Language of document : ECLI:EU:T:2015:892

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

26 novembre 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale TURBO DRILL – Motif de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑50/14,

Demp BV, établie à Vianen (Pays-Bas), représentée par Me C. Gehweiler, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 22 novembre 2013 (affaire R 1254/2013‑4, concernant une demande d’enregistrement du signe verbal TURBO DRILL comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2014,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2014,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 3 juin 2014,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2014,

à la suite de l’audience du 26 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 27 mars 2013, la requérante, Demp BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TURBO DRILL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 6, 7, 19 et 20 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Matériaux de construction métalliques, quincaillerie, quincaillerie métallique, pièces et accessoires pour tous les produits précités ; tous les produits précités en métal » ;

–        classe 7 : « Machines et machines-outils ; machines de construction ; foreuses, visseuses à batterie ; moteurs autres que pour véhicules terrestres ; accouplements et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; pièces et accessoires pour tous les produits précités, notamment perceuses » ;

–        classe 19 : « Matériaux de construction non métalliques » ;

–        classe 20 : « Fixations, matériaux de montage, vis ».

4        Par décision du 11 juin 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits indiqués au point 3 ci-dessus, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009.

5        Le 4 juillet 2013, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur, ayant précisé qu’elle ne contestait pas le rejet d’enregistrement en ce qui concernait les « foreuses et perceuses » comprises dans la classe 7.

6        Par décision du 22 novembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. Elle a estimé que la combinaison verbale « turbo drill » signifiait « turbo-perceuse » ou « turbomachine à semer », donc comme une indication d’une perceuse ou d’une machine à semer particulièrement performante. Les produits litigieux consistant en des machines, machines-outils, instruments agricoles et leurs pièces ainsi qu’en des accessoires pour percer et semer, le signe demandé était descriptif à leur égard, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, étant donné qu’il était de nature à désigner leur destination et qualité. En outre, elle a également considéré que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif à l’égard des mêmes produits, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante avance deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

10      Après la limitation des produits visés par la demande d’enregistrement devant la chambre de recours (voir le point 5 ci-dessus), en cours d’instance, la requérante a également renoncé à la contestation du rejet de sa demande d’enregistrement quant aux produits restants compris dans la classe 7, c’est-à-dire les produits autres que les foreuses et perceuses compris dans ladite classe.

11      Quant au premier moyen, elle fait valoir que la chambre de recours a erronément constaté que le signe en cause était descriptif à l’égard des produits compris dans les classes 6, 19 et 20.

12      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec, EU:C:2003:579, point 31 ; du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec, EU:T:2002:44, point 27, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, EU:T:2011:340, point 12].

13      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêts OHMI/Wrigley, point 12 supra, EU:C:2003:579, point 30, et TRUEWHITE, point 12 supra, EU:T:2011:340, point 13).

14      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description desdits produits et des services ou d’une de leurs caractéristiques, telles que l’espèce, la qualité ou la destination (voir, en ce sens, arrêt TRUEWHITE, point 12 supra, EU:T:2011:340, point 14 et jurisprudence citée).

15      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée, d’une part, que par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, que par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec, EU:T:2002:41, point 38, et TRUEWHITE, point 12 supra, EU:T:2011:340, point 17].

16      En l’espèce, la chambre de recours a considéré à bon droit que les produits litigieux s’adressaient principalement aux commerçants, notamment de l’industrie du bâtiment et de l’agriculture, ainsi qu’à des bricoleurs, et qu’il convenait de tenir compte de la compréhension des consommateurs des États membres anglophones de l’Union (l’Irlande et le Royaume-Uni), puisque le signe en cause était composé des termes anglais. La requérante ne conteste d’ailleurs pas cette appréciation. En outre, il y a lieu d’ajouter que certains des produits visés, en particulier les pièces détachées et les accessoires des appareils de forage ou de perçage ou des machines à semer s’adressent aux fabricants desdits appareils ou machines.

17      Ensuite, la chambre de recours a également considéré à bon droit que l’élément « turbo » du signe était, dans diverses langues, dont l’anglais, une abréviation du mot « turbine », qui désigne dans des termes composés les machines les plus variées qui sont actionnées par une turbine ou rattachées à celle-ci. Une telle turbine est normalement utilisée dans des machines et des appareils lorsqu’une puissance particulièrement forte doit être atteinte. Il y a lieu d’ajouter que le terme « turbo » a également acquis un sens colloquial en anglais, renvoyant en général à une haute performance, et a, dès lors, un certain contenu général laudatif notamment quant aux appareils et machines complexes.

18      La chambre de recours a également retenu à bon droit que l’élément « drill » du signe désignait une perceuse ou une foreuse ainsi qu’une machine à semer des graines.

19      Dès lors, il y a lieu de confirmer l’analyse de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent comprendra la combinaison verbale TURBO DRILL, dans son ensemble, comme signifiant « turbo-perceuse » ou « turbomachine à semer », donc comme une indication renvoyant à une perceuse ou à une machine à semer particulièrement performante. Ces considérations ne sont d’ailleurs pas contestées par la requérante.

20      Il convient d’ajouter que les impressions générées par l’indication en cause dans l’esprit du public pertinent se concentrent plutôt autour du terme « drill », qui désigne spécifiquement l’activité de forage, de perçage ou les appareils servant à une telle activité, tandis que l’élément « turbo » signifie l’attachement d’une turbine à un tel appareil ou renvoie tout simplement à de hautes performance, révolution ou vitesse, en tant que terme laudatif général.

21      Il y a lieu de rappeler que, devant le Tribunal, la requérante ne conteste plus que le signe TURBO DRILL est en fait descriptif à l’égard des produits compris dans la classe 7 (voir les points 5 et 10 ci-dessus).

22      Dès lors, il convient d’examiner l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a erronément constaté que le signe en cause était descriptif à l’égard des produits compris dans les classes 6, 19 et 20 (ci-après les « produits litigieux »).

23      À cet égard, la chambre de recours a considéré qu’un rapport descriptif existait également en ce qui concerne les « matériaux de construction métalliques, quincaillerie, quincaillerie métallique, pièces et accessoires pour tous les produits précités ; tous les produits précités en métal » relevant de la classe 6, les produits « Matériaux de construction non métalliques » relevant de la classe 19, et les produits « Fixations, matériaux de montage, vis » relevant de la classe 20. Selon elle, ces produits sont tous nécessaires pour le transport ainsi que pour la fixation et la sécurité des perceuses performantes sur leur lieu d’utilisation. Elle a précisé que les produits relevant de la classe 6 comprenaient, par exemple, des échafaudages, des armatures, des tuyaux, des crochets, des poignées et d’autres fixations en métal, tandis que les produits relevant de la classe 19 incluaient, par exemple, des poutres en bois, des planches en bois ou des panneaux en bois. Ainsi, selon elle, le signe TURBO DRILL désigne l’espèce, la destination et la qualité de ces produits.

24      La requérante estime que le lien entre le sens du signe en cause et les produits litigieux est trop éloigné pour justifier le refus d’enregistrement. Elle rappelle que la jurisprudence exige un rapport suffisamment direct à cet égard.

25      Elle conteste que le signe en cause puisse indiquer la destination des produits litigieux, puisqu’ils seraient nécessaires pour le transport, la fixation ou la sécurité des perceuses. Les foreuses et visseuses à batterie seraient, en général, rangées dans des housses en plastique ou dans des boîtes spéciales, juste à côté des machines elles-mêmes. Même les perceuses spéciales pour l’exploitation minière, les plates-formes de forage ou d’autres machines équipées d’une perceuse ne seraient pas transportées, ni fixées sur leur lieu d’utilisation à l’aide des produits relevant des classes 6, 19 ou 20. Habituellement, ces outils spéciaux disposeraient de leur propre système de roulement. Ils ne seraient ni assemblés, ni vissés, ni fixés sur place d’une autre manière avec les produits revendiqués, car, dans le cas contraire, l’instrument de perçage serait impossible à déplacer.

26      En outre, la requérante énumère, en cours d’instance, un nombre de produits appartenant aux classes 6, 19 et 20 qui, selon elle, ne peuvent pas être mis en rapport direct avec l’activité de forage ou de perçage, comme la pierre, le ciment, les tuiles ou les briques.

27      À titre liminaire, il convient de relever que, en l’espèce, la requérante a choisi de définir les produits pour lesquels elle cherchait à obtenir protection pour la marque demandée en désignant de larges catégories de produits, telles que les « matériaux de construction métalliques », la « quincaillerie » (relevant de la classe 6), les « matériaux de construction non métalliques » (relevant de la classe 19) et les « fixations, matériaux de montage, vis » (relevant de la classe 20).

28      Certains des produits compris dans ces catégories peuvent être mis en rapport direct avec le signe TURBO DRILL par le public pertinent, d’autres ne le peuvent pas.

29      D’une part, à cet égard, il y a lieu de relever que les appareils complexes incluant une perceuse ou foreuse, tels que ceux utilisés dans l’industrie minière ou pétrolière, ainsi que dans le secteur du bâtiment, comportent une multitude de pièces détachées. Même si le cœur d’un tel appareil est la tête de forage et le moteur qui la fait tourner, une vaste gamme d’autres pièces détachées et d’accessoires est également nécessaire pour leur construction, leur bon fonctionnement et leur transport, y compris des éléments comme des tuyaux ou de la quincaillerie métallique (relevant de la classe 6), des éléments de fixation ou de montage (relevant de la classe 20), de même que des matériaux de construction non métalliques (relevant de la classe 19) qui peuvent bien être intégrés dans le corps ou dans la couverture d’un tel appareil. Il en va de même, pour une grande partie des produits litigieux, en ce qui concerne les machines à semer.

30      Il s’ensuit que le public pertinent, qui inclut les producteurs et les utilisateurs des appareils de forage ou de perçage, ou bien des machines à semer, identifie immédiatement le lien qui existe entre le signe TURBO DRILL et certains produits couverts par les catégories pour lesquels la requérante cherche à obtenir protection pour la marque demandée, qui peuvent être des pièces détachées ou des accessoires desdits appareils ou machines. Il y a lieu d’ajouter que certains produits couverts par lesdites catégories, par exemple les tuyaux ou des éléments de montage ou de fixation, peuvent même être spécialement conçus pour être intégrés dans un tel appareil ou machine ou pour être leur accessoire, de sorte que le signe TURBO DRILL peut bien décrire leur destination.

31      D’autre part, ainsi que la requérante le relève, les catégories des produits visés par la demande d’enregistrement incluent des produits qui ne peuvent pas être mis en rapport direct avec le signe TURBO DRILL, tels que la pierre, le ciment, les tuiles ou les briques, puisqu’ils ne sont pas des pièces détachées ou des accessoires des appareils de forage ou de perçage ou des machines à semer.

32      Il incombe, dès lors, au Tribunal de décider si, dans une telle situation, l’OHMI a rejeté à bon droit le signe demandé en tant que descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c).

33      En premier lieu, il convient d’examiner le contexte dans lequel s’apprécie le critère selon lequel, pour être considéré comme descriptif, le signe demandé doit présenter avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques, telles que l’espèce, la qualité ou la destination.

34      À cet égard, il y a lieu de souligner que, dans la pratique, un acheteur potentiel examine des produits spécifiques, tels que des tuyaux ou des éléments de montage ou de fixation d’un certain type, manufacturés par un certain producteur, et non des catégories générales de produits. Dès lors, il n’est pas nécessaire pour établir le caractère descriptif d’une marque à l’égard d’une large catégorie de produits, telle que définie par le demandeur de marque (par exemple les « matériaux de construction métalliques »), que ladite catégorie génère, en toute abstraction, une image qui est mise en rapport direct et concret avec la signification du signe demandé.

35      En effet, selon la jurisprudence relative à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), il n’est pas nécessaire que tous les produits appartenant à une catégorie de produits figurant dans les revendications puissent être mis en rapport direct avec le signe dont l’enregistrement est demandé. Le Tribunal a ainsi jugé, dans son arrêt du 12 juillet 2012, medi/OHMI (medi) (T‑470/09, EU:T:2012:369, point 38), que le signe medi était dépourvu de caractère distinctif non seulement à l’égard des produits pharmaceutiques, mais aussi à l’égard des « savons », « aliments pour bébés », et « équipements pour le traitement des données et ordinateurs », même si seule une petite partie de ces produits était à destination médicale. Cette jurisprudence peut être appliquée, par analogie, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), et corrobore la constatation du caractère descriptif du signe TURBO DRILL à l’égard des larges catégories de produits définies par la requérante en l’espèce, puisque chacune de ces catégories inclut des produits dont ledit signe indique la destination.

36      En deuxième lieu, il y a lieu de souligner que le critère décrit au point 33 ci-dessus ne peut pas être interprété indépendamment et à l’encontre de la ratio legis de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, qui est d’éviter que les signes qui décrivent la qualité, l’espèce ou la destination des produits visés soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque, afin de ne pas restreindre indûment la libre concurrence (voir le point 12 ci-dessus). De même, le deuxième considérant du règlement n° 207/2009 fait explicitement référence à l’objectif de l’établissement d’un régime d’enregistrement des marques communautaires qui assure une concurrence non faussée.

37      Il convient de rappeler à cet égard que, selon l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif et le titulaire est ainsi habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire en ce qui concerne des produits similaires ou identiques à ceux couverts par la marque communautaire. En vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous d), dudit règlement, le titulaire de la marque peut notamment interdire l’utilisation du signe par les tiers dans les papiers d’affaires et la publicité dans les circonstances décrites audit article 9, paragraphe 1.

38      Il ressort de ces règles que, en se réservant l’utilisation du signe TURBO DRILL dans la vie des affaires en ce qui concerne les larges catégories de produits appartenant aux classes 6, 19 et 20, la requérante pourrait empêcher tout usage commercial dudit signe par des tiers non seulement en ce qui concerne les produits qu’elle mentionne (tels que la pierre, le ciment, les tuiles ou les briques), mais également en ce qui concerne les produits qui sont des pièces détachées ou des accessoires d’appareils de forage ou de perçage ou de machines à semer, tels que des tuyaux et diverses pièces de quincaillerie.

39      En particulier, la requérante pourrait ainsi interdire ou rendre plus difficile aux producteurs de pièces détachées et d’accessoires pour lesdits appareils et machines d’indiquer dans leurs papiers d’affaires et matériaux de promotion en anglais que lesdites pièces et accessoires ont pour destination d’être utilisés en combinaison avec des foreuses ou des perceuses incluant une turbine, puisque la description d’une telle destination est à peine concevable sans l’utilisation des termes « turbo » et « drill » ou d’expressions très similaires, dont l’usage exclusif dans la vie des affaires serait réservé à la requérante.

40      Un tel résultat serait incompatible avec l’objectif de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, qui est d’assurer une concurrence non faussée (voir les points 12 et 36 ci-dessus).

41      En effet, il serait trop aisé pour les demandeurs de marques communautaires de contourner ces objectifs et la lettre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 s’il était permis de se réserver l’usage d’un signe pour de larges catégories de produits qui incluent non seulement les produits avec lesquels le signe ne présente aucun lien direct, mais également d’autres produits dont le signe indique l’espèce, la qualité ou la destination.

42      Il y a lieu de rappeler à cet égard que le demandeur de marque communautaire est entièrement libre de définir les produits et services pour lesquels il cherche une protection par la marque demandée. Par exemple, en l’espèce, rien n’empêchait la requérante de revendiquer uniquement « la pierre, le ciment, les tuiles ou les briques » au lieu de l’ensemble des « matériaux de construction non métalliques », une large catégorie qui inclut également les tuyaux non métalliques, les poutres, les planches ou les panneaux en bois et les divers éléments en plastique qui peuvent être destinés à être intégrés dans le corps d’un large appareil de forage ou perçage ou à être utilisés comme des accessoires de tels appareils.

43      Il découle de l’objectif de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, tel que rappelé au deuxième considérant dudit règlement (voir les points 12 et 36 ci-dessus) que l’OHMI, confronté à une formulation des produits et des services visés par la demande d’enregistrement qui consiste en de larges catégories, doit pouvoir segmenter celles-ci afin de vérifier si le signe demandé n’indique pas l’espèce, la qualité ou la destination de certains produits ou services inclus dans lesdites catégories. En l’espèce, l’OHMI a suivi une telle démarche, en observant dans la décision attaquée que les catégories de produits visés par la demande d’enregistrement incluaient des pièces détachées et des accessoires d’appareils de forage ou de perçage ou de machines à semer.

44      Il y a lieu de conclure que, eu égard à la formulation des produits visés par la demande d’enregistrement, consistant en de larges catégories de produits compris dans les classes 6, 19 et 20, qui incluent des pièces détachées ou des accessoires pour les appareils de forage ou de perçage ou pour les machines à semer, l’enregistrement du signe TURBO DRILL pour ces produits serait contraire à la ratio legis de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 (voir les points 12 et 36 ci-dessus), dès lors qu’il porterait préjudice à la liberté des producteurs desdites pièces et accessoires d’utiliser ladite indication en rapport avec leurs produits, notamment afin de préciser que ceux-ci ont pour vocation d’être intégrés dans de tels appareils ou machines ou de servir comme accessoires de ceux-ci.

45      Dès lors, l’OHMI a refusé l’enregistrement du signe TURBO DRILL à bon droit pour les produits litigieux.

46      Cette conclusion n’est pas compromise par l’argument de la requérante tiré de l’arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec, EU:T:2002:43]. Il y a lieu de relever que dans ledit arrêt, le Tribunal a d’abord établi que l’indication STREAMSERVE renvoyait à une technique de transmission à partir d’un serveur de données numériques. Ensuite, il a jugé que ladite technique impliquait, voire nécessitait l’utilisation des produits « Ordinateurs, mémoires informatiques, écrans de visualisation, claviers, processeurs, imprimantes et scanners ». Dès lors, le signe était descriptif à l’égard de ce premier groupe de produits, indiquant leur destination. En revanche, le Tribunal a jugé que ladite technique n’avait pas requis ou impliqué l’usage des produits « Manuels » et « Publications », de sorte que l’indication n’était pas descriptive à l’égard de ce second groupe de produits (arrêt STREAMSERVE, précité, EU:T:2002:43, points 43 et 50).

47      Il ressort ainsi de la jurisprudence STREAMSERVE (point 46 supra, points 43 et 50) qu’un signe est descriptif à l’égard des produits dont l’utilisation est nécessaire pour l’exercice d’une activité ou pour l’usage d’une technologie ou d’un produit auxquels ce signe renvoie, puisqu’il indique leur destination.

48      Tel est précisément le cas en l’espèce. En effet, dans sa demande d’enregistrement, la requérante a choisi de décrire les produits visés en utilisant les références à de larges catégories qui incluaient une vaste gamme de produits. Chaque catégorie de produits litigieux inclut des produits tels que des pièces détachées ou des accessoires qui sont nécessaires à l’utilisation des appareils de forage ou de perçage de haute performance, ou bien des machines à semer, ou dont la destination est d’être utilisés conjointement avec ceux-ci (voir le point 27 ci-dessus, ainsi que les exemples figurant dans la décision attaquée, mentionnés au point 23 ci-dessus). Dès lors, en application de la jurisprudence STREAMSERVE (point 46 supra, points 43 et 50), les produits litigieux sont en rapport direct avec l’indication véhiculée par le signe en cause et le public pertinent percevra immédiatement leur destination ou leur qualité en rapport avec ce signe.

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle le signe TURBO DRILL est descriptif à l’égard des produits litigieux et de rejeter le premier moyen de la requérante.

50      Au demeurant, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 que la présence d’un motif y figurant suffit pour justifier le refus. Dès lors, étant donné que le signe est descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il est superflu d’examiner le second moyen visant à contester l’absence de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec, EU:C:2002:506, point 29).

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Demp BV est condamnée aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.