Language of document : ECLI:EU:T:2006:24

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 janvier 2006 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Allocation pour enfant à charge – Allocation double pour enfant atteint d’un handicap – Article 67, paragraphe 2, du statut – Déduction du montant d’une allocation de même nature »

Dans l’affaire T-33/04,

Roderich Weißenfels, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bereldange (Luxembourg), représenté par Me H. Arend, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme L. Knudsen, M. U. Rösslein et Mme E. Ecker, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement du 26 juin 2003 déduisant du montant de la double allocation pour enfant à charge, octroyée au requérant au titre de l’article 67, paragraphe 3, du statut, le montant d’une allocation de même nature perçue par ailleurs,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2005,

rend le présent


Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 62, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), prévoit que la rémunération des fonctionnaires comprend, notamment, les allocations familiales.

2       En vertu de l’article 67, paragraphe 1, sous b), du statut, les allocations familiales comprennent notamment l’allocation pour enfant à charge.

3       L’article 67, paragraphes 2 et 3, du statut dispose :

« 2. Les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales […] sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées par ailleurs, ces allocations venant en déduction de celles payées en vertu [du statut] […]

3. L’allocation pour enfant à charge peut être doublée par décision spéciale et motivée de l’autorité investie du pouvoir de nomination prise sur la base de documents médicaux établissant que l’enfant en cause impose au fonctionnaire de lourdes charges résultant d’un handicap mental ou physique dont est atteint l’enfant. »

4       Les articles 1 à 5 de la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979 portant création d’une allocation spéciale pour personnes handicapées, abrogée par la loi du 19 juin 1998 portant introduction d’une assurance dépendance, mais toujours applicable à la présente affaire en application des dispositions transitoires de cette dernière loi (ci-après la « loi luxembourgeoise du 16 avril 1979 »), sont ainsi libellés :

« Art. 1er. Toute personne gravement handicapée domiciliée au Grand-Duché de Luxembourg et y ayant résidé depuis dix ans au moins a droit aux avantages de la présente loi.

Le même droit est ouvert aux enfants handicapés à partir de l’âge de trois ans […]

Art. 2. Est à considérer comme personne gravement handicapée au sens de la présente loi toute personne dont une ou plusieurs fonctions physiques ou mentales sont […] diminuées d’une façon telle qu’elle ne peut subsister sans l’assistance ou les soins constants d’une tierce personne

[…]

Art. 3. Toute personne gravement handicapée […] a droit […] à une allocation spéciale […]

Art. 4. L’allocation […] est […] suspendue […] jusqu’à concurrence du montant d’une prestation étrangère de même nature.

Art. 5. L’allocation […] est exempte d’impôts et de cotisations d’assurances sociales […] »

 Faits à l’origine du litige

5       Le requérant, fonctionnaire de grade A*12 (ancien grade A 4), est entré au service du Parlement, à Luxembourg, le 1er avril 1982.

6       Son fils aîné est né le 31 janvier 1982. Il souffre depuis sa petite enfance d’un handicap lourd.

7       L’allocation pour enfant à charge prévue à l’article 67, paragraphe 1, sous b), du statut a été octroyée au requérant dès son entrée en fonctions au Parlement. Le 31 juillet 1987, le Parlement a décidé, en application de l’article 67, paragraphe 3, du statut, de doubler, à compter du 1er mai 1987, l’allocation pour enfant à charge en faveur du fils du requérant. Par décision du 8 juillet 1997, le doublement de l’allocation pour enfant à charge a été accordé pour une nouvelle période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000.

8       Par décision du 26 avril 1999, prise en application de la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979, le Fonds national de solidarité luxembourgeois a décidé de verser au requérant, en tant qu’ayant droit de son fils, à compter du 1er décembre 1998, une allocation spéciale pour personne gravement handicapée.

9       Le requérant a informé le Parlement du versement de l’allocation luxembourgeoise à la mi-octobre 1999.

10     Par décision du 22 octobre 1999, le Parlement a, en application de l’article 67, paragraphe 2, du statut, diminué la somme correspondant au doublement de l’allocation statutaire pour enfant à charge du montant de l’allocation luxembourgeoise, avec effet au 1er décembre 1998.

11     Par décision du 20 septembre 2000, le doublement de l’allocation pour enfant à charge a été accordé pour une nouvelle période allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003. La somme correspondant au doublement de l’allocation statutaire pour enfant à charge a été diminuée du montant de l’allocation luxembourgeoise par décision du 18 septembre 2000.

12     Par décision du 1er juillet 2003, le doublement de l’allocation pour enfant à charge a été accordé pour une nouvelle période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006.

13     Entre-temps, par courrier du 4 juin 2003, le requérant a contesté le principe de la déduction par le Parlement du montant de l’allocation luxembourgeoise en ces termes :

« Comme je l’ai déjà fait valoir [le] 28 mai 2003, la pension pour handicapé n’est pas allouée à moi-même mais à mon fils […], sachant cependant qu’elle m’est versée en tant que représentant légal. Une déduction conformément à l’article 67, paragraphe 2, du statut de la double allocation pour enfant à charge qui m’est octroyée conformément à l’article 67, paragraphe 3, ne saurait entrer en ligne de compte.

Cette situation résulte du fait, d’une part, qu’il s’agit de deux ayants droit distincts (personnes juridiques) et, d’autre part, que la pension constitue une prestation autonome et non une ‘allocation’.

Pour finir, il n’est pas non plus question [d’une allocation] de ‘même nature’, sachant que l’allocation au sens du paragraphe 3 sert à pallier les charges extraordinaires auxquelles le fonctionnaire fait face, tandis que la pension constitue une prestation pour la personne handicapée. »

14     Par décision du 26 juin 2003, le Parlement a toutefois appliqué la déduction.

15     Par courrier du 13 août 2003, le requérant a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 26 juin 2003. Ladite réclamation a été rejetée par courrier du Parlement du 10 novembre 2003.

16     Le 28 avril 2004, postérieurement à l’enregistrement de la requête dans la présente affaire, le Parlement a pris une décision de déduction en application de l’article 67, paragraphe 2, du statut tenant compte du montant mis à jour de l’allocation luxembourgeoise. Le 8 juin 2004, le requérant a introduit une réclamation dirigée contre la décision du 28 avril 2004, qui a été rejetée par décision du Parlement du 15 septembre 2004.

 Procédure et conclusions des parties

17     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 février 2004, le requérant a introduit le présent recours.

18     Dans sa requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du 26 juin 2003 ainsi que la décision du 10 novembre 2003 de rejet de sa réclamation du 13 août 2003 dirigée contre la décision du 26 juin 2003 ;

–       condamner le Parlement à lui rembourser la totalité des retenues opérées indûment sur ses rémunérations, majorées des intérêts légaux ;

–       condamner le Parlement aux dépens.

19     Dans sa réplique, le requérant reformule son deuxième chef de conclusions et étend le recours en concluant à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       « annuler la décision implicite de rejet de [s]a demande formulée le 4 juin 2003 […] tendant au remboursement de la double allocation pour enfant à charge retenue à tort par le passé, ainsi que la décision rendue par le défendeur le 10 novembre 2003 à la suite du recours introduit contre cette première décision ;

–       annuler la décision du défendeur du 28 avril 2004, qualifiant l’aide spéciale au profit des personnes handicapées octroyée par ailleurs à son fils […] d’allocation de même nature’, au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut, que la double allocation pour enfant à charge […], ainsi que la décision rendue par le défendeur le 15 septembre 2004 à la suite du recours introduit contre cette première décision ;

–       condamner le défendeur à réparer le dommage subi […], à hauteur des intérêts au taux légal sur la partie de ses rémunérations retenue à tort, correspondant à la double allocation pour enfant à charge ;

–       condamner le défendeur au paiement des dépens, y compris les frais [qu’il a] exposés ».

20     Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le recours irrecevable ;

–       déclarer la demande d’injonction irrecevable ;

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       décider sur les dépens comme de droit.

21     Dans sa duplique, le Parlement se réfère à son mémoire en défense et conclut à titre complémentaire à ce qu’il plaise au Tribunal déclarer irrecevable la demande du requérant visant à l’annulation de la décision du Parlement du 28 avril 2004.

 Sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à faire condamner le Parlement au remboursement de certaines sommes

 Arguments des parties

22     Le Parlement fait valoir que le chef de conclusions visant à le faire condamner au remboursement de certaines sommes constitue une injonction à son égard. Or, selon une jurisprudence constante, le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions aux institutions communautaires, de sorte que ledit chef de conclusions serait irrecevable.

23     Le requérant a, à la suite des observations du Parlement (point 22 ci-dessus), procédé dans sa réplique à une reformulation du chef de conclusions en cause.

 Appréciation du Tribunal

24     Il suffit de relever que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (voir arrêt du Tribunal du 9 juin 2005, Castets/Commission, T-80/04, non encore publié au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

25     Or, en concluant à ce que le Parlement soit condamné à lui rembourser la totalité des retenues opérées sur ses rémunérations, le requérant demande au Tribunal d’adresser une injonction au Parlement. 

26     S’agissant du chef de conclusions en cause tel que reformulé dans la réplique, visant à ce que le Parlement soit condamné à réparer le dommage subi, le Tribunal constate qu’il reflète une demande en indemnité au sens de l’article 235 CE. Or, l’objet du litige étant fixé dans la requête introductive d’instance, il ne saurait être modifié au stade de la réplique.

27     Il résulte de ce qui précède que le chef de conclusions en cause est irrecevable et, partant, doit être rejeté.

 Sur l’objet des divers chefs de conclusions visant à l’annulation de décisions du Parlement

28     Dans sa requête et sa réplique, le requérant conclut à l’annulation de la décision du 26 juin 2003 et de la décision du 10 novembre 2003 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du 26 juin 2003. Il conclut en outre, dans sa réplique, à l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande initiale du 4 juin 2003 visant à la non-déduction de la somme correspondant à l’allocation luxembourgeoise, de la décision de déduction du 28 avril 2004 ainsi que de la décision du 15 septembre 2004 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du 28 avril 2004.

29     Il y a lieu de relever d’emblée que le chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 10 novembre 2003 rejetant la réclamation du requérant est sans objet ou portée autonome par rapport à celui visant à l’annulation de la décision du 26 juin 2003. Ces deux chefs de conclusions se confondent donc.

30     S’agissant, ensuite, de la décision implicite de rejet de la demande initiale du requérant du 4 juin 2003, il convient de constater que son objet est identique à celui de la décision du 26 juin 2003, de sorte que le chef de conclusions visant à son annulation se confond lui aussi avec les précédents.

31     En ce qui concerne, en outre, la décision de déduction du 28 avril 2004, force est de constater que ladite décision est identique en substance à la décision du 26 juin 2003. Seul diffère, par rapport à celle-ci, le montant de l’allocation luxembourgeoise, qui y est mis à jour. La décision du 28 avril 2004 est donc purement confirmative de la décision du 26 juin 2003. Dans ces conditions, les chefs de conclusions visant à l’annulation de la décision de déduction du 28 avril 2004 ainsi que de la décision du 15 septembre 2004 rejetant la réclamation dirigée contre la décision du 28 avril 2004 sont sans objet ou portée autonome par rapport aux chefs de conclusions visés au point 29 ci-dessus. Enfin, il convient de relever que, lors de l’audience, le requérant a admis que les divers chefs de conclusions en annulation exposés dans sa requête et dans sa réplique avaient le même objet, à savoir la demande d’annulation de la décision du 26 juin 2003.

32     Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation du requérant doit être considéré comme dirigé contre la seule décision du 26 juin 2003 (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

33     Le Parlement excipe de l’irrecevabilité du présent recours au motif que la décision attaquée mettrait simplement à jour le montant de l’allocation nationale à déduire fixé par la décision de déduction du 22 octobre 1999. Aucun fait nouveau substantiel justifiant la réouverture des délais de recours contre la décision du 22 octobre 1999 ne serait intervenu depuis ladite décision et le délai de trois mois prévu aux articles 90 et 91 du statut aurait expiré depuis plus de trois ans lorsque le requérant a introduit sa réclamation le 14 août 2003. Or, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal du 6 décembre 1990, Petrilli/Commission, T-6/90, Rec. p. II-765, publication sommaire ; ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2001, Stols/Conseil, T-99/97, RecFP p. I-A-233 et II‑1061), le fonctionnaire ne saurait, par l’introduction d’une demande ultérieure, mettre en cause une décision antérieure qui n’a pas été contestée dans les délais.

34     Le requérant soutient que l’acte du 26 juin 2003, que le Parlement qualifierait lui-même de décision, lui fait incontestablement grief et que le présent recours ne vise pas à l’annulation de la décision du 22 octobre 1999. En outre, l’argument du Parlement ayant trait à la mise à jour du montant de l’allocation nationale à déduire ne serait pas pertinent dans la mesure où le montant de l’allocation luxembourgeoise a toujours représenté plus du double de celui du doublement de l’allocation statutaire.

 Appréciation du Tribunal

35     Il ressort du dossier que la décision de doublement de l’allocation pour enfant à charge est prise pour une durée déterminée, en l’occurrence de trois années. En outre, tout renouvellement du doublement de l’allocation est précédé d’un nouvel examen, notamment médical, effectué sur la base d’une nouvelle demande de l’intéressé. Un tel renouvellement, loin d’être automatique, constitue donc une nouvelle décision. Il convient de noter que, lors de l’audience, le Parlement a admis le bien-fondé de cette analyse.

36     La décision de déduction subséquente constitue elle aussi une nouvelle décision. En effet, elle est prise à la suite d’un examen tendant à s’assurer qu’une allocation de même nature est versée par ailleurs alors même qu’une nouvelle décision de doublement de l’allocation vient d’être adoptée.

37     Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le Parlement, la décision attaquée constitue une décision distincte de celle du 22 octobre 1999.

38     Le requérant ayant contesté la décision attaquée dans le délai prévu par le statut, le recours doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

 Arguments des parties

39     À l’appui de son recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 67, paragraphe 2, du statut. Il soutient que les conditions prévues par ladite disposition pour procéder à la déduction du montant de l’allocation luxembourgeoise ne sont pas réunies en l’espèce, puisque l’allocation statutaire et l’allocation luxembourgeoise ne seraient pas de même nature. Au soutien de cet argument, le requérant fait valoir, en substance, premièrement, que les bénéficiaires de l’allocation statutaire et de l’allocation luxembourgeoise ne sont pas identiques et, deuxièmement, que l’allocation statutaire est liée à la relation de travail du requérant alors que l’allocation luxembourgeoise est octroyée indépendamment de toute relation de travail.

40     Le requérant relève, tout d’abord, que la double allocation pour enfant à charge, prévue à l’article 67, paragraphe 3, du statut, est une composante de la rémunération du fonctionnaire au sens de l’article 62 du statut, ce qui correspond au terme allemand « Zulage ». Cette allocation serait destinée et versée au fonctionnaire, afin de contribuer aux charges résultant du handicap de l’enfant.

41     En revanche, la prestation, qui correspondrait au terme allemand « Zuwendung », versée par le Fonds national de solidarité luxembourgeois serait une prestation sociale autonome versée à la personne handicapée elle-même, et non au requérant. Ce dernier ne percevrait ladite prestation qu’en sa qualité d’ayant droit de son fils.

42     Il en résulterait que la prestation versée par le Fonds national de solidarité luxembourgeois ne serait pas une allocation au sens de l’article 67 du statut. Elle ne serait donc pas une allocation « de même nature » au sens de cette dernière disposition, de sorte que la déduction opérée par le Parlement sur le fondement de l’article 67, paragraphe 2, du statut serait illégale.

43     Peu importerait à cet égard que les allocations soient comparables ou aient la même finalité, ces termes ne figurant d’ailleurs pas dans l’article 67, paragraphe 2, du statut.

44     Le requérant fait, ensuite, observer que l’article 67, paragraphe 2, du statut constitue une disposition d’exception, d’interprétation étroite, qui ne trouve application que lorsque la prestation versée par ailleurs est soumise à la réunion de conditions comparables à celle ouvrant droit à la perception d’allocations statutaires. Tel serait le cas si cette prestation, au même titre que la double allocation pour enfant à charge de l’article 67, paragraphe 3, du statut, était payée à titre de complément d’autres revenus salariés. Or, cette condition ne serait pas remplie en l’espèce, puisque aucune activité professionnelle n’est exercée par la mère de l’enfant du requérant en raison des soins nécessités par le lourd handicap de ce dernier.

45     Par ailleurs, le requérant fait valoir que les deux arrêts du Tribunal (arrêts du Tribunal du 10 mai 1990, Sens/Commission, T-117/89, Rec. p. II-185, et du 7 février 1991, De Rijk/Commission, T-167/89, Rec. p. II-91) invoqués par le Parlement dans sa décision du 10 novembre 2003 de rejet de la réclamation du requérant ne sont pas pertinents eu égard à l’objet du présent litige, puisque, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, la réunion des conditions d’application de l’article 67, paragraphe 2, du statut n’était pas contestée. Le requérant ajoute que les deux arrêts de la Cour mentionnés par le Parlement dans sa décision de rejet de la réclamation du 10 novembre 2003 (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, Commission/Belgique, 186/85, Rec. p. 2029, et Commission/Allemagne, 189/85, Rec. p. 2061) avaient déjà consacré le caractère d’exception spécifique de l’article 67, paragraphe 2, du statut et l’exigence d’une situation comparable à celles ouvrant droit aux allocations statutaires. Dans ces conditions, c’est non seulement à tort, mais également de mauvaise foi que le Parlement aurait déduit de la double allocation pour enfant à charge le montant de la prestation nationale versée par ailleurs. Il en résulterait que, « si ce n’est directement, à tout le moins a contrario par analogie », le droit à remboursement des retenues opérées indûment découle des dispositions combinées des articles 62 et 85 du statut.

46     Le Parlement fait valoir en substance que le requérant ne saurait faire abstraction de l’interprétation jurisprudentielle de l’article 67, paragraphe 2, du statut en vertu de laquelle ce serait à bon droit que le Parlement a procédé à la déduction litigieuse sur le fondement de ladite disposition. Il conclut au rejet du moyen unique soulevé par le requérant.

 Appréciation du Tribunal

47     Selon une jurisprudence constante, seules les allocations qui sont comparables et qui ont le même but sont de même nature au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut (arrêts de la Cour du 13 octobre 1977, Deboeck/Commission, 106/76, Rec. p. 1623, point 16, et Emer/Commission, 14/77, Rec. p. 1683, point 15 ; arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Pavan/Parlement, T‑147/95, RecFP p. I-A-291 et II-861, point 41).

48     S’agissant du caractère comparable et de l’identité de but de l’allocation prévue par la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979 et de l’allocation visée par l’article 67, paragraphe, 3 du statut, force est de constater que cette dernière disposition fait expressément mention des lourdes charges incombant au fonctionnaire en raison du handicap dont est atteint son enfant. De la même façon, la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979 mentionne, dans son article 2, l’assistance ou les soins constants devant être apportés par une autre personne au bénéficiaire de l’allocation en raison de son handicap.

49     Tant l’allocation statutaire que l’allocation luxembourgeoise visent donc clairement à fournir une aide pour faire face aux charges induites par l’assistance et les soins requis par une personne lourdement handicapée, de sorte que le caractère comparable et l’identité de but des deux allocations sont avérés.

50     Il y a lieu en outre de souligner que les deux allocations en question sont forfaitaires et non imposables, ce qui accroît encore leur caractère comparable.

51     La circonstance, soulignée par le requérant, selon laquelle les bénéficiaires des deux prestations ne sont pas les mêmes n’est pas de nature à modifier cette appréciation. Peu importe en effet de savoir qui, de l’enfant handicapé ou de son père, est formellement bénéficiaire de l’allocation. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sens/Commission, précité (points 2, 6, 7, 8 et 14), la basisbeurs, allocation prévue par la réglementation néerlandaise en matière de financement des études, était perçue par l’étudiante, à savoir la fille du requérant fonctionnaire, et non par ce dernier. Cette circonstance n’a pas conduit le Tribunal à infirmer l’appréciation, non contestée par les parties, selon laquelle la basisbeurs était de même nature, au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut, que l’allocation scolaire octroyée au fonctionnaire au titre de l’article 67, paragraphe 1, du statut.

52     L’argument du requérant selon lequel les deux allocations en cause ne seraient pas de même nature au motif que l’allocation statutaire vient en complément du traitement du requérant, contrairement à l’allocation nationale qui serait versée sans condition de revenu à l’enfant handicapé, n’est pas non plus convaincant. En effet, d’une part, les allocations statutaires sont par leur nature même versées au titulaire de l’emploi de fonctionnaire. D’autre part, c’est le critère de l’aide fournie pour faire face aux charges induites par l’assistance et les soins requis par une personne lourdement handicapée (voir point 49 ci-dessus) qui est décisif aux fins de l’appréciation selon laquelle les deux allocations en cause dans la présente affaire sont de même nature.

53     S’agissant, enfin, de l’argument d’ordre linguistique du requérant selon lequel les prestations statutaire et luxembourgeoise ne seraient pas toutes deux des allocations au sens du statut et partant, ne sauraient être des allocations de même nature, il n’est pas davantage de nature à modifier l’appréciation du Tribunal. Il suffit à cet égard de relever que les termes allemands en cause (« Zulage », « Beihilfe » et « Zuwendung ») sont identiques dans la version française du statut et de la loi luxembourgeoise du 16 avril 1979, qui utilisent uniformément le terme « allocation ».

54     Il résulte de ce qui précède que les deux allocations statutaire et luxembourgeoise sont « de même nature » au sens de l’article 67, paragraphe 2, tel qu’interprété par une jurisprudence constante, de sorte que la déduction opérée par le Parlement dans la décision attaquée l’a été à bon droit.

55     Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen unique invoqué par le requérant et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2006.

Le greffier

 

      Le président


E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l'allemand.