Language of document : ECLI:EU:T:2005:459

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 décembre 2005 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CARPOVIRUSINE – Marque nationale verbale antérieure CARPO – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-169/04,

Arysta Lifescience SAS, anciennement Calliope SAS, établie à Noguères (France), représentée par Me S. Legrand, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Pétrequin, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

BASF AG, établie à Ludwigshafen am Rhein (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 4 mars 2004 (affaire R 289/2003-1), relative à une procédure d’opposition entre Calliope SAS et BASF AG,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : I. Natsinas, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2004,

à la suite de l’audience du 14 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 15 novembre 1999, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CARPOVIRUSINE.

3       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits pour la destruction des animaux nuisibles, herbicides, fongicides et insecticides ».

4       La demande a été publiée, le 31 juillet 2000, au Bulletin des marques communautaires nº 61/2000.

5       Le 31 octobre 2000, BASF AG a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, et ce pour tous les produits couverts par la demande.

6       L’opposition était fondée sur la marque verbale CARPO, ayant fait l’objet de la demande et des enregistrements suivants :

–       demande d’enregistrement de marque communautaire n° 1 324 086, déposée le 28 septembre 1999, pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Fongicides, herbicides, insecticides et pesticides » ;

–       marque allemande n° 398 31 920, demandée le 6 juin 1998 et enregistrée le 18 novembre 1998, pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Fongicides, herbicides, insecticides et pesticides » ;

–       marque internationale n° 721 673, enregistrée le 2 octobre 1999, ayant effet, notamment, en Autriche, dans les pays du Benelux, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en France, en Italie, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni, pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Fongicides, herbicides, insecticides et pesticides ».

7       Les motifs invoqués par BASF AG étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94.

8       Par décision du 24 février 2003, la division d’opposition a fait droit à l’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement présentée par la requérante. La division d’opposition a considéré que l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 n’était pas applicable, les signes en conflit n’étant pas identiques. En revanche, s’agissant de la marque allemande n° 398 31 920, elle a estimé qu’il existait un certain degré de similitude visuelle et phonétique entre ces signes, que le terme « carpo » était doté d’un caractère distinctif moyen et que les produits en cause étaient identiques ou similaires, ce qui pouvait donner lieu, dans l’esprit du consommateur allemand, à un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

9       Le 14 avril 2003, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

10     Par décision du 4 mars 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours.

11     La chambre de recours a considéré en substance que :

–       l’existence et la validité des enregistrements allemand et international avaient été prouvées devant la division d’opposition ;

–       la division d’opposition avait fondé son raisonnement exclusivement sur l’enregistrement allemand ;

–       la division d’opposition avait à juste titre estimé que les produits étaient identiques ou similaires ;

–       le public concerné était le « consommateur allemand moyen, mais relativement plus attentif » que d’ordinaire ;

–       le terme « carpo » était susceptible d’être perçu par le consommateur moyen comme un « mot inventé » ;

–       le terme « virusine » ne serait pas perçu comme totalement dénué d’un certain pouvoir distinctif conceptuel en Allemagne en raison de la présence du suffixe « ine » ;

–       globalement, les signes en conflit n’avaient pas de signification pour le public concerné, « avec pour résultat qu’une comparaison conceptuelle ne [pouvait] pas être faite et n’[était] pas à prendre en considération dans la comparaison [desdits signes] » ;

–       sur le plan visuel, il existait à la fois des similitudes et des dissemblances entre les deux signes ;

–       sur le plan phonétique, il existait un degré de similitude assez élevé entre les deux signes ;

–       le consommateur considérerait le terme « carpo » comme « la partie comparativement la moins descriptive de la marque déposée et l’élément le plus distinctif et dominant présent tant dans la marque antérieure que dans la marque la plus récente » ;

–       les marques en conflit devaient donc être considérées comme « globalement similaires » ;

–       il existait un risque que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement et donc un risque de confusion, y compris un risque d’association, en Allemagne, entre les marques en conflit.

 Conclusions des parties

12     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       dire que l’OHMI devra faire droit à sa demande d’enregistrement ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

13     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions de la requérante

14     Par son second chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à l’OHMI de faire droit à sa demande d’enregistrement.

15     À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge communautaire contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, celui-ci est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI des injonctions. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal. Le chef de conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à sa demande d’enregistrement de la marque en cause est donc irrecevable [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12, et du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 19].

 Sur le fond

16     À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

17     La requérante prétend que la chambre de recours a erronément conclu à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

18     En premier lieu, elle indique qu’elle reconnaît, d’une part, qu’il convient de tenir compte du public pertinent en Allemagne et, d’autre part, que les produits désignés par les deux signes en conflit sont identiques ou similaires.

19     En deuxième lieu, la requérante conteste que le terme « carpo » soit l’élément dominant du signe contesté CARPOVIRUSINE. Elle prétend que ce signe se présente comme un « ensemble unitaire » et que ledit terme a un caractère descriptif ou, tout au plus, faiblement distinctif.

20     La requérante indique que le terme « carpo » est descriptif d’une caractéristique des produits concernés et, plus particulièrement, de leur destination, à savoir le traitement des fruits et la destruction de leurs parasites. Elle expose que ce terme est connu notamment en anglais, en espagnol, en français, en italien et en portugais comme dérivant du mot grec « karpos », qui signifie « fruit ». Ce terme entrerait, dans le sens de « fruit », dans la composition de nombreux mots, tels que les mots français « carpocapse, carpogone, carpologie, carpophage, carpophile, carpophore et carpospore », les mots anglais « carpous, carpogonium, carpology, carpophore et carpospore » et le mot italien, espagnol et portugais « carpologia ». Elle ajoute que le terme phonétiquement identique « karpo » entre, dans le même sens, dans la composition de mots allemands tels que « karpolith [et] karpologie ».

21     La requérante prétend que le public pertinent est principalement composé de professionnels, à savoir, notamment, de fermiers, d’agriculteurs, d’horticulteurs et de personnes spécialisées dans la destruction des animaux nuisibles et des parasites. Ces professionnels sauraient que le mot grec « karpos » signifie « fruit » et percevraient le terme « carpo » qui en dérive comme renvoyant au vocable latin « carpocapsa », qui leur est familier et évoque des « parasites ravageurs des fruits ». Lors de l’audience, la requérante a insisté sur le fait que les « professionnels des insecticides » connaissaient sous ledit vocable l’insecte s’attaquant aux fruits du pommier et d’autres arbres fruitiers et auquel les produits en cause sont destinés. Par ailleurs, les professionnels n’ignoreraient pas la présence, sur le marché, de l’insecticide « CARPOVIRUSINE », qu’elle commercialise depuis au moins l’année 1995 et qui est destiné à détruire le carpocapse des pommes et des poires. Les autres destinataires seraient des consommateurs particulièrement avertis, compte tenu de la spécificité et de la dangerosité de ces produits.

22     La requérante considère que, en réalité, c’est l’adjonction du terme « virusine », « particulièrement frappant dans l’esprit du public », au terme « carpo » qui confère au signe contesté un caractère distinctif. Elle fait valoir que, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la présence de l’élément « ine » dans le terme « virusine » conférait à celui-ci un certain caractère distinctif aux yeux du public allemand.

23     Enfin, la requérante estime que la chambre de recours ne saurait tirer argument du seul fait que le terme « carpo » figure en tête du signe contesté.

24     En troisième lieu, la requérante avance qu’il ressort d’une comparaison d’ensemble des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel qu’il n’existe pas de risque de confusion en l’espèce.

25     Ainsi, la requérante fait valoir, premièrement, que, sur le plan visuel, il existe des dissemblances entre les deux marques en cause en raison de la présence, dans le signe CARPOVIRUSINE, du terme « virusine ». Elle relève que la marque antérieure est composée de cinq lettres, tandis que le signe contesté en compte treize.

26     Deuxièmement, elle soutient que les marques en cause ne sont pas non plus similaires sur le plan phonétique. Elle fait observer que la marque antérieure se compose de deux syllabes, tandis que le signe contesté en contient six. Elle ajoute que le son de la lettre « i » figurant à deux endroits dans le signe contesté est particulièrement perceptible sur le plan auditif et contribue à distinguer ce signe de la marque antérieure. Enfin, la similarité phonétique retenue par la chambre de recours ne saurait résulter du fait que le signe contesté est susceptible d’être abrégé.

27     Troisièmement, la requérante conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause n’ont pas de signification pour le public de référence. À cet égard, d’une part, elle répète que le terme « carpo », présent dans les deux marques, est descriptif ou, à tout le moins, évoque fortement les « fruits » pour ce public et, d’autre part, que le signe contesté comporte le mot « virus », ce qui le distingue sur le plan conceptuel de la marque antérieure.

28     En quatrième lieu, la requérante relève que son produit est commercialisé en France depuis de nombreuses années et qu’il « coexiste paisiblement » avec la marque CARPO.

29     L’OHMI soutient que la chambre de recours a, à juste titre, conclu qu’il existait, dans l’esprit du public allemand, un risque de confusion entre les signes en conflit.

30     En premier lieu, l’OHMI relève que la requérante ne conteste pas que les produits désignés par ces signes sont identiques ou similaires.

31     En deuxième lieu, l’OHMI affirme que les signes en conflit sont similaires.

32     À cet égard, l’OHMI fait valoir, premièrement, que le terme « carpo » présente un caractère arbitraire et distinctif. Seuls trois mots de langue allemande comporteraient le mot « karpo » et ces trois mots ne seraient utilisés dans le langage courant ni par le public en général ni par les professionnels concernés. L’OHMI ajoute qu’il est « extrêmement improbable » que le consommateur allemand moyen, professionnel ou non, connaisse la signification du mot grec « karpos ». Enfin, l’OHMI fait remarquer que les mots allemands construits à partir de ce mot grec s’orthographient avec la lettre « k » et affirme que cette différence « implique une étape intellectuelle supplémentaire pour établir un lien entre la marque CARPO et le mot grec ‘karpos’ ».

33     L’OHMI ajoute que le terme « carpo » constitue l’élément dominant des signes en conflit. L’OHMI prétend que le public allemand peut percevoir le mot « virus » dans le terme « virusine » et que, dès lors, il associera forcément les produits concernés à un virus, ou au traitement ou à l’élimination d’un virus. Ce dernier terme serait donc faiblement distinctif.

34     Deuxièmement, l’OHMI soutient que les signes en conflit présentent un certain degré de similitude sur le plan visuel du fait qu’ils comprennent chacun le terme « carpo » et que celui-ci représente la première partie ainsi que les deux premières syllabes du signe contesté.

35     Troisièmement, l’OHMI considère que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe un degré assez élevé de similitude sur le plan phonétique entre les signes en conflit est correcte. Il relève que les deux premières syllabes des signes en conflit, formant le terme « carpo », coïncident et indique que, s’il est vrai que le signe contesté est plus long que la marque antérieure, il convient toutefois de tenir compte du fait que l’attention du consommateur se dirige surtout sur le début du mot.

36     Quatrièmement, l’OHMI avance que, globalement, les signes en conflit n’ont, dans l’esprit du public pertinent, pas de signification et qu’aucune conclusion ne peut donc être tirée d’une comparaison conceptuelle de ces signes.

37     L’OHMI conclut que, eu égard au fait que le terme « carpo » est l’élément dominant des signes en conflit, ces derniers sont « globalement similaires ».

38     En troisième lieu, l’OHMI estime que, comme les produits en cause sont identiques ou très similaires, les éléments de similitudes identifiés entre les marques sont suffisants pour conclure à l’existence d’un risque de confusion sur le marché allemand.

39     L’OHMI répète, dans ce contexte, que le terme « carpo » n’a pas de signification pour le public pertinent et que la marque antérieure est donc dotée d’un caractère distinctif normal.

40     Enfin, l’OHMI tire argument de ce qu’une entreprise, active sur le marché des produits pour la destruction des animaux nuisibles, des herbicides, des fongicides et des insecticides, pourrait utiliser des sous-marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle l’élément dominant commun « carpo », pour distinguer ses différentes lignes de produits [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 49, et du 18 février 2004, Koubi/OHMI – Flabesa (CONFORFLEX), T‑10/03, non encore publié au Recueil, point 61].

 Appréciation du Tribunal

 Considérations liminaires

41     Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

42     Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures, notamment, les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

43     Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 30, et la jurisprudence citée].

44     Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, et notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés (voir arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, précité, points 31 à 33, et la jurisprudence citée). Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17).

45     En l’espèce, la marque antérieure est une marque verbale enregistrée en Allemagne. L’argumentation développée par la chambre de recours est, en effet, exclusivement fondée sur la marque allemande antérieure CARPO. C’est donc l’Allemagne qui constitue le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

46     Par ailleurs, les produits en cause sont, s’agissant de la marque demandée, des « produits pour la destruction des animaux nuisibles, herbicides, fongicides et insecticides » et, s’agissant de la marque antérieure, des « fongicides, herbicides, insecticides et pesticides ». Ainsi que l’indique à juste titre la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée, ces différents produits peuvent inclure à la fois des produits courants d’intérêt général pour le consommateur moyen et des produits destinés à des utilisations très spécifiques par des professionnels tels que des fermiers, des agriculteurs, des horticulteurs ou des personnes spécialisées dans la destruction des animaux nuisibles et des parasites, et ce non seulement dans les jardins et à la campagne, mais aussi dans les bâtiments et les bureaux. Contrairement à ce que la requérante laisse entendre, la chambre de recours n’a donc pas considéré que les produits en cause étaient plus particulièrement destinés à un public de professionnels.

47     C’est à juste titre également que la chambre de recours a relevé, au point 30 de la décision attaquée, que les acheteurs desdits produits attachaient une attention spéciale aux recommandations relatives à l’utilisation, la destination et l’efficacité de ceux-ci.

48     Partant, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation du risque de confusion en l’espèce, du point de vue du public pertinent constitué par les consommateurs moyens allemands, mais relativement plus attentifs que d’ordinaire.

–       Sur la similitude des produits

49     Il convient d’observer que la division d’opposition et la chambre de recours ont considéré que les produits en cause étaient identiques ou similaires, ce à quoi le Tribunal souscrit pleinement. Il relève, à titre surabondant, que la requérante a indiqué, tant dans sa requête que lors de l’audience, qu’elle ne contestait nullement cette appréciation.

–       Sur la similitude des signes

50     Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée]. Le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et doit donc se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire. En général, ce sont les caractéristiques dominantes et distinctives d’un signe qui sont le plus facilement mémorisées.

51     Les signes verbaux à comparer sont les suivants :

–       CARPO : marque antérieure ;

–       CARPOVIRUSINE : marque demandée.

52     Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que, globalement, les signes en conflit n’avaient pas de signification pour le public concerné, de sorte qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle de ces signes (point 38 de la décision attaquée). D’une part, elle a rejeté l’allégation de la requérante selon laquelle le terme « carpo » était dénué de tout caractère distinctif, relevant qu’il était, au contraire, susceptible d’être perçu par le consommateur moyen comme un mot inventé (point 35 de la décision attaquée). D’autre part, elle a estimé que le terme « virusine » serait perçu comme « quelque chose de descriptif » (point 36 de la décision attaquée), tout en n’étant pas totalement dénué d’un « certain pouvoir distinctif conceptuel en Allemagne », et ce en raison de la présence du suffixe « ine » dans ce terme (point 37 de la décision attaquée).

53     Ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur et les arguments avancés par la requérante à cet égard ne sauraient être accueillis.

54     Il convient tout d’abord de rappeler que le public visé est germanophone. Les considérations que la requérante fait valoir au sujet de la signification et de l’utilisation du terme « carpo » en langues anglaise, espagnole, française, italienne et portugaise sont donc totalement dénuées de pertinence en l’espèce.

55     Ensuite, il y a lieu de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle le terme « carpo » a un caractère descriptif ou, tout au plus, faiblement distinctif. Il est, en effet, très improbable que le consommateur moyen allemand, professionnel ou non, d’une part, établisse un lien entre ce terme et le mot grec « karpos » et, d’autre part, dispose d’une connaissance de la langue grecque suffisante pour savoir que ce dernier mot signifie « fruit ».

56     L’argument que la requérante tire, dans ce contexte, du fait que le terme « karpo » – identique, sur le plan phonétique, au terme « carpo » – entre, dans le sens de « fruit », dans la composition de certains mots allemands ne saurait être retenu. Il ressort, en effet, de l’extrait du dictionnaire allemand Duden annexé à la requête que seuls trois mots allemands sont formés de la sorte (à savoir « karpolith », « karpologie » et « karpologisch ») et qu’ils appartiennent au langage scientifique, et non au langage courant. Il est donc hautement douteux que le consommateur moyen allemand associe le terme « karpo » au mot « fruit ».

57     De même, la requérante ne saurait utilement tirer argument du fait que les professionnels connaissent sous le nom de « carpocapsa » un insecte s’attaquant aux fruits. D’une part, le public concerné n’est pas uniquement composé de professionnels, ainsi qu’il a été rappelé au point 46 ci-dessus, et il est improbable que le consommateur moyen allemand identifie ledit insecte par le mot « carpocapsa ». D’autre part, les produits en cause ne se limitent pas aux insecticides destinés à éliminer certains insectes ravageurs des arbres fruitiers, mais incluent également les fongicides, les herbicides et les produits pour la destruction des animaux nuisibles.

58     Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le terme « carpo » était de nature à être perçu par le consommateur moyen allemand comme un terme inventé.

59     Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, le terme « virusine » a un caractère distinctif moins élevé que le terme « carpo ». En effet, si, certes, la présence du suffixe « ine » a pour effet de conférer au terme « virusine » un certain pouvoir distinctif, il n’en reste pas moins que, comme le relève la chambre de recours dans la décision attaquée, le consommateur moyen allemand percevra, sans aucun effort mental, la présence du mot « virus » dans ledit terme et associera de ce fait les produits visés par la marque demandée, compte tenu de leur nature, au traitement ou à l’élimination de virus.

60     Les considérations qui précèdent démontrent également que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le terme « carpo » constituait l’élément dominant et distinctif des signes en conflit.

61     En ce qui concerne la comparaison visuelle, la chambre de recours a relevé qu’il existait à la fois des éléments de similitude et des différences entre les signes en conflit (point 39 de la décision attaquée).

62     Cette appréciation ne peut qu’être approuvée. S’agissant des éléments de similitude, il doit ainsi être constaté que le signe CARPO est entièrement inclus dans le signe CARPOVIRUSINE, ces deux signes étant de plus rédigés dans des caractères ordinaires. En outre, le terme « carpo » constitue le premier des deux termes composant la marque demandée et les deux premières syllabes de celle-ci. Compte tenu de cette position initiale dans la marque demandée, il est incontestable que le terme « carpo » exerce un impact plus important que le reste de ladite marque.

63     S’agissant des différences visuelles entre les signes en conflit, celles-ci tiennent à ce que la marque demandée comporte l’élément « virusine » et est, de ce fait, plus longue que la marque antérieure, cette dernière n’ayant que cinq lettres au lieu des treize lettres de la marque demandée.

64     Enfin, sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré qu’il existait un « degré assez élevé » de similitude entre les signes en conflit, après avoir reconnu, toutefois, que la marque demandée était plus longue et que, prise dans son ensemble, elle ne pouvait être qualifiée d’« entièrement similaire » (point 40 de la décision attaquée).

65     Ces considérations ne sont pas non plus erronées.

66     Ainsi, il doit être constaté que la structure syllabique des signes en conflit est différente, la marque antérieure ayant deux syllabes (« car » et « po ») et la marque demandée en ayant six (« car », « po », « vi », « ru », « si » et « ne »). Ces signes ont donc une longueur et un rythme sonore différents.

67     Toutefois, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 62 ci-dessus, les deux signes ont en commun les deux premières syllabes, formant le terme « carpo ». Il existe donc une identité phonétique entre la marque antérieure et le premier terme de la marque demandée. Or, normalement, l’attention du consommateur se dirige surtout vers le début du mot en cause.

68     Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué à juste titre, il existe, sur les plans visuel et phonétique, à la fois des similitudes et des différences entre les signes en conflit.

69     Toutefois, il résulte d’une mise en balance de ces similitudes et différences, telle que réalisée par la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, que les éléments qui différencient ces signes ne sont pas suffisamment importants pour compenser l’identité visuelle et phonétique entre l’élément dominant de la marque demandée et la marque antérieure. En d’autres termes, la différence provoquée par l’ajout de l’élément « virusine » dans la marque demandée n’est pas suffisamment importante pour écarter toute similitude créée par la coïncidence de la partie essentielle, à savoir le terme « carpo ». Ainsi qu’il est indiqué au point 41 de la décision attaquée, il est très probable que, eu égard au caractère distinctif et dominant du terme « carpo », lequel constitue tant la marque antérieure que le premier des deux termes composant la marque demandée, un consommateur moyen, confronté à ces marques, en retiendra surtout le terme « carpo ».

70     À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a correctement établi que les signes en conflit étaient similaires.

–       Sur le risque de confusion

71     Ainsi qu’il a été indiqué au point 49 ci-dessus, les produits en cause sont identiques ou similaires. Par ailleurs, il résulte des considérations exposées aux points 61 à 70 ci-dessus qu’il existe des similitudes visuelles et phonétiques entre la marque demandée et la marque antérieure, véhiculées par l’élément dominant « carpo » qui leur est commun et présente un caractère distinctif. La chambre de recours a donc pu conclure à juste titre qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

72     Ce risque de confusion est accru par le fait que, comme l’indique l’OHMI, il n’est pas exclu qu’une entreprise active sur le marché des produits concernés utilise des sous-marques pour distinguer différentes lignes de production. En l’espèce, il est donc concevable que le consommateur concerné considère les produits désignés par les signes en conflit comme appartenant, certes, à deux gammes de produits distinctes, mais provenant, toutefois, de la même entreprise.

73     Quant à l’argument que la requérante tire du fait qu’elle commercialise en France depuis plusieurs années un produit dénommé « carpovirusine » et que celui-ci y coexiste avec les produits désignés par la marque CARPO, il ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 45 ci-dessus, la marque antérieure en l’espèce est protégée en Allemagne. La France ne constitue donc pas un territoire pertinent aux fins de l’analyse du risque de confusion entre les marques en conflit.

74     Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 entre la marque demandée CARPOVIRUSINE et la marque antérieure CARPO. Il convient, dès lors, de rejeter le moyen unique tiré de la violation de cette disposition et, par voie de conséquence, le présent recours.

 Sur les dépens

75     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président


E. Coulon

 

       R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : le français.