Language of document :

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

29 mai 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque figurative PLAN B – Nom commercial antérieur Ediciones Plan B – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑777/22,

Penguin Random House Grupo Editorial, SAU, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me E. Armijo Chávarri, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo et Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Ediciones Literarias Independientes, SL, établie à Malaga (Espagne), représentée par Me B. Martínez Hulin, avocate,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. J. Schwarcz, faisant fonction de président, R. Norkus (rapporteur) et W. Valasidis, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Penguin Random House Grupo Editorial, SAU, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 septembre 2022 (affaire R 2015/2021‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 25 juillet 2022, l’intervenante, Ediciones Literarias Independientes, SL, a déposé à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 13 avril 2018 pour le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 9 et 16 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Liseuses électroniques, livres électroniques (e-books) ; appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement de traitement de données, ordinateurs ; logiciels, à l’exclusion des logiciels pour services de sécurité et logiciels pour services de gestion de la sécurité ; extincteurs ; publications électroniques téléchargeables ; publications électroniques enregistrées sur support informatique » ;

–        classe 16 : « Papier et carton ; produits de l’imprimerie ; photographies ; papeterie ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire [électriques ou non électriques] ; articles de bureau à l’exception des meubles ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; publications imprimées ; livres ; tous les produits précités à l’exception des adhésifs ou produits en papier contenant des points de colle, tampons adhésifs ou rubans adhésifs ».

4        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Avec sa demande, l’intervenante avait produit, notamment, la copie de l’arrêt du 26 juin 2019 du Tribunal Superior de Justicia de Madrid (tribunal supérieur de justice de Madrid, Espagne) rejetant le recours de la requérante contre la décision de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (Office espagnol des brevets et des marques) (ci-après, « l’OEPM ») refusant l’enregistrement demandé par la requérante pour la marque figurative espagnole no 3 641 418 suivante (ci-après, la « marque espagnole PLAN B » :

Image not found

5        Le 6 octobre 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 2 décembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours au motif que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne n’était pas le résultat d’un comportement conforme aux habitudes loyales et constantes du commerce.

8        Premièrement, s’agissant de la création du signe, la chambre de recours a constaté que, le 29 avril 2016, l’intervenante avait sollicité auprès de l’OEPM l’enregistrement du nom commercial ediciones Plan B sous la forme du signe figuratif suivant :

Image not found

9        Le nom commercial ediciones Plan B a été enregistré le 12 septembre 2016 sous le no 366 342 pour des services relevant de la classe 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ». La chambre de recours a conclu que le fait d’avoir été la première à enregistrer un signe distinctif comportant l’expression « plan b » conférait à l’intervenante le droit sur ce signe.

10      Deuxièmement, s’agissant de la chronologie des événements antérieurs à l’enregistrement de la marque contestée, la chambre de recours a relevé que, le 24 novembre 2016, la requérante avait demandé auprès de l’OEPM l’enregistrement d’un signe identique à ladite marque, à savoir, la marque espagnole PLAN B. Cet enregistrement a été refusé à la suite d’une procédure d’opposition portée par l’intervenante d’abord devant l’OEPM et ensuite devant le tribunal supérieur de justice de Madrid.

11      La chambre de recours a également constaté que la requérante avait demandé l’enregistrement de la marque contestée le 13 avril 2018, soit avant de se voir notifier l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019.

12      Troisièmement, s’agissant de l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la chambre de recours a considéré que la requérante souhaitait obtenir une protection pour le signe PLAN B sur le territoire de l’Union européenne, notamment en Espagne, ce qui impliquait objectivement une atteinte aux intérêts de l’intervenante.

13      Quatrièmement, quant à la connaissance de l’existence du nom commercial antérieur et du risque de confusion, la chambre de recours a considéré que la requérante avait eu connaissance non seulement de l’existence dudit signe, mais aussi du fait que la marque de l’Union européenne dont elle avait demandé l’enregistrement créait un risque de confusion avec ledit signe antérieur.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en tant qu’elle concerne les produits compris dans les classes 9 et 16 autres que ceux visés dans la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 13 avril 2018, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la requérante, dans l’argumentation soulevée, à l’article 52, paragraphe 1, sous b), à l’article 52, paragraphe 3, et à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009, comme visant l’article 59, paragraphe 1, sous b), l’article 59, paragraphe 3, et l’article 60, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique du règlement 2017/1001.

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ce moyen s’articule en trois branches tirées, la première, de l’absence de prise en considération des produits et des services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, la deuxième, de la prise en compte uniquement de la connaissance par la requérante de l’existence d’un signe identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires susceptible de créer une confusion avec ladite marque et, la troisième, de plusieurs erreurs d’appréciation.

20      Aux termes de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

21      À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de mauvaise foi, visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation de l’Union [voir arrêt du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 25 et jurisprudence citée].

22      La Cour a toutefois eu l’occasion de préciser que, alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de mauvaise foi supposait la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion devait en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. Elle a ajouté que, à cet égard, le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements nos 207/2009 et 2017/1001, adoptés successivement, s’inscrivaient dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Elle a enfin constaté que les règles sur la marque de l’Union européenne visaient, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise devait, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui avaient une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

23      Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine des produits ou des services concernés (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

24      En outre, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

25      À cette fin, constituent, notamment, des facteurs pertinents, premièrement, le fait que le demandeur sache ou doive savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53), ces facteurs n’étant toutefois que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte (voir arrêt du 29 juin 2017, CIPRIANI, T‑343/14, EU:T:2017:458, point 28 et jurisprudence citée).

26      Ainsi, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement dudit signe en tant que marque de l’Union européenne, ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO), T‑82/14, EU:T:2016:396, point 32 et jurisprudence citée].

27      Enfin, il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur en nullité d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière [voir arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, point 35 et jurisprudence citée], la bonne foi étant présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, point 57].

28      Lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie le titulaire de la marque en cause lors du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque [arrêts du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 43, et du 25 janvier 2023, Zielonogórski Klub Żużlowy Sportowa/EUIPO – Falubaz Polska (FALUBAZ), T‑703/21, non publié, EU:T:2023:19, point 67].

29      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu à l’existence de la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de l’absence de prise en considération des produits et des services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée

30      En s’appuyant sur les arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO (C‑104/18 P, EU:C:2019:724), et du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45), la requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à un examen dans l’abstrait de la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et n’a pas pris en compte tous les produits et services concrets pour lesquels la marque contestée avait été demandée.

31      En outre, la requérante estime que la chambre de recours a entériné et a transposé « automatiquement » au cas d’espèce l’appréciation faite par le tribunal supérieur de justice de Madrid dans son arrêt du 26 juin 2019 sans procéder elle-même à un examen de la similitude entre les produits et les services visés par la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B, et les services visés par le nom commercial antérieur. Selon elle, à supposer qu’une telle transposition puisse être faite, l’appréciation d’une éventuelle mauvaise foi n’aurait dû concerner que les produits visés par ladite demande d’enregistrement et compris également dans la marque contestée sans affecter la validité de cette dernière marque pour les autres produits. Lors de l’audience, la requérante a fait valoir, en outre, qu’une telle transposition automatique entacherait la décision attaquée d’un défaut de motivation.

32      Par ailleurs, la requérante estime que la chambre de recours a méconnu la différence entre la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

34      D’emblée, il convient de constater que les arguments de la requérante reposent sur une lecture erronée tant de la décision attaquée que de la jurisprudence.

35      Premièrement, il y a lieu de relever que, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a simplement constaté que, dans son arrêt du 26 juin 2019, le tribunal supérieur de justice de Madrid avait jugé que le signe figuratif dont l’enregistrement avait été demandé par la requérante et qui était identique à la marque contestée ne pouvait pas être enregistré en Espagne en raison de l’existence d’un risque de confusion avec le nom commercial antérieur de l’intervenante.

36      Or, afin de conclure, au point 35 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque contestée n’avait pas été le résultat d’un comportement conforme aux habitudes loyales et constantes du commerce, la chambre de recours s’est fondée sur l’ensemble des faits qu’elle avait examinés, sur leur chronologie, sur les documents produits par les parties et sur une appréciation globale de tous ces éléments. En affirmant que la requérante, tout en sachant qu’elle ne pouvait pas enregistrer le signe PLAN B en Espagne, s’est tournée vers le système de la marque de l’Union européenne pour demander l’enregistrement de ce même signe « pouvant prêter à confusion avec un enregistrement national bénéficiant d’une priorité », ladite chambre n’a fait que prendre acte de la décision de la juridiction nationale et a tenu compte de ses conséquences.

37      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas entériné ni transposé « automatiquement » l’appréciation faite par le tribunal supérieur de justice de Madrid dans son arrêt du 26 juin 2019, mais a pris en compte la décision de ladite juridiction lorsqu’elle a apprécié la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. À défaut d’une telle transposition, l’argument de la requérante tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée doit être rejeté comme manquant en fait.

38      Il en résulte que la chambre de recours n’a pas non plus méconnu la distinction entre la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

39      Deuxièmement, s’agissant, tout d’abord, de l’arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO (C‑104/18 P, EU:C:2019:724), il ressort de son point 61, lequel est invoqué par la requérante, lu conjointement avec les points qui le précèdent, que la Cour a dit pour droit que, lors de l’examen de la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il y avait lieu de tenir compte non seulement des produits et des services pour lesquelles la demande de marque avait pu aboutir, mais également de l’ensemble des produits et des services pour lesquels la marque avait été demandée initialement. La Cour a donc jugé que, s’il ressortait de l’article 59, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que les causes de nullité absolue visées au paragraphe 1 de cet article pouvaient, le cas échéant, exister pour une partie seulement des produits et des services pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, étant donné que, dans l’affaire faisant l’objet dudit arrêt, la nullité avait été sollicitée pour l’intégralité de ladite marque, ladite demande de nullité devait être examinée en appréciant l’intention du demandeur de la marque au moment où celui-ci demandait l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne contenant l’élément verbal et figuratif déjà utilisé par le titulaire d’une autre marque pour des produits pour lesquels ladite demande de marque n’a pas pu aboutir.

40      Par conséquent, en l’espèce, c’est à bon droit que la chambre de recours ne s’est pas limitée aux produits et aux services visés par la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B et a pris en compte l’ensemble des produits figurant dans la demande d’enregistrement de la marque contestée afin d’apprécier l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

41      Ensuite, s’agissant de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45), il est vrai que, au point 80, lequel est invoqué par la requérante, la Cour a rappelé qu’il découlait de l’article 59, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que, lorsque le motif de nullité concernait seulement certains des produits ou des services désignés dans la demande d’enregistrement, la marque devait être déclarée nulle seulement pour ces produits ou services.

42      Toutefois, le point 80 de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45) s’inscrit dans un contexte où la Cour répondait à la question de savoir, en substance, si l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 devait être interprété en ce sens qu’une demande de marque sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement constituait un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, et, dans l’affirmative, si l’article 59, paragraphe 3, de ce règlement devait être interprété en ce sens que, lorsque l’absence d’intention d’utiliser une marque conformément à ses fonctions essentielles ne concernait que certains produits ou services visés par l’enregistrement, la nullité de cette marque ne s’étendait qu’à ces produits ou à ces services.

43      C’est donc dans ce contexte que la Cour a dit pour droit que l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 devait être interprété en ce sens qu’une demande de marque sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement constituait un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l’intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. Lorsque l’absence d’intention d’utiliser la marque conformément à ses fonctions essentielles ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu’elle vise ces produits ou services.

44      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la requérante avait l’intention non-contestée d’utiliser cette marque pour l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement.

45      Partant, il convient de rejeter comme non fondée la première branche du moyen unique.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours a pris en compte uniquement la connaissance par la requérante de l’existence d’un signe identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires susceptible de créer une confusion avec la marque contestée

46      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir examiné la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en prenant en compte uniquement la connaissance de l’existence d’un signe identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires susceptible de créer une confusion avec la marque contestée.

47      Selon la requérante, bien que la chambre de recours aurait dû prendre en compte tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, elle a fondé sa décision essentiellement sur l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019 étant donné que les différents éléments d’analyse contenus dans la décision attaquée font référence à la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B et au nom commercial antérieur.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû examiner l’ensemble des facteurs pertinents et ne pas se limiter à l’examen d’un seul facteur, mais elle s’abstient de préciser les facteurs que cette chambre a omis d’examiner.

50      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a concentré son analyse sur plusieurs éléments afin de décider si le comportement de la requérante était conforme aux habitudes loyales et constantes du commerce.

51      Ainsi, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné la création du signe comportant l’expression « plan b » et a constaté que l’intervenante était la première à avoir enregistré un signe distinctif comportant cette expression.

52      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est penchée sur le titulaire du droit sur le signe comportant l’expression « plan b » et a conclu que ce droit revenait à l’intervenante au motif qu’elle l’avait enregistré la première fois.

53      La chronologie des faits produits antérieurement à l’enregistrement de la marque contestée a été analysée au point 27 de la décision attaquée. La chambre de recours y a détaillé les informations concernant l’enregistrement du nom commercial antérieur, la demande de la requérante d’enregistrement en Espagne du signe figuratif PLAN B suivi de l’opposition formée par l’intervenante et le recours devant le tribunal supérieur de justice de Madrid, et enfin la demande introduite par la requérante devant l’EUIPO aux fins de l’enregistrement de la marque contestée.

54      L’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée a été prise en considération au point 28 de la décision attaquée. La chambre de recours y a estimé notamment que l’enregistrement de cette marque se traduisait par l’obtention d’un droit exclusif sur le signe PLAN B en particulier en Espagne et que cela impliquait objectivement une atteinte aux intérêts de l’intervenante, qui est titulaire d’un droit exclusif en Espagne.

55      La chambre de recours a également examiné, au point 29 de la décision attaquée, la connaissance par la requérante de l’existence d’un signe identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires susceptible de créer une confusion avec la marque contestée. À cet égard, la chambre de recours a conclu que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque, la requérante avait connaissance tant de l’existence du nom commercial antérieur que du fait que ladite marque créait un risque de confusion avec ledit signe.

56      Aux points 30 et 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé respectivement les actions de la requérante par rapport aux habitudes loyales du commerce et les actions qui auraient été conformes auxdites habitudes.

57      Enfin, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que l’enregistrement de la marque contestée ne pouvait pas se justifier par les arguments de la requérante tirés, d’une part, de sa politique d’expansion commerciale de son label éditorial en Espagne et dans l’Union et, d’autre part, de ce que ladite marque était conforme à ses autres labels éditoriaux contenant la lettre « b ».

58      Force est donc de constater que la chambre de recours, contrairement à ce que prétend la requérante, ne s’est pas limitée à l’examen du facteur de la connaissance de l’existence d’un signe identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires susceptible de créer une confusion avec la marque contestée, mais a pris en considération tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, lesquels facteurs, considérés dans leur ensemble, lui ont permis de conclure à l’existence de la mauvaise foi. Le fait que la décision attaquée comporte des références au nom commercial antérieur et à la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B, s’inscrit naturellement dans les circonstances de l’espèce et n’affecte en rien la validité de l’analyse de ces facteurs et, partant, la légalité de ladite décision.

59      Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme non fondée la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs d’appréciation

60      La requérante soulève, en substance, cinq erreurs d’appréciation commises par la chambre de recours relatives, premièrement, à la création du signe et au droit sur celui-ci, deuxièmement, à son intention lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, troisièmement, à sa connaissance de l’existence d’un signe antérieur et d’un risque de confusion entre ce dernier et ladite marque, quatrièmement, à ses actions préalablement à l’enregistrement de cette marque et à la logique sur laquelle repose la demande d’enregistrement de la même marque, et, cinquièmement, à la pertinence de l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019.

 Sur l’appréciation de la chambre de recours relative à la création du signe et au droit sur celui-ci

61      La requérante fait valoir que la chambre de recours a assimilé, à tort, l’enregistrement de la marque contestée à celui du nom commercial antérieur. Elle estime que l’examen du facteur relatif à la création du signe aurait dû faire référence aux origines de ladite marque.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

63      Il convient de relever que, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est bornée à constater que l’intervenante a été la première à avoir enregistré un signe distinctif comportant les termes « plan b » pour des services relevant de la classe 41. Elle a donc considéré, implicitement, que la création de la marque contestée avait été ultérieure à celle du nom commercial antérieur. Ainsi, la chambre de recours n’a nullement assimilé l’enregistrement de cette marque à celui de ce nom commercial. En outre, le constat fait par la chambre de recours est exempt d’erreur, l’enregistrement dudit nom commercial étant manifestement antérieur à celui de ladite marque.

64      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation relative à la création du signe et au droit sur celui-ci.

 Sur l’appréciation de la chambre de recours relative à l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée

65      La requérante fait valoir, premièrement, que, lors de l’examen de l’intention qui était la sienne lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la chambre de recours ne s’est pas fondée sur des circonstances objectives, mais sur de « simples conjectures et hypothèses » et sur des « considérations génériques » applicables à toute autre marque susceptible de conduire à un risque de confusion avec le nom commercial antérieur.

66      Deuxièmement, la requérante affirme que les « conjectures et hypothèses » de la chambre de recours sont démenties par son comportement lors du litige l’ayant opposé à l’intervenante devant l’OEPM et, puis, devant le tribunal supérieur de justice de Madrid, que ladite chambre a conclu à tort que, en enregistrant la marque contestée elle visait « à tirer profit » ou à « porter atteinte » au nom commercial antérieur, et qu’il n’existait aucune « base objective » permettant de conclure que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque, sa position n’allait pas être différente de celle exprimée concernant la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B lors dudit litige.

67      Troisièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé le principe de la présomption de bonne foi du demandeur de l’enregistrement d’une marque en considérant, d’une part, que le fait d’avoir demandé l’enregistrement de la marque contestée démontrait sa mauvaise foi simplement parce que cette marque s’opposait à un autre signe distinctif similaire enregistré en Espagne et, d’autre part, que la charge de la preuve relative au comportement du titulaire de ladite marque revenait à ce dernier et non au demandeur en nullité.

68      Quatrièmement, la requérante affirme que « la considération ‘abstraite’ du ‘jus prohibendi’ inhérent à la marque contestée » ne démontre pas sa mauvaise foi ou son intention de porter préjudice aux intérêts de l’intervenante.

69      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      En premier lieu, s’agissant de l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la chambre de recours a estimé que, en demandant cet enregistrement, la requérante cherchait à obtenir une protection sur l’ensemble du territoire de l’Union, y compris en Espagne. Elle a également rappelé que la requérante avait déclaré vouloir mettre en œuvre sa politique d’expansion commerciale en Espagne et dans le reste de l’Union. Compte tenu du fait que l’enregistrement de la marque contestée se traduisait par l’obtention d’un droit exclusif sur le signe PLAN B en particulier en Espagne, la chambre de recours a conclu que cela impliquait objectivement une atteinte aux intérêts de l’intervenante, qui était titulaire d’un droit exclusif sur ce signe en Espagne.

71      Les considérations de la chambre de recours relatives à l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée reposent sur plusieurs éléments.

72      Premièrement, en faisant indirectement application de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, relatif au caractère unitaire de la marque de l’Union européenne, la chambre de recours s’est fondée sur le fait que le demandeur d’un enregistrement d’une marque de l’Union européenne souhaite manifestement obtenir une protection de cette marque sur le territoire de tous les États membres de l’Union, y compris en Espagne.

73      Deuxièmement, la chambre de recours a pris en compte la déclaration de la requérante selon laquelle celle-ci souhaitait développer son activité commerciale notamment en Espagne.

74      Troisièmement, bien que l’article 9, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ne soit pas mentionné dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé dans ladite décision le contenu de cette disposition selon laquelle l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne conférait à son titulaire un droit exclusif.

75      Quatrièmement, la chambre de recours a tenu compte du fait que la mise en œuvre par la requérante de son droit exclusif sur la marque contestée se heurtait à un autre droit antérieur identique ou similaire enregistré pour des produits ou des services identiques ou similaires, à savoir le nom commercial antérieur de l’intervenante.

76      Force est donc de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours s’est fondée sur plusieurs circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par l’intervenante afin d’apprécier l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Ladite chambre a donc pu à juste titre considérer que cette marque portait objectivement atteinte aux intérêts de l’intervenante tant en Espagne qu’en vue d’une éventuelle expansion commerciale sur d’autres marchés de l’Union.

77      En deuxième lieu, quant aux arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, son comportement lors du litige l’ayant opposé à l’intervenante en Espagne démentait les « conjectures et hypothèses » sur lesquelles se serait fondée la chambre de recours et, d’autre part, sa position n’allait pas être différente de celle exprimée concernant la demande d’enregistrement de la marque espagnole PLAN B lors du litige devant l’OEPM, ils doivent être rejetés. En effet, s’il est vrai que la mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes, le fait que, en l’espèce, la requérante ait défendu, lors d’un litige auquel elle a succombé, une position selon laquelle, en substance, la marque espagnole PLAN B, dont l’enregistrement a été refusé, était destinée à indiquer une origine commerciale concrète, à savoir un label éditorial identifiant de nouvelles tendances littéraires, et qu’il n’existait pas de risque de confusion entre cette marque et le nom commercial antérieur, ne saurait suffire, dans les circonstances de l’espèce, à écarter la mauvaise foi de la requérante et à affecter la légalité de la décision attaquée.

78      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a violé le principe de la présomption de bonne foi du demandeur de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si, en tant qu’elle caractérise l’intention du demandeur lors du dépôt de la demande d’enregistrement d’une telle marque, la notion de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, constitue un élément subjectif, elle doit être déterminée par rapport aux circonstances objectives du cas d’espèce. Cela étant, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie la demande d’enregistrement de la marque contestée, il appartient au titulaire de celle-ci de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque [voir arrêt du 23 mai 2019, Holzer y Cia/EUIPO – Annco (ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR), T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, points 35 et 36 et jurisprudence citée].

79      En effet, le titulaire de la marque en cause est le mieux placé pour éclairer l’EUIPO sur les intentions qui l’animaient lors de la demande d’enregistrement de cette marque et pour lui fournir des éléments susceptibles de le convaincre que, en dépit de l’existence de circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie ledit titulaire, ces intentions étaient légitimes (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR, T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 37 et jurisprudence citée).

80      En l’espèce, il a été constaté au point 76 ci-dessus que la chambre de recours s’était fondée sur plusieurs circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par l’intervenante pour déterminer l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, ce qui conduit au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie la requérante.

81      Force est également de constater que la requérante n’a pas fourni d’explications susceptibles de convaincre que les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de la marque contestée étaient légitimes.

82      À cet égard, il convient de relever que la requérante se borne à faire valoir que l’enregistrement de la marque contestée visait à incorporer cette dernière dans une vaste famille de marques comprenant la lettre « b » tout en lui conférant une « dimension européenne ».

83      Or, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre, l’expansion commerciale de la requérante ne peut pas se faire au préjudice de l’intervenante, laquelle jouit d’un droit de priorité en Espagne. En outre, le fait d’être, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, titulaire de plusieurs marques contenant la lettre « b », n’est pas de nature à conférer à la requérante des droits particuliers lui permettant d’enregistrer toute marque comportant cette lettre en dépit des atteintes portées aux droits antérieurs des tiers.

84      En quatrième lieu, quant à l’argument de la requérante selon lequel « la considération ‘abstraite’ du ‘jus prohibendi’ inhérent à une marque enregistrée » ne démontre pas sa mauvaise foi ou son intention de porter préjudice aux intérêts du titulaire de ladite marque, il y a lieu de constater, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, que la chambre de recours s’est fondée sur plusieurs circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par l’intervenante, telles que l’originalité de la mention « plan b » dans le secteur de l’édition, le fait que l’intervenante a été la première à utiliser cette mention dans ce secteur où elle est en concurrence avec la requérante, ainsi que la chronologie des pratiques de la requérante.

85      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation relative à l’intention de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

 Sur l’appréciation de la chambre de recours relative à la connaissance par la requérante de l’existence d’un signe antérieur et d’un risque de confusion entre ce dernier et la marque contestée

86      La requérante affirme ne pas avoir eu, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, connaissance de l’existence d’un risque de confusion entre la marque contestée et le nom commercial antérieur, et ce en dépit du fait qu’elle connaissait, au même moment, ledit nom commercial.

87      Premièrement, la requérante fait valoir, en substance, que, si la marque contestée et la marque espagnole PLAN B, dont l’enregistrement avait été refusé, étaient visuellement identiques, celles-ci désignaient des produits distincts. Lesdites marques seraient donc différentes.

88      Deuxièmement, la requérante soutient que la décision définitive dans le litige qui l’opposait à l’intervenante en Espagne n’est intervenue qu’après le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et que, partant, lors dudit dépôt, elle n’avait pas encore eu connaissance de l’existence d’un risque de confusion entre la marque espagnole PLAN B, dont l’enregistrement a été refusé, et le nom commercial antérieur. En outre, la requérante soutient que la décision de l’OEPM rejetant l’enregistrement n’avait acquis ni un caractère définitif ni un effet utile avant l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019.

89      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

90      Il convient de relever que ni le règlement 2017/1001 ni la jurisprudence n’exigent que, aux fins de l’application de la cause de nullité absolue visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion entre la marque contestée et un signe antérieur soit préalablement constaté par une décision définitive.

91      Partant, l’argument de la requérante selon lequel, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, elle ne pouvait pas avoir connaissance d’un risque de confusion, car la décision rejetant l’enregistrement de la marque espagnole PLAN B, n’était pas encore définitive doit être rejeté comme inopérant.

92      En outre, il suffit de constater que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la requérante avait connaissance d’une série d’éléments lui permettant pleinement de savoir qu’il existait un risque de confusion entre ladite marque et le nom commercial antérieur. Premièrement, ainsi qu’elle l’admet, la requérante connaissait ledit nom commercial. Deuxièmement, elle savait que cette marque et la marque espagnole PLAN B, dont l’enregistrement a été refusé, reproduisaient le même signe figuratif. Troisièmement, la requérante savait nécessairement que les produits visés par la demande d’enregistrement de ladite marque espagnole étaient également visés par la marque contestée étant donné qu’elle a déposé les deux demandes de marque. Quatrièmement, elle avait connaissance de la décision de l’OEPM rejetant l’enregistrement de cette marque espagnole en raison d’un risque de confusion avec le nom commercial antérieur. La requérante ne pouvait donc pas ignorer qu’il existait un risque de confusion entre la marque contestée et le nom commercial antérieur.

93      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation relative à la connaissance par la requérante de l’existence d’un signe antérieur et d’un risque de confusion entre ce dernier et la marque contestée.

 Sur l’appréciation de la chambre de recours relative aux actions de la requérante préalablement à l’enregistrement de la marque contestée et à la logique sur laquelle reposait la demande d’enregistrement de cette marque

94      La requérante estime, en substance, que la chambre de recours a considéré à tort que son comportement était déloyal au regard des habitudes loyales du commerce. Elle soutient que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il n’était pas encore possible d’introduire un recours contre l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019. En outre, selon elle, le fait que cette marque comporte le terme « plan », inexistant dans les autres marques d’une très vaste famille de marques comprenant la lettre « b » dont elle est la titulaire, ne permet pas de remettre en cause son intention d’intégrer dans cette famille de marques un nouvel enregistrement à partir de l’élément figuratif constituant ladite marque. Par ailleurs, selon elle, ni l’atteinte portée au nom commercial antérieur par ses plans d’expansion commerciale ni la similitude de la marque contestée avec ledit nom commercial et le risque de confusion qui en découle ne constituent en soi des preuves de sa mauvaise foi. Enfin, elle fait valoir qu’il n’a pas été établi que l’intervenante avait fait usage de son nom commercial pour distinguer des produits compris dans les classes 9 ou 16 ou que ledit nom commercial jouisse d’une renommée pour distinguer des services relevant de la classe 41.

95      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

96      Premièrement, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’impossibilité d’introduire un recours contre l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019 lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il ne saurait prospérer.

97      En effet, il convient de relever que la chambre de recours n’a évoqué qu’à titre d’exemple la possibilité d’introduire un recours contre l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019 et n’a aucunement considéré que l’absence d’un tel recours constituait un élément de preuve de la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

98      En tout état de cause, étant donné que la requérante avait connaissance d’une décision de l’OEPM rejetant l’enregistrement de la marque espagnole PLAN B, qu’elle avait, avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, introduit un recours devant les juridictions nationale contre la décision de l’OEPM, et que, ainsi qu’elle l’admet, l’issue de ce recours était incertaine, la chambre de recours a pu considérer à juste titre qu’il aurait été conforme aux habitudes loyales du commerce d’attendre d’abord la décision dudit tribunal et de la contester devant la juridiction compétente avant de déposer cette demande d’enregistrement.

99      Deuxièmement, par son argument tiré de ce que la marque contestée comporte le terme « plan », inexistant dans les autres marques d’une très vaste famille de marques comprenant la lettre « b » dont elle est la titulaire, la requérante entend justifier la demande d’enregistrement de ladite marque par sa volonté d’expansion commerciale.

100    À cet égard, s’il n’est pas contesté que la requérante est titulaire de plusieurs marques comportant la lettre « b » et que sa volonté d’élargir son portefeuille de marques est parfaitement légitime, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 83 ci-dessus, la chambre de recours a pu à juste titre considérer que l’expansion commerciale de la requérante ne peut pas se faire au préjudice de l’intervenante, laquelle jouit d’un droit de priorité en Espagne.

101    Partant, cet argument doit être rejeté.

102    Troisièmement, quant à l’argument de la requérante selon lequel ni l’atteinte portée au nom commercial antérieur par ses plans d’expansion commerciale ni la similitude de la marque contestée avec ledit nom commercial et le risque de confusion qui en découle ne constituent en soi des preuves de sa mauvaise foi, il ne saurait être accueilli.

103    En effet, certes, considérée isolément, l’atteinte que la marque contestée porte au nom commercial antérieur n’est pas constitutive en elle-même de la preuve de la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque.

104    Toutefois, il suffit de relever que, en l’espèce, l’atteinte portée au nom commercial n’est qu’un des facteurs examinés par la chambre de recours pour apprécier la mauvaise foi.

105    Quatrièmement, l’argument de la requérante tiré de l’absence de preuve de l’usage du nom commercial antérieur pour distinguer des produits compris dans les classes 9 ou 16 ou de la renommée de ce nom commercial pour distinguer des services relevant de la classe 41 doit être rejeté comme inopérant.

106    En effet, cet argument relève des causes de nullités relatives visées à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

107    Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation relative aux actions de la requérante préalablement à l’enregistrement de la marque contestée et à la logique sur laquelle repose la demande d’enregistrement de cette marque.

 Sur l’appréciation de la chambre de recours relative à la pertinence de l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019

108    La requérante soutient que l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019 est dénué de pertinence pour l’appréciation de sa mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. À cette fin, d’une part, elle réitère des arguments déjà examinés et rejetés relevant de la deuxième branche et de la présente branche du moyen unique. D’autre part, elle fait valoir que ledit arrêt est postérieur au dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque.

109    En outre, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû relever que, devant le tribunal supérieur de justice de Madrid, elle avait démontré la coexistence d’un grand nombre de marques contenant le terme « plan » pour des produits et services relevant des classes 16 et 41, ce qui aurait dû conduire ladite chambre à considérer que la demande d’enregistrement de la marque contestée poursuivait un but légitime.

110    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

111    Les arguments de la requérante ne peuvent être retenus.

112    En effet, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’absence de pertinence de l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019, car rendu après le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il convient de relever que ledit arrêt, loin de constater des faits nouveaux, n’a fait que rejeter le recours introduit par la requérante contre la décision de l’OEPM mettant fin à la voie administrative et confirmer ainsi l’existence d’un risque de confusion entre la marque espagnole PLAN B dont l’enregistrement était demandé et le nom commercial antérieur. Dès lors, la chambre de recours était en droit de prendre en considération cet arrêt.

113    Quant à l’argument de la requérante tiré de ce qu’elle avait démontré devant le tribunal supérieur de justice de Madrid qu’il existait un grand nombre de marques contenant le terme « plan », force est de constater qu’il n’appartient pas aux instances de l’EUIPO de rechercher et d’identifier dans les éléments de preuve fournis par les parties les arguments pouvant être considérés comme ayant une fonction probatoire et instrumentale. Par ailleurs, il convient de constater que, en l’espèce, la requérante n’a mentionné aucun autre signe distinctif dans le secteur de l’édition utilisant l’expression « plan b ».

114    Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation relative à la pertinence de l’arrêt du tribunal supérieur de justice de Madrid du 26 juin 2019.

115    Par conséquent, la troisième branche du moyen unique doit être rejetée comme non fondée.

116    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

118    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Penguin Random House Grupo Editorial, S.A.U., est condamnée aux dépens.

Schwarcz

Norkus

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.