidiviste de la requérante dans la décision attaquée, alors même qu’elle avait déjà pris en considération la même circonstance aggravante dans les décisions C (2003) 4570 et C (2004) 4876.

131    Partant, il y a lieu de rejeter comme non fondé ce grief de la requérante.

132    En second lieu, dans la mesure où la requérante soutient que la Commission a enfreint le principe de proportionnalité en appliquant, dans la décision attaquée, une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive, premièrement, il convient de rejeter, à cet égard, comme étant non fondé, son argument selon lequel, en tenant compte de la même circonstance aggravante dans les décisions C (2003) 4570 et C (2004) 4876, l’objectif de dissuasion a déjà été satisfait.

133    En effet, le fait que la Commission ait déjà tenu compte des décisions 85/74 et 94/599 pour constater la récidive dans le cadre d’autres infractions ne l’empêchait pas, dans la décision attaquée, de prendre en considération ces deux décisions, dans le cadre de l’examen de la gravité de l’infraction en cause, aux fins de dissuader la requérante de répéter son comportement infractionnel à l’avenir.

134    Chacune desdites infractions constituait, l’une indépendamment de l’autre, une répétition du comportement infractionnel aux règles de la concurrence, tel qu’il avait été constaté dans le cadre des décisions 85/74 et 94/599, témoignant d’une propension de la requérante à ne pas tirer les conséquences appropriées de ces condamnations (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 124 supra, point 40).

135    Deuxièmement, il convient de rejeter comme étant inopérant l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité en lui imposant une nouvelle majoration au titre de la récidive, alors même que cette même circonstance avait été prise en compte dans les décisions C (2003) 4570 et C (2004) 4876 et que, par conséquent, cela ne lui aurait laissé aucune possibilité d’adapter son comportement. En effet, dès lors que la Commission ne s’est pas fondée sur lesdites décisions pour établir le comportement de récidiviste de la requérante, il est sans incidence en l’espèce qu’elles ont été adoptées après la fin de l’infraction sanctionnée dans la décision attaquée.

136    Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité et, partant, la seconde branche, ainsi que le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la réduction du montant de l’amende en application de la communication sur la coopération

137    La communication sur la coopération prévoit, en ses points 21 à 23 :

« 21. Afin de pouvoir prétendre à une [réduction du montant de l’amende], une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

22. La notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que [celle des] éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers.

23. Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera :

a)      si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission ;

b)      le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qu’à défaut la Commission aurait infligée :

–        première entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 30 et 50 % ;

–        deuxième entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 : réduction comprise entre 20 et 30 % ;

–        autres entreprises remplissant la condition énoncée au point 21 : réduction maximale de 20 %.

Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au point 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

138    En l’espèce, la Commission a constaté que Degussa remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier d’une immunité totale d’amende. EKA Chemicals, la requérante et Solvay, ayant été considérées comme respectivement la première, la deuxième et la troisième entreprise à avoir rempli la condition visée au point 21 de la communication sur la coopération, ont obtenu des réductions du montant de l’amende de 40, de 30 et de 10 % (considérants 501 à 524 de la décision attaquée).

139    Par le présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait et de droit et que le Tribunal devrait lui accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende au regard de l’étendue et de l’importance de sa coopération au cours de la procédure administrative.

140    Le présent moyen est subdivisé en quatre branches.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit quant à l’interprétation de la communication sur la coopération

141    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit, au considérant 512 de la décision attaquée, en faisant une interprétation « purement chronologique » de la communication sur la coopération et en retenant la date de la contribution en tant que critère essentiel pour son application. En particulier, elle soutient avoir apporté la contribution la plus importante à l’établissement de l’infraction, la valeur ajoutée significative de sa contribution justifiant qu’elle soit considérée comme la « première entreprise » au sens du point 23 de la communication sur la coopération.

142    Il y a lieu d’observer qu’il ressort des éléments non contestés de la décision attaquée qu’EKA Chemicals a introduit sa demande de clémence le 29 mars 2003, a fait une déclaration orale le 31 mars 2003 et a fourni des éléments de preuve de l’infraction au cours de la même semaine (considérants 67, 503 et 505 de la décision attaquée).

143    Il est également constant que c’est ultérieurement à ces faits que la requérante a transmis à la Commission sa demande de clémence, accompagnée de treize annexes indiquant qu’elles comportaient des documents concernant l’entente en cause, par télécopie du 3 avril 2003, à 15 h 50. Le 26 mai 2003, elle a soumis à la Commission de nouveaux éléments relatifs à sa demande de clémence, parmi lesquels figuraient des explications sur les documents transmis le 3 avril 2003 (considérants 69, 510 et 516 de la décision attaquée).

144    Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’EKA Chemicals avait été la première à remplir les conditions du point 21 de la communication sur la coopération, puisque cette dernière avait produit, les 29 et 31 mars 2003, des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission à la date de sa contribution (considérant 503 de la décision attaquée), et que la requérante avait été la deuxième entreprise à remplir ces mêmes conditions, par les éléments fournis le 3 avril 2003 (considérant 509 de la décision attaquée).

145    Au considérant 512 de la décision attaquée, critiqué par la requérante, la Commission a précisé :

« […] il ressort clairement du point 23 de la communication sur la [coopération] que la date de toute communication franchissant le seuil à partir duquel des éléments de preuve sont considérés comme apportant une valeur ajoutée significative est déterminante aux fins du calcul de la fourchette de réduction. Les éléments de preuve sont comparés à ceux déjà en possession de la Commission à la date à laquelle ils sont fournis. En conséquence, afin de déterminer si la communication en question apporte une valeur ajoutée significative, seuls les éléments déjà portés au dossier de la Commission et les preuves fournies par l’entreprise concernée sont pris en compte. Ainsi [la Commission …] estime que la communication d’EKA [Chemicals] du 29 mars 2003 franchit, conjointement avec sa déclaration du 31 mars 2003, le seuil précité conformément au point 21 de la communication sur la [coopération]. Il s’ensuit qu’EKA [Chemicals] peut bénéficier d’une réduction à l’intérieur de la première fourchette indiquée au point 23 de la communication sur la [coopération]. Cela signifie que la valeur des communications de [la requérante] ne peut être pertinente qu’aux fins de la détermination d’un niveau de réduction éventuel à l’intérieur de la fourchette suivante. »

146    Il convient de relever, à cet égard, qu’il ressort des points 21 et 23 de la communication sur la coopération que, afin de pouvoir prétendre à une réduction du montant de l’amende, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui étaient déjà en sa possession.

147    En outre, aux fins de l’application des fourchettes de réduction du montant de l’amende prévues au point 23, sous b), de ladite communication, la Commission doit définir le moment auquel l’entreprise a rempli cette condition.

148    Cette interprétation est confortée par l’économie du système prévu par la communication en cause, lequel prévoit trois fourchettes distinctes pour la « première », la « deuxième » et les « autres » entreprises ayant rempli la condition en cause, impliquant donc que la Commission détermine le moment précis auquel les conditions de réduction du montant de l’amende sont remplies par l’entreprise concernée, en comparant les éléments de preuve fournis à ceux qui étaient déjà en sa possession au moment de la demande.

149    Eu égard à ces considérations, c’est à bon droit que la Commission a déterminé les fourchettes visées au point 23 de la communication sur la coopération, aux considérants 503 et 509 de la décision attaquée, en tenant compte du moment auquel, respectivement, EKA Chemicals et la requérante ont rempli les conditions du point 21 de la communication sur la coopération.

150    Ces considérations ne sont pas remises en cause par les arguments de la requérante contestant cette approche sous divers motifs.

151    Premièrement, l’interprétation avancée par la requérante, selon laquelle la référence à la « première » entreprise, au point 23 de la communication sur la coopération, doit être comprise comme visant celle dont la contribution a la valeur ajoutée la plus élevée, ne ressort aucunement des termes dudit point, visant spécifiquement la « première entreprise à remplir la condition énoncée au point 21 », à savoir la condition d’apporter les éléments de preuve d’une valeur ajoutée significative par rapport à ceux déjà en possession de la Commission au moment de la demande.

152    Deuxièmement, la requérante reproche, à tort, à la Commission de s’être fondée sur une approche « purement chronologique », laquelle reviendrait à récompenser la première entreprise coopérante et, ainsi, à faire prévaloir « le seul critère chronologique, indépendamment du degré de valeur ajoutée de la contribution ».

153    En effet, ainsi qu’il résulte des considérants 503, 509 et 515 de la décision attaquée, en classant les entreprises ayant formé une demande de clémence selon les fourchettes prévues au point 23 de la communication sur la coopération, la Commission ne s’est pas fondée sur le seul ordre dans lequel les entreprises avaient fait leurs demandes, mais a tenu compte de la valeur de leurs contributions, en examinant, conformément à la condition prévue au point 21 de ladite communication, si les éléments de preuve apportés avaient une valeur ajoutée significative par rapport à ceux déjà en sa possession au moment de chaque demande respective.

154    Contrairement à ce que prétend la requérante, cette approche, tenant compte de l’aspect tant temporel que qualitatif de la contribution et récompensant l’entreprise ayant, la première, rempli les conditions de réduction, répond aux objectifs visés par la communication sur la coopération, en ce qu’elle incite les entreprises souhaitant coopérer à intervenir au plus tôt dans l’enquête, en apportant, dans leur première demande, l’ensemble des éléments de preuve qui sont à leur disposition. En particulier, en créant l’incitation à franchir le seuil d’une valeur ajoutée significative dès la première demande, elle permet d’exclure que l’entreprise formant une demande de clémence morcelle son effort de coopération tout au long de la procédure.

155    Troisièmement, étant donné que la communication sur la coopération repose sur une approche nécessitant la détermination d’un ordre chronologique précis des demandes, correspondant aux objectifs de transparence et de sécurité juridique, son application ne saurait diverger selon que l’intervalle entre les demandes soit long ou bref. Par conséquent, la requérante ne saurait valablement invoquer la circonstance que, en l’espèce, les demandes sont intervenues à quelques jours d’intervalle, s’agissant de celle d’EKA Chemicals et de la sienne, voire à quelques heures d’intervalle, s’agissant de la sienne et de celle de Solvay.

156    Quatrièmement, la requérante ne saurait tirer argument de la solution résultant de l’arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission (T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 127), selon laquelle, dans le cadre de l’appréciation des degrés de coopération de deux entreprises, l’élément chronologique ne peut être pris en compte dans les situations où les informations transmises par les parties concernées l’ont été dans un intervalle assez bref et à un stade sensiblement identique de la procédure administrative.

157    Il suffit de rappeler que la solution invoquée concerne le point D de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4), qui ne fait aucune référence au critère de l’antériorité de la coopération d’une entreprise par rapport à une autre, étant précisé d’ailleurs que, dans l’arrêt invoqué, le Tribunal a rejeté l’argument tiré de l’application, par analogie, du point 23 de la communication sur la coopération applicable dans la présente affaire (arrêt Wieland-Werke/Commission, point 156 supra, points 126 et 129).

158    Cinquièmement, dans la mesure où la requérante se prévaut des règles applicables dans certains états membres, il suffit de constater que, le programme de clémence adopté par la Commission étant autonome, les programmes appliqués par les autorités de la concurrence des États membres ne sauraient infirmer l’interprétation résultant des dispositions des points 21 et 23 de la communication sur la coopération.

159    Sixièmement, s’agissant du modèle de programme de clémence élaboré par le réseau européen de la concurrence en septembre 2006, il y a lieu de relever que ce modèle, destiné, notamment, à conduire à l’harmonisation volontaire des programmes de clémence appliqués par les membres du réseau, est postérieur à l’adoption de la communication sur la coopération et ne saurait donc servir d’élément utile pour son interprétation.

160    En tout état de cause, le point 11 de ce modèle, invoqué par la requérante, selon lequel, « pour définir le niveau de réduction approprié de l’amende, l’autorité de concurrence prendra en considération la date à laquelle les preuves ont été communiquées (et aussi l’ordre d’arrivée dans lequel les entreprises en auront fait la demande), et la valeur ajoutée globale que ces preuves représentent », n’exclut aucunement l’approche appliquée par la Commission en l’espèce, laquelle se fonde précisément sur ces facteurs. S’agissant de la combinaison précise des facteurs temporels et qualitatifs, le point 24 du même modèle prévoit la possibilité « de combiner ces paramètres de diverses manières afin de récompenser le demandeur pour sa contribution », tout en soulignant l’importance d’un « net écart entre l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant, afin de rendre les demandes d’immunité nettement plus intéressantes », ce qui n’est pas en cause en l’espèce.

161    Enfin, dans la mesure où la requérante indique, dans la requête, qu’elle « invite le Tribunal à examiner d’office la possible illégalité des dispositions en cause de ladite communication, au regard des principes généraux du droit, en particulier les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et d’équité », il suffit de relever que cette dernière argumentation ne repose sur aucun argument distinct de ceux examinés et rejetés ci-dessus et, dès lors, elle ne saurait être accueillie.

162    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de la valeur ajoutée des éléments de preuve soumis par la requérante supérieure à celle des éléments soumis par EKA Chemicals

163    La requérante soutient que, si la Commission avait correctement interprété la communication sur la coopération, elle aurait nécessairement conclu qu’elle était la première entreprise à remplir les conditions pour obtenir une réduction d’amende. Les éléments de preuve fournis par la requérante auraient largement contribué à l’établissement de l’infraction par la Commission et, notamment, seraient d’une valeur ajoutée bien plus importante que ceux fournis par EKA Chemicals.

164    Il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen que c’est à bon droit que la Commission a déterminé l’ordre des entreprises ayant rempli les conditions pour obtenir une réduction d’amende, en examinant si l’entreprise concernée avait fourni les éléments de preuve d’une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de la communication sur la coopération, avant qu’une autre entreprise ne remplisse cette condition.

165    Dès lors que la Commission a constaté que les éléments fournis par EKA Chemicals entre les 29 et 31 mars 2003 avaient rempli cette condition, ce que la requérante ne conteste pas dans le cadre de la présente branche du moyen, elle l’a, à bon droit, classée comme étant la première entreprise, au sens du point 23, sous b), de la communication sur la coopération, indépendamment de la valeur des contributions intervenues ultérieurement, dont celle de la requérante.

166    La deuxième branche du moyen ne saurait donc prospérer.

 Sur la troisième branche, présentée à titre subsidiaire, tirée de l’absence de valeur ajoutée significative des éléments fournis par EKA Chemicals

167    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de fait, en ayant considéré que les éléments fournis par EKA Chemicals entre les 29 et 31 mars 2003 avaient apporté une « valeur ajoutée significative » au sens des points 21 à 23 de la communication sur la coopération. Selon la requérante, ces éléments ne font que corroborer les éléments fournis par Degussa et portent, essentiellement, sur le marché scandinave et sur des réunions bilatérales du début de l’infraction, avant que ne soient mises en place les « règles du jeu » de l’entente multilatérale en cause.

168    Il convient de rappeler, à cet égard, que, si la Commission ne peut, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement, elle jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise donnée. Partant, seule une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission est susceptible d’être censurée (voir arrêt Wieland-Werke/Commission, point 156 supra, point 124, et la jurisprudence citée).

169    En l’espèce, la Commission a constaté qu’EKA Chemicals avait produit des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui étaient déjà en sa possession à la date de la contribution en cause (considérant 503 de la décision attaquée).

170    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever qu’il résulte du considérant 506 de la décision attaquée qu’EKA Chemicals a fourni des documents de l’époque, se rapportant à certaines réunions et autres contacts à caractère collusoire, relatifs à des faits précédemment ignorés de la Commission et ayant eu une incidence directe sur l’établissement de la durée de l’entente, en ce qui concerne la période comprise entre le 31 janvier 1994 et le 14 octobre 1997, ainsi que des éléments corroborant et complétant ceux produits par Degussa, pour la période comprise entre le 14 octobre 1997 et le 31 décembre 1999.

171    S’agissant de la constatation d’une infraction unique ayant eu lieu à l’échelle de l’EEE, ce qui n’est pas contesté par la requérante, l’appréciation des informations d’EKA Chemicals ne saurait être infirmée par le fait que celles-ci ont concerné principalement le marché scandinave. En outre, il y a lieu de rappeler qu’EKA Chemicals a transmis des informations sur des contacts échangés avec les producteurs sur le « continent » et que, en outre, un certain nombre de comportements infractionnels ont porté, sans distinction, sur les marchés scandinave et « continental » (voir, notamment, considérants 106 et 144 de la décision attaquée).

172    Ensuite, le fait, invoqué par la requérante, que la contribution d’EKA Chemicals concernait, dans une large mesure, la période initiale de l’entente n’est pas de nature à remettre en cause sa valeur ajoutée significative. Il convient d’observer que les éléments fournis par EKA Chemicals ont permis à la Commission de fixer le début de l’entente au 31 janvier 1994 et d’établir les faits relatifs à la période initiale de l’entente, entre le 31 janvier 1994 et le 14 octobre 1997. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, ces éléments ne se sont pas limités à corroborer les informations dont la Commission disposait déjà au moment de la demande concernée. En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 506 de la décision attaquée, la contribution d’EKA Chemicals a inclus des éléments corroborant et complétant ceux produits par Degussa, pour la période ultérieure, entre le 14 octobre 1997 et le 31 décembre 1999.

173    Cette appréciation n’étant pas conditionnée par la valeur de la contribution de la requérante, cette dernière ne saurait la contester valablement, en indiquant avoir apporté des éléments davantage détaillés, relatifs au mécanisme précis du fonctionnement de l’entente en cause pour les périodes concernées.

174    Enfin, la valeur ajoutée significative des éléments soumis par EKA Chemicals ne saurait davantage être remise en cause par l’argument de la requérante tiré du nombre, prétendument réduit, des considérants de la décision attaquée dans lesquels ces éléments ont été retenus.

175    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de constater que les arguments invoqués par la requérante ne démontrent pas que la Commission ait commis une erreur manifeste en concluant qu’EKA Chemicals avait soumis des éléments de preuve d’une valeur ajoutée significative, au sens du point 21 de la communication sur la coopération, avant la date de la demande de clémence introduite par la requérante.

176    Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen.

 Sur la quatrième branche, présentée à titre encore plus subsidiaire, fondée sur une réduction supplémentaire du montant de l’amende en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

177    La requérante fait valoir que la Commission aurait dû lui accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende au titre de sa collaboration effective, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, conformément aux lignes directrices, afin de refléter la « juste valeur » de sa contribution, eu égard au caractère manifestement insuffisant de la réduction accordée en application de ladite communication.

178    Il suffit de rappeler, à cet égard, que, s’agissant des infractions qui relèvent du champ d’application de la communication sur la coopération, en principe, l’intéressé ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 586, et la jurisprudence citée).

179    En l’espèce, cette considération vaut d’autant plus que la Commission a pris en compte la coopération de la requérante, en réduisant le montant de l’amende, en application de la communication sur la coopération. Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir appliqué une réduction supplémentaire du montant de l’amende infligée à la requérante, en dehors du champ d’application de ladite communication.

180    En outre, dans la mesure où la requérante invoque l’existence de prétendues circonstances justifiant une dérogation à ces considérations, en soutenant que la valeur de sa contribution n’a été que partiellement prise en compte en application de la communication sur la coopération, il y a lieu de rappeler que la Commission a accordé à la requérante la réduction maximale, de 30 %, au sein de la fourchette qui lui était applicable en vertu du point 23 de ladite communication, et ce malgré le fait que celle-ci avait communiqué des éléments complémentaires seulement le 26 mai 2003, plusieurs semaines après sa demande initiale, limitée à treize annexes indiquant qu’elles comportaient des documents concernant l’entente en cause (considérants 510 et 513 de la décision attaquée).

181    Dès lors, la coopération de la requérante ayant été récompensée par une réduction maximale au sein de la fourchette applicable, en vertu de la communication sur la coopération, elle ne saurait, en tout état de cause, revendiquer valablement une réduction supplémentaire au même titre, en vertu des lignes directrices.

182    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le sixième moyen.

183    Enfin, s’agissant de la demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée à la requérante, le Tribunal estime que, aucun élément invoqué en l’espèce n’étant de nature à justifier une réduction du montant de l’amende, il n’y a pas lieu, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de faire droit à cette demande.

184    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

185    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Arkema France SA est condamnée aux dépens.

Vadapalas

Prek

Dittrich

Truchot

 

       O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2011.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles relatives à l’imputabilité de l’infraction commise par une filiale à sa société mère et du principe d’égalité de traitement

Observations liminaires

Sur la prétendue violation des règles relatives à l’imputabilité de l’infraction commise par une filiale à sa société mère

Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait relatives à l’imputation de l’infraction à Total et à Elf Aquitaine

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration du montant de l’amende au titre de l’effet dissuasif

Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la majoration de l’amende au titre de la récidive

Sur la première branche, tirée d’une violation des principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique

Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité

Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait relatives à la réduction du montant de l’amende en application de la communication sur la coopération

Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit quant à l’interprétation de la communication sur la coopération

Sur la deuxième branche, tirée de la valeur ajoutée des éléments de preuve soumis par la requérante supérieure à celle des éléments soumis par EKA Chemicals

Sur la troisième branche, présentée à titre subsidiaire, tirée de l’absence de valeur ajoutée significative des éléments fournis par EKA Chemicals

Sur la quatrième branche, présentée à titre encore plus subsidiaire, fondée sur une réduction supplémentaire du montant de l’amende en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.