Language of document : ECLI:EU:T:2007:147

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 mai 2007(*)

« Responsabilité non contractuelle – Importation de bromure de méthyle dans l’Union européenne – Mise en place tardive d’un site Internet permettant la demande et l’octroi de licences et de quotas d’importation – Articles 6 et 7 du règlement (CE) n° 2037/2000 – Préjudice résultant d’un manque à gagner – Réalité du préjudice »

Dans l’affaire T‑198/05,

Mebrom NV, établie à Rieme-Ertvelde (Belgique), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker et X. Lewis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réparation du préjudice prétendument subi par la requérante du fait que la Commission aurait omis de mettre en place un système l’autorisant à importer dans l’Union européenne en janvier et en février 2005 du bromure de méthyle aux fins d’utilisations critiques,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Convention de Vienne et protocole de Montréal

1        Par la décision 88/540/CEE du Conseil, du 14 octobre 1988, concernant la conclusion de la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, et du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO L 297, p. 8), la Communauté européenne est devenue partie à la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone (ci-après la « convention de Vienne ») et au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (ci-après le « protocole de Montréal »).

2        Le bromure de méthyle entre dans le champ d’application du protocole de Montréal.

3        En 1997, les parties au protocole de Montréal sont convenues de réduire, par étapes, la production et l’importation de bromure de méthyle dans les pays développés jusqu’au 31 décembre 2004 et d’interdire, à partir du 1er janvier 2005, la production et l’importation de bromure de méthyle dans les pays développés, sauf pour des utilisations dites « critiques ».

4        En vertu de la décision IX/6 des parties au protocole de Montréal (ci-après la « décision IX/6 »), une utilisation du bromure de méthyle n’est considérée comme « critique » que si la partie qui formule la demande de dérogation pour une telle utilisation détermine, d’une part, que la non-disponibilité du bromure de méthyle pour l’usage concerné créerait un déséquilibre important du marché et, d’autre part, qu’il n’existe pas de solution de rechange techniquement ou économiquement possible ni de produit de remplacement qui soit acceptable pour l’utilisateur du point de vue de l’environnement ou de la santé, ou convenant aux cultures et aux conditions justifiant la demande.

5        La décision IX/6 requiert, en outre, que la production et la consommation du bromure de méthyle pour des utilisations critiques ne soient autorisées que lorsque :

–        toutes les mesures techniquement et économiquement réalisables ont été prises afin de réduire au minimum les utilisations critiques et toute émission connexe du bromure de méthyle ;

–        le bromure de méthyle n’est pas disponible en quantité et en qualité suffisantes dans les stocks existants de matière emmagasinée ou recyclée ;

–        il est démontré que des mesures appropriées sont prises pour évaluer les solutions de rechange et les produits de remplacement, pour les commercialiser et pour obtenir l’approbation selon la réglementation nationale pertinente.

 Règlement (CE) n° 2037/2000

6        Les obligations découlant de la convention de Vienne et du protocole de Montréal sont actuellement mises en oeuvre dans l’ordre juridique communautaire par le règlement (CE) n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO L 244, p. 1, ci-après le « règlement »). Ce texte fixe les règles applicables à la production, à l’importation, à l’exportation et à l’utilisation de certaines substances qui appauvrissent la couche d’ozone, dont le bromure de méthyle.

7        L’article 3, paragraphe 2, sous i), d), du règlement interdit la production de bromure de méthyle après le 31 décembre 2004, sauf, notamment, pour des utilisations critiques, conformément à son article 3, paragraphe 2, sous ii), et aux critères définis dans la décision IX/6.

8        L’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement prévoit :

« Compte tenu des propositions des États membres, la Commission applique […] les critères établis dans la décision IX/6 des parties, ainsi que tous les autres critères pertinents établis d’un commun accord par les parties, afin de déterminer chaque année les utilisations critiques pour lesquelles la production, l’importation et l’utilisation de bromure de méthyle peuvent être autorisées dans la Communauté après le 31 décembre 2004, les quantités et les utilisations à autoriser et les utilisateurs susceptibles de bénéficier de la dérogation pour utilisation critique. La production et l’importation ne sont autorisées que s’il n’est pas possible de se procurer un produit de remplacement adéquat ou du bromure de méthyle recyclé ou régénéré auprès d’une des parties […] »

9        L’article 3, paragraphe 4, du règlement prévoit que la Commission délivre des licences aux utilisateurs désignés en application de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et paragraphe 2, sous ii), et leur notifie l’utilisation pour laquelle une autorisation leur est accordée, les substances et la quantité de ces substances qu’ils sont autorisés à utiliser.

10      Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, sous i), a) à c), du règlement prévoit que chaque producteur ou importateur veille à ce qu’il ne mette sur le marché ni n’utilise pour son propre compte, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2004, du bromure de méthyle en quantités dépassant un certain pourcentage de la quantité de bromure de méthyle qu’il a mise sur le marché ou utilisée pour son propre compte en 1991.

11      Après le 31 décembre 2004, chaque producteur ou importateur veille, selon l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du règlement et sous réserve de ses paragraphes 4 et 5, à ce qu’il ne mette sur le marché ni n’utilise pour son propre compte du bromure de méthyle.

12      Cette interdiction ne s’applique pas, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement, notamment, à la mise sur le marché ou à l’utilisation de substances réglementées lorsqu’elles sont utilisées pour répondre aux demandes pour lesquelles une licence a été accordée aux fins d’utilisations critiques émanant des utilisateurs déterminés conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

13      L’article 6, paragraphe 1, du règlement prévoit :

« La mise en libre pratique dans la Communauté ou le perfectionnement actif de substances réglementées sont soumis à la présentation d’une licence d’importation. Cette licence est délivrée par la Commission après vérification de la conformité avec les articles 6, 7, 8 et 13. »

14      L’article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement définit les éléments qu’une demande de licence d’importation doit comporter et prévoit que la Commission peut exiger un certificat attestant la nature de la substance à importer. L’article 8 du règlement interdit l’importation de substances réglementées d’États non parties au protocole de Montréal. L’article 13 du règlement permet sous certaines conditions des dérogations, notamment à l’interdiction de l’article 8 du règlement.

15      L’article 7 du règlement est libellé comme suit :

« La mise en libre pratique dans la Communauté de substances réglementées importées de pays tiers est soumise à des limites quantitatives. Ces limites sont déterminées et les quantités correspondantes sont allouées aux entreprises pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 et pour chaque période de douze mois suivante selon la procédure visée à l’article 18, paragraphe 2. Elles sont allouées uniquement :

a)      pour des substances réglementées des groupes VI et VIII, visées à l’annexe I ;

b)      pour des substances réglementées utilisées pour satisfaire à des utilisations essentielles ou critiques ou pour des applications à des fins de quarantaine et avant expédition ;

[…] »

 Faits à l’origine du litige

16      La requérante est une entreprise qui importe depuis 1996 du bromure de méthyle dans l’Union européenne et le revend à ses clients européens.

17      Le bromure de méthyle est un pesticide qui s’applique par fumigation. Il est utilisé essentiellement dans l’agriculture, car il pénètre facilement le sol et s’avère efficace contre un large éventail d’éléments nocifs. Sa dégradation rapide empêche la contamination de la chaîne alimentaire et des eaux souterraines. Pour ces raisons, le bromure de méthyle était l’un des cinq pesticides les plus utilisés au monde. En revanche, il présente l’inconvénient d’appauvrir la couche d’ozone.

18      La Commission a mis en place, en 2002, un site Internet destiné aux substances appauvrissant la couche d’ozone (Ozone Depleting Substances, ci-après le « site ODS ») et permettant de solliciter et d’octroyer, en ligne, des licences d’importation des substances qui relèvent du champ d’application du règlement, dont le bromure de méthyle. Il s’agit d’un système administré par la Commission et protégé par un mot de passe reçu par les utilisateurs enregistrés.

19      Depuis décembre 2003, la Commission a mis en œuvre une adaptation de ce site en vue de restreindre l’utilisation du bromure de méthyle aux seuls utilisateurs habilités à procéder à une utilisation critique de cette substance après le 1er janvier 2005. À cette fin, des programmateurs informatiques ont dû modifier le programme. La Commission escomptait que le site ODS serait opérationnel en octobre 2004, mais les modifications du site et les tests s’y rapportant ne se sont achevés que le 14 février 2005.

20      Jusqu’au 31 décembre 2004, huit importateurs étaient habilités à solliciter des licences d’importation, sur la base d’un quota calculé à partir de leur part de marché en 1991. Ils étaient tenus de soumettre, chaque année, à la Commission, en général en septembre, une demande de quota d’importation pour l’année suivante, en utilisant un formulaire de demande standard spécialement conçu par la Commission à cette fin. Les quotas d’importation étaient attribués sur cette base au moyen de décisions de la Commission, qui comportaient la liste nominative et exhaustive des importateurs dont les demandes avaient été acceptées et précisaient leurs quotas individuels. La requérante s’est vu attribuer des quotas d’importation entre 1996 et 2004.

21      Le 22 juillet 2004, la Commission a publié un avis aux entreprises qui importent dans l’Union européenne en 2005 des substances réglementées appauvrissant la couche d’ozone, concernant le règlement (JO C 187, p. 11, ci-après l’« avis de 2004 »). Aux termes du point VIII de l’avis de 2004, les entreprises qui disposent d’un quota pour l’année 2004 doivent faire une déclaration en complétant et en transmettant les formulaires appropriés figurant sur le site ODS.

22      À la suite de la publication de l’avis de 2004, la requérante a présenté à la Commission, le 30 août 2004, une déclaration afin d’obtenir, notamment, un quota de bromure de méthyle à des fins d’utilisations critiques pour l’année 2005. Elle demandait l’allocation d’un quota de 4 500 000 kg, représentant 2 700 000 kg de potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone (PACO) à cet effet.

23      Le 10 décembre 2004, la requérante a reçu un courriel, envoyé par la Commission à tous les utilisateurs du site ODS, l’informant que « [l]e quota pour 2005 sera[it] disponible sur [son] site Internet […] le 13 décembre 2004 ». Il était précisé que la « décision d’importation » était en cours d’élaboration et qu’elle serait notifiée à chaque importateur dès son adoption. Elle indiquait également que les demandes de licences d’importation nécessaires pour le début de l’année 2005 pourraient être introduites sur son site Internet à partir du 13 décembre 2004 et devraient lui parvenir le 17 décembre 2004 à 13 heures au plus tard, afin d’en permettre la gestion avant la fin de l’année.

24      Le site ODS ne fonctionnant pas à la date indiquée (le 13 décembre 2004), la requérante s’est adressée à la Commission le lendemain. Elle l’a informée que ses clients avaient besoin de bromure de méthyle pour des utilisations critiques en janvier 2005 et qu’il lui était nécessaire d’en importer à ces fins. Elle indiquait également que, bien qu’elle ait sollicité un quota d’importation de bromure de méthyle pour utilisation critique en septembre 2004, elle était dans l’impossibilité de transmettre sa demande de licence d’importation par l’intermédiaire du site ODS.

25      N’ayant reçu aucune réponse, la requérante a indiqué à la Commission, par un second courriel du 11 janvier 2005, que la situation devenait critique, dans la mesure où elle se trouvait dans l’impossibilité de répondre aux demandes de bromure de méthyle de ses clients. Par un courriel du même jour, la Commission a répondu en indiquant que, selon les programmateurs, un délai supplémentaire était nécessaire. La réalisation du site s’avérant plus difficile que prévue, la date la plus optimiste pour son ouverture serait la semaine du 24 janvier 2005.

26      Le 17 février 2005, la Commission a informé la requérante qu’elle avait été enregistrée sur le site ODS et qu’elle pouvait soumettre sa demande d’importation de bromure de méthyle pour des utilisations critiques. Deux de ses clients ayant obtenu une licence d’utilisation le 18 février 2005, la requérante a reçu une licence d’importation de bromure de méthyle à des fins d’utilisations critiques le 21 février 2005.

27      Par décision 2005/625/CE de la Commission, du 23 août 2005, déterminant les quantités de bromure de méthyle autorisées à être employées pour des utilisations critiques dans la Communauté européenne entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005 en vertu du règlement (JO L 219, p. 47, ci-après la « décision du 23 août 2005 »), la Commission a déterminé, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement et selon les critères figurant dans la décision IX/6, les quantités de bromure de méthyle autorisées à être employées pour des utilisations critiques dans la Communauté européenne entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005. La Commission a précisé que ces quantités équivalaient à 13 % de la consommation de 1991 alors que, en 2003 et 2004, la quantité de bromure de méthyle dont la mise sur le marché était autorisée par l’article 3, paragraphe 2, sous i), c), du règlement représentait 25 % de cette consommation.

  Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2005, la requérante a introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Commission à déposer certains documents et a posé par écrit des questions à la partie requérante et à la Commission. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 28 novembre 2006.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        condamner la Commission à lui payer le montant indiqué dans la requête en réparation du préjudice subi par elle, faute pour la Commission d’avoir mis en place un système lui permettant d’importer du bromure de méthyle en janvier et en février 2005, ou tout autre montant qu’elle justifiera au cours de la procédure ou que le Tribunal évaluera ex aequo et bono ;

–        à titre subsidiaire, ordonner à titre provisoire que la Commission sera tenue de réparer le préjudice subi et que les parties devront produire au Tribunal, dans un délai raisonnable à compter de la date de l’arrêt avant dire droit, les chiffres relatifs au montant de l’indemnisation convenue entre les parties ou, faute d’accord entre elles, ordonner aux parties de produire au Tribunal, et dans le même délai, leurs prétentions accompagnées d’éléments justificatifs chiffrés précis ;

–        condamner la Commission à lui payer un intérêt compensatoire au taux de 8 % par an ;

–        condamner la Commission à lui payer un intérêt au taux de 8 %, ou à tout autre taux que le Tribunal jugera approprié, calculé sur le montant payable à compter de la date de l’arrêt du Tribunal à intervenir, jusqu’au paiement effectif ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 61, et arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 76).

34      Dans la mesure où ces trois conditions sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14, et arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 59).

35      C’est sous le bénéfice de ces observations qu’il convient d’examiner, en premier lieu, si la condition relative au préjudice est remplie en l’espèce.

 Sur le préjudice

 Arguments des parties

36      La requérante estime avoir subi un préjudice du fait du comportement de la Commission, dont le montant correspond à la perte des bénéfices (lucrum cessans) qu’elle aurait pu tirer de la vente du bromure de méthyle en janvier et en février 2005 si le système l’autorisant à en importer au cours desdits mois avait été mis en place.

37      Selon la requérante, cette perte est passée et certaine, étant donné qu’elle a reçu de ses clients des demandes pour du bromure de méthyle auxquelles elle n’a pas pu répondre et que l’utilisation du bromure de méthyle est saisonnière, le pic se situant en janvier et en février. De plus, le fait qu’elle ait importé et vendu de grandes quantités de bromure de méthyle en janvier et en février au cours des années précédentes et qu’elle ait recommencé à le faire dès que le nouveau système a fonctionné démontre, selon la requérante, qu’elle aurait aussi vendu du bromure de méthyle en janvier et en février 2005.

38      Sur la base de la différence entre les prix de vente et d’achat en mars 2005, appliquée aux ventes en janvier et en février 2004, la requérante évalue sa perte de profit pour janvier et février 2005 au montant indiqué dans la requête.

39      La requérante conteste les données chiffrées avancées par la Commission dans son mémoire en défense, qui sont, selon elle, erronées et diffèrent de celles indiquées dans sa requête. Selon la requérante, les données pour janvier et février 2003 ainsi que pour janvier et février 2004, avancées par la Commission, concernent le niveau des importations de bromure de méthyle et non pas celui des ventes. Les chiffres des ventes pour janvier et février 2004 qui figurent dans sa requête incluent les ventes de bromure de méthyle réalisées au cours de cette période à partir des stocks restants de l’année 2003. Elle indique aussi que, étant donné qu’elle savait que le système allait changer le 1er janvier 2005, elle n’a conservé en 2004 aucun stock de bromure de méthyle pour utilisation en 2005.

40      La requérante fait également observer que le chiffre de vente de bromure de méthyle cité par la Commission pour février 2005 est erroné et représente les quantités qu’elle a importées en mars 2005.

41      Quant à l’argument de la Commission selon lequel la base de calcul retenue ne tiendrait pas compte de l’obligation de ramener l’utilisation du bromure de méthyle à zéro au 1er janvier 2005, la requérante rétorque qu’à la date de l’introduction du recours elle ne pouvait pas savoir dans quelle mesure ses ventes seraient affectées par la réduction des quantités de bromure de méthyle utilisées dans la Communauté, d’autant plus que la Commission n’a pas publié avant le 23 août 2005 les quantités autorisées pour des utilisations critiques en 2005.

42      La requérante se réfère également, en particulier dans le cadre de son raisonnement tenant au lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et son préjudice, à des demandes spécifiques de bromure de méthyle de ses clients. Elle s’appuie sur des questionnaires, annexés à la requête, qu’elle a envoyés à ses clients et que six d’entre eux, à savoir les entreprises S, PO, G, B, PI et T, ont renvoyés remplis.

43      Quant à l’allégation de la Commission selon laquelle les réponses aux questionnaires de ses clients sont sujettes à caution, la requérante souligne qu’elle n’est étayée par aucun élément et qu’elle est spéculative. S’agissant des observations de la Commission concernant ces même réponses (voir point 48 ci-après), la requérante expose que :

–        le fait que l’entreprise S n’ait pas sollicité d’importations de bromure de méthyle avant juin 2005 n’exclut pas qu’elle en aurait commandé en janvier et en février 2005 si cela avait été possible ;

–        les informations relatives aux entreprises PO et T couvrent une période postérieure à janvier et à février 2005 et seraient donc dénuées de pertinence en l’espèce ;

–        le fait que les entreprises G et PI ne se soient pas enregistrées comme utilisateurs après février 2005 serait sans pertinence, étant donné que, en l’espèce, il ne s’agit que des mois de janvier et de février 2005, période durant laquelle il leur était impossible de s’enregistrer comme utilisateurs.

44      La requérante reconnaît que deux de ses clients ont obtenu une licence d’utilisateur le 18 février 2005. Elle précise également qu’elle ne pouvait satisfaire avant mars 2005 les commandes de bromure de méthyle, le processus précédant le transfert du bromure de méthyle aux clients nécessitant plusieurs semaines.

45      La requérante considère que les informations avancées par la Commission ne remettent pas en cause le fait que cette dernière lui a fait perdre des ventes au premier trimestre de l’année 2005. Elle précise à cet égard que la Commission fait référence, dans sa défense, à une période de trois mois au lieu des deux mois faisant l’objet du recours.

46      Enfin, quant à l’allégation de la Commission selon laquelle la perte de chiffre d’affaires pourrait être le fait d’utilisateurs ayant utilisé leurs stocks de bromure de méthyle, la requérante estime, d’une part, que la Commission n’en apporte pas la preuve et, d’autre part, que cette allégation serait erronée au regard des preuves fournies et, notamment, des réponses aux questionnaires envoyés aux clients.

47      La Commission conteste que la requérante ait subi une perte de chiffre d’affaires qui pourrait lui être imputable. Elle fait tout d’abord valoir que la base de calcul du préjudice proposée par la requérante ne tient pas compte de l’obligation pesant sur la Communauté de ramener à zéro l’utilisation du bromure de méthyle au 1er janvier 2005, sous réserve des exemptions pour utilisations critiques. Il en résulterait qu’il fallait s’attendre à une réduction des quantités de bromure de méthyle utilisées en 2005 par rapport à celles utilisées en 2004. Or, les chiffres produits par la requérante ne témoignent pas, selon la Commission, d’une réduction aussi importante que celle qui était prévisible. En tout état de cause, les chiffres dont la Commission dispose et qui concernent les ventes de bromure de méthyle de la requérante aux premiers trimestres des années 2003, 2004 et 2005 ne révéleraient aucune baisse significative. Au contraire, ces données démontreraient que la requérante a augmenté ses ventes de bromure de méthyle au premier trimestre de l’année 2005 de près de 50 % par rapport à la même période en 2004. En conséquence, la Commission estime que la requérante n’a subi aucun préjudice perceptible du fait de la modification du système de demande des licences survenue le 1er janvier 2005.

48      S’agissant des réponses aux questionnaires envoyés aux clients de la requérante, la Commission fait observer que, selon les informations du site ODS :

–        l’entreprise S n’a pas sollicité de stocks ni d’importations du 1er janvier au 1er juin 2005 ;

–        l’entreprise PO a demandé du bromure de méthyle le 11 mars 2005 en mentionnant la requérante comme importateur. Toutefois, cette demande a été annulée le 18 mars 2005 et présentée de nouveau le 22 mars 2005 en désignant une entreprise concurrente de la requérante comme importateur ;

–        les entreprises G et PI n’ont pas été enregistrées sur le site ODS ;

–        l’entreprise B a reçu du bromure de méthyle en février 2005 ;

–        l’entreprise T a effectué une demande de bromure de méthyle le 25 mars 2005, mais s’est adressée à un concurrent de la requérante pour l’importation.

49      Selon la Commission, ces informations démontrent qu’elle n’a pas fait perdre des ventes à la requérante au premier trimestre de l’année 2005.

 Appréciation du Tribunal

50      Le Tribunal constate que le préjudice allégué par la requérante consiste en un manque à gagner des ventes de bromure de méthyle qu’elle aurait réalisées en janvier et en février 2005 si la Commission avait mis en place un système lui permettant d’en importer.

51      À cet égard, il convient de rappeler que le manque à gagner figure parmi les préjudices indemnisables en droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, Rec. p. I‑3061, point 26).

52      Il ressort d’une jurisprudence constante que le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 27, et arrêt du Tribunal du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T‑99/98, Rec. p. II‑2195, point 67). En revanche, un dommage purement hypothétique et indéterminé ne donne pas droit à réparation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 73, et du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, point 114).

53      Il convient donc de vérifier en l’espèce si la requérante a apporté la preuve de la réalité du manque à gagner allégué. À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante entend démontrer son préjudice par référence aux ventes de bromure de méthyle qu’elle a réalisées en janvier et en février 2004 ainsi qu’aux prix de mars 2005. Elle se réfère également aux réponses aux questionnaires envoyés à ses clients, qui font état de leur impossibilité de procéder à des commandes auprès de la requérante, ainsi qu’à leurs demandes spécifiques pour du bromure de méthyle.

54      S’agissant, en premier lieu, de la preuve de l’existence du préjudice allégué par référence aux ventes de bromure de méthyle réalisées par la requérante aux mois de janvier et de février 2004 ainsi qu’aux prix de mars 2005, il convient de relever que la valeur probante de ces éléments dépend, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, de la question de savoir dans quelle mesure les conditions et le contexte des opérations économiques de la requérante en janvier et en février 2005 étaient différents de ceux existant en janvier et en février 2004. En effet, plus ces conditions et ce contexte ont changé, moins ces éléments sont probants en l’espèce.

55      Or, le cadre dans lequel le bromure de méthyle pouvait être importé et mis sur le marché a fondamentalement évolué à compter du 1er janvier 2005. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), et paragraphe 4, et à l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), et paragraphe 4, sous i), b), deuxième tiret, du règlement, la mise sur le marché de bromure de méthyle était, en 2005, limitée aux seules quantités nécessaires pour répondre aux besoins d’utilisations critiques et ne pouvait être effectuée que lorsque tous les stocks étaient épuisés et si aucune alternative n’était techniquement ou économiquement possible au sens de la décision IX/6. Or, tel n’était pas le cas en 2004 dans la mesure où l’article 4, paragraphe 2, sous i), c), du règlement permettait, jusqu’au 31 décembre 2004, la mise sur le marché de quantités déterminées en fonction des parts de marché historiques des importateurs. De plus, selon les informations fournies par la Commission, et non contestées par la requérante, jusqu’en 2004, seuls 8 importateurs pouvaient procéder à l’importation de bromure de méthyle et disposaient à cet égard d’un quota qui leur garantissait leur part de marché, alors que, en 2005, 19 importateurs étaient inscrits sur le site ODS et aucun quota ne leur était octroyé, les quotas individuels étant réservés, en 2005, aux fumigateurs. Enfin, il y a lieu de rappeler que, par sa décision du 23 août 2005, la Commission a autorisé la mise sur le marché, pour l’année 2005, d’une quantité de bromure de méthyle qui n’équivalait qu’à 13 % de la consommation de 1991 alors que, en 2003 et 2004, la quantité de bromure de méthyle dont la mise sur le marché était autorisée par l’article 3, paragraphe 2, sous i), c), du règlement représentait 25 % de cette consommation.

56      Les conditions et le contexte des opérations économiques de la requérante étaient donc sensiblement différents en janvier et en février 2005 par rapport à ceux de janvier et de février 2004. Eu égard à ces changements, la preuve du préjudice prétendument subi par la requérante par référence aux ventes de janvier et de février 2004 repose sur une comparaison inadéquate, dès lors que d’autres facteurs significatifs peuvent être à l’origine de l’évolution des ventes dont la requérante fait état. Ainsi, les données soumises par la requérante relatives aux quantités de bromure de méthyle qu’elle aurait prétendument vendues en janvier et en février 2005 ne suffisent pas à démontrer l’existence d’un préjudice déterminé et évaluable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 19 juillet 1955, Kergall/Assemblée Commune, 1/55, Rec. p. 9, et arrêt du Tribunal du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, Rec. p. II‑87, point 54).

57      Au vu de ce qui précède, l’argument de la requérante, selon lequel elle ne pouvait pas savoir, à la date d’introduction du recours, dans quelle mesure ses ventes seraient affectées par la réduction des quantités de bromure de méthyle utilisées dans la Communauté parce que la Commission n’avait pas publié à cette date les quantités autorisées pour des utilisations critiques en 2005, est dénué de pertinence. En effet, dans la mesure où la preuve avancée par la requérante repose sur une comparaison inadéquate, sa base de calcul est faussée. Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, même dans la suite de la procédure, la requérante n’a ni modifié ni étayé ses arguments quant à la nature ou à l’étendue du préjudice allégué qui résulterait de cette réduction, bien que, à la date du dépôt de sa réplique, la décision du 23 août 2005 fixant les quantités autorisées ait été publiée depuis plusieurs semaines.

58      De surcroît, le Tribunal estime que les seules données des ventes de janvier et de février 2004 ainsi que des prix de mars 2005 ne sauraient suffire à établir l’existence d’un préjudice réel. Certes, les données statistiques avancées par la requérante démontrent une chute de ses ventes en janvier et en février 2005 par rapport à celles de janvier et de février 2004. Cependant, il y a lieu de relever que ces seules données de janvier et de février 2004 constituent, tout au plus, des statistiques dont l’interprétation reste incertaine et n’ayant qu’une valeur illustrative (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, point 23, et du 4 mars 1980, Pool/Conseil, 49/79, Rec. p. 569, point 9), notamment au regard des changements du contexte des opérations économiques de la requérante relevés au point 55 ci-dessus.

59      En second lieu, il convient de constater qu’il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, la requérante doit apporter au Tribunal la preuve d’un préjudice concret et spécifiquement subi dans le développement de ses affaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Roquette frères/Commission, précité, point 23). À cet égard, il convient de rappeler que l’indisponibilité du site ODS en janvier et en février 2005 a dû avoir les mêmes conséquences pour tous les importateurs. Partant, pour établir l’existence d’un préjudice, la requérante est tenue de prouver à suffisance que la baisse de ses ventes en janvier et en février 2005 n’a pas pu être rattrapée par la suite, et que ces pertes sont dues au comportement qu’elle reproche à la Commission. À cet égard, la requérante avance les questionnaires annexés à la requête et remplis par ses clients, les entreprises S, PO, G, B, PI et T, et prétend avoir reçu des demandes spécifiques de ses clients pour du bromure de méthyle en janvier et en février 2005.

60      S’agissant, premièrement, des réponses aux questionnaires, il y a lieu de relever qu’elles datent de la fin d’avril et du début de mai 2005 et qu’elles indiquent, au moyen de cases cochées, que ces entreprises sont des clients de la requérante, qu’elles n’ont pas acheté de bromure de méthyle en janvier et en février 2005, que cela est dû à l’absence de cadre réglementaire (réponses des entreprises S, PO, G, PI et T) ou d’une quantité disponible (réponse de l’entreprise B) et qu’un achat des quantités correspondant aux besoins de janvier et de février 2005 n’était plus possible au moment où les questionnaires ont été remplis ni ultérieurement, la fumigation de bromure de méthyle étant saisonnière. Seule l’entreprise G a, en outre, répondu, le 12 avril 2005, à un premier questionnaire qui comportait des questions supplémentaires concernant les quantités de bromure de méthyle achetées par le client en janvier et en février 2004 et celles qu’il aurait achetées en janvier et en février 2005 si le cadre réglementaire avait été disponible. L’entreprise G a indiqué qu’elle avait l’intention d’acheter auprès de la requérante en janvier et en février 2005 une quantité de bromure de méthyle égale à celle achetée en janvier et en février 2004.

61      Concernant la valeur probante des réponses aux questionnaires produites par la requérante en l’espèce, le Tribunal estime que la perte d’une vente à un client, qui n’a pas pu être rattrapée par la suite, doit être prouvée au moyen d’une preuve suffisamment précise. En l’espèce, les réponses des entreprises S, PO, B, PI et T aux questionnaires, qui sont postérieures à la période litigieuse, ne contiennent aucune déclaration indiquant que ces entreprises avaient l’intention d’acheter une quantité précise de bromure de méthyle auprès de la requérante en janvier et en février 2005. À cet égard, il y a lieu de relever que le questionnaire rempli par ces entreprises (à la différence du premier questionnaire rempli par l’entreprise G) ne contenait aucune question en ce sens et qu’aucun de ces clients n’a indiqué une quantité de bromure de méthyle qu’il aurait souhaité acheter auprès de la requérante au cours de la période litigieuse. Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer que les réponses des entreprises S, PO, B, PI et T constituent des preuves suffisamment convaincantes des pertes de ventes à ces clients.

62      De surcroît, il résulte des informations fournies par la Commission que l’entreprise B a obtenu une licence le 18 février 2005 et a fait une commande qui a été satisfaite par la requérante en mars 2005, le transfert du bromure de méthyle aux clients nécessitant quelques semaines, mais elle n’a précisé aucune quantité supplémentaire qu’elle aurait commandée au cours de la période litigieuse. En outre, l’entreprise S n’a effectué aucune démarche pour obtenir du bromure de méthyle entre le 1er janvier et le 1er juin 2005. De plus, si les entreprises PO et T ont effectué de telles démarches au mois de mars 2005, elles se sont cependant adressées à d’autres importateurs pour leurs achats de bromure de méthyle. À l’exception de l’entreprise G, qui n’était pourtant pas enregistrée sur le site ODS en janvier et en février 2005 (voir point 66 ci-après), le Tribunal ne dispose, partant, d’aucune preuve d’intentions concrètes d’achats auprès de la requérante des quantités déterminées de bromure de méthyle en janvier et en février 2005.

63      Il y a également lieu de relever que les réponses aux questionnaires, qui ont été données par les clients de la requérante entre le 12 avril 2005 et le début de mai 2005, se limitent à indiquer que les ventes n’ayant pas été effectuées en janvier et en février de cette année ne pouvaient plus l’être au moment où les questionnaires ont été remplis, à savoir deux mois et plus après que le site ODS a commencé à fonctionner. Pourtant, ces réponses n’excluent pas que ces ventes auraient pu être rattrapées au cours du mois de mars 2005, les limites de l’application saisonnière à laquelle se réfère la requérante n’étant pas clairement déterminées. Il y a lieu de relever que la requérante n’a étayé par aucun autre moyen son assertion selon laquelle les mois de janvier et de février constituent un pic saisonnier de l’utilisation du bromure de méthyle, bien que la Commission ait contesté cette affirmation dans son mémoire en défense de manière substantielle, notamment en se référant à l’absence d’importations de bromure de méthyle par la requérante en janvier et en février 2003 et en janvier 2004. À cet égard, la position de la Commission est corroborée par les exemples relatifs à l’entreprise B, qui a obtenu une licence le 18 février 2005 et a acheté du bromure de méthyle auprès de la requérante au début de mars 2005, et aux entreprises PO et T, qui ont demandé des licences pour du bromure de méthyle en mars 2005.

64      De plus, il résulte des données communiquées par la Commission et non contestées par la requérante que, malgré les circonstances plus restrictives relevées au point 55 ci-dessus, les importations de bromure de méthyle de la requérante pour l’ensemble du premier trimestre de l’année 2005 ne révèlent pas de baisse significative par rapport aux premiers trimestres des années 2003 et 2004, mais, au contraire, une augmentation par comparaison avec le premier trimestre de l’année 2004. Cette augmentation semble indiquer que des ventes n’ayant pas eu lieu en janvier et en février 2005 ont été rattrapées en mars 2005. À cet égard, la requérante se limite à faire observer que les chiffres indiqués par la Commission ne concernent que les importations et ne tiennent pas compte des ventes de son stock en 2004 (sans pour autant faire le même commentaire à propos de 2003). Cependant, elle n’a pas produit devant le Tribunal les données des ventes pour les mois de janvier et de février 2003 ni celles des mois de mars 2003, 2004 et 2005, données qui auraient pu indiquer que la prétendue saisonnalité de la vente et de l’application du bromure de méthyle est limitée aux seuls mois de janvier et de février. Partant, la requérante n’a pas démontré que des ventes n’ayant pas eu lieu en janvier et en février 2005 n’ont pas pu être rattrapées en mars 2005 ni que certains de ses clients n’ont pas choisi de s’approvisionner auprès de concurrents en mars 2005.

65      Enfin, la réalisation d’une vente de bromure de méthyle par la requérante au cours des mois de janvier et de février 2005 aurait requis que le client réunisse les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), et paragraphe 4, du règlement afin que la requérante puisse répondre à une demande au sens de l’article 4, paragraphe 4, sous i), b), deuxième tiret, du règlement, l’autorisant à vendre une quantité précise de bromure de méthyle. Figure parmi ces conditions, notamment, celle que le client soit enregistré sur le site ODS et qu’il n’ait plus de stock de bromure de méthyle disponible.

66      Or, en l’espèce, les entreprises G et PI n’étaient pas enregistrées sur le site ODS en janvier et en février 2005. L’allégation de la requérante selon laquelle il était impossible pour l’entreprise G de se faire enregistrer sur le site ODS pendant ces deux mois n’a pas été étayée par des preuves. Or, celles-ci étaient nécessaires étant donné que l’enregistrement est effectué par l’intermédiaire des États membres et que la Commission a remarqué à l’audience que tous les fumigateurs avaient la possibilité d’obtenir leur enregistrement en janvier et en février 2005. En outre, les éléments fournis par la requérante ne démontrent pas que ses clients n’avaient plus de stocks disponibles au cours de ces deux mois. En particulier, aucune information concernant les stocks ne ressort des réponses aux questionnaires, contrairement à ce que prétend la requérante. Par conséquent, la requérante n’a pas apporté, devant le Tribunal, d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que ses clients réunissaient les conditions nécessaires à la réalisation des ventes prétendument perdues.

67      Eu égard à ce qui précède, les réponses aux questionnaires produites par la requérante n’établissent pas à suffisance l’existence d’un préjudice.

68      Deuxièmement, il convient de constater, en ce qui concerne les demandes spécifiques de ses clients auxquelles se réfère la requérante aussi bien dans sa requête que dans ses communications avec la Commission, qu’elle n’a fourni aucune preuve, outre les réponses aux questionnaires examinées ci-dessus, qui démontrerait que les clients ayant répondu aux questionnaires ou d’autres clients voulaient effectivement lui acheter, en janvier et en février 2005, des quantités déterminées de bromure de méthyle, que ces ventes n’étaient pas possibles du fait du comportement reproché à la Commission et qu’elles ne pouvaient pas être rattrapées en mars 2005. Il s’ensuit que la requérante n’a prouvé aucun préjudice concret et spécifiquement subi dans le développement de ses affaires.

69      À titre surabondant, force est de constater que le calcul du préjudice proposé par la requérante ne permet pas, en tout état de cause, l’évaluation du préjudice prétendument subi.

70      En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le préjudice correspondant à un manque à gagner consiste dans la différence entre les bénéfices qu’un requérant aurait tirés selon le cours normal des choses et les bénéfices qu’il a effectivement tirés au cours de la période en question (voir, en ce sens, arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 26).

71      Or, le Tribunal constate que la requérante calcule son prétendu préjudice en multipliant la quantité de bromure de méthyle potentiellement vendue en janvier et en février 2005 par la différence entre les prix de vente et d’achat en mars 2005. La différence entre les prix de vente et d’achat n’indique pas les bénéfices tirés de telles opérations et, par conséquent, le préjudice allégué. La requérante n’a donc pas apporté au Tribunal les éléments de preuve nécessaires afin d’appuyer le calcul de son prétendu préjudice. L’offre de preuve faite par la requérante lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, afin d’indiquer les dépenses auxquelles elle est contrainte dans le cadre de ses opérations d’importation et de vente de bromure de méthyle, doit être rejetée comme tardive, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure.

72      Eu égard à tout ce qui précède, le Tribunal relève que la requérante n’a pas établi l’existence d’un préjudice.

73      En conséquence, la demande principale de la requérante doit être rejetée.

 Sur la demande subsidiaire de la requérante

74      Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de donner droit à la demande subsidiaire de la requérante d’ordonner que la Commission soit tenue de réparer le préjudice subi et que les parties produisent au Tribunal, dans un délai raisonnable, les chiffres relatifs au montant de l’indemnisation convenue entre les parties ou, faute d’accord entre elles, de produire au Tribunal, et dans le même délai, leurs prétentions accompagnées d’éléments justificatifs chiffrés précis.

75      En effet, il ressort de la jurisprudence que, pour donner droit à une telle demande, qui vise une évaluation ultérieure du préjudice, les éléments qui déclenchent la responsabilité de la Communauté doivent être établis, de sorte que seul le montant précis de l’indemnité doit encore être déterminé (voir, en ce sens, arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 37, et arrêt du Tribunal du 31 janvier 2001, Jansma/Conseil et Commission, T‑76/94, Rec. p. II‑243, point 102). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, la condition tenant à l’existence d’un préjudice n’étant pas remplie (voir points 54 à 67 ci-dessus).

76      Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.