Language of document : ECLI:EU:T:2016:88

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 février 2016 (*)

« Clause compromissoire – Sixième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration – Remboursement d’une partie des sommes versées et des indemnités forfaitaires – Non-lieu à statuer partiel – Coûts éligibles à un financement de l’Union – Clause pénale – Caractère manifestement excessif »

Dans l’affaire T‑53/14,

Ludwig-Bölkow-Systemtechnik GmbH, établie à Ottobrunn (Allemagne), représentée initialement par Mes M. Núñez Müller et T. Becker, puis par Me Núñez Müller, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche et Mme F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater, d’une part, que la Commission n’est pas en droit de demander à la requérante le remboursement d’avances versées au titre de trois contrats et, d’autre part, que la requérante n’est pas tenue de verser des indemnités forfaitaires à la Commission,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Conformément au règlement (CE) n° 2321/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du sixième programme-cadre de la Communauté européenne (2002-2006) (JO L 355, p. 23), et dans le cadre défini par la décision n° 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO L 232, p. 1), la Commission des Communautés européennes a conclu trois contrats de subvention avec, entre autres parties, la requérante, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik GmbH, une entreprise de conseil en technologie et en stratégie, dont l’activité s’exerce principalement dans les domaines de l’énergie, de la mobilité et de la durabilité.

2        Pour le premier contrat, correspondant au projet intitulé « Development of a harmonised ‘European Hydrogen Energy RoAdmap’ by a balanced group of partners from industry, European regions and technical and socio-economic scenario and modelling experts » (développement d’une « feuille de route européenne de l’énergie hydrogène » harmonisée, par un groupe composé de manière équilibrée de partenaires de l’industrie, de régions européennes et d’experts en scénarios techniques et socio-économiques et en modélisation) (ci-après le « projet HyWays ») ainsi que le deuxième contrat, correspondant au projet intitulé « Handbook for Approval of Hydrogen Refuelling Stations » (manuel pour approbation des stations de ravitaillement d’hydrogène) (ci-après le « projet HyApproval »), la requérante agissait en tant que coordinateur. En ce qui concerne le troisième contrat, correspondant au projet « Harmonisation of Standards and Regulations for a sustainable Hydrogen and Fuel Cell Technology » (harmonisation des normes et réglementations pour une technologie durable de l’hydrogène et des piles à combustible) (ci-après le « projet HarmonHy »), elle ne constituait que l’un des contractants du consortium.

3        Selon l’article 12 de chacun des contrats, la loi belge leur est applicable.

4        L’article 13 desdits contrats prévoit une clause compromissoire précisant que le Tribunal est seul compétent pour statuer sur les litiges entre la Commission et les cocontractants concernant leur validité, leur application ou leur interprétation.

5        Les conditions générales qui, conformément à l’article 14 de chaque contrat, en font partie intégrante incluent une première partie concernant notamment l’exécution des projets en cause, la fin des contrats et la responsabilité (points II.2 à II.18), une deuxième partie concernant les dispositions financières et les contrôles, audits, remboursements et sanctions (points II.19 à II.31) et une troisième partie concernant les droits de propriété intellectuelle (points II.32 à II.36).

6        Le point II.19, paragraphe 1, des conditions générales définit les dépenses éligibles au financement de l’Union européenne et stipule ce qui suit :

« Les coûts éligibles exposés pour la mise en œuvre du projet doivent satisfaire aux conditions suivantes :

a)      ils doivent être réels, économiquement rationnels et nécessaires à la mise en œuvre du projet ;

b)      ils doivent être déterminés conformément aux principes comptables habituels du cocontractant ;

c)      ils doivent être exposés pendant la durée du projet telle que définie à l’article 4, paragraphe 2 […] ;

d)      ils doivent être enregistrés dans la comptabilité du cocontractant qui les a encourus, au plus tard à la date de l’établissement du certificat d’audit prévu au point II.26. Les procédures comptables employées pour enregistrer les dépenses et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du cocontractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les dépenses et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du cocontractant […] »

7        Le point II.19, paragraphe 2, sous a) à h), des conditions générales mentionne huit catégories de coûts non éligibles. Le point II.19, paragraphe 2, sous i), ajoute que sont inéligibles tous les coûts qui ne remplissent pas les conditions établies au paragraphe 1.

8        Les points II.20 et II.21 des conditions générales définissent deux types de coûts éligibles dans les conditions prévues par le point II.19, à savoir, premièrement, les coûts directs, imputables directement aux projets, et, deuxièmement, les coûts indirects, non imputables directement aux projets, mais susceptibles d’être identifiés et justifiés par le système comptable du cocontractant comme étant supportés en relation avec les coûts directs.

9        Le point II.22, paragraphe 1, des conditions générales prévoit trois modèles de déclaration des coûts, dont le modèle du coût complet utilisé pour l’imputation par les contractants des coûts éligibles directs et indirects et le modèle du coût complet-taux forfaitaire utilisé par les contractants pour l’imputation des coûts éligibles directs et d’un taux forfaitaire pour les coûts indirects. Ce taux forfaitaire est égal à 20 % de tous les coûts directs moins les coûts des contrats de sous-traitance, ce qui est censé couvrir tous les coûts indirects encourus par le contractant dans le cadre du projet.

10      Le point II.24, paragraphe 2, second alinéa, des conditions générales stipule que la contribution financière de l’Union ne peut pas être une source de profit pour les contractants.

11      Conformément au point II.29, paragraphe 1, des conditions générales, à tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut procéder à des audits. Ces audits peuvent porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques et autres, tels que les principes de comptabilité et de gestion, se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat.

12      Le point II.30 des conditions générales est rédigé de la manière suivante :

« Sans préjudice des autres mesures prévues dans le présent contrat, les contractants conviennent que [l’Union], dans le but de protéger ses intérêts financiers, est en droit de réclamer un dommage forfaitaire à un contractant dont les dépenses se sont avérées exagérées et qui en conséquence a reçu une contribution financière injustifiée de [l’Union]. L’indemnité forfaitaire est due en sus du recouvrement de la contribution financière injustifiée à effectuer par le contractant.

1.      Le montant de l’indemnité forfaitaire doit être proportionnel à la dépense exagérée et à la part injustifiée de la contribution de [l’Union]. Le montant de l’indemnité forfaitaire est calculé selon la formule suivante :

      Indemnité forfaitaire = contribution financière injustifiée × (dépense exagérée/total réclamé)

      Le calcul de toute indemnité forfaitaire tient uniquement compte de la période qui se rapporte à la contribution de [l’Union] réclamée par le contractant pour cette période. Elle n’est pas calculée par rapport à la contribution entière de [l’Union].

2.      La Commission notifie sa demande de paiement par lettre recommandée avec accusé de réception au contractant qu’elle juge redevable d’une indemnité forfaitaire. Le contractant dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à la demande d’indemnité de [l’Union].

3.      La procédure à suivre pour le remboursement d’une contribution financière injustifiée et pour le paiement d’une indemnité forfaitaire sera déterminée conformément aux dispositions du point II.31.

4.      La Commission est en droit de demander une indemnisation pour toute dépense exagérée constatée après l’expiration du contrat, conformément aux dispositions des paragraphes 1 à 6.

5.      Les dispositions du présent article sont sans préjudice des pénalités administratives ou financières que la Commission peut imposer à tout contractant défaillant conformément au règlement financier ou de toute autre mesure corrective civile à laquelle [l’Union] ou un autre contractant serait en droit de recourir. En outre, lesdites dispositions n’excluent pas le recours à des poursuites pénales par les autorités des États membres.

6.      D’autre part, comme le règlement financier le prévoit, tout contractant déclaré avoir manqué gravement à ses obligations contractuelles pourra être soumis à une pénalité financière d’une valeur comprise entre 2 % et 10 % du montant de la contribution financière qu’il aura reçue de [l’Union]. Le taux pourra atteindre 4 à 20 % en cas de récidive dans les cinq années suivant le premier manquement. »

13      En février 2008, la Commission a procédé, en application du point II.29 des conditions générales, à un audit portant sur la bonne exécution des contrats litigieux.

14      Le 17 mars 2011, la Commission a communiqué à la requérante un projet de rapport d’audit. Par courrier des 21 et 22 avril 2011, la requérante a pris position sur ledit projet.

15      Le 25 juillet 2011, la Commission a transmis à la requérante la version finale du rapport d’audit. Le rapport a conclu  que la requérante avait fixé à un niveau trop élevé ses coûts de personnel éligibles. Par ailleurs, selon ce rapport, des coûts relevant de la recherche auraient été qualifiés à tort de coûts de gestion. Enfin, des intérêts sur avances à hauteur totale de 1 707,40 euros n’auraient pas été déclarés.

16      Pour les trois contrats qui, à cette date, avaient été menés à terme et pour lesquels le solde total de participation financière de l’Union avait été versé, la Commission a informé la requérante qu’elle lui notifierait des notes de débit.

17      Du 10 août 2011 au 11 novembre 2013, la correspondance entre la requérante et la Commission s’est poursuivie, au cours de laquelle les parties se sont opposées sur les conclusions du rapport final d’audit.

18      Le 9 décembre 2013, la Commission a notifié à la requérante plusieurs notes de débit. Il ressort de ces notes que le montant à recouvrer par la Commission s’élevait à 218 539,62 euros au titre du projet HyWays, à 75 407,06 euros au titre du projet HyApproval et à 47 128,39 euros au titre du projet HarmonHy. En outre, la Commission a réclamé à la requérante des indemnités forfaitaires en application du point II.30 des conditions générales, à savoir 60 402,30 euros au titre du projet HyWays, 11 019,61 euros au titre du projet HyApproval et 10 002,17 euros au titre du projet HarmonHy.

19      Postérieurement à l’introduction du recours, la Commission a émis en faveur de la requérante les notes de crédit nos 3 233 150 004, 3 233 150 005 et 3 233 150 006, d’un montant respectif de 108 753,52 euros, 10 875,35 euros et 23 404,88 euros.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée le 20 janvier 2014 au greffe du Tribunal, la requérante a introduit le présent recours.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que, dans le cadre des contrats HyWays, HyApproval et HarmonHy, conclus entre la Commission et, entre autres, elle-même, elle a calculé ses coûts de projet en conformité avec les dispositions contractuelles applicables et, notamment, avec le point II.19 des conditions générales et que, dès lors, la Commission a violé ses obligations contractuelles en ce que, lors de l’émission des notes de débit portant les numéros 3 241 314 522 et 3 241 315 423 (projet HyWays), 3 241 314 527 et 3 241 314 526 (projet HyApproval) ainsi que 3 241 314 519 et 3 241 313 756 (projet HarmonHy), elle a calculé les coûts de projet d’une manière différente ;

–        constater que, dans le cadre du contrat portant sur le projet HyWays, elle a uniquement perçu une contribution financière de l’Union à hauteur de 495 269,48 euros et que, dès lors, la Commission, lors de l’émission de ses notes de débit portant les numéros 3 241 314 522 et 3 241 315 423, est partie à tort du principe qu’elle avait bénéficié d’une contribution financière de 604 023 euros ;

–        constater que c’est à tort que la Commission a requalifié, dans le cadre du contrat portant sur le projet HyApproval, sur la base du rapport d’audit final du 15 juillet 2011, des coûts de gestion en coûts de recherche ;

–        constater qu’elle n’est pas tenue, dans le cadre des contrats portant sur les projets HyWays, HyApproval et HarmonHy, de verser des indemnités forfaitaires au titre du point II.30 des conditions générales ;

–        constater que la Commission a émis à tort les notes de débit, à l’exception d’un montant de 1 323,02 euros en ce qui concerne la note de débit n° 3 241 314 523, d’un montant de 3 870,02 euros en ce qui concerne la note de débit n° 3 241 314 527 ainsi que d’un montant de 16 868,66 euros en ce qui concerne la note de débit n° 3 241 314 519, et qu’elle ne doit pas à la Commission les montants cités dans les notes de débit, à l’exception des montants mentionnés dans le présent chef de conclusions ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      Le 26 mai 2015, la Commission a présenté au Tribunal une demande de non-lieu à statuer s’agissant des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’inviter les parties à répondre à certaines questions écrites et d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont répondu auxdites questions écrites dans le délai imparti. En outre, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 2 juin 2015.

25      Lors de l’audience, la requérante a exprimé son accord quant au prononcé d’un non-lieu à statuer limité aux deuxième et troisième chefs de conclusions tout en demandant à ce que la Commission fût condamnée aux dépens qui y étaient afférents. À l’audience, la Commission a confirmé sa demande, tout en précisant que chacune des parties devrait ses propres dépens. Il en a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

26      À l’appui de son recours la requérante avance quatre moyens correspondant, respectivement, à chacun des quatre premiers chefs de conclusions, tirés, respectivement, le premier du caractère erroné du refus de la Commission d’accepter sa méthode de calcul des coûts de projet, le deuxième du caractère erroné de l’affirmation de la Commission selon laquelle elle aurait bénéficié dans le cadre du projet HyWays d’une contribution financière de 604 240,79 euros, le troisième du caractère erroné de la requalification de certains coûts encourus dans le cadre du contrat portant sur le projet HyApproval et, enfin, le quatrième du caractère erroné de la demande d’indemnité forfaitaire présentée par la Commission.

 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions

27      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de constater que c’est à tort que la Commission a pris comme point de départ du calcul des sommes dues au titre du projet HyWays une contribution financière de l’Union d’un montant de 604 023 euros, alors qu’elle n’a perçu que 495 269,48 euros. Dans le cadre de son troisième chef de conclusions, la requérante reproche à la Commission d’avoir, dans le cadre du projet HyApproval, requalifié à tort certains de ses coûts de gestion en coûts de recherche.

28      Force est de constater que, par l’adoption des notes de crédit n° 3 233 150 004 et n° 3 233 150 006, la Commission a admis le bien-fondé des prétentions de la requérante et lui a donné satisfaction, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ces deux chefs de conclusions.

 Sur le premier chef de conclusions, relatif à la méthode de calcul des coûts de projet

29      La requérante, dans le cadre de son premier moyen, soulevé au soutien du premier chef de conclusions, reproche à la Commission d’avoir rejeté à tort sa méthode de calcul des coûts de projet alors qu’elle serait conforme aux dispositions pertinentes des conditions générales des contrats en cause. La méthode de calcul des coûts privilégiée par la Commission ne résulterait pas desdits contrats, mais aurait unilatéralement été déterminée en marge de ceux-ci dans ses « notes d’orientation pour le rapport d’audit FP6 » ainsi que dans son « guide des questions financières relatives aux actions indirectes du sixième programme-cadre » de février 2005, lesquels ne feraient pas partie des contrats.

30      S’agissant de la nature des contrats en cause, la requérante s’oppose à la qualification de contrat unilatéral appliquée par la Commission dans le mémoire en défense. En substance, la requérante souligne que le fait qu’ils portent sur des subventions ne leur ôte pas leur nature synallagmatique dès lors que chacune des parties est tenue de fournir des prestations à l’autre et dispose ainsi de droits et d’obligations.

31      En ce qui concerne la description de sa méthode de calcul des coûts, la requérante souligne que celle-ci consiste à diviser ses coûts annuels totaux par le nombre d’heures comptabilisables.

32      Aux fins de démontrer la conformité de sa méthode de calcul avec les points II.19 et II.20 des conditions générales des contrats, la requérante rappelle que, en application du point II.19, paragraphe 1, sous b), desdites conditions générales, les coûts éligibles doivent être déterminés conformément aux principes comptables habituels du cocontractant. Aux fins de respecter cette disposition, elle aurait fait application de sa méthode de calcul habituelle, laquelle aurait été avalisée dans le passé par ses commissaires aux comptes.

33      Cette méthode de calcul garantirait que les coûts déclarés sont réels, économiques et nécessaires au sens du point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales. En ce qui concerne la question de leur réalité, la requérante observe que suivre la méthode privilégiée par la Commission ne lui permettrait pas de couvrir ses dépenses. S’agissant de leur nécessité, la requérante rappelle n’avoir déclaré que les heures liées à chacun des projets et que seule est en cause la détermination du taux horaire applicable. Enfin, les coûts déclarés seraient économiques en ce qu’ils ne seraient ni excessifs ni déraisonnables. Les coûts déclarés seraient également conformes au point II.20 des conditions générales. En outre, ils ne seraient contraires ni aux exigences de la bonne gestion financière ni au principe de non-profit et n’auraient pas pour conséquence de transférer unilatéralement des risques économiques à la Commission. Ils correspondraient à ce dont la requérante a besoin pour couvrir ses frais généraux et de personnel.

34      La requérante fait également valoir que les principes généraux d’interprétation du droit belge des contrats impliquent la reconnaissance de la conformité avec le contrat de sa méthode de calcul des coûts. À cet égard, elle se réfère à l’article 1162 du code civil belge, selon lequel « [d]ans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l’obligation », ainsi qu’à l’obligation d’exécution de bonne foi des conventions comprise dans les articles 1134 et 1135 du code civil belge.

35      Enfin, la requérante observe que la méthode de calcul préconisée par la Commission revêt un caractère intrinsèquement contradictoire. Alors que la Commission refuse de participer aux coûts impliqués par le suivi de projet, le perfectionnement, la participation à des conférences, la prospection et le suivi des contacts avec la clientèle, elle accepterait que les coûts liés au paiement des salaires en cas de maladie ou en raison de congés de maternité bénéficient concrètement aux projets et puissent faire l’objet d’une participation financière.

36      La Commission réfute le bien-fondé du présent moyen. Elle soutient, en substance, que la nature juridique et la finalité des contrats s’opposent à la méthode de calcul appliquée par la requérante, en ce qu’elle aboutit à lui faire supporter des coûts qui ne sont manifestement pas liés à la mise en œuvre des projets de recherche. À cet égard, elle fait, notamment, valoir que les contrats en cause, dans la mesure où ils portent sur des subventions, ne créent pas de rapports synallagmatiques, mais seulement un rapport unilatéral. En outre, en se référant au droit belge encadrant l’octroi de subventions ainsi qu’au règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), la Commission soutient que les contrats en question sont des contrats de droit public passés dans l’intérêt public et qu’ils ne sont pas soumis au droit civil.

37      De manière liminaire, il convient de relever que les allégations de la Commission portant sur la qualification qu’il convient d’apporter aux contrats en cause pourraient être comprises comme visant à écarter l’application du droit civil belge des contrats, auquel la requérante se réfère.

38      Prise sous cet angle, une telle argumentation ne saurait prospérer.

39      D’une part, le Tribunal, à l’égard de contrats analogues, portant également sur une subvention et relevant du sixième programme-cadre, a eu l’occasion de faire application de plusieurs articles du code civil belge relevant du même titre que ceux invoqués par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, EMA/Commission, T‑116/11, Rec, EU:T:2013:634, points 222, 230 et 231).

40      D’autre part, la circonstance que le droit belge prévoit, au profit de ses collectivités publiques, la possibilité de conclure des contrats de subvention soumis à des règles de droit public spécifiques est sans pertinence dans le cadre du présent litige, ces règles étant applicables uniquement aux contrats conclus par les collectivités publiques belges et non aux contrats de subvention accordés par la Commission au nom et pour le compte de l’Union.

41      C’est, en revanche, à juste titre que la Commission souligne que, au titre du droit applicable, doivent être pris en compte les actes juridiques pertinents du droit de l’Union, tels le règlement financier et le règlement n° 2321/2002.

42      Le bien-fondé de cette affirmation ne saurait cependant être étendu à d’autres actes ne revêtant pas les caractéristiques d’un règlement ou d’une décision au sens de la nomenclature de l’article 288 TFUE, tels les « notes d’orientation pour le rapport d’audit FP6 » ainsi que le « guide des questions financières relatives aux actions indirectes du sixième programme-cadre ». Par ces documents, la Commission ne fait que fournir son interprétation de la réglementation en vigueur ainsi que des contrats en cause. Or, une telle interprétation unilatérale, fournie en dehors du cadre contractuel et dépourvue de la force juridique attachée aux actes contraignants de l’Union, ne saurait lier les parties. C’est, dès lors, à juste titre que la requérante conteste leur pertinence aux fins de déterminer si sa méthode de calcul est conforme aux stipulations contractuelles.

43      Pour autant que l’argumentation de la Commission doive être interprétée comme mettant en exergue les particularités des contrats de subvention en ce que le paiement de la subvention ne constitue pas exclusivement la contrepartie de la réalisation d’un projet, mais doit correspondre à des coûts considérés comme éligibles, elle doit être avalisée.

44      En effet, les contrats signés par la requérante avec la Commission constituent effectivement des contrats de subvention. Le financement de l’Union ne constitue pas une rémunération du travail effectué par la requérante, mais une subvention des projets susmentionnés, dont le versement est soumis à des conditions précises, définies contractuellement. Le financement de l’Union a vocation à couvrir uniquement des coûts éligibles tels que définis dans les contrats en cause.

45      Il en découle plusieurs conséquences s’agissant de la détermination des coûts éligibles.

46      Premièrement, les coûts éligibles ne peuvent avoir pour conséquence la réalisation d’un profit du contractant. Cela ressort de l’article 109, paragraphe 2, du règlement financier, selon lequel « la subvention ne peut avoir pour objet ou pour effet de donner lieu à profit pour le bénéficiaire ». Ce principe se retrouve également au point II.24, paragraphe 2, des conditions générales, où il est stipulé que « la contribution financière de [l’Union] ne peut pas être une source de profit pour les contractants ».

47      Deuxièmement, cette nature spécifique des contrats de subvention implique une condition de nécessité entre la réalisation du projet et les coûts déclarés pour que ceux-ci soient éligibles. Cette condition de nécessité transparaît dans la définition des coûts éligibles au point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales, selon lequel « [l]es coûts éligibles encourus pour la réalisation du projet doivent remplir toutes les conditions suivantes : […] ils doivent être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet ».

48      Troisièmement, un lien doit exister, directement ou indirectement, avec le projet pour qu’un coût puisse être éligible, ainsi qu’il ressort des points II.20 et II.21 relatifs aux coûts directs et indirects. S’agissant plus précisément des coûts indirects, le point II.21 stipule que ceux-ci sont « les coûts qui satisfont aux critères établis au point II.19, qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet ». Il en découle que, même à l’égard des coûts indirects supportés par un contractant, doit exister un lien de causalité avec le projet par l’intermédiaire de leur relation avec les coûts directs encourus pour la réalisation de celui-ci.

49      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si la Commission était en droit d’écarter la méthode de détermination des coûts éligibles appliquée par la requérante comme étant non conforme aux stipulations contractuelles.

50      À cet égard, il convient de relever que la méthode de calcul du taux horaire privilégiée par la requérante consiste à diviser ses coûts par un dénominateur constitué par les seules heures qu’elle qualifie de « comptabilisables », définies comme celles que ses collaborateurs peuvent consacrer à fournir des prestations de services à l’ensemble de ses donneurs d’ordre. Le taux horaire ainsi calculé serait appliqué aux heures effectivement consacrées au projet visé par chaque contrat. La méthode privilégiée par la Commission consiste à diviser les coûts encourus par la requérante par un dénominateur comprenant l’ensemble des heures de travail des salariés.

51      Ainsi que l’a souligné la requérante elle-même en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, le débat entre les parties concerne exclusivement l’étendue des heures devant être prises en compte à l’occasion du calcul du taux horaire. L’approche privilégiée par la requérante a pour effet d’exclure certaines heures travaillées par ses collaborateurs du calcul du taux horaire, telles celles relatives au suivi de projet, au perfectionnement, à la participation à des conférences, à la prospection et au suivi des contacts avec la clientèle, au motif qu’elles ne sont pas consacrées à fournir des prestations de services à l’ensemble de ses donneurs d’ordre et, par voie de conséquence, ne seraient pas comptabilisables. Il en découle que la base servant de dénominateur au calcul du taux horaire est plus étroite que celle constituée par l’ensemble des heures salariées et que, par voie de conséquence, ledit taux horaire s’en trouve être plus élevé. Partant, une fois appliqué aux heures effectivement fournies dans le cadre des projets, il donne lieu à une déclaration de coûts plus importante.

52      C’est, certes, à juste titre que la requérante rappelle que le point II.19, paragraphe 1, sous b), des conditions générales stipule que les coûts éligibles encourus pour la réalisation du projet doivent, notamment, « être déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant ».

53      Il se déduit, en effet, de cette disposition une certaine latitude laissée au contractant dans le choix de la méthode comptable d’enregistrement des coûts du projet (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, ANKO/Commission, T‑118/12, EU:T:2013:641, points 64 à 66). À cet égard, la requérante avance, sans être contredite par la Commission sur ce point, que sa méthode de détermination des heures comptabilisables a été avalisée par ses commissaires aux comptes dans le passé.

54      Cependant, la seule circonstance que la méthode utilisée soit conforme aux principes comptables usuels de la requérante ne suffit pas à attester de sa conformité avec les dispositions des contrats et de leurs conditions générales. Encore faut-il que celle-ci soit également conforme aux autres critères figurant aux points II.19, II.20 et II.21 des conditions générales.

55      À cet égard, il y a lieu de relever que la réduction de la base de calcul du taux horaire et l’augmentation du niveau des coûts éligibles qui en découle ont pour effet de faire participer la Commission à la couverture de l’ensemble des coûts de la requérante, indépendamment de toute analyse de leur lien avec les projets faisant l’objet d’un financement de l’Union.

56      Or, si une telle approche peut légitimement se comprendre dans le cadre d’un contrat classique de prestation de services, force est de constater qu’elle n’est pas compatible avec les particularismes des contrats de subvention en cause, tels que mentionnés aux points 46 à 48 ci-dessus.

57      Il convient, notamment, de rappeler que si le point II.21 des conditions générales des contrats prévoit la participation de l’Union à la couverture des coûts indirects de ses contractants, c’est à la condition que lesdits coûts aient été encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet. Or, une méthode comptable d’enregistrement des coûts, telle que celle privilégiée par la requérante, qui aboutit par le truchement du calcul du taux horaire à faire participer l’Union à l’ensemble des dépenses du contractant indépendamment de leur nature, méconnaît cette condition.

58      C’est, dès lors, à juste titre que la Commission a écarté la méthode d’enregistrement des coûts privilégiée par la requérante comme conduisant à des coûts qui n’étaient ni réels, ni économiquement rationnels, ni nécessaires à la mise en œuvre du projet au sens du point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales, alors même que cette méthode correspondait aux principes comptables habituels de la requérante, au sens du point II.19, paragraphe 1, sous b), desdites conditions générales.

59      De plus, la circonstance alléguée par la requérante de ce qu’elle déclare ses coûts selon le modèle du coût complet prévu au point II.22, paragraphe 1, premier tiret, des conditions générales n’est pas à même, non plus, de démontrer la conformité de sa méthode de détermination des coûts éligibles avec, notamment, le point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales.

60      En effet, si le choix de ce modèle a pour conséquence de permettre à la requérante d’éviter l’application du taux forfaitaire de 20 % des coûts directs pour le calcul des coûts indirects, applicable dans le cadre du modèle du coût complet-taux forfaitaire prévu au point II.22, paragraphe 1, deuxième tiret, des conditions générales, il implique cependant la démonstration que les coûts ainsi réclamés répondent aux points II.19 à II.21 des conditions générales, ce que la requérante n’est pas parvenue à faire.

61      En outre, dans la mesure où la définition des coûts directs et indirects éligibles figurant aux points II.19 à II.21 des conditions générales revêt un caractère clair, il n’y a pas lieu de recourir aux principes de droit civil belge d’interprétation des contrats, invoqués par la requérante.

62      Enfin, en ce qui concerne le calcul par la Commission, à la suite de l’audit, d’un taux horaire fondé sur 1 605 heures de travail par an et par salarié, il convient de souligner que la requérante ne démontre pas son caractère erroné au regard du point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales.

63      Le premier moyen et, partant, le premier chef de conclusions doivent, dès lors, être rejetés.

 Sur le quatrième chef de conclusions, relatif aux indemnités forfaitaires

64      Dans le cadre de son quatrième moyen, soulevé au soutien du quatrième chef de conclusions, la requérante estime que c’est à tort que la Commission lui réclame des indemnités forfaitaires, dès lors que, d’une part, elle n’a pas déclaré de coûts trop élevés et que, d’autre part, le point II.30 des conditions générales, sur lequel se fonde la demande de la Commission, contrevient aux articles 1229, 1230 et 1231 du code civil belge.

65      Selon la requérante, le point II.30 trouverait à s’appliquer sur la seule base de la démonstration d’un avantage financier injustifié et constituerait, dès lors, une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil belge.

66      En premier lieu, elle rappelle que, en application de l’article 1229 du code civil belge, une clause pénale ne peut avoir pour effet que le créancier obtienne à la fois l’exécution de l’obligation principale et l’octroi d’indemnités. Ainsi, la Commission ne serait pas en droit de réclamer à la fois la restitution des avantages injustifiés et une indemnité forfaitaire. En toute hypothèse, l’indemnité en cause ne se limiterait pas à la réparation d’un dommage résultant d’un simple retard comme le prévoit ledit article.

67      En deuxième lieu, elle soutient, en substance, ne pas avoir été mise en demeure d’exécuter son obligation au sens de l’article 1230 du code civil belge. Au demeurant, elle estime que le point II.30 des conditions générales viole cet article en ce qu’il ne prévoit pas expressément une mise en demeure du contractant de la Commission.

68      En troisième lieu, elle considère que, conformément à l’article 1231 du code civil belge, une peine qui consiste dans le paiement d’une somme déterminée ne peut excéder le dommage prévisible lors de la conclusion du contrat. Or, la simple référence, par la Commission, au préjudice représenté par certaines dépenses qu’elle aurait encourues à l’occasion de la récupération des avances versées ne permettrait pas de justifier le montant des indemnités forfaitaires demandé.

69      En quatrième lieu, elle soutient que le point II.30 des conditions générales est contraire aux bonnes mœurs, ce qui l’entache de nullité en application de l’article 1172 du code civil belge.

70      La Commission conteste les arguments de la requérante.

71      Notamment, en premier lieu, elle considère que les articles 1229, 1230 et 1231 du code civil belge ne sont pas applicables aux conventions litigieuses et sont, en tout état de cause, supplantés par l’article 20 du règlement n° 2321/2002, lequel vise à protéger les intérêts financiers de l’Union par la réalisation de contrôles effectifs et par l’application de mesures dissuasives.

72      En second lieu, la Commission fait valoir que, en toute hypothèse, le point II.30 des conditions générales n’est pas contraire aux articles 1229, 1230 et 1231 du code civil belge.

73      Premièrement, s’agissant de la violation alléguée de l’article 1229 du code civil belge, la Commission soutient que la violation de l’obligation de ne pas déclarer des coûts majorés ne peut pas être réparée comme une obligation principale synallagmatique par notamment l’exécution de la prestation, mais seulement au moyen de la réparation du préjudice subi. À cet égard, elle se réfère aux préjudices causés par le retard dans le recouvrement des sommes dues, les coûts des audits et les coûts liés au recouvrement des fonds.

74      Deuxièmement, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 1230 du code civil belge, la Commission soutient, en substance, qu’un retard dans l’exécution de l’obligation suffit pour que les conditions de l’article 1230 du code civil belge soient réputées remplies, sans qu’il soit nécessaire de mettre en demeure le contractant. Elle estime, en outre, que, dans la mesure où le point II.30 des conditions générales doit être interprété à la lumière de l’article 1230 du code civil belge, l’absence de mention explicite d’une condition de retard au point II.30 des conditions générales ne saurait impliquer l’existence d’une contrariété avec celui-ci.

75      Troisièmement, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 1231 du code civil belge, la Commission souligne, en substance, que la fixation d’un dommage forfaitaire implique nécessairement une certaine approximation dans l’appréciation du dommage prévisible. Il suffirait que le dommage potentiel ait été prévu de manière raisonnable et selon un critère objectif au moment de la conclusion du contrat. Tel serait le cas en l’espèce, les coûts d’audit et de récupération des sommes indûment déclarées dépassant largement les 80 000 euros demandés à titre d’indemnité forfaitaire. En outre, la Commission souligne que l’éventuelle fixation d’une indemnité forfaitaire à un niveau trop élevé n’implique pas l’illégalité du point II.30 des conditions générales, mais seulement la possibilité pour le Tribunal de réduire le montant des indemnités, sans que celui-ci puisse être inférieur au préjudice réel subi.

76      Le présent moyen implique de vérifier si l’application par la Commission du point II.30 des conditions générales dans les circonstances de l’espèce est conforme aux règles du code civil belge encadrant le recours aux clauses pénales.

77      De manière liminaire, peuvent d’emblée être écartées certaines allégations des parties. Premièrement, il en est ainsi de la mention par la Commission de ce que le point II.30 des conditions générales ne viserait qu’à mettre en œuvre l’article 20 du règlement n° 2321/2002 et de ce que, partant, tout examen de conformité à l’égard du code civil belge devrait être écarté en application du principe de primauté du droit de l’Union. En effet, cette allégation procède d’une interprétation erronée dudit article, qui se limite à affirmer, de manière générale, que « la Commission veille à ce que, lors de la mise en œuvre d’actions indirectes, les intérêts financiers de la Communauté soient protégés par la réalisation de contrôles effectifs et par l’application de mesures dissuasives ». Il n’y est nullement précisé que la Commission doit appliquer des indemnités forfaitaires en cas de manquement de ses contractants. Il ne peut, dès lors, être valablement avancé que cet article impose à la Commission de prévoir dans ses contrats une clause du type de celle figurant au point II.30 des conditions générales.

78      Deuxièmement, il en va également de l’allégation réitérée par la Commission, dans le cadre du présent moyen, selon laquelle les contrats de subvention ne sont pas soumis aux règles générales du code civil belge encadrant les contrats synallagmatiques, qui doit être rejetée pour des motifs analogues à ceux exposés au point 39 ci-dessus.

79      Troisièmement, doit être rejetée comme manifestement dépourvue de fondement l’argumentation de la requérante fondée sur une prétendue contrariété du point II.30 des conditions générales avec les bonnes mœurs protégées par l’article 1172 du code civil belge.

80      En ce qui concerne, en premier lieu, les règles de droit belge encadrant le recours aux clauses pénales, il est précisé à l’article 1226 du code civil belge que « [l]a clause pénale est celle par laquelle une personne s’engage à payer, en cas d’inexécution de la convention, une compensation forfaitaire pour le dommage éventuellement subi par suite de ladite inexécution ».

81      S’agissant des effets que produit une clause pénale, l’article 1229 du code civil belge, dont la violation est alléguée par la requérante, précise que « [l]a clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale » et qu’« [i]l ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard ».

82      Il découle de cette disposition qu’une clause pénale peut être stipulée aussi bien en cas de retard dans l’exécution qu’en cas d’inexécution. Dans les circonstances où le préjudice causé provient du retard dans l’exécution de l’obligation principale, la circonstance que celle-ci ait été exécutée n’empêche pas l’application de la clause pénale, dès lors que cette clause a pour objet de réparer ce préjudice particulier.

83      L’article 1230 du code civil belge, dont la violation est également alléguée par la requérante, précise que, « que l’obligation primitive contienne [ou] ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n’est encourue que lorsque celui qui s’est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en demeure ».

84      L’article 1231, paragraphes 1 à 3, du code civil belge précise que « [l]e juge peut, d’office ou à la demande du débiteur, réduire la peine qui consiste dans le paiement d’une somme déterminée lorsque cette somme excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l’inexécution de la convention », que, « [e]n cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer une somme inférieure à celle qui aurait été due en l’absence de clause pénale », que « [l]a peine peut être réduite par le juge lorsque l’obligation principale a été exécutée en partie » et que « [t]oute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite ».

85      En ce qui concerne, en deuxième lieu, le point II.30 des conditions générales, dont l’application en l’espèce est contestée par la requérante, il convient de relever que celui-ci vise deux catégories d’indemnités différentes.

86      La première catégorie est constituée par l’indemnité forfaitaire en cause en l’espèce, envisagée aux paragraphes 1 à 4. Il résulte de l’économie de ces paragraphes que son objectif est exclusivement de protéger les intérêts financiers de l’Union en permettant l’indemnisation du préjudice subi du fait du retard dans le remboursement d’une contribution financière injustifiée. Son caractère indemnitaire se reflète notamment dans la circonstance qu’il est stipulé qu’elle « tient uniquement compte de la période qui se rapporte à la contribution de [l’Union] réclamée par le contractant pour cette période » et qu’elle « n’est pas calculée par rapport à la contribution entière de [l’Union] » (paragraphe 1, second alinéa). Cette indemnité forfaitaire est déterminée sur la base du calcul figurant au point II.30, paragraphe 1, des conditions générales, mentionné au point 12 ci-dessus.

87      La seconde catégorie figure au point II.30, paragraphe 6, des conditions générales, qui mentionne la possibilité qu’une pénalité financière soit imposée au contractant à des fins dissuasives. Est, alors, concernée l’éventualité d’un contractant ayant « manqué gravement à ses obligations contractuelles [et qui] pourra être soumis à une pénalité financière d’une valeur comprise entre 2 et 10 % du montant de la contribution financière qu’il aura reçue de [l’Union] ». Il est précisé que « [l]e taux pourra atteindre 4 à 20 % en cas de récidive dans les cinq années suivant le premier manquement ».

88      En ce qui concerne, en troisième lieu, la conformité de la clause pénale appliquée en l’espèce avec les dispositions pertinentes du code civil belge, premièrement, il convient de relever qu’il ressort des notes de débit adressées à la requérante que le montant de l’indemnité forfaitaire pour chacun des contrats a été calculé sur la base de la formule figurant au point II.30, paragraphe 1, des conditions générales. Dans la mesure où, pour les raisons exposées au point 86 ci-dessus, cette clause pénale a pour objet la réparation du préjudice que pourrait subir l’Union du fait d’un retard dans le remboursement d’une contribution financière injustifiée, elle apparaît conforme à l’article 1229 du code civil belge.

89      Deuxièmement et contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de relever que le courrier adressé par la Commission à la requérante le 7 février 2013 s’apprécie au regard de son contenu en une mise en demeure de rembourser la contribution financière injustifiée. En effet, y figurent les avances que la Commission estimait devoir être remboursées ainsi que les indemnités forfaitaires demandées au titre du point II.30 des conditions générales. Ce courrier suffit à démontrer que l’obligation de mise en demeure figurant à l’article 1230 du code civil belge a été respectée par la Commission dans les circonstances de l’espèce.

90      Troisièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait méconnu l’article 1231 du code civil belge, il ressort du point 84 ci-dessus que cette disposition a pour objet, plutôt que de conditionner la validité d’une clause pénale, de permettre au juge de réduire la somme demandée par le créancier lorsqu’elle excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l’inexécution de la convention. Partant, l’argumentation de la requérante fondée sur cet article doit être interprétée comme demandant au Tribunal, le cas échéant, de faire usage de cette prérogative. C’est, d’ailleurs, en ce sens que la Commission a compris les écritures de la requérante.

91      À cet égard, il y a lieu de relever que, d’une part, seul le dommage que les parties pouvaient raisonnablement envisager à la date de la conclusion du contrat peut être pris en compte dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 1231 du code civil belge et que, d’autre part, la réduction à laquelle le juge peut procéder ne vise que les indemnités manifestement excessives.

92      En outre, pour les raisons exposées aux points 86 et 88 ci-dessus, la clause pénale figurant au point II.30, paragraphes 1 à 4, des conditions générales ne peut avoir pour finalité que de réparer le préjudice résultant d’un retard dans l’exécution de l’obligation principale consistant dans le remboursement de la contribution financière injustifiée. C’est, dès lors, par rapport à l’étendue raisonnablement envisageable de ce préjudice qu’il convient d’apprécier son caractère manifestement excessif ou non.

93      Or, ne sauraient être considérés comme relevant du préjudice lié au retard dans l’exécution de cette obligation certains coûts encourus par la Commission auxquels elle se réfère aux fins de justifier l’importance des indemnités réclamées. Il en est ainsi, notamment, de frais inhérents à la supervision des contrats de subvention, tels ceux liés à la conduite d’un audit. En outre, il convient de relever que de tels coûts ont été encourus par la Commission avant la naissance d’une obligation de remboursement incombant à la requérante, dès lors qu’ils visaient précisément à identifier l’existence d’une telle obligation.

94      De plus, doit également être prise en compte la circonstance que, une fois adoptée une note de débit à l’égard de la requérante, le préjudice tenant dans l’inexécution de l’obligation de remboursement est compensé par le paiement d’intérêts de retard commençant à courir après la date fixée dans ladite note de débit.

95      Dans ces conditions, il convient de relever que la formule de calcul des indemnités forfaitaires figurant au point II.30 des conditions générales aboutit à des sommes particulièrement élevées s’agissant de la réparation d’un préjudice consistant dans le seul retard pris dans le remboursement d’avances indument versées à la requérante. Cela est attesté par le comportement de la Commission elle-même dans le cadre de la présente affaire, qui, après avoir fait application de cette méthode, a réduit les indemnités ainsi calculées de manière à ce qu’elles ne dépassent pas le plafond de 10 %, pourtant seulement prévu à l’égard des pénalités financières envisagées par le point II.30, paragraphe 6, des conditions générales.

96      Force est toutefois de constater que, en dépit de cette réduction, lesdites indemnités demeurent d’un montant particulièrement élevé au regard des sommes que la requérante est tenue de reverser à l’Union.

97      Ainsi, s’agissant du projet HyWays, la Commission réclamait 60 402,30 euros à titre d’indemnité forfaitaire, représentant 27,6 % de la contribution financière injustifiée (218 539,62 euros). À la suite de l’adoption des notes de crédit nos 3 233 150 004 et 3 233 150 005, la Commission réclame désormais 49 526,95 euros à titre d’indemnité forfaitaire, représentant 45,11 % des avances devant encore être récupérées (109 786,10 euros).

98      En ce qui concerne le projet HyApproval, la Commission réclamait 11 019, 61 euros à titre d’indemnité forfaitaire, représentant 14,61 % de la contribution financière injustifiée (75 407,06 euros). À la suite de l’adoption de la note de crédit n° 3 233 150 006, ce montant de 11 019, 61 euros représente 21,19 % des avances devant encore être récupérées, désormais fixées à 52 002,18 euros.

99      Enfin, en ce qui concerne le programme HarmonHy, la Commission réclame 10 002,17 euros à titre d’indemnité forfaitaire, représentant 21,22 % des avances devant encore être récupérées (47 128,39 euros).

100    Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il convient, en application de l’article 1231 du code civil belge, de fixer le montant des indemnités financières que la Commission est en droit de réclamer à la requérante à 10 % des avances indument perçues par cette dernière.

101    Il convient, dès lors, de faire partiellement droit au quatrième moyen et, partant, au quatrième chef de conclusions et de rejeter le surplus.

102    En ce qui concerne le cinquième chef de conclusions présenté par la requérante, il y a lieu de relever que celui-ci ne fait que récapituler les demandes présentées dans le cadre des quatre premiers chefs de conclusions. Il n’appelle, dès lors, aucune réponse autonome par rapport à celles déjà fournies.

 Sur les dépens

103    En application de l’article 137 du règlement de procédure du Tribunal, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En application de l’article 134, paragraphe 2, de ce même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

104    S’agissant des dépens afférant aux deuxième et troisième chefs de conclusions pour lesquels il n’y a plus lieu à statuer, la requérante estime que c’est à la Commission de les supporter. Cette dernière soutient au contraire que, dans la mesure où c’est en raison d’informations que la requérante lui a fournies postérieurement à l’introduction du recours qu’elle a été conduite à réévaluer son analyse, chacune des parties devrait supporter ses propres dépens.

105    Il y a lieu de souligner que certaines des informations que la requérante a communiquées à la Commission, de par leur nature, auraient dû être connues de celle-ci sans nécessiter l’intervention de la requérante. Il en est ainsi de l’étendue des avances versées par la Commission à la requérante, qui constituait l’objet du deuxième chef de conclusions.

106    En outre, il convient de relever que la requérante a succombé à son premier chef de conclusions et que, dans le cadre du quatrième chef de conclusions, le Tribunal a été amené à réduire de manière considérable le montant des indemnités forfaitaires demandées par la Commission.

107    Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il est approprié que chacune des parties supporte ses propres dépens, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’ils portent sur les chefs de conclusions ayant été examinés au fond ou ayant conduit à un non-lieu à statuer partiel.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les deuxième et troisième chefs de conclusions du recours.

2)      Les sommes dues à titre d’indemnités forfaitaires par Ludwig-Bölkow-Systemtechnik GmbH sont réduites à un montant équivalant à 10 % des avances devant être remboursées au titre des contrats portant sur les projets HyWays, HyApproval et HarmonHy.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Ludwig-Bölkow-Systemtechnik et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 février 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.