Language of document : ECLI:EU:T:2012:342

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

4 juillet 2012 (*)

« Marchés publics de services – Appel d’offres relatif à la réhabilitation de la station d’épuration des eaux usées de Bucarest, cofinancé par les fonds structurels ISPA – Décision prétendument irrégulière des autorités roumaines de rejeter l’offre soumise par la requérante – Refus de la Commission d’ouvrir une procédure de corrections financières à l’encontre de la Roumanie – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑329/11,

TME SpA – Termomeccanica Ecologia, établie à Milan (Italie), représentée par Mes C. Malinconico, S. Fidanzia et A. Gigliola, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la lettre de la Commission du 20 avril 2011 ayant pour objet la plainte de la société TME SpA relative à des manquements au droit de l’Union européenne de la part de la Roumanie dans le cadre du projet « Bucharest Wastewater Treatment Plant Rehabilitation : Stage I ISPA 2004/RO/16/P/PE/003-03 », inhérent à la restructuration de la station d’épuration des eaux usées de Bucarest [D (2011)REGIO.B3/MAD], et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le règlement (CE) n° 1267/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, établissant un instrument structurel de préadhésion (JO L 161, p. 73), en vigueur au moment des faits de l’affaire, a institué un programme de concours communautaire, dénommé ISPA, pour les pays candidats, parmi lesquels la Roumanie, par le biais du financement de projets ou de groupes de projets dans les secteurs de l’environnement et des transports, pour une période comprise entre 2000 et 2006.

2        Dans le cadre du programme précité ISPA, la société TME SpA – Termomeccanica Ecologia (ci-après la « société TME »), dont le siège est situé à Milan (Italie), a participé à un appel d’offres lancé par la municipalité de Bucarest (Roumanie), aux fins de la réalisation du projet financé par l’Union européenne (sous la référence ISPA 2004/RO/16/P/PE/003-03), inhérent à la restructuration de la station d’épuration des eaux usées de la ville de Bucarest.

3        Par télécopie du 21 décembre 2006, la commission adjudicatrice roumaine a informé la société TME de son exclusion de l’appel d’offres, son offre ayant été jugée anormalement basse.

4        Par télécopie du 28 décembre 2006, la commission adjudicatrice roumaine a informé la société TME de son exclusion de l’appel d’offres, son offre ayant été jugée anormalement basse et présentant des lacunes sur le plan technique.

5        Par télécopie du 10 janvier 2007, la commission adjudicatrice roumaine a rappelé les raisons pour lesquelles la société TME a été exclue de l’appel d’offres, à savoir un prix anormalement bas ainsi que des lacunes sur le plan technique.

6        Par télécopie du 12 janvier 2007, la commission adjudicatrice roumaine, après réexamen de l’offre de la société TME a confirmé la décision du comité d’évaluation en rappelant le contenu de ses précédentes correspondances.

7        Par lettre du 17 janvier 2007, la requérante a introduit une plainte auprès de la commission adjudicatrice roumaine et de la Commission des Communautés européennes, prévue dans le cahier des charges sur la base de la législation roumaine et du guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures de la Commission (ci-après le « PRAG »), en vue de résoudre le litige à l’amiable.

8        La Commission a envoyé, le 22 mars 2007, une lettre au pouvoir adjudicataire en les invitant à trouver un accord afin de résoudre l’affaire et à s’assurer du respect des règles du PRAG.

9        La tentative d’accord amiable ayant échoué, la société TME a entrepris le 22 juin 2007 une action judiciaire à l’encontre du pouvoir adjudicateur devant les juridictions roumaines compétentes qui, en 2011, l’ont par ailleurs définitivement rejetée.

10      Le 10 décembre 2008, dans l’attente de l’issue des procédures juridictionnelles précitées, la société TME a présenté une plainte devant la Commission, dans laquelle elle dénonçait des violations prétendument commises par les autorités roumaines dans la procédure d’adjudication de l’appel d’offres en question, ainsi que la prétendue non-conformité de la législation roumaine pertinente au droit de l’Union européenne.

11      Par lettre du 12 août 2009, les services compétents de la Commission ont pris acte de la plainte et ont informé la société TME qu’ils effectueraient une appréciation complète, dans le respect des règles, des faits dénoncés.

12      À la suite de cette appréciation, par lettre du 20 avril 2011 (ci-après la « décision attaquée »), les services compétents de la Commission ont informé la société TME qu’ils n’avaient constaté aucune prétendue infraction au droit de l’Union de la part des autorités roumaines et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu d’entamer une procédure de correction financière à l’encontre de la Roumanie.

 Conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2011, la requérante a introduit le présent recours.

14      La Commission a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2011, soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 7 novembre 2011.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à réparer, à hauteur de 18 955 106 euros ou d’un montant supérieur ou inférieur à fixer en équité, les préjudices subis par la société TME du fait d’une violation du droit de l’Union par la Commission ;

–        à titre subsidiaire, condamner la Commission à réparer les préjudices subis par la société TME et résultant de la perte d’une chance, à hauteur de 3 791 021 euros ou d’un montant supérieur ou inférieur à fixer en équité ;

–        à titre plus subsidiaire, condamner la Commission à réparer les préjudices découlant du retard de la Commission dans l’exercice de ses fonctions, correspondant au montant total des frais juridiques encourus par la société TME à hauteur de 73 044,32 euros ou d’un montant supérieur ou inférieur à fixer en équité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–      condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

17      Selon l’article 114 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité est orale, sauf décision contraire. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

18      La Commission soulève qu’il ressort de la requête que l’objet principal du recours en annulation, introduit en vertu de l’article 263 TFUE, consiste à contester le refus de la Commission d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie, comme la société TME le demande. Le présent recours en annulation serait manifestement irrecevable, étant donné que la décision de ne pas ouvrir une procédure en manquement de même que celle de classer une procédure déjà ouverte ne peuvent pas être considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE.

19      La requérante considère que la lettre de la Commission du 20 avril 2011, par laquelle cette dernière a considéré qu’il n’y avait pas de « raisons juridiques suffisantes pour entamer une procédure de correction financière contre la Roumanie », est de nature à constituer un acte définitif et attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Elle est d’avis que la Commission a procédé à une qualification erronée de la lettre du 20 avril 2011, en ce qu’il n’est pas tenu compte de son contenu effectif et du cadre juridique et procédural dans lequel elle s’inscrit.

20      Il convient d’examiner de manière approfondie l’ensemble des écritures de la requérante afin de pouvoir identifier l’objet du litige en cause.

21      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que la requérante, dans l’attente de la conclusion des procédures juridictionnelles dans le cadre national roumain, a introduit une plainte auprès de la Commission, en date du 10 décembre 2008, aux termes de laquelle elle a mis en évidence les manquements imputables aux autorités roumaines dans le cadre de la procédure d’adjudication en cause ainsi que la non-conformité manifeste de la législation interne eu égard au droit communautaire.

22      Elle s’est notamment plainte :

–        de vices de procédure graves concernant l’évaluation de l’offre sur le plan économique ;

–        de vices de procédure graves concernant l’évaluation de l’offre sur le plan technique ;

–        du défaut de récusation du juge de première instance ;

–        de l’illégalité de la décision d’annulation du chef de demande relatif au contrat de marché public pour non-paiement du droit de timbre.

23      La requérante a demandé à la Commission d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie pour les violations dénoncées.

24      En deuxième lieu, il y a lieu de constater, comme l’a fait la Commission à juste titre, que le recours introduit par la requérante a pour objet « l’annulation de la lettre de la Commission, direction générale de la politique régionale, datée du 20 avril 2011 et communiquée postérieurement, ayant pour objet la plainte de [la société] TME SpA relative à des manquements au droit communautaire de la part […] de la Roumanie dans le cadre du projet ‘Bucharest Wastewater Treatment Plant Rehabilitation : Stage I ISPA 2004/RO/16/P/PE/003-03’, inhérent à la restructuration de la station d’épuration des eaux usées de Bucarest [D(2011)REGIO.B3/MAD] ».

25      En troisième lieu, la requérante fait valoir, au point 1 de sa requête, que « [l]e présent recours vise à obtenir l’annulation de la lettre de la Commission européenne du 20 avril 2011, qui exclut la nécessité d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie pour violation des principes et directives communautaires en matière d’adjudication de marchés, et des dispositions du PRAG élaborées par la Commission elle-même ».

26      En quatrième lieu, les points 31 et 32 de la requête se lisent comme suit :

« Plus de deux années après le dépôt de la plainte, la Commission européenne a adressé à la requérante une lettre datée du 20 avril 2011, dans laquelle elle lui faisait part de sa volonté de ne pas mettre en œuvre de procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie, en alléguant, d’une part, son défaut de compétence concernant la demande d’intervention présentée par [la société] TME et, d’autre part, l’absence de violation des principes et des directives communautaires en matière d’adjudication de marchés publics, ainsi que des règles du PRAG.

Toutefois, contrairement aux dispositions de la clause 2.4.12 du PRAG et du volume I, clause 37, du document d’offre, la Commission s’est abstenue non seulement de rendre un avis motivé (‘opinion’) sur la procédure contestée par [la société] TME, mais encore, d’intervenir pour remédier à l’évidente violation du droit communautaire et récupérer les fonds octroyés à [la] Roumanie concernant le marché public en cause, et ce même après la plainte présentée par [la société] TME le 10 décembre 2008. »

27      En cinquième lieu, il ressort du premier chef de conclusions de la requérante qu’elle demande au Tribunal « [d’]annuler la décision de la Commission européenne du 20 avril 2011 qui exclut la nécessité d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie pour violation des principes et des directives communautaires en matière de passation de marchés publics, ainsi que des règles du ‘Guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne’ ».

28      Il résulte de tout ce qui précède que l’objet principal du recours consiste à contester le refus de la Commission d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie, comme la requérante le demande.

29      Dans ces circonstances, et sans qu’il y ait besoin d’examiner le recours au fond, il y a lieu de rejeter le recours en annulation comme manifestement irrecevable, étant donné que la décision de ne pas ouvrir une procédure en manquement ne peut pas être considérée comme un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. La Commission n’est pas tenue d’engager une procédure au titre de l’article 258 TFUE, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger qu’elle prenne position dans un sens déterminé (voir ordonnance du Tribunal du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, p. II‑181, point 46, et la jurisprudence citée).

 Sur la demande en indemnité

30      La requérante considère que le comportement de la Commission, en violation du droit de l’Union, lui a causé un préjudice considérable, que ce soit en raison de la non attribution du contrat de marché public en cause ou de l’exposition de frais considérables pour sa défense par l’exercice de toutes les voies de recours prévues à cet effet.

31      Vu l’objet principal du recours en annulation, identifié au point 28 ci-dessus comme étant le refus de la Commission d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre de la Roumanie, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et que le seul comportement pouvant éventuellement être mis en cause comme source de préjudice est le comportement de l’État membre concerné, à savoir, en l’espèce, celui de la Roumanie (voir, par analogie, ordonnance Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, point 29 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

32      Il s’ensuit que sont irrecevables les conclusions en indemnisation fondées sur l’abstention de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre (voir ordonnance Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, point 29 supra, point 44, et la jurisprudence citée).

33      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

34      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      TME SpA – Termomeccanica Ecologia supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 4 juillet 2012.


Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : l’italien.