Language of document : ECLI:EU:T:2011:111

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 mars 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des raccords en cuivre et en alliage de cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Amendes – Communication sur la coopération – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Circonstances atténuantes – Immunité d’amende – Confiance légitime – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑381/06,

FRA.BO SpA, établie à Bordolano (Italie), représentée initialement par M. R. Celli, solicitor, et MF. Distefano, avocat, puis par MDistefano,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Nijenhuis et V. Bottka, en qualité d’agents, assistés de M. S. Kinsella, solicitor, et de Me K. Nordlander, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2006) 4180, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords) (résumé au JO 2007, L 283, p. 63, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004, à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction.

2        La requérante, FRA.BO SpA, un producteur de raccords en cuivre, figure parmi les destinataires de la décision attaquée.

3        Le 9 janvier 2001, Mueller Industries Inc., un autre producteur de raccords en cuivre, a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des raccords, et dans d’autres industries connexes sur le marché des tubes en cuivre, et de sa volonté de coopérer au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 ») (considérant 114 de la décision attaquée).

4        Les 22 et 23 mars 2001, dans le cadre d’une enquête concernant les tubes et les raccords en cuivre, la Commission a effectué, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des vérifications inopinées dans les locaux de plusieurs entreprises (considérant 119 de la décision attaquée).

5        À la suite de ces premières vérifications, la Commission a, en avril 2001, scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir la procédure relative à l’affaire COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), celle relative à l’affaire COMP/F-1/38.121 (Raccords) et celle relative à l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) (considérant 120 de la décision attaquée).

6        Les 24 et 25 avril 2001, la Commission a effectué d’autres vérifications inopinées dans les locaux de Delta plc, société à la tête d’un groupe de génie international dont le département « Ingénierie » regroupait plusieurs fabricants de raccords. Ces vérifications portaient uniquement sur les raccords (considérant 121 de la décision attaquée).

7        À partir de février/mars 2002, la Commission a adressé aux parties concernées plusieurs demandes de renseignements en application de l’article 11 du règlement nº 17, puis de l’article 18 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 122 de la décision attaquée).

8        En septembre 2003, IMI plc a présenté une demande visant à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. Cette demande a été suivie par celles du groupe Delta (mars 2004) et de la requérante (juillet 2004). Cette dernière a notamment fourni des informations attirant l’attention de la Commission sur le fait que l’infraction s’était poursuivie au cours de la période 2001-2004, c’est-à-dire après les vérifications de celle-ci. La dernière demande de clémence a été présentée en mai 2005 par Advanced Fluid Connections plc (considérants 115 à 118 de la décision attaquée).

9        Le 22 septembre 2005, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/F-1/38.121 (Raccords), engagé une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs, laquelle a notamment été notifiée à la requérante (considérants 123 et 124 de la décision attaquée).

10      Le 20 septembre 2006, la Commission a adopté la décision attaquée.

11      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait enfreint les dispositions de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE entre le 30 juillet 1996 et le 1er avril 2004.

12      Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2, sous f), de la décision attaquée, infligé à la requérante une amende de 1,58 million d’euros.

13      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

14      S’agissant, d’abord, de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, en raison de sa nature même et de sa portée géographique (considérant 755 de la décision attaquée).

15      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se fondant à cet effet sur leur importance relative sur le marché en cause déterminée par leurs parts de marché. Sur cette base, elle a réparti les entreprises concernées en six catégories (considérant 758 de la décision attaquée).

16      La requérante a été classée dans la cinquième catégorie, catégorie pour laquelle le montant de départ de l’amende a été fixé à 5,5 millions d’euros (considérant 765 de la décision attaquée).

17      Du fait de la durée de la participation de la requérante à l’infraction (sept ans et huit mois), la Commission a ensuite majoré l’amende de 75 % (considérant 775 de la décision attaquée), ce qui a abouti à fixer le montant de l’amende à 9,6 millions d’euros (considérant 777 de la décision attaquée).

18      En considérant que la requérante méritait, à titre exceptionnel, une réduction du montant de l’amende en dehors du cadre fixé par la communication sur la coopération de 1996, au titre de sa coopération ayant consisté à l’avoir informée de la poursuite de l’infraction pour la période allant de mars 2001 à avril 2004, la Commission a estimé que, compte tenu de la nature de cette coopération, la requérante ne devait pas être pénalisée pour sa participation à l’entente entre mars 2001 et avril 2004, ce qui serait revenu à lui infliger une amende supérieure à celle qu’elle aurait dû payer si elle n’avait pas coopéré. Pour cette raison, le montant de base de l’amende infligée à la requérante a été diminué du montant de l’amende qu’elle aurait dû payer pour trois années d’infraction. La Commission n’a pas considéré qu’il y avait lieu d’appliquer à la requérante une majoration de 60 % du montant de l’amende qui lui a été infligée, au titre des circonstances aggravantes. Partant, un montant provisoire de 7,975 millions d’euros a été appliqué à la requérante.

19      En application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, la Commission a réduit le montant de base de l’amende infligée à la requérante à 1,97 million d’euros (considérant 831 de la décision attaquée).

20      Enfin, la requérante a bénéficié d’une réduction de 20 % du montant de l’amende qui lui a été infligée en vertu du titre D, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération de 1996 (considérants 859 et 860 de la décision attaquée), ce qui a finalement abouti à fixer le montant de l’amende à 1,58 million d’euros (voir point 12 ci-dessus).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 8 février 2010.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée dans la mesure où la Commission lui a infligé une amende d’un montant de 1,58 million d’euros ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, d’une part, de l’application erronée de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») et, d’autre part, de l’application erronée des principes de la communication sur la coopération de 1996.

 Sur le premier moyen, tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 2002

27      Le premier moyen se divise en deux branches par lesquelles la requérante reproche à la Commission une « erreur de droit manifeste », tenant, premièrement, à l’application par analogie de la « règle d’immunité partielle » du point 23 de la communication sur la coopération de 2002, en excluant l’application de la communication sur la coopération de 1996, et, deuxièmement, à l’application de la « règle d’immunité partielle » comme une circonstance atténuante.

 Sur la première branche, tirée d’une « erreur de droit manifeste » tenant à l’application par analogie de la « règle d’immunité partielle » de la communication sur la coopération de 2002, en excluant l’application de la communication sur la coopération de 1996

–       Arguments des parties

28      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante avance trois griefs. Par le premier grief, elle affirme que sa coopération concernant la période allant de mars 2001 à avril 2004 relève du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996. Par le deuxième grief, elle fait valoir que la « règle d’immunité partielle » doit être appliquée cumulativement avec la réduction du montant de l’amende accordée au titre de la communication sur la coopération de 1996. Enfin, dans le cadre du troisième grief, elle prétend que, en appliquant la « règle d’immunité partielle » sans appliquer la communication sur la coopération de 1996, la Commission a violé les principes de sécurité juridique et d’équité.

29      S’agissant du premier grief, la requérante affirme que la Commission a commis une « erreur de droit manifeste » en considérant que la part la plus importante de sa coopération, à savoir celle concernant la période allant de mars 2001 à avril 2004, ne relevait pas du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996.

30      À cet égard, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte de l’intégralité de sa coopération en l’évaluant d’une manière « exhaustive et globale ».

31      En premier lieu, la requérante rappelle que la communication sur la coopération de 1996 crée des attentes légitimes chez les entreprises et que la Commission s’est elle-même astreinte à l’appliquer dans sa pratique décisionnelle. D’après la requérante, rien n’évoque dans ladite communication la possibilité de réduire le montant de l’amende uniquement sur la base d’une partie de la coopération. Au contraire, sous le titre D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996, il serait prévu qu’un avantage soit accordé aux entreprises qui, avant l’envoi de la communication des griefs, fournissent « des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise ».

32      En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission que la réduction du montant de l’amende accordée doit être « directement proportionnelle à la valeur ajoutée apportée par le candidat à la clémence ». La valeur ajoutée serait fonction de la communication de « faits nouveaux » et des « explications permettant à la Commission de mieux comprendre l’affaire » [considérants 549 et 550 de la décision 2004/138/CE de la Commission, du 11 juin 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/36.571/D-1, Banques autrichiennes – « club Lombard ») (JO 2004, L 56, p. 1)]. Étant donné que sa coopération aurait constitué une « valeur ajoutée significative » dans l’établissement de l’infraction et qu’elle remplirait également les conditions requises afin de bénéficier de la communication sur la coopération de 1996, la requérante estime que ses contributions concernant la période allant de mars 2001 à avril 2004 relèvent du champ d’application de ladite communication.

33      D’après la requérante, il découle également de la pratique décisionnelle de la Commission que celle-ci tient compte de l’intégralité de la coopération des candidats à la clémence et qu’elle accorde des réductions élevées du montant de l’amende aux entreprises ayant révélé des périodes additionnelles à l’entente dont elle n’avait pas eu connaissance antérieurement.

34      En outre, la requérante invoque l’arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 275), qui, au vu des motifs qui y sont énoncés, présenterait un intérêt considérable pour le cas d’espèce. Il en ressortirait notamment l’obligation pour la Commission de récompenser la coopération au titre de la communication sur la coopération de 1996, en tenant compte de tous les éléments de preuve fournis. La divulgation de toute durée additionnelle de l’entente reviendrait à établir un aspect important de l’affaire et devrait ainsi être traitée en vertu du titre D, paragraphe 2, de ladite communication.

35      La requérante fait également référence à l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission (T‑59/02, Rec. p. II‑3627, point 410), dans lequel il aurait été jugé que la Commission ne pouvait se départir des dispositions de la communication sur la coopération de 1996 simplement parce qu’elle le jugeait opportun. Selon elle, il s’ensuit que la Commission ne peut pas légitimement considérer que la part la plus importante de sa coopération ne relève pas du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996.

36      Dans le cadre du deuxième grief, la requérante soutient que la « règle d’immunité partielle » doit être appliquée cumulativement avec la réduction du montant de l’amende accordée au titre de la communication sur la coopération de 1996. Cette approche serait en accord avec le libellé du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, qui dispose que, « si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis ».

37      Cette démarche de « récompense cumulative » correspondrait également à l’objectif visé par l’introduction du concept d’« immunité partielle » dans la politique de clémence de la Commission, qui est d’inciter les entreprises à dévoiler des faits précédemment ignorés par celle-ci. Ainsi, la « règle d’immunité partielle » prévoirait une « reconnaissance additionnelle, distincte et spécifique » pour les candidats à la clémence.

38      Par le troisième grief, la requérante prétend que le fait pour la Commission d’avoir appliqué la « règle d’immunité partielle », en excluant l’application de la communication sur la coopération de 1996, est, en tout état de cause, contraire aux principes de sécurité juridique et d’équité.

39      La requérante soutient que, étant donné que la communication sur la coopération de 2002 ne s’applique pas au cas d’espèce, elle ne saurait être, même par analogie, appliquée rétroactivement en excluant l’application de la communication sur la coopération de 1996, sauf si cela conduisait à des résultats plus favorables pour le candidat à la clémence. Cela découlerait des principes généraux de sécurité juridique et d’équité.

40      D’après la requérante, l’application par analogie de la « règle d’immunité partielle » ne lui a apporté aucun « avantage tangible ». La réduction du montant de base de l’amende n’aurait été qu’une « récompense purement théorique », compte tenu de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003. En revanche, si la Commission avait appliqué la communication sur la coopération de 1996 à l’intégralité de sa coopération, elle aurait pu bénéficier d’une réduction allant jusqu’à 50 % du montant final de l’amende qui lui a été infligée. L’application rétroactive de la « règle d’immunité partielle » n’a donc pas conduit, selon la requérante, à des résultats plus favorables à son égard.

41      Il en découle, selon la requérante, que l’amende dont elle doit s’acquitter est identique à celle qu’elle aurait dû payer si elle n’avait pas fourni d’informations en ce qui concerne l’entente. De plus, elle allègue que l’approche de la Commission risque de décourager les entreprises de petite taille, dont l’amende dépasserait vraisemblablement 10 % de leur chiffre d’affaires, de coopérer.

42      La requérante fait valoir que la Commission est en effet légalement tenue d’examiner si l’application, par analogie, de la communication sur la coopération de 2002 conduirait à des résultats plus favorables à l’égard de l’entreprise qui a formé une demande de clémence. Cette obligation découlerait du principe général de droit communautaire applicable aux sanctions de nature pénale, en vertu duquel l’application rétroactive d’une disposition est uniquement possible dans la mesure où elle est susceptible d’entraîner pour l’intéressé une situation juridique plus favorable. Dans le cas contraire, elle violerait le principe de sécurité juridique.

43      La requérante reproche à la Commission, dans le cas d’espèce, de ne pas avoir effectué cette analyse, ce qui aurait eu des conséquences préjudiciables pour elle et serait donc contraire au principe de sécurité juridique.

44      La Commission fait valoir qu’un examen plus approfondi de la jurisprudence et de ses décisions permet de réfuter les arguments de la requérante. S’agissant plus particulièrement du grief tiré d’une prétendue violation du principe d’équité, la Commission soutient qu’elle a respecté ce principe en appliquant la « règle d’immunité partielle » à la requérante. Selon elle, l’application de cette règle en ce qui concerne la période allant de mars 2001 à avril 2004 constitue en effet une « récompense considérable » pour la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

45      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’intégralité de la période au cours de laquelle elle a coopéré, période allant de mars 2001 à avril 2004 incluse, relève du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996 et que, dès lors, cette coopération devrait être récompensée dans le cadre de ladite communication et non sur la base d’une immunité partielle d’amende, par une application par analogie de la communication sur la coopération de 2002.

46      À cet égard, il y a lieu de considérer que la communication sur la coopération de 1996 est applicable en l’espèce, compte tenu du fait que le premier producteur à avoir informé la Commission de sa volonté de coopérer, à savoir Mueller Industries, a introduit sa demande au titre de ladite communication le 9 janvier 2001 et eu égard au point 28 de la communication sur la coopération de 2002, aux termes duquel, « [à] compter du 14 février 2002, la présente communication remplace la communication de 1996 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s’est prévalue de cette dernière ».

47      Il y a également lieu de considérer que les lignes directrices de 1998 sont applicables au cas d’espèce.

48      Il y a en outre lieu de relever que la communication sur la coopération de 1996 ne prévoit pas de récompense particulière au titre d’une coopération relative à la gravité et à la durée d’une entente. En effet, le concept d’« immunité partielle » a été introduit par la communication sur la coopération de 2002.

49      Sous le titre D de la communication sur la coopération de 1996, applicable en l’espèce du fait que la requérante n’était pas la première à avoir fourni des informations sur l’existence de l’entente en cause, est prévue la possibilité d’une réduction du montant de l’amende de 10 à 50 %, mais pas celle de bénéficier d’une immunité d’amende.

50      Toutefois, pour récompenser la coopération d’une entreprise en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, il est possible d’appliquer la « règle d’immunité partielle » en utilisant la possibilité prévue par les lignes directrices de 1998. Selon le point 3, sixième tiret, desdites lignes directrices, une « collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application [de la communication sur la coopération de 1996] ». peut constituer une circonstance atténuante

51      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, en estimant qu’il n’y avait pas lieu d’infliger une amende à la requérante au titre de la période allant de mars 2001 à avril 2004, la Commission a utilisé ladite possibilité. Elle n’a pas majoré le montant de l’amende de 30 % pour la période concernée, ni de 60 % au titre des circonstances aggravantes, compte tenu de la poursuite de l’entente après les vérifications de la Commission en mars 2001.

52      Il s’ensuit que la Commission a récompensé la requérante d’une façon adéquate pour les informations fournies par cette dernière concernant la poursuite de l’entente entre mars 2001 et avril 2004.

53      S’agissant de l’invocation par la requérante de l’arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 35 supra, il convient de constater que, contrairement à ce qu’elle prétend, cet arrêt n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, la coopération de la partie requérante dans cette affaire relevait entièrement du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, de sorte que la disposition des lignes directrices de 1998, qui prévoit comme circonstance atténuante la collaboration effective de l’entreprise à la procédure en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, n’était pas applicable.

54      S’agissant du grief relatif à l’application cumulative de la communication sur la coopération de 1996 et de la « règle d’immunité partielle », il convient de relever que, lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle ne demandait pas une réduction cumulative du montant de l’amende pour la même coopération, mais soit une application pleine et entière de la communication sur la coopération de 1996, soit l’application d’une immunité partielle d’amende après celle du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

55      En ce qui concerne l’application de la communication sur la coopération de 1996, il suffit de renvoyer aux considérations qui précèdent (voir points 45 à 53 ci-dessus). S’agissant de l’application d’une immunité partielle d’amende après celle du plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation du grief soulevé dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen (voir points 69 et suivants ci-après).

56      S’agissant du troisième grief, tiré de la prétendue violation des principes d’équité et de sécurité juridique, il ressort des considérants 784 et 826 de la décision attaquée que la Commission a respecté ces principes. La Commission a en effet considéré que la requérante ne devait pas être pénalisée pour sa coopération en se voyant infliger une amende d’un montant supérieur à celui qu’elle aurait dû payer si elle n’avait pas coopéré. Elle a donc effectivement réduit le montant de base de l’amende de la requérante du montant de l’amende qui aurait été infligée à celle-ci au titre d’une infraction d’une durée de trois ans et n’a pas appliqué de circonstance aggravante au titre de la poursuite de l’entente après les vérifications.

57      Par ailleurs, le fait que l’application de cette réduction, en tant que circonstance atténuante, a eu lieu avant celle du plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 ne remet pas en cause cette conclusion.

58      À cet égard, il est à noter que les paragraphes 2 et 3 de l’article 23 du règlement nº 1/2003 visent des objectifs différents.

59      L’article 23, paragraphe 3, du règlement nº 1/2003 dispose que, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ». Cette disposition vise à garantir que le montant de l’amende soit proportionné à l’infraction commise.

60      Quant à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, il prévoit que l’amende infligée à chaque entreprise ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Son objectif est d’éviter que le destinataire de la décision de la Commission ne soit pas en mesure de payer l’amende infligée.

61      Certes, il est possible que, dans le cas d’une infraction commise par une entreprise dont le chiffre d’affaires est relativement modeste, le montant de base de l’amende excède 10 % de son chiffre d’affaires et que, par conséquent, une réduction du montant de base de l’amende au titre d’une circonstance atténuante ne se traduise pas nécessairement par une réduction du montant de l’amende effectivement payable par l’entreprise. Cela ne signifie cependant pas pour autant que l’application de la « règle de l’immunité partielle » ne puisse pas procurer un avantage à l’entreprise concernée.

62      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que les principes d’équité et de sécurité juridique n’ont pas été violés par la Commission.

63      Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche, tirée de l’application de la « règle d’immunité partielle » comme une circonstance atténuante

–       Arguments des parties

64      La requérante soutient que, afin de refléter la « juste valeur de sa coopération », la « règle d’immunité partielle » aurait dû être mise en œuvre après application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

65      À l’appui de sa position, la requérante effectue une analyse textuelle de certaines dispositions de la communication sur la coopération de 2002. Elle fait, tout d’abord, valoir que ladite communication « traite de la ‘clémence’ » et non du calcul de l’amende. Plus précisément, elle indique que la « règle d’immunité partielle », prévue au point 23 de la communication sur la coopération de 2002, relève du titre B, intitulé « Réduction du montant de l’amende », de cette même communication. Ensuite, la requérante affirme que le dernier alinéa du point 23 de ladite communication mentionne une réduction du montant de l’amende par rapport au montant de l’amende qui aurait été infligée à l’entreprise à défaut de coopération.

66      En outre, la requérante prétend que, en vertu d’un « principe fondamental inhérent à la politique de clémence de la Commission », tout avantage accordé au titre de la coopération doit l’être sous la forme d’une réduction du montant de l’amende calculée par rapport au montant final de l’amende, après application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, et non en tant que circonstance atténuante.

67      Pour conclure, la requérante estime que, pour quantifier l’avantage qui lui est dû, le Tribunal devrait exprimer la réduction forfaitaire accordée en vertu de la « règle d’immunité partielle » en pourcentage de réduction et appliquer ensuite ce pourcentage afin de réduire le montant de l’amende que la Commission lui aurait infligée à défaut de coopération. Elle demande donc au Tribunal d’appliquer la réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 1996 et de la « règle d’immunité partielle » de manière à réduire le montant final de l’amende après application du plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

68      La Commission affirme que, afin de pouvoir récompenser la coopération de la requérante relative à la poursuite de l’infraction par une immunité partielle d’amende, elle n’avait d’autre choix, notamment dans le cadre des lignes directrices de 1998, que celui de considérer une telle immunité d’amende comme une circonstance atténuante.

–       Appréciation du Tribunal

69      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir appliqué l’immunité partielle d’amende en tant que circonstance atténuante et non après application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

70      À titre liminaire, il convient de rappeler que la communication sur la coopération de 2002 ne s’applique pas au cas d’espèce. Par conséquent, pour récompenser la coopération de la requérante par une immunité partielle d’amende, la Commission ne pouvait appliquer une telle immunité d’amende qu’en tant que circonstance atténuante en vertu des lignes directrices de 1998 (voir points 48 à 50 ci-dessus). Il y a également lieu de noter que le plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 s’applique après avoir tenu compte des circonstances aggravantes ou atténuantes et avant la prise en compte de la coopération dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996. Il est inhérent à la logique de la politique de clémence que l’immunité partielle d’amende ne se traduit jamais par une réduction du montant final de l’amende, mais par une exemption de l’application du coefficient multiplicateur au titre de la durée afin de s’assurer que les entreprises ayant formé une demande de clémence ne se voient pas infliger une amende au titre de la période d’infraction pour laquelle ils ont fourni des informations à la Commission.

71      En outre, si la présente affaire avait relevé entièrement du champ d’application de la communication sur la coopération de 2002 ou de celui de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), le traitement de la requérante aurait été identique à celui dont elle a bénéficié en l’espèce, à savoir une immunité d’amende pour la période allant de 2001 à 2004, une réduction du montant de l’amende par application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 et une réduction du montant de l’amende de 20 % au titre de la communication sur la coopération de 2002 ou celle de 2006.

72      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée des principes de la communication sur la coopération de 1996

 Arguments des parties

73      La requérante fait valoir que la Commission a fait une application erronée de la communication sur la coopération de 1996 en ne tenant pas compte de la coopération de la requérante entre mars 2001 et avril 2004 et en lui accordant ainsi une réduction trop faible du montant de l’amende. Elle soutient que l’approche de la Commission viole également le principe d’égalité de traitement.

74      En premier lieu, la requérante affirme que, bien qu’ayant reconnu que sa coopération remplissait les conditions énumérées sous le titre D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996, la Commission lui a seulement accordé une réduction du montant de l’amende de 20 %. Or, étant donné la « valeur essentielle » de sa contribution, elle aurait dû, à ce titre, bénéficier de la réduction maximale du montant de l’amende, à savoir une réduction de 50 %.

75      S’agissant de la valeur significative de sa coopération, la requérante fait valoir qu’il résulte de la décision attaquée elle-même que la Commission la qualifie d’une manière explicite et répétée de « particulièrement déterminante ».

76      En outre, la requérante soutient que, sur le plan quantitatif, sa coopération a donné lieu à une augmentation globale de plus de 40 % du montant total des amendes infligées aux participants à l’entente. D’après elle, cela constitue un « bon indicateur » de la valeur de la divulgation des différents aspects de l’infraction.

77      Eu égard à ce qui précède, la requérante considère qu’il existe une « contradiction manifeste et directe » entre, d’une part, l’utilisation et l’évaluation des informations qu’elle a fournies et, d’autre part, le faible niveau de réduction du montant de l’amende qui lui a été accordée.

78      S’agissant de la confiance légitime résultant de la communication sur la coopération de 1996, la requérante affirme qu’elle pouvait légitimement s’attendre à ce que la réduction du montant de l’amende accordée corresponde à la valeur et au degré de sa coopération. À cet égard, elle fait référence au titre E, paragraphe 3, de la communication sur la coopération de 1996, ainsi qu’à la jurisprudence du Tribunal et à la pratique décisionnelle de la Commission.

79      En outre, la requérante affirme que la décision de la Commission d’accorder une réduction du montant de l’amende de 20 % est entachée d’un défaut de motivation ou d’une erreur de raisonnement.

80      En dernier lieu, la requérante estime que la Commission a commis une erreur et a violé la confiance légitime suscitée par la communication sur la coopération de 1996, en accordant une importance excessive au moment où a débuté sa coopération pour en déterminer la valeur. En effet, en vertu du titre D de la communication sur la coopération de 1996, le moment de la transmission des preuves ne constituerait pas un facteur pertinent pour évaluer la demande de clémence.

81      Pour toutes ces raisons, la requérante estime que la Commission a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la communication sur la coopération de 1996.

82      En second lieu, la requérante affirme que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en lui accordant une réduction du montant de l’amende, au titre de la communication sur la coopération de 1996, d’un niveau trop faible par rapport à la réduction octroyée à IMI et à Delta, ainsi que par rapport à celle accordée à d’autres entreprises dans l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre » [décision 2006/485/CE de la Commission, du 3 septembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Boliden AB, Boliden Fabrication AB et Boliden Cuivre & Zinc SA, d’Austria Buntmetall AG et Buntmetall Amstetten GmbH, d’Halcor SA, de HME Nederland BV, d’IMI, IMI Kynoch Ltd et IMI Yorkshire Copper Tube Ltd, de KM Europa Metal AG, Tréfimétaux SA et Europa Metalli SpA, de Mueller Industries, WTC Holding Company, Inc., Mueller Europe Ltd, DENO Holding Company, Inc. et DENO Acquisition EURL, d’Outokumpu Oyj et Outokumpu Copper Products OY, ainsi que de Wieland-Werke AG (Affaire COMP/E-1/38.069 – Tubes sanitaires en cuivre) (résumé au JO 2006, L 192, p. 21)].

83      En ce qui concerne tout d’abord la différence de traitement entre elle et Delta, la requérante fait valoir qu’elle a contacté la Commission relativement plus rapidement que Delta. De plus, contrairement à celle-ci, la requérante aurait non seulement corroboré les faits, mais aurait également informé la Commission de la poursuite de l’infraction et aurait ainsi fourni des éléments de preuve « nouveaux et décisifs ».

84      S’agissant d’IMI, qui a bénéficié de la réduction maximale de 50 % en vertu du titre D de la communication sur la coopération de 1996, la requérante estime qu’elle méritait le même traitement, car sa coopération n’était pas moins importante que celle d’IMI.

85      Ensuite, la requérante affirme qu’elle a fait l’objet d’une inégalité de traitement par rapport à Wieland-Werke et à KM Europa Metal (ci-après « KME »), participants à l’entente dans l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre ».

86      La requérante précise que, en dépit du fait que les deux affaires ont donné lieu à deux décisions distinctes, il convient d’appliquer le principe d’égalité de traitement, car la présente affaire et l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre » relevaient initialement de la même enquête de la Commission et cette dernière affaire présente des liens étroits avec la présente affaire.

87      La requérante estime que les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à la décision 2006/485 sont comparables à celles de l’espèce au sens de la jurisprudence du Tribunal. Il s’agirait notamment d’« éléments fondamentaux » tels que la date de début de la procédure, le secteur industriel concerné, dans une certaine mesure les sociétés impliquées, la portée géographique et la durée globale de l’entente.

88      La requérante affirme que la contribution de Wieland-Werke, qui, comme elle, était la troisième entreprise à former une demande de clémence, avait consisté essentiellement à préciser le contexte dans lequel certaines notes avaient été prises par ses employés à l’époque des faits. Ces notes auraient été saisies dans les locaux de Wieland-Werke au cours des vérifications effectuées par la Commission. Sa coopération aurait ainsi été limitée.

89      La requérante fait valoir que KME avait informé la Commission de l’existence d’une infraction distincte concernant les tubes recouverts de plastique, antérieurement ignorée par la Commission. Pour cette raison, celle-ci lui aurait appliqué la « règle d’immunité partielle » par analogie pour la période additionnelle d’infraction divulguée. En outre, la Commission aurait pris en compte la même période pour lui accorder une réduction du montant de l’amende de 35 % au titre de la communication sur la coopération de 1996.

90      De surcroît, les demandes de clémence de ces deux entreprises seraient intervenues à un stade tardif de la procédure, à savoir presque deux ans après les vérifications effectuées sur place pour Wieland-Werke et un an et demi après de telles vérifications pour KME. La requérante considère que, d’une part, constitue une violation du principe d’égalité de traitement le fait d’invoquer sa coopération tardive pour limiter le niveau de réduction du montant de l’amende à lui accorder et de ne pas opposer ce même argument à Wieland-Werke et à KME. D’autre part, constituerait également une violation du principe d’égalité de traitement le fait d’appliquer cumulativement une immunité partielle d’amende et une réduction du montant de l’amende substantielle, au titre de la communication sur la coopération de 1996, à la coopération de KME, et non à celle de la requérante, toutes deux étant pourtant comparables.

91      Eu égard à ce qui précède, la requérante considère qu’il y a lieu de lui accorder la réduction maximale du montant de l’amende de 50 % en vertu du titre D de la communication sur la coopération de 1996 afin de garantir une égalité de traitement par rapport à d’autres entreprises impliquées dans la présente affaire et dans celle dite des « Tubes sanitaires en cuivre ».

92      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

93      S’agissant de l’argument selon lequel la requérante aurait dû être récompensée par une réduction du montant de l’amende de plus de 20 % en vertu du titre D de la communication sur la coopération de 1996 et qu’elle méritait une réduction supplémentaire en raison de sa coopération « particulièrement déterminante » concernant la période d’infraction comprise entre 2001 et 2004, il convient de rappeler, comme il a été indiqué aux points 45 à 53 ci-dessus, que la coopération concernant la période allant de mars 2001 à avril 2004 ne relève pas de la communication sur la coopération de 1996 et que la Commission a accordé à la requérante, en dehors du champ d’application de cette communication, une immunité partielle pour cette période.

94      En ce qui concerne le grief tiré de la confiance légitime résultant de la communication sur la coopération de 1996, il y a lieu de rappeler que la confiance légitime que sont en mesure de tirer les opérateurs d’une telle communication se limite à l’assurance de pouvoir bénéficier d’un certain pourcentage de réduction (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 188).

95      En l’espèce, il y a lieu de relever que la coopération de la requérante, en ce qui concerne la période comprise entre 1998 et mars 2001, relève du titre D de la communication sur la coopération de 1996, prévoyant une réduction du montant de l’amende de l’ordre de 10 à 50 %. Pour autant que la requérante avance un grief portant sur un défaut de motivation dans la décision attaquée en ce qui concerne une réduction de 20 %, ce grief doit être rejeté. En effet, il ressort des considérants 853 à 859 de la décision attaquée que, en premier lieu, la requérante a effectivement bénéficié d’une réduction du montant de l’amende en vertu du titre D, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, de cette communication et, en second lieu, la Commission a estimé que, compte tenu de l’apport relativement marginal des éléments de preuve fournis par la requérante et relevant du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, une réduction du montant de l’amende de 20 % était appropriée. Dès lors, il y a lieu de conclure que la confiance légitime de la requérante a été respectée. À cet égard, il y a lieu d’observer que, si les bénéficiaires de la communication sur la coopération de 1996 relevant du titre D de celle-ci ne sont pas, par définition, les premières à avoir contacté la Commission, comme la requérante l’a elle-même admis, il est inhérent à l’objet de la politique de clémence qu’une offre de coopération présentée à un stade ultérieur de la procédure administrative implique les risque que cette coopération soit de moindre valeur par rapport à celle d’un autre membre de l’entente à un stade antérieur.

96      S’agissant de l’évaluation par la Commission de la coopération de la requérante au cours de la période d’infraction allant de 1998 à mars 2001, il y a tout d’abord lieu de relever que le pourcentage exact de réduction du montant de l’amende dépend de la valeur ajoutée de la coopération en cause. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 1996 trouve son fondement dans la considération selon laquelle une coopération facilite objectivement la tâche de la Commission de constater une infraction. Dans ce contexte, la Commission bénéficie d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par les différents membres d’une entente et, partant, cette évaluation fait l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint. Seule une méconnaissance manifeste de cette marge d’appréciation est donc susceptible d’être censurée. En l’espèce, la requérante a introduit sa demande de clémence à un stade auquel la Commission avait déjà reçu des preuves concernant l’existence de l’infraction, tout d’abord de Mueller Industries en janvier 2001, suivie d’IMI en septembre 2003 et de Delta en mars 2004, de sorte que les informations fournies par la requérante, en juillet 2004, corroboraient uniquement celles que la Commission avait déjà reçues. Il importe également de souligner que lesdites informations n’ont pas été données au même stade de la procédure administrative. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu estimer qu’une réduction du montant de l’amende de 20 % était appropriée.

97      Les griefs tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement par rapport à IMI et à Delta, d’une part, et par rapport aux entreprises ayant introduit une demande de clémence dans une autre affaire, d’autre part, doivent également être rejetés.

98      Quant à IMI, il y a lieu de noter que la situation de la requérante n’est pas comparable à celle de cette société. En premier lieu, IMI a commencé à coopérer à un stade bien antérieur de la procédure administrative. En second lieu, alors que la coopération d’IMI concerne la période comprise entre 1988 et 2001, les informations données par la requérante et évaluées dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996 ne couvrent que la période allant de 1998 à 2001. Enfin, il ressort des considérants 838 et 839 de la décision attaquée, « que la quantité, la qualité et la valeur des informations fournies par IMI ont permis » à la Commission « de mieux comprendre l’infraction et de mieux interpréter les documents obtenus au cours des vérifications », alors que les informations fournies par la requérante ne font que corroborer celles qui avaient été fournies par d’autres participants à l’infraction ayant formé une demande de clémence dans une phase antérieure de la procédure administrative, telle IMI (considérant 854 de la décision attaquée).

99      Quant à la situation de Delta par rapport à celle de la requérante, il suffit de relever que la Commission a, en estimant que les preuves apportées par Delta et par la requérante avaient une valeur analogue, appliqué à ces entreprises une réduction du montant de l’amende identique au titre de leurs coopérations respectives.

100    S’agissant de la référence faite par la requérante à une décision antérieure de la Commission, elle est, pour plusieurs raisons, dénuée de pertinence.

101    Premièrement, le seul fait que la Commission ait accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle soit tenue d’accorder la même réduction proportionnelle lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 534, et la jurisprudence citée).

102    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les comparaisons effectuées avec d’autres décisions de la Commission rendues lorsqu’elle inflige des amendes ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables avec celles de l’espèce (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 112, et la jurisprudence citée). Il ressort également de la jurisprudence qu’il importe d’invoquer des décisions contemporaines à des fins de comparaison (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 35 supra, point 317).

103    Il convient de remarquer que, dans le cadre d’un examen des demandes de clémence, une comparaison avec d’autres affaires est encore plus délicate que dans le cadre d’un examen du calcul du montant de l’amende, étant donné que, lorsque la Commission évalue la valeur des contributions des entreprises en matière de preuve en vertu du titre D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996, elle doit tenir compte d’un certain nombre d’éléments qui sont liés entre eux. Elle doit prendre en considération la nature exacte des informations dont elle disposait déjà, leur qualité et leur valeur probante, la qualité des nouvelles informations reçues à l’appui de la demande de clémence, l’actualité des documents accompagnant les nouvelles informations reçues, le stade de la procédure auquel les nouvelles informations ont été fournies et les circonstances entourant la mise à disposition de ces informations.

104    En effet, en matière de coopération, plus les informations sont fournies tardivement, plus la probabilité est grande que ces informations aient moins de valeur, car la Commission a déjà pu en avoir pris connaissance par l’intermédiaire d’autres participants de la même entente. L’importance des informations fournies est donc fonction de l’utilisation que la Commission peut en faire. Dès lors, le fait que l’entreprise ayant été, à l’instar de la requérante dans la présente affaire, la troisième à former une demande de clémence dans l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre » ait été récompensée d’une réduction du montant de l’amende de 35 % n’implique pas nécessairement que la réduction du montant de l’amende de 20 % qui a été accordée à la requérante dans la présente affaire soit constitutive d’une violation du principe d’égalité de traitement.

105    À cet égard, il convient de constater que la requérante n’a présenté aucun argument détaillé démontrant que la présente affaire et celle dite des « Tubes sanitaires en cuivre » étaient suffisamment similaires et, par voie de conséquence, comparables.

106    Dès lors, le fait que, dans l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre », des demandes de clémence aient également été formées à un stade relativement tardif de la procédure, que l’entreprise ayant été, à l’instar de la requérante dans la présente affaire, la troisième à se prévaloir du titre D de la communication sur la coopération de 1996, ait obtenu une réduction du montant de l’amende de 35 % ou le fait que la Commission ait accordé à cette même entreprise cumulativement une immunité partielle d’amende, c’est-à-dire une « réduction tangible », et une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de la clémence de 1996 n’ont aucune pertinence.

107    Enfin, contrairement à ce que prétend la requérante, le traitement accordé à l’une des entreprises ayant formé une demande de clémence dans l’affaire dite des « Tubes sanitaires en cuivre » et le traitement de la requérante en l’espèce, en ce qui concerne la coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996, montre que l’approche de la Commission est cohérente. En effet, dans les deux affaires, leur coopération en dehors du champ d’application de ladite communication a été récompensée en tant que circonstance atténuante, tandis que, pour d’autres aspects de leur coopération, une récompense dans le cadre de ladite communication a été accordée.

108    Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

109    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FRA.BO SpA est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.