Language of document : ECLI:EU:T:2014:1123

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 novembre 2014 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Représentation d’une institution par un avocat – Dépens récupérables »

Dans l’affaire T‑381/06 DEP,

FRA.BO SpA, établie à Bordolano (Italie), représentée par Me F. Distefano, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et H. Leupold, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens introduite par la Commission à la suite de l’arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, FRA.BO/Commission (T‑381/06, EU:T:2011:111),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par la décision C (2006) 4180, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords) (résumé au JO 2007, L 283, p. 63, ci-après la « décision Raccords »), la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004, à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction (arrêt du 24 mars 2011, FRA.BO/Commission, T‑381/06, EU:T:2011:111, point 1).

2        FRA.BO SpA (ci-après « FRA.BO »), un producteur de raccords en cuivre, figure parmi les destinataires de la décision Raccords.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2006, FRA.BO a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de cette décision dans la mesure où celle-ci lui infligeait une amende d’un montant de 1,58 million d’euros et, à titre subsidiaire, à une réduction du montant de cette amende reflétant la valeur de sa coopération.

4        Cette requête s’inscrit dans une série de 10 recours en annulation de la décision Raccords (affaires Viega/Commission, T‑375/06 ; Legris Industries/Commission, T‑376/06 ; Comap/Commission, T‑377/06 ; IMI e.a./Commission, T‑378/06 ; Kaimer e.a./Commission, T‑379/06 ; FRA.BO/Commission, T‑381/06 ; Tomkins/Commission, T‑382/06 ; IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06 ; Aalberts Industries e.a./Commission, T‑385/06, et Pegler/Commission, T‑386/06). Par ailleurs, une demande en référé a été introduite dans l’affaire IBP et International Building Products France/Commission (T‑384/06 R) qui concernait également ladite décision Raccords.

5        Par arrêt FRA.BO/Commission, point 1 supra (EU:T:2011:111), le Tribunal a rejeté le recours de FRA.BO et l’a condamnée aux dépens.

6        Le 10 février 2012, la Commission a adressé une note de débit à FRA.BO d’un montant de 17 260 euros, composé de 17 000 euros correspondant à la somme forfaitaire au titre des honoraires payés aux avocats de la Commission et de 260 euros au titre des coûts administratifs pour l’agent de la Commission, en indiquant comme date limite de paiement le 26 mars 2012. FRA.BO n’ayant effectué aucun paiement jusqu’à cette date, la Commission lui a adressé une lettre de rappel le 8 mai 2012 et une lettre de mise en demeure le 14 juin 2012, réclamant le paiement de la somme initiale majorée d’intérêts de retard.

7        Par lettre du 18 juillet 2012, FRA.BO a contesté le fait que les honoraires d’avocat et les intérêts correspondants puissent être considérés comme des dépens récupérables. En particulier, elle a soutenu que l’assistance fournie par les avocats de la Commission n’était pas nécessaire et que la décision de désigner des avocats dans l’affaire FRA.BO/Commission, mais non dans certaines affaires parallèles, était injuste et discriminatoire.

8        Par lettre du 19 juillet 2012, la Commission a répondu qu’elle n’était pas en mesure de reconsidérer la créance de 17 260 euros et les intérêts échus.

9        Le 11 février 2013, [confidentiel](1) dans un courriel adressé à la Commission :

[confidentiel]

10      Par lettre du 3 juillet 2013, FRA.BO a informé la Commission qu’elle maintenait ses préoccupations au sujet de la demande de recouvrement des frais de justice et a prié la Commission de lui fournir des informations permettant de vérifier l’ampleur et la valeur du travail effectué par les avocats de la Commission, notamment le contrat et la facture des avocats détaillant le nombre d’heures de travail et le taux horaire appliqué.

11      Par lettre du 18 juillet 2013, la Commission a de nouveau répondu qu’elle n’était pas en mesure de reconsidérer la créance de 17 260 euros et les intérêts échus. Par cette lettre, la Commission a également transmis le contrat et les factures des avocats à FRA.BO. Il ressort du point 2 dudit contrat que la Commission s’était engagée à payer à ses avocats la somme forfaitaire de 17 000 euros pour couvrir l’ensemble de leurs honoraires, dépenses, charges et frais et que ce montant global de rémunération était ventilé en paiements distincts correspondant aux différents stades de la procédure (50 % après l’introduction du mémoire en défense, 25 % après l’introduction du mémoire en duplique et 25 % après l’audience).

12      Par lettre du 5 août 2013, FRA.BO a proposé à la Commission, tout en affirmant qu’elle maintenait ses préoccupations concernant la demande de recouvrement des dépens au titre d’honoraires d’avocats, de payer la somme de 7 033 euros afin de régler la question à l’amiable. [confidentiel]

13      Par courriel du 6 août 2013, la Commission a refusé cette proposition de règlement et a annoncé saisir la justice aux fins de la taxation.

14      Par courriel du 12 août 2013, FRA.BO a proposé à la Commission d’entamer des discussions en vue de parvenir à un règlement amiable.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 décembre 2013, la Commission a formé une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer le montant des dépens récupérables dont le remboursement incombe à FRA.BO.

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2014, FRA.BO a présenté des observations sur cette demande.

 Conclusions des parties

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens de la Commission concernant la procédure dans l’affaire T‑381/06 qui doivent être remboursés par FRA.BO à la somme de 18 576 euros, correspondant à 17 000 euros d’honoraires d’avocats, à 260 euros de coûts administratifs pour l’agent de la Commission et à 1 316 euros d’intérêts de retard jusqu’au jour de la demande de taxation;

–        accorder des intérêts supplémentaires d’un montant de 2,13 euros pour chaque jour de retard supplémentaire (correspondant à un taux d’intérêt de 4,50 % par an), et

–        inclure les dépens de la Commission afférents à la présente procédure de taxation en cas d’audience.

18      FRA.BO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens relatifs à la procédure exposés par la Commission dans l’affaire T‑381/06 à 260 euros (pour les frais de l’agent de la Commission) et rejeter la demande de la Commission portant sur la somme de 17 000 euros d’honoraires d’avocats;

–        à titre subsidiaire, fixer le montant des dépens que le Tribunal estime être « indispensables » aux fins de la procédure pour l’affaire T‑381/06 et, à tout le moins, réduire de 25 % la somme de 17 000 euros réclamée au titre des honoraires des avocats (soit 4 250 euros, correspondant au montant perçu pour l’audience);

–        rejeter la demande de la Commission portant sur les intérêts.

 En droit

19      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

20      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

21      Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec, EU:T:2004:192, point 13 ; du 10 février 2009, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05 DEP, EU:T:2009:31, point 27, et du 27 novembre 2012, Gualtieri/Commission, T‑413/06 P‑DEP, EU:T:2012:624, point 18).

22      En outre, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (voir, en ce sens, ordonnances du 10 septembre 2009, C.A.S./Commission, C‑204/07 P‑DEP, EU:C:2009:526, point 14 ; du 20 mai 2010, Tetra Laval/Commission, C‑12/03 P‑DEP et C‑13/03 P‑DEP, EU:C:2010:280, point 44 ; Airtours/Commission, point 21 supra, EU:T:2004:192, point 18, et Centeno Mediavilla e.a./Commission, point 21 supra, EU:T:2009:31, point 28).

23      En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnances du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, point 15, et du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P‑DEP, Rec, EU:T:2013:269, point 13). En effet, à la différence de l’article 87 du règlement de procédure, qui prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou dans l’ordonnance qui met fin à l’instance, l’article 92 de ce règlement ne contient pas une telle disposition (voir, par analogie, ordonnances du 28 février 2013, Commission/Marcuccio, C‑513/08 P‑DEP, EU:C:2013:109, point 22, et Commission/Marcuccio, C‑528/08 P‑DEP, EU:C:2013:110, point 32 ; ordonnance du 16 mai 2014, Marcuccio/Commission, T‑491/11 P‑DEP, EU:T:2014:513, point 9).

 Sur les honoraires d’avocat

 Sur le caractère récupérable des honoraires d’avocat exposés par la Commission

24      Il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, que les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (voir, en ce sens, ordonnances du 16 mai 2013, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑208/11 P‑DEP, EU:C:2013:304, point 14, et du 10 octobre 2013, OCVV/Schräder, C‑38/09 P‑DEP, EU:C:2013:679, point 20 ; ordonnance Kerstens/Commission, point 23 supra, EU:T:2012:147, point 20), sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée (voir, en ce sens, ordonnances du 31 janvier 2012, Commission/Kallianos, C‑323/06 P‑DEP, EU:C:2012:49, points 10 et 11, et Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2013:269, point 14). Dès lors, le Tribunal a déjà jugé que, si le fait pour la Commission d’avoir fait intervenir deux agents et un avocat est dénué de conséquence sur la nature potentiellement récupérable de ces dépens, rien ne permettant de les exclure par principe, il peut avoir un impact sur la détermination du montant des dépens exposés aux fins de la procédure à recouvrer in fine (ordonnances, Kerstens/Commission, point 23 supra, EU:T:2012:147, point 21, et Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2013:269, point 14). Il ne saurait ainsi être question d’une violation du principe d’égalité de traitement entre requérants lorsque l’institution défenderesse décide de recourir aux services d’un avocat dans certaines affaires, alors que dans d’autres elle est représentée par ses agents (ordonnances Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2013:269, point 14, et du 16 septembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑9/09 P‑DEP, EU:T:2013:506, point 29).

25      Toute autre appréciation soumettant le droit d’une institution à réclamer tout ou partie des honoraires versés à un avocat à la démonstration d’une nécessité « objective » de recourir à ses services constituerait en réalité une limitation indirecte de la liberté garantie par l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et impliquerait pour le juge de l’Union le devoir de substituer son appréciation à celle des institutions et organes responsables de l’organisation de leurs services. Or, une telle mission n’est compatible ni avec l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour ni avec le pouvoir d’organisation interne dont jouissent les institutions et organes de l’Union s’agissant de la gestion de leurs affaires devant les juridictions de l’Union. En revanche, la prise en compte de l’intervention d’un ou de plusieurs agents aux côtés de l’avocat en question se concilie avec le pouvoir d’appréciation dévolu au juge de l’Union dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (voir points 20 à 22 ci-dessus) (ordonnances Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2013:269, point 15, et Marcuccio/Commission, point 24 supra, EU:T:2013:506, point 30).

26      S’agissant des recours concernant la décision Raccords, la Commission a conclu pour huit de ces affaires des contrats avec des avocats, alors que les autres affaires ont été traitées par deux agents de la Commission sans assistance externe. En particulier, dans quatre affaires dont la langue de procédure était l’anglais (T‑378/06, T‑381/06, T‑382/06, T‑386/06), y compris celle introduite par FRA.BO, la Commission s’est fait assister par le même cabinet d’avocats.

27      En l’espèce, la Commission réclame au titre d’honoraires d’avocat un montant de 17 000 euros correspondant à la somme forfaitaire payée à ses avocats.

28      FRA.BO fait valoir que ces honoraires n’étaient pas indispensables aux fins de la procédure. Elle soutient que, dans le cadre de recours parallèles formés par des sociétés concurrentes à l’encontre d’une même décision de la Commission en matière de concurrence, cette dernière a le devoir de veiller au respect du principe de l’égalité de traitement lorsqu’elle a recours à des avocats, de la même façon qu’il y a lieu d’y veiller lorsqu’elle inflige des amendes à des sociétés. Or, le fait que des concurrents plus importants ayant introduit des recours dans des affaires nettement plus complexes, soit n’ont eu à supporter aucun de ces coûts, soit ont dû payer autant qu’elle constituerait une discrimination.

29      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, qu’il ne saurait être question d’une violation du principe d’égalité de traitement entre requérants lorsqu’une institution décide de recourir aux services d’un avocat dans certaines affaires, alors que dans d’autres elle est représentée par ses agents.

30      Dans la mesure où FRA.BO conteste la pertinence de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, au motif que, dans l’affaire Marcuccio/Commission (EU:T:2013:506, point 24 supra), le requérant aurait invoqué le principe de l’égalité de traitement au sein d’une catégorie très vaste, comprenant tous les requérants des contentieux de la fonction publique, alors qu’elle ferait valoir la nécessité de garantir ce principe entre les participants à une infraction à l’article 101 TFUE, il y a lieu de constater que cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, la circonstance que le recours de FRA.BO s’inscrit dans une série d’affaires parallèles concernant la même décision de la Commission en matière de concurrence ne justifie pas de s’écarter de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus. La charge financière résultant de l’obligation de s’acquitter des dépens liés aux honoraires d’avocat exposés par la Commission ne fait pas partie de l’amende infligée pour une infraction aux règles de concurrence, mais constitue une conséquence, d’une part, du fait que la Commission a exercé son droit de recourir aux services d’un avocat qui s’applique indépendamment de la nature de l’affaire et, d’autre part, du rejet du recours en annulation partielle de la décision infligeant l’amende, entraînant la condamnation de FRA.BO aux dépens.

31      Par conséquent, il convient de constater que les honoraires d’avocat exposés par la Commission sont des dépens qui ont un caractère récupérable.

 Sur le montant des honoraires d’avocat récupérable

32      À titre liminaire, il convient de rappeler que le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens (voir, en ce sens, ordonnances du 10 septembre 2009, C.A.S./Commission, C‑204/07 P‑DEP, EU:C:2009:526, point 13 ; du 13 février 2008, Verizon Business Global/Commission, T‑310/00 DEP, EU:T:2008:32, point 29, et du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T-5/02 DEP et T‑80/02 DEP, EU:T:2011:129, point 55, et la jurisprudence citée). Dans le même sens, le caractère forfaitaire de la rémunération n’a pas d’incidence sur l’appréciation par le Tribunal du montant recouvrable au titre des dépens, le juge se fondant sur des critères prétoriens bien établis et les indications précises que les parties doivent lui fournir (ordonnance Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2013:269, point 20).

33      En effet, afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 22 ci‑dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (voir, en ce sens, ordonnance du 9 novembre 1995, Ahlström, C‑89/85 DEP, EU:C:1995:366, point 20). Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnances Gualtieri/Commission, point 21 supra, EU:T:2012:624, point 54, et Marcuccio/Commission, point 23 supra, Rec, EU:T:2013:269, point 16, et la jurisprudence citée).

34      En l’espèce, s’agissant en premier lieu de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés de la cause, il convient de rappeler que le recours introduit par FRA.BO, qui faisait partie de dix recours en annulation parallèles en matière d’entente, tendait à l’annulation partielle de la décision Raccords dans la mesure où celle-ci lui infligeait une amende d’un montant de 1,58 million d’euros et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de cette amende. À l’appui du recours, FRA.BO avait invoqué deux moyens, tirés, d’une part, de l’application erronée de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3) et, d’autre part, de l’application erronée des principes de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4) (arrêt Fra.bo/Commission, point 1 supra, EU:T:2011:111, point 26). Dans ces conditions, l’arrêt du Tribunal a apporté certaines précisions concernant le concept et l’application de la « règle de l’immunité partielle ». Si l’affaire ne semble pas revêtir une importance particulièrement élevée sous l’angle du droit de l’Union dans son ensemble, il convient de considérer que les questions en matière d’entente soulevées par le litige présentaient un degré de difficulté et de complexité non négligeable.

35      En deuxième lieu, pour ce qui est de l’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties, il convient de noter que le montant de l’amende, à savoir 1,58 million d’euros, n’était pas très élevé par rapport à d’autres amendes infligées par la décision Raccords. Par ailleurs, FRA.BO souligne que son recours ne visait qu’une réduction du montant de cette amende. En effet, la Commission lui avait accordé une réduction de 20 % du montant de 1,97 million d’euros de l’amende au titre de la clémence, alors que FRA.BO estimait qu’une réduction de 50 % aurait été appropriée en considération de la valeur de sa contribution à l’enquête de la Commission. Dans cette situation, FRA.BO considère que l’enjeu économique correspondait à 30 % du montant de 1,97 million d’euros, à savoir 591 000 euros. Il n’en demeure pas moins que cette somme représentait une charge financière considérable pour FRA.BO, eu égard, notamment, à la taille de cette société. La Commission, quant à elle, a souligné qu’elle défendait ses décisions, indépendamment du montant des amendes infligées.

36      En troisième lieu, s’agissant de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux avocats de la Commission, il y a lieu de rappeler que cette dernière réclame un montant de 17 000 euros correspondant à une somme forfaitaire négociée avec lesdits avocats pour couvrir l’ensemble de leurs honoraires, dépenses, charges et frais et que ce montant global était ventilé en paiements distincts correspondant aux différents stades de procédure. En particulier, 50 % de la rémunération étaient facturés après l’introduction du mémoire en défense, 25 % après l’introduction du mémoire en duplique et 25 % après l’audience.

37      En l’espèce, les avocats de la Commission ont fourni des prestations lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédure.

38      À cet égard, la Commission fait observer que les tâches réalisées par les avocats comprenaient la discussion de l’affaire avec le service juridique et l’équipe de la direction générale chargée de l’affaire, l’étude du dossier, la préparation des projets de mémoire en défense et de mémoire en duplique ainsi que la préparation de l’audience et la participation à cette dernière avec l’agent de la Commission.

39      En outre, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas présenté un relevé détaillé des prestations fournies par les avocats et ne précise pas le nombre d’heures de travail dont ils ont eu besoin pour effectuer chacune de leurs prestations.

40      Pour ce qui est de la procédure orale, il est constant que l’agent de la Commission a plaidé lors de l’audience et non les avocats qui étaient également présents. En revanche, lors de l’audience dans l’affaire parallèle IMI e.a./Commission (T‑378/06), concernant la même entente et ayant lieu le même jour, un avocat de la Commission a plaidé.

41      Dans la mesure où FRA.BO déduit de cette circonstance que, en l’espèce, l’assistance des avocats n’était pas objectivement indispensable et que, à titre subsidiaire, il conviendrait de réduire les dépens réclamés par la Commission, tout au moins, de 25 % (soit 4 250 euros), correspondant à la rémunération liée à l’audience, afin de refléter le volume de travail inférieur fourni dans le cadre de l’affaire FRA.BO en comparaison avec les litiges parallèles pour lesquels les avocats auraient perçu la même somme forfaitaire, son argumentation ne saurait prospérer.

42      D’une part, il n’y a pas lieu d’évaluer la valeur du travail des avocats par rapport à leurs prestations fournies dans les litiges parallèles, mais de déterminer dans quelle mesure les dépens exposés pour les prestations que les avocats ont fournies dans la présente affaire sont récupérables. D’autre part, même si les avocats n’ont pas plaidé lors de l’audience, il n’en demeure pas moins qu’ils ont fourni des prestations lors de la procédure orale.

43      Dans ce contexte, la Commission précise que ses avocats l’ont assistée en préparant l’audience, y compris en ce qui concerne le projet de plaidoirie et les observations sur le rapport d’audience et qu’ils ont assisté l’agent chargé de plaider par des recherches et des contributions qui ont permis de répondre aux questions du Tribunal.

44      Eu égard aux éléments d’appréciation analysés ci-dessus, le montant réclamé par la Commission au titre des honoraires d’avocat, à savoir 17 000 euros, peut être considéré comme indispensable au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure. Même si la Commission n’a pas précisé le nombre d’heures de travail effectuées par ses avocats, ce qui eût été préférable, ses indications relatives à la répartition des montants des honoraires selon les différents stades de procédure et aux prestations fournies par les avocats au cours de la procédure écrite et de la procédure orale permettent en l’espèce, notamment au vu de l’objet du litige et des difficultés de la cause, au Tribunal, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire, de conclure que ledit montant n’excède pas les dépens récupérables. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera donc fait une juste appréciation des dépens récupérables au titre des honoraires d’avocat en fixant leur montant à 17 000 euros.

 Sur les débours

45      Au titre de débours de son agent, la Commission est en droit de réclamer le remboursement de 260 euros, montant qui n’est pas contesté par FRA.BO, en sorte que le montant total des dépens récupérables s’élève à 17 260 euros.

 Sur la demande de la Commission relative aux intérêts moratoires

46      La Commission demande au Tribunal de fixer des dépens correspondant à 1 316 euros d’intérêts de retard jusqu’au jour de la demande de taxation et des intérêts d’un montant de 2,13 euros pour chaque jour de retard supplémentaire.

47      À cet égard, il y a lieu de relever que la constatation d’une éventuelle obligation de payer les intérêts moratoires et la fixation du taux applicable relèvent de la compétence du Tribunal en vertu de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, par analogie, ordonnance du 29 septembre 1995, ENU/Commission, C‑2/94 SA, Rec, EU:C:1995:301, point 10 ; ordonnance du 25 mars 2014, Marcuccio/Commission, T‑126/11 P‑DEP, EU:T:2014:171, point 51).

48      Toutefois, selon une jurisprudence constante, une obligation de verser des intérêts moratoires ne peut être envisagée qu’au cas où la créance principale est certaine quant à son montant ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis (voir, en ce sens, arrêt du 1 juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec, EU:C:1994:211, point 53, et la jurisprudence citée ; ordonnance Marcuccio/Commission, point 23 supra, EU:T:2014:513, point 31). Or, le droit de la Commission au remboursement des dépens a son titre dans l’ordonnance qui fixe ceux-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 18 avril 1975, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72‑DEPE, Rec, EU:C:1975:50, point 5). Par conséquent, une demande relative à l’octroi d’intérêts moratoires à compter d’une date antérieure à l’ordonnance qui fixe le montant des dépens doit être rejetée (voir, en ce sens, ordonnance du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, Rec, EU:C:2004:1, point 86 ; ordonnance du 24 octobre 2011, Marcuccio/Commission, T‑176/04 DEP II, EU:T:2011:616, point 36).

49      En revanche, la demande de la Commission doit être accueillie dans la mesure où elle vise à la fixation d’intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de signification de la présente ordonnance et la date du remboursement effectif des dépens (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mai 2011, Comtec Translations/Commission, T‑239/08 DEP, EU:T:2011:191, point 39 ; ordonnance Marcuccio/Commission, point 48 supra, EU:T:2011:616, point 36).

50      S’agissant du taux d’intérêt applicable, le Tribunal estime approprié de tenir compte de la disposition de l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission du 29 octobre 2012 relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1). Par conséquent, le taux applicable est calculé sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi (ordonnance du 16 janvier 2014, Marcuccio/Commission, T‑450/10 P‑DEP, EU:T:2014:32, point 47).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par FRA.BO SpA à la Commission européenne est fixé à 17 260 euros.

2)      Ladite somme porte intérêts de retard de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement.

Fait à Luxembourg, le 3 novembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.