Language of document : ECLI:EU:T:2024:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

15 mai 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Syrie – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes – Critère de l’“association avec le régime syrien” – Critère de la “femme ou de l’homme d’affaires influents exerçants ses activité en Syrie” – Présomption de lien avec le régime syrien – Erreur d’appréciation – Admissibilité des éléments de preuve »

Dans l’affaire T‑471/22,

Issam Anbouba, demeurant à Beyrouth (Liban), représenté par Me S. Koev, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme T. Haas, MM. V. Piessevaux et I. Gurov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Issam Anbouba, demande l’annulation de la décision (PESC) 2022/849 du Conseil, du 30 mai 2022, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2022, L 148, p. 52), du règlement d’exécution (UE) 2022/840 du Conseil, du 30 mai 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2022, L 148, p. 8) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2022 »), de la décision (PESC) 2023/1035 du Conseil, du 25 mai 2023, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2023, L 139, p. 49), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1027 du Conseil, du 25 mai 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2023, L 139, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2023 »), en tant que ces quatre actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un homme de nationalité syrienne et exerçant des activités en Syrie.

3        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

4        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier cette annexe.

5        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6        Par la décision 2011/522/PESC du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO 2011, L 228, p. 16), et le règlement (UE) no 878/2011 du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant le règlement no 442/2011 (JO 2011, L 228, p. 1), le nom du requérant a été ajouté à la ligne 54 de la liste figurant à l’annexe, section A (Personnes), de la décision 2011/273 et à la ligne 54 de la liste de l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 442/2011. D’une part, aucune information d’identification relative au requérant n’avait été mentionnée sur les listes initiales. D’autre part, les motifs d’inscription ont été rédigés comme suit (ci-après les « motifs initiaux ») :

« Président du Issam Anbouba Est. for agro-industry [(SAPCO)]. Apporte un soutien économique au régime syrien. »

7        Par la décision 2011/628/PESC du Conseil, du 23 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO 2011, L 247, p. 17), et le règlement (UE) no 950/2011 du Conseil, du 23 septembre 2011, modifiant le règlement no 442/2011 (JO 2011, L 247, p. 3), le nom du requérant a été maintenu sur les listes annexées à ces actes sur la base de motifs quasiment identiques. En outre, conformément à l’article 3 de la décision 2011/628, les mentions relatives aux informations d’identification du requérant contenues à l’annexe de la décision 2011/273 ont été ajoutées afin de mentionner l’année (1949) et le lieu de naissance du requérant (Lattakia, Syrie).

8        Le 28 octobre 2011, le requérant a introduit devant le Tribunal un premier recours visant à obtenir, en substance, l’annulation de la décision 2011/522, du règlement no 878/2011 et de la décision 2011/628 pour autant qu’ils le concernaient. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑563/11. Par deux mémoires en adaptation, le requérant a demandé, en substance, l’annulation de la décision 2011/782/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), et du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1).

9        Le 22 novembre 2011, le requérant a introduit devant le Tribunal un deuxième recours visant, en substance, l’annulation de la décision 2011/684/PESC du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO 2011, L 269, p. 33), et du règlement (UE) no 1011/2011 du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant le règlement no 442/2011 (JO 2011, L 269, p. 18), pour autant qu’ils le concernaient. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑592/11. Par deux mémoires en adaptation, le requérant a demandé l’annulation de la décision 2011/782 et du règlement no 36/2012. Dans la réplique, le requérant a demandé l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 410/2012 du Conseil, du 14 mai 2012, mettant en œuvre l’article 32, paragraphe 1, du règlement no 36/2012 (JO 2012, L 126, p. 3), adopté par le Conseil après le dépôt des mémoires en adaptation.

10      Par la décision 2011/782, le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont le nom figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

11      Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement no 36/2012.

12      Le 14 mai 2012, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2012/256/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/782 (JO 2012, L 126, p. 9), et le règlement d’exécution no 410/2012, par lesquels le nom du requérant a été maintenu à une ligne différente des listes concernées, à savoir la ligne 51 de la section A (Personnes) de l’annexe I de la décision 2011/782 et de l’annexe II du règlement no 36/2012. D’une part, les mentions relatives aux informations d’identification du requérant contenues à l’annexe I de la décision 2011/782 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 ont été remplacées afin d’ajouter le statut de « [p]résident d’Anbouba des Agricultural Industries co. » du requérant. D’autre part, les motifs d’inscription ont été modifiés comme suit (ci-après les « motifs de 2012 ») :

« Impliqué dans la fourniture d’assistance financière pour l’appareil répressif et les groupes [paramilitaires] exerçant des violences à l’encontre de la population civile en Syrie. Fournissant des biens immobiliers (locaux ; entrepôts) pour des centres de détention improvisés. Relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens. »

13      La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

14      Par les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), le Tribunal a rejeté les deux recours du requérant comme étant non fondés.

15      Par requêtes déposées le 25 novembre 2013 au greffe de la Cour, le requérant a formé deux pourvois contre les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429). Ces pourvois ont respectivement été enregistrés sous les numéros C‑630/13 P et C‑605/13 P.

16      Par les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), la Cour a rejeté les deux pourvois introduits par le requérant contre les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429).

17      Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75), et, d’autre part, le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

18      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des personnes qui sont liées aux catégories de personnes mentionnées au paragraphe 2, sous a) à g), de ces articles, « dont la liste figure à l’annexe I », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

19      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836.

20      Le 17 mai 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/806 modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), et le règlement d’exécution (UE) 2019/798, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1), par lesquels le nom du requérant a été maintenu à la ligne 51 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes), de la décision 2013/255 et de celle figurant à l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »). D’une part, à la suite des observations du requérant sur la dénomination de « Issam Anbouba Est. for agro-industry [SAPCO] », puis d’« Anbouba des Agricultural Industries co. », les informations d’identification ont indiqué que le requérant était le « [p]résident d’Anbouba for Agricultural Industries Co. » et qu’il était de sexe masculin. D’autre part, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été rédigés comme suit :

« Fournit un soutien financier à l’appareil répressif et aux groupes paramilitaires exerçant des violences contre la population civile en Syrie. Fournit des biens immobiliers (locaux, entrepôts) pour des centres de détention improvisés. Relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens. Cofondateur de Cham Holding et membre de son conseil [d’administration]. »

21      Le 20 mai 2019, le Conseil a notamment transmis aux anciens représentants du requérant le document étayant le maintien du nom de ce dernier sur les listes en cause, portant la référence WK 4939/2019 INIT et indiquant la date du 10 avril 2019 (ci-après le « document WK 4939/2019 »).

22      Le 19 mai 2022, le nouveau représentant du requérant a demandé la radiation du nom du requérant des listes en cause, a présenté des éléments de preuve et a demandé accès au dossier de preuves.

23      Le 30 mai 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien de 2022. En vertu de la décision 2022/849, l’application de la décision 2013/255 a été prorogée jusqu’au 1er juin 2023. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 51 des listes en cause sur le fondement des motifs d’inscription cités au point 20 ci-dessus (ci-après les « motifs de 2022 »).

24      Par lettre du 31 mai 2022, le Conseil a informé le nouveau représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2022. En outre, il a précisé qu’il était en train d’examiner les observations et les éléments de preuve présentés par le requérant.

25      Par lettre du 27 octobre 2022, le Conseil a rejeté les arguments du nouveau représentant du requérant et l’a invité à présenter ses observations avant le 20 février 2023.

26      Par lettre du 31 mars 2023, le Conseil a informé le nouveau représentant du requérant de son intention de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause sur la base de motifs partiellement différents de ceux figurant aux annexes des actes de maintien de 2022. Ensuite, le Conseil l’a invité à présenter ses observations sur la proposition de motifs avant le 17 avril 2023. Enfin, le Conseil lui a communiqué le document portant la référence WK 206/2023 EXT 7, du 24 mars 2023 (ci-après le « document WK 206/2023 »).

27      Le 25 mai 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien de 2023, par lesquels le nom du requérant a été maintenu à la ligne 51 des listes en cause. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été rédigés comme suit (ci-après les « motifs de 2023 ») :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités dans différents secteurs de l’économie syrienne, tels que l’agriculture, l’immobilier et le secteur bancaire. Relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens. Cofondateur de Cham Holding. »

28      Par lettre du 26 mai 2023, le Conseil a informé le nouveau représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2023.

II.    Conclusions des parties

29      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        juger le présent recours fondé dans son intégralité ;

–        examiner le présent recours dans le cadre de la procédure accélérée ;

–        constater que les actes peuvent être annulés partiellement, puisque la partie des actes qu’il y a lieu d’annuler est détachable de l’acte dans son ensemble, et, en conséquence, annuler les actes attaqués en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

30      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où les actes attaqués seraient annulés, ordonner que les effets de la décision 2023/1035 soient maintenus en ce qui concerne le requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2023/1027 prenne effet.

III. En droit

A.      Sur la demande de procédure accélérée sollicitée par le requérant

31      Selon l’article 151, paragraphe 1, première phrase, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut, au vu de l’urgence particulière et des circonstances de l’affaire, sur demande soit du requérant soit du défendeur, l’autre partie principale entendue, décider de statuer selon une procédure accélérée.

32      Aux termes de l’article 152, paragraphe 1, du règlement de procédure, « [l]a demande de procédure accélérée doit être présentée par acte séparé lors du dépôt de la requête [...] et contenir une motivation précisant l’urgence particulière de l’affaire et les autres circonstances pertinentes ».

33      En l’espèce, la demande de procédure accélérée du requérant consiste en un chef de conclusions au sein de la requête. Ainsi, force est de constater que cette demande ne satisfait pas aux conditions visées à l’article 152, paragraphe 1, du règlement de procédure, de sorte qu’elle doit être rejetée comme étant irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’entendre le Conseil à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, points 23 à 25 et jurisprudence citée).

B.      Sur la recevabilité des preuves présentées par le Conseil dans la réponse à la mesure d’organisation de la procédure et de celles présentées par le requérant lors de l’audience

34      Lors de l’audience, en premier lieu, le requérant a excipé de l’irrecevabilité, en substance, des éléments de preuve figurant dans les annexes G.1 à G.5 de la réponse du Conseil à la mesure d’organisation de la procédure (ci-après les « annexes G.1 à G.5 »), en ce qu’ils dateraient de plus de dix ans et auraient, dès lors, été présentés de manière tardive.

35      En second lieu, le requérant a présenté deux offres de preuve consistant, premièrement, en une attestation de la chambre d’Industrie de Homs (Syrie) du 20 novembre 2023 et, deuxièmement, en une capture d’écran issue du site Internet « syriastep » du 16 mars 2023, intitulée « Migration des industriels… pertes douloureuses – l’exemple de M. Issam Anbouba ». Elles constitueraient des preuves contraires visant à réfuter les preuves présentées dans les annexes G.1 à G.5.

36      Le Conseil soutient que les nouveaux éléments de preuve produits par le requérant lors de l’audience ne visent pas à réfuter les arguments dont il s’est prévalu dans la réponse à la mesure d’organisation de la procédure.

37      Selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

38      En ce sens, la Cour a déjà jugé que, si, conformément à la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuve nouvelles, le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter. La présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuve peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à ce que soit assuré le respect du principe du contradictoire (voir arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair et Airport Marketing Services, C‑758/21 P, EU:C:2023:917, point 43 et jurisprudence citée).

39      Ces principes résultant de la jurisprudence valent, a fortiori, pour les preuves produites et offres de preuve faites au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. En effet, cette disposition constitue non pas, comme l’article 85, paragraphe 2, de ce règlement, une simple dérogation à la règle générale exposée à l’article 85, paragraphe 1, dudit règlement, mais une exception à la règle de principe et à la dérogation prévues, respectivement, à l’article 85, paragraphe 1, et à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, la possibilité prévue à l’article 85, paragraphe 3, dudit règlement n’étant ouverte, selon le libellé même de cette disposition, qu’à titre exceptionnel (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, point 33, et du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 47) et son application supposant donc que soit démontrée l’existence de circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 67).

40      En premier lieu, s’agissant des annexes G.1 à G.5, il convient de relever que, aux termes de la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal le 19 octobre 2023, le Conseil a été invité à clarifier en quoi la circonstance selon laquelle le requérant serait le cofondateur de Cham Holding et membre de son conseil d’administration démontrerait qu’il serait une personne bénéficiant ou soutenant le régime syrien. Or, il y a lieu de noter que les annexes G.1 à G.5 consistent en un rapport de l’Institut universitaire européen, en des articles de journaux du New York Times et d’USA Today, en une capture d’écran du site Internet de Cham Holding sur son site Internet et un article du site Internet Foreign Policy qui visent, en substance, à démontrer les liens de Cham Holding avec le régime syrien et avec le requérant. Partant, il y a lieu de considérer ces éléments comme recevables, dans la mesure où ils viennent au soutien de la réponse à la question posée par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 57).

41      En second lieu, s’agissant des offres de preuve présentées lors de l’audience par le requérant et décrites au point 35 ci-dessus, la capture d’écran issue du site Internet Syriastep mentionnant que la page a été consultée le 16 mars 2023 aurait pu être produite en annexe au mémoire en adaptation, déposé le 2 août 2023. Par ailleurs, il ressort de l’attestation de la chambre d’Industrie de Homs que celle-ci a été délivrée à la demande du requérant, qui aurait pu en faire la demande antérieurement. Ainsi, leur date de consultation ou de délivrance ne constitue pas une justification suffisante à leur présentation tardive.

42      Toutefois, dans ses plaidoiries, le requérant soutient également que les deux preuves ont été présentées afin d’infirmer les preuves contenues dans les annexes G.1 à G.5. À cet égard, le Conseil a déposé sa réponse après la régularisation desdites annexes vers la langue de procédure quelques jours avant l’audience. Afin de respecter le principe du contradictoire, le requérant a ainsi été invité au cours de l’audience à présenter ses observations sur la réponse du Conseil à la mesure d’organisation de la procédure ainsi que sur les annexes jointes à ladite réponse. Ainsi, les deux offres de preuve ont été présentées afin d’étayer les observations du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Assaad/Conseil, T‑426/21, EU:T:2023:114, points 65 à 67).

43      Partant, les preuves présentées par le requérant lors de l’audience sont recevables.

C.      Sur le fond

44      À l’appui de son recours et s’agissant des actes de maintien de 2022, le requérant soulève sept moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif, le quatrième, d’une erreur d’appréciation du Conseil, le cinquième, de la violation du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique, le sixième, de la violation du droit à des conditions de vie normales d’existence et, le septième, de l’atteinte grave au droit à la réputation.

45      S’agissant des actes de maintien de 2023, le requérant n’a adapté dans le mémoire en adaptation que le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

46      Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le quatrième moyen.

1.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

47      Le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués sont entachés d’une erreur d’appréciation. Premièrement, le requérant conteste la pertinence des preuves produites par le Conseil dans les documents WK 4939/2019 et WK 206/2023. Il soutient que le Conseil commet un renversement de la charge de la preuve en ce que, par la production des annexes D.1 à D.7, il présente des éléments de preuve après l’adoption des actes de maintien de 2022. S’agissant des actes de maintien de 2023, il fait valoir que les preuves présentées par le Conseil dans le document WK 4939/2019 ne lui permettent pas de comprendre comment il soutient le régime syrien et en tire bénéfice ou comment il commet les actes décrits dans les motifs de 2022. Concernant les actes de maintien de 2023, le requérant estime que les éléments de preuve n’étayent pas le maintien de son nom sur les listes en cause et considère qu’il n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

48      Le Conseil conteste les arguments du requérant. S’agissant des actes de maintien de 2022, il soutient que, dans les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), la Cour a déjà souligné que l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause étaient fondés sur le fait que celui-ci apportait un soutien économique au régime syrien. En outre, selon des indices suffisamment concrets, précis et concordants figurant dans le document WK4939/2019, le requérant continuerait d’avoir des intérêts commerciaux nombreux et variés en Syrie et entretiendrait des relations financières avec des personnes étroitement liées au régime, notamment par l’intermédiaire de Cham Holding. Concernant les actes de maintien de 2023, il fait valoir qu’il a présenté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

a)      Considérations liminaires

49      Selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

50      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

51      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

52      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

53      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées notamment par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

54      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

55      Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

56      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant.

b)      Sur la pertinence des éléments de preuve

57      Le requérant soutient que les seuls éléments de preuve produits par le Conseil dans le document WK 4939/2019, à savoir deux publications issues de sites Internet, ne sont ni des certificats, ni des attestations, ni des documents délivrés par les autorités compétentes concernant son implication dans les affaires et sociétés commerciales et que, dans le même temps, le Conseil exige de sa part qu’il produise des documents officiels à l’appui de ses prétentions.

58      Dans son mémoire en adaptation, le requérant remet en cause la pertinence des éléments de preuve contenus dans le document WK 206/2023, en ce qu’ils ne font pas référence à lui à titre personnel ou à des entreprises auxquelles il serait lié.

59      Pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2022 et de 2023, le Conseil a fourni le document WK 4939/2019, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir un article de presse et une capture d’écran provenant :

–        du site Internet Aliqtisadi qui contient une capture d’écran d’une page décrivant le requérant, consultée le 8 avril 2019 ;

–        du site Internet Eqtsad, qui a publié un article, le 24 avril 2018, intitulé « Issam Anbouba…where did he get it all from ? » (Issam Anbouba… d’où provient toute sa fortune ?).

60      En outre, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2023, le Conseil a également fourni le document WK 206/2023, comportant des liens, des articles de presse, des rapports et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet Heritage Foundation, qui a publié un rapport en 2022 sur ce site et sur le site Internet du Wall Street Journal ;

–        du site Internet « transparency.org », qui contient un index de classement s’agissant de l’indice de perception de la corruption par pays évalué sur 100 points et mentionnant la Syrie ;

–        du site Internet Brookings Institution, qui a publié un article, le 26 mars 2021, intitulé « Syrian uprising 10 year anniversary : A political economy perspective » (Les dix ans de la révolution syrienne, une perspective d’économie politique) ;

–        du site Internet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, qui a publié un rapport de l’organisation non gouvernementale Syria Legal Development Programme (SLDP), le 10 avril 2020, intitulé « Identifying Patterns of Business Involvement in Human Rights abuses in Syria » (Identification des tendances de l’implication d’entreprises dans la violation des droits de l’homme en Syrie) ;

–        un rapport produit par le Centre Harmoon, publié en juillet 2022 ;

–        du site Internet Orient Net, qui a publié un article, le 4 février 2022 ;

–        du journal The Guardian, qui a publié un article, le 22 mars 2022, intitulé « Syria using maze of shell companies to avoid sanctions on Assad regime’s elite » (La Syrie utilise des sociétés fictives afin de contourner les sanctions économiques imposées à l’élite du régime de Bashar al-Assad) ;

–        du site Internet Middle East Eye, qui a publié un article le 24 mars 2022, intitulé « How UAE’s deep ties with Syria came out in the open » (Comment les liens profonds des Émirats arabes unis avec la Syrie sont-ils apparus au grand jour) ;

–        du site Internet de l’Atlantic Council, qui a publié un article, le 21 juillet 2020, intitulé « Lebanon’s fate appears to be irreversibly tied to Syria » (Le destin du Liban est inextricablement lié à la Syrie) ;

–        du site Internet du Dayan Center for Middle Eastern and African Studies (Tel Aviv University, Israël), qui a publié un article, le 28 juin 2020, intitulé « The boomerang effect : How Syria brought down Lebanon, which is bringing down Syria » (L’effet boomerang : comment la Syrie affaiblit-elle le Liban qui en retour affaiblit la Syrie) ;

–        du site Internet The Syria Report, qui a publié un article, le 3 janvier 2023, intitulé « UAE-based companies Penalised Over Syria-Related Sanctions Breaches » (Des entreprises établies aux Émirats arabes unis sanctionnées pour des violations de sanctions liées à la Syrie).

61      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le niveau d’exigence des preuves produites serait différent selon que lesdites preuves sont fournies par le Conseil ou par lui, il doit être rejeté. En effet, il convient de rappeler la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus selon laquelle il est difficile d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire.

62      En outre, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de la libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée, et du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224). Partant, il appartient au Tribunal d’apprécier les différents éléments de preuve présentés tant par le requérant que par le Conseil au regard de cette jurisprudence.

63      S’agissant de la pertinence des éléments de preuve contenus dans le document WK 206/2023, certes, ainsi que le soutient le requérant, il convient de reconnaître qu’ils ne font pas individuellement référence au requérant ou à des entreprises auxquelles il serait lié. Toutefois, l’ensemble de ces éléments de preuve fournit le contexte dans lequel la désignation de l’intéressé est intervenue, en particulier, eu égard à l’environnement des entreprises en Syrie, comme le soutient le Conseil. Ce contexte se rapporte à la catégorie des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie. Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, et bien que ces éléments de preuve, pris séparément, ne puissent permettre de justifier à eux seuls le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, cette circonstance n’est pas de nature à leur retirer toute pertinence dans l’examen de la légalité des actes de maintien de 2023. En effet, ils sont susceptibles de donner des informations contextuelles de nature à compléter et à renforcer les autres éléments de preuve présentés dans le document WK 4939/2019. En ce sens, les sites Internet Aliqtisadi et Eqtsad décrivent le requérant comme un homme d’affaires possédant plusieurs entreprises. Il ressort de ce qui précède que tous les éléments de preuve contenus dans le document WK 206/2023 sont pertinents pour apprécier la légalité des actes de maintien de 2023.

c)      Sur l’admissibilité des éléments de preuve figurant aux annexes D.1 à D.7 et G.1 à G.5

64      Le requérant soutient que le Conseil commet un renversement illégal de la charge de la preuve, en ce que, d’une part, par les annexes D.1 à D.7, il présente des éléments de preuve après l’adoption des actes de maintien de 2022, ce qui comporte un risque de régularisation de ces actes a posteriori. D’autre part, il conteste le fait que les éléments de preuve figurant aux annexes G.1 à G.5, présentés pour étayer la réponse du Conseil à la mesure d’organisation de la procédure, illustreraient les motifs de 2022 sous lesquels il a été maintenu sur les listes en cause.

65      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

66      Il convient de comprendre que, par son argumentation, le requérant cherche à contester l’admissibilité des éléments de preuve contenus dans les annexes D.1 à D.7 et G.1 à G.5 dans le cadre de l’analyse des actes de maintien de 2022. En revanche, le requérant ne remet pas en cause, dans le mémoire en adaptation, l’admissibilité de ces éléments de preuve en ce qui concerne les actes de maintien de 2023.

67      S’agissant des annexes D.1 à D.7, elles sont constituées, premièrement, de deux études d’audit de sociétés liées au requérant, des 21 et 22 novembre 2011, deuxièmement, d’une attestation du ministère de l’Économie et du Commerce syrien indiquant les membres composant le conseil d’administration de Cham Holding, datée de juin 2011, troisièmement, de plusieurs certificats d’immatriculation relatifs, tout d’abord, au requérant, ensuite, aux sociétés Anbouba pour les Industries agricoles puis Issam Anbouba Est. For Agro Industries – SAPCO et Compagnie Issam Anbouba Agro-Industries de 2004, quatrièmement, d’un tableau décrivant l’actionnariat de Cham Holding et, cinquièmement, d’un article de The Syria Report énumérant les actionnaires de Cham Holding en 2022. Concernant les annexes G.1 à G.5, elles sont décrites au point 40 ci-dessus.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée). Par conséquent, pour justifier le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil ne peut pas invoquer devant le Tribunal, d’une part, des éléments sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69, et du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, points 49 et 56 et jurisprudence citée) et, d’autre part, des éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de cet acte, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que ces éléments pouvaient valablement fonder l’adoption de ladite décision [voir arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 50 (non publié) et jurisprudence citée].

69      En l’espèce, les éléments de preuve figurant aux annexes D.7 et G.1 à G.5 ne faisaient pas partie du document WK 4939/2019 lorsque le Conseil a adopté les actes de maintien de 2022. Ils n’ont donc pas vocation à étayer le bien-fondé des motifs de 2022, ainsi que le reconnaît d’ailleurs le Conseil. S’agissant des annexes D.1 à D.6, si le Conseil soutient qu’il s’agit d’informations sur lesquelles reposent les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), il n’allègue pas qu’elles figuraient dans le document WK 4939/2019. De plus, ces informations n’ont pas été présentées au stade du mémoire en défense. Enfin, le Conseil ne démontre pas non plus que les annexes D.1 à D.7 figuraient dans un document de preuves qu’il aurait présenté aux délégations des États membres pour étayer les motifs subséquents à ceux de 2012.

70      Partant, l’ensemble de ces éléments de preuve n’est pas admissible pour déterminer si, au moment de l’adoption des actes de maintien de 2022, le Conseil disposait d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer ces actes.

71      En revanche, il convient de relever que le Conseil produit les annexes D.1 à D.6, afin de réfuter les affirmations du requérant selon lesquelles son dossier ne contiendrait aucun certificat ou document relatif à la participation du requérant à certaines entreprises syriennes et pour démontrer la continuité de situation de ce dernier depuis les motifs de 2012. Quant à l’annexe D.7, elle vise à réfuter les arguments du requérant en démontrant que ce dernier était actionnaire de Cham Holding et qu’il continue de l’être avec un pourcentage de parts inchangé en 2022.

72      Or, sur ce point, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union est appelé à contrôler le bien-fondé factuel des motifs d’inscription en tenant compte des observations et des éléments à décharge éventuellement produits par la personne concernée ainsi que de la réponse de l’autorité compétente de l’Union à ces observations (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 137).

73      En l’espèce, le requérant a eu l’opportunité de présenter un certain nombre d’éléments de preuve visant à contester la décision de maintenir son nom sur les listes en cause. Ainsi, le Tribunal examinera ci-après si les éléments de preuve contenus dans les annexes D.1 à D.7 produits par le Conseil sont susceptibles de remettre en cause les arguments et les éléments de preuve présentés par le requérant. Partant, lesdits documents sont admissibles dans ce cadre.

74      Enfin, il convient de relever que les annexes G.1 à G.5 ont été produites afin d’étayer la réponse du Conseil à la mesure d’organisation de la procédure. Or, par sa question, le Tribunal entendait clarifier en quoi le fait que le requérant soit un cofondateur et membre du conseil d’administration de Cham Holding permettait de démontrer son lien avec le régime syrien, sur la base des éléments de preuve déjà produits par le Conseil. Les preuves contenues aux annexes G.1 à G.5 n’ont donc pas été demandées par le Tribunal et ne sauraient être considérées comme ayant été produites dans le but d’infirmer des arguments ou des preuves présentés par le requérant. Elles ne seront donc pas prises en considération par le Tribunal pour examiner la légalité des motifs de 2022. Par voie de conséquence, les deux offres de preuve produites par le requérant lors de l’audience ayant été fournies en tant que preuve contraire à ces annexes, il n’y a pas lieu non plus de les prendre en considération.

d)      Sur l’examen du bien-fondé des critères d’inscription

75      Au préalable, il convient de déduire des motifs de 2022 et de 2023 les critères d’inscription. En ce sens, l’un des critères généraux d’inscription est énoncé à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, et prévoit que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives et de celles qui leur sont liées (critère de l’association avec le régime syrien). De même, un autre critère est prévu à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Il dispose que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie).

76      D’une part, il convient de déduire des motifs de 2022 que le requérant a vu son nom être inscrit sur les actes de maintien de 2022 en raison de son soutien au régime syrien et des bénéfices qu’il en retire, ce qui est constant entre les parties. En d’autres termes, le maintien du nom du requérant sur les listes annexées aux actes de maintien de 2022 est fondé sur le critère de l’association avec le régime syrien.

77      D’autre part, ainsi qu’il ressort du libellé des motifs de 2023, le requérant a vu son nom être maintenu sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant sur les actes de maintien de 2023 est fondée sur le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

1)      Sur l’incidence des arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T592/11), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T563/11), sur l’examen du présent recours

78      À titre liminaire, il convient de s’interroger sur l’incidence des arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), sur le présent recours, dès lors qu’ils sont invoqués par le Conseil pour rejeter le moyen tiré d’une erreur d’appréciation.

79      En effet, le Conseil fait observer qu’il ressort du point 52 de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du point 51 de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), que le requérant, en ayant des intérêts dans un grand nombre d’entreprises syriennes, apporte un soutien économique au régime syrien. Dans la duplique, le Conseil invite le Tribunal à examiner la situation du requérant en 2011 et en 2012 pour constater qu’elle n’a pas évolué. Dans les observations sur le mémoire en adaptation, il soutient que les motifs de 2023 mentionnent à présent la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant, ce qui recouvrirait les activités de ce dernier de manière plus générale que le simple fait de fournir un soutien financier au régime, comme cela était mentionné dans les motifs précédents.

80      Le requérant conteste la position du Conseil.

81      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 30, paragraphe 3, de la décision 2013/255 et l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012 disposent que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concernés. Par ailleurs, conformément à l’article 32, paragraphe 4, dudit règlement, les listes en cause sont examinées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

82      Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le Conseil peut être amené, lors de tout réexamen préalable à l’adoption d’actes maintenant le nom d’une personne inscrite sur les listes en cause, voire à tout moment, à vérifier, en fonction des éléments de preuve substantiels ou des observations qui lui sont soumis, si la situation factuelle a changé depuis l’inscription initiale, la réinscription du nom de la partie requérante ou depuis un précédent réexamen, de telle manière que sa désignation n’est plus justifiée (voir arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 91 et jurisprudence citée).

83      Par ailleurs, sans être lié au sens strict sous l’angle de l’autorité de la chose jugée, dès lors que l’objet des recours rejetés par les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), n’est pas identique à celui du présent recours, le Tribunal ne saurait totalement faire abstraction du raisonnement qu’il a développé dans ces deux affaires, qui concernent les mêmes parties et soulèvent, pour l’essentiel, les mêmes questions juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 92).

84      Toutefois, rien ne permet de présumer, sans un examen des éléments de fait et de droit présentés au soutien du présent moyen, que le Tribunal parviendrait aux mêmes conclusions que celles retenues dans les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429) (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 93).

85      S’agissant, précisément, des conclusions retenues dans les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), il convient de relever qu’il ressort du point 52 de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du point 51 de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), que la Cour a confirmé que le Tribunal était en droit de considérer que la position du requérant dans la vie économique syrienne, sa position en tant que président de la SAPCO, ses importantes fonctions au sein de Cham Holding ainsi que ses relations avec un membre de la famille du président Bashar Al-Assad constituaient un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant apportait un soutien économique au régime syrien.

86      Il en résulte que, dans le cadre des arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), l’association avec le régime syrien, tel qu’elle était définie à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, avait été démontrée grâce à la preuve de l’existence d’importantes activités économiques du requérant ainsi que de ses relations avec un membre de la famille du président Bashar Al-Assad.

87      Néanmoins, premièrement, il y a lieu de souligner que, dans les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 52), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 51), la conclusion de la Cour relative au bien-fondé de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes en cause a été établie dans un contexte législatif différent de celui existant au moment de l’adoption des actes attaqués en l’espèce.

88      En effet, les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), qui faisaient obligation au Conseil d’apporter devant le juge de l’Union un faisceau d’indices, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime combattu, s’inscrivaient dans un contexte législatif spécifique, à savoir celui résultant de la décision 2011/522, reprise dans la décision 2013/255 avant sa modification en 2015 par la décision 2015/1836, où les seuls critères qui existaient étaient, précisément, les liens étroits entretenus avec le régime syrien, le soutien à ce dernier et/ou le bénéfice tiré de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 67).

89      En l’espèce, le maintien du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Or, le critère reposant sur le bénéfice tiré du régime syrien ou le soutien apporté à celui-ci, visé à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, constitue un critère juridique autonome qui doit, à ce titre, être distingué de celui reposant sur les catégories de personnes visées à l’article 27, paragraphe 2, et à l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et, plus particulièrement, du critère des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 73).

90      Par conséquent, si le Conseil vise, explicitement, dans les motifs d’inscription du nom d’une personne, le bénéfice ou le soutien qu’elle apporte au régime syrien, cela implique pour le Conseil de démontrer, au moyen d’un faisceau d’indices concrets, précis et concordants, comment la personne soutient ou tire avantage du régime syrien. En ce sens, bien que le Conseil estime que le bénéfice ou le soutien au régime syrien découle des activités exercées par une personne qualifiée, par ailleurs, de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, les éléments de preuve que le Conseil devrait posséder et pourrait être amené à produire afin de démontrer le bénéfice ou le soutien ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux permettant de démontrer la qualité de « femmes ou hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 80).

91      Il en découle que le type de preuves exigées de la part du Conseil pour démontrer l’association avec le régime syrien a évolué avec l’adoption de la décision 2015/1836. Il ne saurait, dès lors, être comparé à celui qui existait lorsque les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), ainsi que les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), ont été rendus. En particulier, les preuves considérées comme étant suffisantes pour démontrer l’association avec le régime syrien, dans le contexte législatif de la décision 2013/255, avant l’adoption de la décision 2015/1836, ne le sont pas forcément dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

92      Deuxièmement, ainsi que le reconnaît en partie le Conseil, les motifs d’inscription examinés dans les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), ne sont pas identiques à ceux de 2022 et de 2023 (voir, a contrario, arrêt du 22 juin 2022, Haswani/Conseil, T‑479/21, non publié, EU:T:2022:383, point 35). En effet, d’une part, les motifs de 2023, résumés au point 27 ci-dessus, sont significativement différents des motifs initiaux et des motifs de 2012. D’autre part, les motifs de 2022, rappelés au point 20 ci-dessus, ne sont pas similaires aux motifs de 2012, en ce qu’ils ajoutent la phrase selon laquelle le requérant est « [c]ofondateur de Cham Holding et membre de son conseil ».

93      Ainsi, le Conseil était tenu de présenter de nouveaux éléments de preuve afin de démontrer le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant dès lors que le critère et les motifs de cette inscription avaient changé (voir, en ce sens, ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56).

94      Troisièmement, il convient de relever que, si, dans les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 50), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 49), le requérant a reconnu exercer et occuper de nombreuses fonctions, telles que son poste de président de la SAPCO, société majeure de l’industrie agroalimentaire, de dirigeant de plusieurs sociétés actives dans le domaine de l’immobilier et de l’éducation et de membre fondateur du conseil d’administration de Cham Holding ainsi que secrétaire général de la chambre de commerce et d’industrie de la ville de Homs, tel n’est pas le cas en l’espèce. Au contraire, dans le cadre de son recours, le requérant conteste continuer à exercer des activités en Syrie et soutient, en outre, ne plus avoir aucun lien avec le régime syrien.

95      Or, force est de constater que dix ans se sont écoulés entre l’adoption des actes comportant les motifs de 2012 et les actes attaqués, de sorte que la situation du requérant a, en effet, pu évoluer.

96      À ce titre, le Conseil a d’ailleurs présenté de nouveaux éléments de preuve visant à étayer les motifs de 2022 et de 2023. Les pièces contenues dans les documents WK 4939/2019 et WK 206/2023 sont relativement récentes au regard de la date d’adoption des motifs modifiés en 2019, puis en 2023 (voir points 20 et 27 ci-dessus), puisque la première pièce indique la date du 24 avril 2018. Certes, pour démontrer le bien-fondé des actes attaqués, le Conseil se fonde aussi sur les éléments de preuve examinés par le Tribunal dans les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), et la Cour dans les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248). Néanmoins, ces éléments de preuve sont antérieurs à 2011 et à 2012 et sont, donc, plus anciens.

97      Or, plus les éléments de preuve sont anciens par rapport à la date d’adoption des actes édictant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, moins ils sont susceptibles de constituer, en eux-mêmes, une base suffisante pour fonder les actes litigieux. En ce sens, s’ils peuvent être utilisés par le Conseil, le laps de temps important qui s’est écoulé entre, d’une part, leur publication et, d’autre part, l’adoption des actes litigieux exige de la part du Conseil qu’il les corrobore par d’autres éléments de preuve plus récents (voir arrêt du 8 mars 2023, Assaad/Conseil, T‑426/21, EU:T:2023:114, point 88 et jurisprudence citée).

98      Il découle de cette jurisprudence que, dans le cadre de l’analyse du bien-fondé des motifs de 2022, les constatations faites par le Tribunal dans les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), et la Cour dans les arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑630/13 P, EU:C:2015:247), et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248), doivent être corroborées par des preuves plus récentes contenues dans le document WK 4939/2019 pour demeurer pertinentes.

99      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), ne sauraient avoir qu’une incidence limitée pour l’analyse du bien-fondé des actes attaqués en l’espèce, et ce quand bien même les motifs d’inscription contenus dans les actes de maintien de 2022 présentent des similitudes avec les motifs de 2012. En effet, le contexte législatif ayant été modifié, les exigences en matière de preuves ont évolué. De plus, le contexte factuel a aussi changé, puisque non seulement les motifs d’inscription ont connu des modifications, mais aussi les arguments avancés par le requérant ne sont plus les mêmes.

2)      Sur l’examen du bien-fondé du critère de l’association avec le régime syrien fondant les actes de maintien de 2022

100    Le requérant soutient, en substance, que les preuves apportées par le Conseil ne lui permettent pas de comprendre clairement comment il soutient le régime syrien et en tire bénéfice ou comment il commet les actes décrits dans les motifs de 2022. Le requérant fait valoir que celui-ci n’a pas démontré l’existence d’une relation entre lui et des groupes paramilitaires et la fourniture des biens immobiliers (locaux, entrepôts) pour des centres de détentions improvisés. S’agissant des relations financières qu’il entretiendrait avec de hauts fonctionnaires syriens, cette partie des motifs de 2022 ne correspondrait pas à la situation réelle et serait erronée.

101    Selon les motifs rappelés au point 20 ci-dessus, le requérant apporte un soutien financier, tout d’abord, à l’appareil répressif et aux groupes paramilitaires exerçant des violences contre la population civile en Syrie. En outre, il fournit un soutien matériel audit régime en mettant à sa disposition des biens immobiliers pour des centres de détention improvisés. Enfin, il entretient des relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens et il est cofondateur de Cham Holding et membre de son conseil d’administration.

102    Il convient de vérifier si la situation du requérant constitue une preuve suffisante qu’il apporte un soutien au régime syrien ou qu’il bénéficie des politiques menées par ce dernier. Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime concerné (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Assaad/Conseil, T‑426/21, EU:T:2023:114, point 161 et jurisprudence citée).

103    En premier lieu, les motifs de 2022 indiquent que, s’agissant du soutien financier apporté par le requérant, il bénéficie tant à l’appareil répressif qu’à des groupes paramilitaires exerçant des violences contre la population civile.

104    Or, force est de constater que, premièrement, le Conseil n’a présenté aucune observation à cet égard. Deuxièmement, aucun élément de preuve fourni dans le document WK 4939/2019 ne fait référence à l’appareil répressif ou aux groupes paramilitaires, voire, plus généralement, au régime syrien. En outre, ce document ne mentionne pas non plus l’existence d’un soutien financier de la part du requérant. Troisièmement, ledit document ne fait pas référence à la manière dont le requérant, en tant que président d’Anbouba for Agricultural and Industries Co., apporte un soutien financier au régime syrien. Partant, ainsi que le soutient le requérant, cette partie des motifs de 2022 est non étayée.

105    En deuxième lieu, les motifs de 2022 précisent que le soutien du requérant se matérialise par la mise à disposition de biens immobiliers (locaux, entrepôts) pour des centres de détention improvisés.

106    À cet égard, il convient de relever que, premièrement, le Conseil n’a présenté aucune observation sur ce point. Deuxièmement, aucun des éléments de preuve présentés par le Conseil dans le document WK 4939/2019 ne fait état de biens immobiliers mis à disposition par une entreprise possédée par le requérant ou directement par le requérant. Troisièmement, ce document ne démontre pas non plus l’existence d’un soutien matériel par l’intermédiaire d’Anbouba for Agricultural and Industries Co. Quatrièmement, de manière plus générale, le document WK 4939/2019 ne contient aucune référence au régime syrien ou à des centres de détention. Partant, cette partie des motifs n’est pas non plus étayée.

107    En troisième lieu, les motifs de 2022 indiquent que le requérant est cofondateur de Cham Holding et membre de son conseil d’administration. Il ressort des sites Internet Eqtsad et Aliqtisadi que le requérant est considéré, à tout le moins, comme cofondateur de Cham Holding.

108    Néanmoins, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner, d’une part, l’argument du requérant selon lequel il aurait démissionné du conseil d’administration de Cham Holding, ni, d’autre part, l’argument du Conseil selon lequel le rôle important joué par Cham Holding dans l’économie syrienne, les liens de cette société avec Bashar Al-Assad, les investissements du requérant dans Cham Holding et le fait qu’il y a exercé de multiples fonctions au sein du conseil d’administration démontreraient l’existence d’une relation de proximité avec le régime syrien, il suffit de relever que, en tout état de cause, aucune pièce contenue dans le document WK 4939/2019 n’indique que le requérant soutient financièrement ou matériellement le régime syrien dans le cadre de ses prétendues fonctions au sein de Cham Holding. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 90 ci-dessus, le Conseil était tenu de démontrer comment, dans le cadre de ses fonctions, le requérant tirait avantage du régime syrien et le soutenait à la date d’adoption des actes de maintien de 2022.

109    En quatrième lieu, s’agissant des relations financières que le requérant entretient avec de hauts fonctionnaires syriens, il importe de préciser la portée du syntagme « hauts fonctionnaires syriens ». En particulier, les autres versions linguistiques des motifs d’inscription ne retiennent pas systématiquement un lien statutaire avec l’État syrien. En effet, certaines versions des motifs renvoient à la notion de « hauts officiels » (version anglaise « high Syrian officials »), à celles d’officiels de haut rang (telles que les versions polonaise « wysokiej rangi urzędnikami syryjskimi » et allemande « hochrangigen syrischen Amtsträgern ») ou de haut cadre (telle que dans la version portugaise « altos quadros sírios »). Ainsi, il convient de comprendre la référence à de « hauts fonctionnaires syriens » comme renvoyant au sens commun de cette expression (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, C‑459/15 P, non publié, EU:C:2016:646, point 54).

110    Par ailleurs, le Tribunal a déjà établi que les personnes exerçant des fonctions de hauts fonctionnaires, telles que les fonctions de secrétaire permanent du département de l’information et de la communication, de responsable de la tenue des listes électorales, de responsable en chef des élections, de directeur de l’administration pénitentiaire, de gouverneur de provinces, de gouverneur de la banque centrale, de parlementaires et de président d’assemblée, de membres du Politburo, de secrétaires adjoints et président du Politburo et de chef de cabinet, sont des proches collaborateurs du gouvernement d’un pays (voir, par analogie, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, points 160 et 163).

111    Partant, il convient de comprendre que le Conseil entend faire référence à des personnalités de haut rang exerçant des fonctions de hauts fonctionnaires, proches du gouvernement.

112    Premièrement, selon le site Internet Eqtsad, le requérant apporte un soutien financier au régime syrien, puisqu’il a été choisi, en 2005, pour être le partenaire des familles Assad et Makhlouf pour l’investissement et la gestion de leur argent en raison surtout de ses relations extérieures avec les pays européens et les États-Unis. Sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si les membres des familles Assad et Makhlouf sont ou doivent être assimilés à de hauts fonctionnaires syriens, il importe de relever que cet élément n’est pas étayé par un autre élément de preuve contenu dans le document WK 4939/2019.

113    Deuxièmement, si le site Internet Eqtsad mentionne les noms de A et B, en tant qu’hommes d’affaires ayant des liens avec les pays occidentaux, au même titre que le requérant, rien dans les documents WK 4939/2019 ne permet d’affirmer qu’il s’agit de hauts fonctionnaires syriens et, le cas échéant, qu’ils ont des liens financiers avec le requérant.

114    Troisièmement, l’argument du Conseil, selon lequel il ressortirait de l’annexe D.7, un article de The Syria Report énumérant les actionnaires de Cham Holding en 2022, que le requérant entretient des relations financières avec des Syriens de haut rang par l’intermédiaire de Cham Holding, tels que MM. Ihab Makhlouf, Ayman Jabir et Sami Hassan, inscrits respectivement sous les numéros 22, 33 et 48 des listes en cause, doit être rejeté. En effet, pour tenir compte de l’annexe D.7, cette pièce aurait dû confirmer des informations déjà contenues dans le document WK 4939/2019, ce qui n’est pas le cas (voir points 69 et 73 ci-dessus). Pour le surplus, il n’est pas possible de déduire de cette pièce que MM. Makhlouf, Jabir et Hassan sont cofondateurs détenant toujours des parts dans Cham Holding.

115    Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil n’a pas présenté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un soutien au régime syrien ou d’un bénéfice, de sorte que le maintien du nom du requérant sur les listes n’est pas fondé.

116    Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que, selon le Conseil, il ressort des arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427), et du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil (T‑563/11, non publié, EU:T:2013:429), que le requérant a des intérêts dans un grand nombre d’entreprises syriennes par lesquelles il apporte un soutien économique au régime syrien. En effet, ainsi qu’il découle de la jurisprudence mentionnée au point 90 ci-dessus, dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, il ne suffit pas que le Conseil estime que le bénéfice ou le soutien au régime syrien découle des activités exercées par une personne, il doit encore démontrer comment cette personne soutient ou tire avantage du régime syrien, ce qu’il n’a pas réussi à démontrer en l’espèce.

117    Dès lors, concernant les actes de maintien de 2022, il convient d’accueillir le quatrième moyen du recours.

3)      Sur l’examen du bien-fondé du critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie fondant les actes de maintien de 2023

118    Le requérant estime que les éléments de preuve n’étayent pas le maintien de son nom sur listes et il considère qu’il n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

119    Il ressort des motifs de 2023, tels que rappelés au point 27 ci-dessus, que, premièrement, le requérant est un homme d’affaires dans l’agriculture, l’immobilier et le secteur bancaire, deuxièmement, il entretient des relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens et, troisièmement, il est cofondateur de Cham Holding.

120    En premier lieu, s’agissant de l’activité du requérant en tant qu’homme d’affaires dans l’agriculture, l’immobilier et le secteur bancaire, il ressort du document WK 4939/2019 que le requérant a des intérêts qui concernent plusieurs secteurs de l’économie. En effet, premièrement, en ce qui concerne le secteur de la construction immobilière, il détient des actions dans plusieurs entreprises au sein desquelles il est actionnaire fondateur ou occupe un poste de direction. Deuxièmement, le requérant a acquis des parts dans sept banques en tant qu’actionnaire fondateur ou actionnaire et, dans l’une d’entre elles, y occupe le poste de vice-président du conseil d’administration. Troisièmement, le requérant fait partie des plus grands producteurs d’huile et de graisse et a des intérêts dans plusieurs autres entreprises. Quatrièmement, ainsi que le soutient le Conseil, il ressort du document WK 4939/2019 que le requérant a des intérêts commerciaux nombreux et variés en Syrie. Cinquièmement, le requérant est également président d’Anbouba for Agricultural Industries Co., opérant dans le secteur de l’agriculture.

121    À cet égard, le requérant soutient ne plus exercer à ce poste. En ce sens, il présente une déclaration notariée visant à démontrer que, désormais, il n’exerce plus aucune activité en Syrie par l’intermédiaire d’Anbouba for Agricultural Industries Co. et que les informations d’identification relatives à son poste de président sont fausses.

122    Conformément à une jurisprudence constante mentionnée au point 62 ci-dessus, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité.

123    En l’espèce, la déclaration du requérant, faite devant notaire, date du mois de février 2022, ce qui semble signifier qu’elle a été établie aux fins du présent recours. De ce fait, elle n’a qu’une valeur probante limitée (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 124). En outre, cette déclaration a été rédigée par le requérant, qui fait l’objet des actes attaqués et qui a donc un intérêt personnel à la solution du présent litige. Dès lors, ces deux raisons impliquent que la déclaration possède, isolément, une faible valeur probante. Or, le requérant n’a produit aucun autre élément qui tendrait à démontrer sa démission, de sorte qu’il convient de considérer qu’il n’a pas réussi à remettre en cause son statut de président d’Anbouba for Agricultural Industries Co.

124    En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort des sites Internet Eqtsad et Aliqtisadi, le requérant est considéré comme cofondateur de Cham Holding.

125    À cet égard, premièrement, le requérant fait valoir qu’il n’est pas cofondateur de Cham Holding, puisque Cham Holding n’est pas détenue par des personnes physiques, mais par des personnes morales établies en Syrie, ainsi qu’il ressort du site Internet « www.diligenciagroup.com ». Il importe de relever que ce site Internet, consulté le 27 février 2023, mentionne que Cham Holding est détenue par des sociétés, sans préciser qu’elle aurait été fondée exclusivement par des sociétés. À cet égard, le Conseil produit un tableau publié sur le site Internet The Syria Report le 10 novembre 2022, reprenant l’actionnariat de Cham Holding, qui confirme les informations contenues dans le document WK 4939/2019, à savoir que le requérant est bien actionnaire fondateur de Cham Holding. D’ailleurs, ce tableau dresse, en outre, la liste des sociétés en tant qu’actionnaires fondateurs de Cham Holding. Partant, les éléments de preuve produits par le Conseil confirment que Cham Holding est détenue tant par des personnes physiques que par des personnes morales.

126    Deuxièmement, les motifs de 2023 ne mentionnant plus la fonction de membre du conseil d’administration de Cham Holding du requérant, il n’est pas nécessaire d’examiner son argument aux termes duquel il a démissionné desdites fonctions et n’exercerait aucune activité en Syrie par l’intermédiaire de cette dernière.

127    Partant, le Conseil a démontré de manière suffisante que le requérant est cofondateur de Cham Holding.

128    En troisième lieu, le requérant ne comprend pas, en substance, en quoi les documents WK 4939/2019 et WK 206/2023 mentionneraient qu’il entretient des relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens et qui seraient ces fonctionnaires.

129    Premièrement, ainsi qu’il a été rappelé au point 111 ci-dessus, il convient de comprendre que le Conseil entend faire référence à des personnalités de haut rang exerçant des fonctions de hauts fonctionnaires, proches du gouvernement. Deuxièmement, le site Internet Eqtsad indique que le requérant est associé au gouverneur d’Homs, qui l’informe de tous les projets à haut potentiel économique et de la période à partir de laquelle il peut signer les accords les plus importants et à partir desquels il peut en retirer le plus haut profit. En outre, le site Internet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, dans un rapport de l’organisation non gouvernementale SLDP, évoque, par exemple, les récompenses accordées à l’élite de guerre loyaliste qui prennent la forme d’accès privilégié aux secteurs économiques. Or, le requérant n’a avancé aucun argument visant à contester sa relation avec le gouverneur d’Homs.

130    Il résulte de ce qui précède que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, permettant de démontrer que le requérant est cofondateur de Cham Holding, qu’il est actif dans les secteurs de l’immobilier, de l’agriculture et de la banque et qu’il entretient des relations financières avec de hauts fonctionnaires syriens.

131    Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments du requérant.

132    Premièrement, il soutient, en substance, que les motifs de 2023 seraient inappropriés et incorrects compte tenu du fait qu’il ne pourrait pas y avoir d’hommes d’affaires influents en Syrie ou de secteurs économiques qui fonctionnent comme le démontre le document WK 206/2023. Néanmoins, les sites Internet Brookings Institution et Heritage Foundation indiquent, au contraire, l’existence d’un réseau d’hommes d’affaires privilégiés alliés au régime syrien qui possèdent et contrôlent la plupart des secteurs de l’économie. Ces « seigneurs de guerre », soutenus par le régime syrien, ont amassé une immense fortune au cours du conflit, ont pris de l’importance jusqu’à atteindre les plus hautes positions dans la vie économique syrienne et à en devenir une force dominante, selon le rapport publié sur le site Internet du Centre Harmoon.

133    Deuxièmement, le requérant fait valoir que le Conseil devrait disposer de preuves crédibles démontrant un élément intentionnel de ce que ses actions viseraient à soutenir le régime et à tirer avantage de celui-ci.

134    À cet égard, il convient de rappeler que la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne. Ainsi, il ne découle aucunement de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, qu’il incomberait au Conseil de rapporter la preuve que tant la condition relative à la situation de femme ou d’homme d’affaires influent que celle de liens suffisants avec le régime sont cumulativement remplies [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56]. De même, il ne ressort pas du contenu de la décision précitée que le critère en cause implique la démonstration d’un quelconque élément intentionnel. Partant, le Conseil n’était pas tenu de procéder à cette démonstration et il convient, dès lors, de rejeter l’argument du requérant.

135    En quatrième lieu, s’agissant du renversement de la présomption de lien avec le régime syrien, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 51 ci-dessus et rappelé par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription.

136    Par conséquent, il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, celle-ci doit être considérée comme ayant réussi à renverser la présomption de lien avec le régime syrien si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71, et du 16 mars 2022, Sabra/Conseil, T‑249/20, EU:T:2022:140, point 133).

137    Premièrement, par deux éléments de preuve, le requérant démontre vivre exclusivement au Liban avec sa famille depuis plusieurs années, ce qui semble constant entre les parties. Néanmoins, il convient de relever que le fait de vivre en dehors de la Syrie ne constitue pas, en soi, une circonstance suffisante permettant d’affirmer ne pas être lié au régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 149). Pour le surplus, au contraire, il ressort du document WK 206/2023 que même vivre au Liban pourrait démontrer un lien avec le régime. En effet, il ressort des sites de l’Atlantic Council et du Dayan Center for Middle Eastern and African Studies que les élites syriennes s’appuient sur le centre financier relativement plus stable de Beyrouth (Liban) et que le pays fonctionne comme une zone de transit pour la Syrie.

138    Deuxièmement, selon le requérant, sa santé, fragilisée par de nombreuses maladies et impliquant un suivi médical constant, et son âge l’empêcheraient de gérer une quelconque entreprise financière ou de fournir un soutien au gouvernement syrien. En ce sens, constituerait un fait notoirement connu qu’une santé fragilisée et l’âge (environ 70 ans) d’une personne auraient un impact significatif sur la vie quotidienne de celle-ci. Or, sans se prononcer sur la véracité de l’état de santé et de vitalité du requérant, ces éléments de preuve, à eux seuls, ne démontrent pas que celui-ci n’est pas lié au régime syrien.

139    Troisièmement, le requérant soutient qu’il subirait des représailles du régime syrien. En ce sens, tous ses avoirs financiers et ceux des personnes qui lui sont liées déposés dans les banques en Syrie ont été gelés par le gouvernement syrien. Étant lui-même victime des actions du gouvernement syrien, il ne pourrait pas soutenir l’appareil répressif syrien. Afin d’étayer son argument, il produit une communication de la Banque centrale de Syrie du 7 octobre 2019, adressée à toutes les banques syriennes, et une attestation sur l’honneur rédigée par un greffe du 27 juin 2021, décrivant une procédure juridictionnelle et le fait que le requérant ait été condamné à deux mois d’emprisonnement.

140    Néanmoins, d’une part, il importe de relever, comme le soutient le Conseil, que la communication de la Banque centrale de Syrie d’octobre 2019 démontrant le gel de ses actifs par le gouvernement syrien souligne explicitement le caractère provisoire de la mesure de gel des avoirs jusqu’à la fin de la procédure de contrôle de ces comptes. Elle ne fait référence ni à une décision générale de gel de fonds ni aux motifs sous-tendant cette décision. Partant, rien n’indique que les fonds ont été effectivement gelés lors de l’envoi de la communication ou lors de l’adoption des actes de maintien de 2022.

141    D’autre part, l’attestation sur l’honneur rédigée par le greffe n’indique pas l’objet de la procédure, ni si elle est clôturée et définitive. Ce document ne fait pas non plus référence au contenu de la décision clôturant la procédure d’appel, ni aux motifs ayant fondé la procédure de première instance.

142    Or, force est de constater que le requérant n’a pas apporté de preuve suffisante ou complémentaire afin de réfuter l’argument du Conseil selon lequel les éléments de preuve apportés seraient incomplets. En outre, rien ne permet d’établir avec certitude que la communication de la Banque Centrale de Syrie serait liée à la procédure juridictionnelle décrite dans l’attestation sur l’honneur, dans le sens où la première aurait été adoptée en conséquence de la seconde.

143    Partant, le requérant n’est pas parvenu à renverser la présomption de lien avec le régime syrien, car il n’a présenté aucun argument ou élément permettant de douter de la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou de l’appréciation qu’il convenait d’en faire, ni fait état d’aucun indice concret permettant au Tribunal de considérer qu’il n’existait pas, ou plus, de lien entre lui et ledit régime, qu’il n’exerçait aucune influence sur le régime syrien et qu’il était étranger à tout risque réel de contournement des mesures restrictives.

144    Il s’ensuit que les motifs de 2023 sont suffisamment étayés, de sorte que, au regard de ce critère, le maintien du nom du requérant sur les listes en cause est bien fondé.

e)      Conclusions sur le quatrième moyen

145    En premier lieu, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le Conseil a bien étayé les motifs de 2023 se rattachant au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

146    Cette conclusion n’est pas infirmée par le grief du requérant selon lequel le Conseil contournerait le contrôle juridictionnel du Tribunal en substituant les motifs de 2022 par ceux de 2023, ce qui constituerait une violation de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux. En effet, conformément au principe ne bis in idem énoncé à l’article 50 de ladite charte, l’application de ce principe suppose que les mesures qui ont déjà été adoptées à l’encontre d’une personne au moyen d’une décision devenue définitive revêtent un caractère pénal. Toutefois, les mesures restrictives de gel des fonds ne sont pas de nature pénale, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits d’un crime, mais gelés à titre conservatoire. Ainsi, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2014, Sport-pari/Conseil, T‑439/11, non publié, EU:T:2014:1043, point 89 et jurisprudence citée). Partant, le requérant ne saurait valablement invoquer, en l’espèce, une violation du droit de ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour la même infraction (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, HX/Conseil, T‑408/16, non publié, EU:T:2018:355, points 93 et jurisprudence citée).

147    En deuxième lieu, s’agissant des motifs de 2022 étayant le critère de l’association avec le régime syrien, il convient de constater que le Conseil n’a pas apporté de faisceau d’indices qui soit suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, de sorte qu’il convient d’annuler les actes de maintien de 2022 en ce qu’ils concernent le requérant.

148    Par conséquent, le recours visant les actes de maintien de 2023 doit être rejeté, dans la mesure où le requérant n’a pas soulevé d’autres moyens s’agissant de ces actes. Concernant les actes de maintien de 2022, il convient d’accueillir le quatrième moyen du recours et, partant, de les annuler en ce qu’ils concernent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation dirigées contre ces actes.

149    Dans son troisième chef de conclusions, le Conseil a demandé au Tribunal que, dans l’hypothèse où les actes attaqués seraient annulés, il soit ordonné que les effets de la décision 2023/1035 soient maintenus en ce qui concerne le requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2023/1027 prenne effet. Il convient de comprendre que, par son troisième chef de conclusions, le Conseil entendait que le nom du requérant soit maintenu sur les listes en cause dans l’hypothèse où les actes attaqués seraient annulés. Or, le recours étant rejeté en ce qu’il vise les actes de maintien de 2023 ainsi qu’il ressort du point 148 ci-dessus, le nom du requérant est maintenu sur les listes en cause, de sorte qu’il n’y a pas lieu de donner suite au troisième chef de conclusions du Conseil.

IV.    Sur les dépens

150    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

151    En l’espèce, les conclusions du requérant doivent être accueillies en ce qui concerne l’annulation des actes de maintien de 2022, alors qu’elles doivent être rejetées s’agissant des actes de maintien de 2023, si bien qu’il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2022/849 du Conseil, du 30 mai 2022, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, et le règlement d’exécution (UE) 2022/840 du Conseil, du 30 mai 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, sont annulés en tant qu’ils concernent M. Issam Anbouba.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      M. Anbouba et le Conseil de l’Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.