Language of document : ECLI:EU:T:2005:271

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

5 juillet 2005 (*)

« Fonctionnaires – Poste de directeur au sein de l’office de coopération de la Commission EuropeAid – Avis de vacance – Rejet de candidature – Recours en annulation – Intérêt à agir – Motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T-370/03,

Jacques Wunenburger, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Zagreb (Croatie), représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et G. Berscheid, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission de ne pas nommer le requérant au poste de directeur de la direction « Afrique, Caraïbes, Pacifique » de l’office de coopération EuropeAid et, d’autre part, de la décision de nommer un autre candidat audit poste, 

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1       Le 19 septembre 2002, la Commission a publié, au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), l’avis de vacance d’emploi COM/138/02 (ci-après l’« avis de vacance ») en vue de pourvoir au poste de grade A 2 de directeur de la direction C « Afrique, Caraïbes, Pacifique » de l’office de coopération EuropeAid.

2       L’avis de vacance était libellé comme suit :

« […]

La Commission cherche à pourvoir, au sein [de l’office de coopération] EuropeAid […], le poste de directeur pour la direction C ‘Afrique, Caraïbes, Pacifique’. Il/elle devra assurer la responsabilité d’ordonnateur subdélégué pour les actions de coopération communautaire en faveur des pays [d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)], financés par le Fonds [européen] de développement [‘European Development Fund’ (EDF)] et certaines lignes budgétaires d’un montant annuel d’environ deux milliards d’euros (EDF) et 170 millions d’euros (budget). Dans ce contexte, le directeur sera chargé d’assurer la gestion efficace et efficiente des projets et programmes tout au long du cycle opérationnel, depuis l’identification jusqu’à l’évaluation finale, ainsi que de préparer et superviser le processus de déconcentration de la gestion vers les délégations des pays ACP.

Le/la candidat(e) doit avoir une expérience confirmée dans le domaine des relations extérieures et, en particulier, une bonne connaissance et expérience de la coopération au développement, ainsi qu’une capacité confirmée de négociation. Une solide expérience de management de personnel, une capacité confirmée de gestion, mobilisation, et supervision de grandes équipes ainsi qu’une aptitude à la définition des priorités et communication sont essentiels. Une expérience en délégation ou équivalente sera un atout. Le/la candidat(e) doit être capable de s’exprimer tant oralement que par écrit en français et en anglais. »

3       Le requérant était, à l'époque des faits, fonctionnaire de grade A 3 à la direction générale (DG) « Relations extérieures » et chef de la délégation de la Commission en Croatie. Le 27 septembre 2002, il a postulé, comme neuf autres candidats, pour le poste en cause.

4       Dans un premier temps, M. Bonacci, directeur général de l’office de coopération EuropeAid, a eu un entretien avec chaque candidat. Par note du 18 novembre 2002, il a informé M. Reichenbach, directeur de la DG « Personnel et administration » de la Commission, et Mme Minch, rapporteur, qu’il avait classé les candidats en deux groupes. Le premier groupe de six candidats était composé de ceux que M. Bonacci considérait « aptes à exercer les fonctions du poste en objet et qui […] répond[ai]ent à la fois aux exigences et aux enjeux du poste considéré », tandis que le second groupe de quatre candidats était composé de ceux qui possédaient une « expérience approfondie et variée dans les domaines des relations extérieures et de la coopération, mais qui ne réunissaient pas toutes les qualités, compétences ou aptitudes nécessaires pour le poste en question ».

5       Ensuite, le comité consultatif des nominations (ci-après le « CCN ») a arrêté, à l’issue de la première phase de sélection, une liste de six candidats (avis préalable n° 93/2002). Les six candidats en question correspondaient aux candidats du premier groupe établi par M. Bonacci. Le requérant ne figurait pas sur cette liste.

6       Lors de ses réunions des 4 et 12 décembre 2002, le CCN, dans sa formation élargie, a eu un entretien approfondi avec chacun des six candidats. À l’issue de ces entretiens, le CCN a, dans son avis n° 93/2002, du 12 décembre 2002, constaté que quatre candidatures, dont celles de M. Naqvi, « réuniss[ai]ent pleinement les qualifications requises pour l’emploi en cause et pourraient être prises en considération. »

7       Le 8 janvier 2003, la Commission a décidé de nommer M. Naqvi au poste concerné. La date de prise d’effet de la décision devait être fixée ultérieurement (ci-après la « décision de nomination litigieuse »).

8       Par lettre du 11 mars 2003, le requérant a été informé que sa candidature n’avait pas été retenue pour l’emploi en cause (ci-après la « décision de rejet litigieuse »).

9       Le 2 avril 2003, le requérant a introduit, sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation dirigée contre la décision de nomination litigieuse. Une décision explicite de rejet de cette réclamation est intervenue le 14 juillet 2003, dont le requérant a accusé réception le 11 août 2003.

10     Par décision du 11 mars 2004, prenant effet le 1er avril 2004, la Commission a procédé, en application de l’article 50 du statut, au retrait de l’emploi occupé par M. Naqvi.

 Procédure et conclusions

11     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 novembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

12     Le 16 mars 2004, la Commission a introduit une demande de non-lieu à statuer. Elle fait valoir que le recours est devenu sans objet en raison du retrait de l’emploi occupé par M. Naqvi (voir point 10 ci-dessus) et que le requérant n’a plus aucun intérêt à la poursuite de l’affaire. Le 29 avril 2004, le requérant a présenté ses observations sur cette demande et a conclu à son rejet.

13     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Au titre des mesures d’organisation de la procédure, il a invité les parties à répondre à certaines questions écrites et la Commission à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

14     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 8 mars 2005.

15     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter la demande de non-lieu à statuer ;

–       accéder à sa demande de mesures d’instruction, tendant à ce qu’il lui soit donné accès à tous les documents de la procédure de nomination ;

–       annuler la décision de rejet litigieuse et la décision de nomination litigieuse ;

–       annuler la décision explicite de rejet de sa réclamation ;

–       condamner la partie défenderesse aux dépens.

16     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours et fixer les dépens conformément à l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal ;

–       à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé, rejeter la demande de mesures d’instruction et statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la demande de non-lieu à statuer

 Arguments des parties

17     La Commission soutient qu’il découle du retrait de l’emploi occupé par M. Naqvi que la demande d’annulation présentée par le requérant est devenue sans objet et que ce dernier n’a plus aucun intérêt à poursuivre la procédure. En effet, en cas d’annulation, le requérant ne pourrait pas obtenir davantage qu’une décision de la Commission de publier à nouveau le poste en cause. Or, une telle décision aurait déjà été prise. De plus, la Commission pourrait même supprimer ledit poste dans le cadre d’une réorganisation des services en raison de son large pouvoir d’appréciation en matière d’organisation interne. La Commission relève au surplus qu’il ressort de la jurisprudence que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l’article 29 du statut (arrêt du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T‑38/89, Rec. p. II‑43, point 15, et la jurisprudence y citée).

18     Le requérant conteste que le retrait de l’emploi occupé par M. Naqvi rende son recours sans objet. Il estime avoir toujours un intérêt à agir en ce que, par le présent recours, il entend faire établir que sa candidature n’a pas fait l’objet d’un examen scrupuleux. Sur la base des critères annoncés dans l’avis de vacance et après comparaison de ses mérites avec ceux de M. Naqvi, il aurait été discriminatoire d’écarter d’emblée la candidature du requérant au profit de celle du candidat finalement retenu. La demande d’annulation est « principalement guidée » par la volonté du requérant d’obtenir réparation du fait qu’il ne lui pas été permis de concourir sur une base équitable, la reconnaissance que son profil répondait mieux aux exigences de l’avis de vacance étant « secondaire ». Le retrait de l’emploi occupé par M. Naqvi n’effacerait pas la discrimination et ne réparerait pas le préjudice subi par le requérant, notamment dans la perspective de la poursuite de sa carrière à la Commission. Dans sa réplique, le requérant ajoute que l’emploi en cause est important et qu’il ne peut être purement et simplement supprimé.

 Appréciation du Tribunal

19     Le Tribunal relève tout d’abord que les observations de la Commission tendant à ce que soit constaté le non-lieu à statuer ne peuvent qu’être écartées comme dépourvues de fondement. En effet, il est constant que la décision de retrait du poste de M. Naqvi a seulement pris effet le 1er avril 2004. Or, s’agissant, d’une part, de la décision de nomination litigieuse, celle-ci a produit ses effets de droit depuis l’entrée en fonctions de M. Naqvi jusqu’à cette date et, s’agissant, d’autre part, de la décision de rejet litigieuse, celle-ci a produit et continue de produire ses effets. Le litige conserve donc son objet.

20     Le Tribunal souligne ensuite qu’il ressort de la jurisprudence qu’un requérant pourrait conserver un intérêt à agir afin d’éviter que l’illégalité alléguée ne se reproduise à l’avenir (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16, et arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Marx Esser et Del Amo Martinez/Parlement, T‑182/94, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1197, point 41). En l’espèce, le requérant relève, notamment, que la manière dont le directeur général a présélectionné les candidats a eu pour résultat que la procédure de nomination a été entachée d’irrégularité (voir points 37 à 39 ci-après). Étant donné qu’il ne saurait être exclu que le directeur général puisse jouer un rôle similaire dans une procédure de nomination ultérieure, le Tribunal considère que le requérant conserve un intérêt à obtenir un jugement concernant la légalité de la procédure en cause afin que l’illégalité alléguée en l’espèce ne se reproduise pas à l’avenir dans le cadre d’une procédure analogue à celle en cause.

21     Il en résulte qu’il convient de rejeter la demande de non-lieu à statuer.

 Sur le fond

22     À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut et le second d’une violation de l’article 7, de l’article 29, paragraphe 1, sous a), et de l’article 45, paragraphe 1, du statut, ainsi que des principes de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement et de vocation à la carrière.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut

 Arguments des parties

23     Le requérant expose que l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour lui permettre de savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée. En l’espèce, cette obligation serait violée en ce que la Commission n’a pas motivé la décision de rejet litigieuse.

24     La réponse à la réclamation n’apporterait aucun élément de motivation et ne répondrait pas au grief du requérant selon lequel sa candidature n’a pas fait l’objet d’un examen scrupuleux. L’administration se limiterait à affirmer que M. Naqvi était « le candidat qui répondait le mieux à l’ensemble des exigences mentionnées dans l’avis de vacance » et n’aurait pas expliqué le rejet de la candidature du requérant. La réponse à la réclamation serait conçue comme si le requérant avait été placé sur la liste restreinte, quod non. En effet, ce dernier ayant pu légitimement s’attendre à être retenu sur cette liste restreinte, puisqu’il l’avait déjà été antérieurement dans le cadre de vacances d’emploi analogues (voir points 42 et 43 ci-après), le respect de l’obligation de motivation serait d’autant plus impératif en l’espèce.

25     Dans sa réplique, le requérant précise que, contrairement à ce que soutient la Commission, il « ne critique pas essentiellement le caractère insuffisant de la motivation ». Il ajoute que « [l’]insuffisance de motivation persiste, malgré les pièces produites […] après l’introduction du présent recours, dans la mesure où les appréciations [concernant M. Naqvi et le requérant] portées par M. Bonacci […] sur [la] base desquelles s’est opérée la première phase de sélection en vue d’un entretien approfondi avec le CCN [dans sa formation] élargi[e] – à tout le moins celles qui concernent M. Naqvi et le requérant – ne sont pas produites ».

26     Quant à l’argument de la Commission selon lequel le requérant connaît le contexte de la procédure en cause, le requérant répond qu’il est en poste loin de Bruxelles et qu’il découle de la confidentialité de la procédure qu’il n’a pas pu connaître l’identité des autres candidats.

27     La Commission estime que le moyen tiré d’un défaut de motivation n’est pas fondé. Elle fait observer, notamment, qu’il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où la décision a été prise dans un contexte connu du requérant, elle ne saurait être entachée d’une absence totale de motivation, mais seulement d’une insuffisance de motivation. De ce fait, une simple insuffisance de la motivation fournie dans la phase précontentieuse, que la Commission conteste en l’espèce, peut être complétée par des précisions complémentaires en cours d’instance (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 37). La Commission avance que le requérant connaissait très bien le contexte en cause, puisqu’il était depuis de longues années fonctionnaire au sein de la DG « Relations extérieures ». Elle prétend qu’il devait connaître les exigences du poste, ainsi que ses concurrents, dont M. Naqvi, et que la discussion qu’il a eue avec le directeur général constituait une occasion d’obtenir des éclaircissements.

 Appréciation du Tribunal

28     Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à celui-ci d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et Morello/Commission, point 27 supra, point 28).

29     Il ressort également de la jurisprudence que, pour juger du caractère suffisant d’une motivation, il y a lieu de la replacer dans le contexte dans lequel s’est inscrite l’adoption de l’acte attaqué (arrêt Morello/Commission, point 27 supra, point 29).

30     L’AIPN n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats évincés et il en va de même en ce qui concerne les décisions de l’AIPN de ne pas retenir une candidature (arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 147, et la jurisprudence y citée). En revanche, l’AIPN est tenue de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation déposée en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat, la motivation de cette décision étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T‑118/95, RecFP p. I‑A‑283 et II‑835, point 82).

31     Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, les promotions et le pourvoi des emplois vacants se faisant au choix, l’AIPN n’est pas tenue de révéler au candidat écarté l’appréciation comparative qu’elle a portée sur lui et sur le candidat retenu pour la promotion, ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l’avis de vacance. Il suffit que la motivation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure (arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, De Hoe/Commission, 151/80, Rec. p. 3161, point 13, et arrêt Contargyris/Conseil, point 30 supra, point 148).

32     En l’espèce, selon la décision portant rejet de la réclamation, l’AIPN a nommé M. Naqvi au poste à pourvoir en raison du fait qu’il était « le candidat qui répondait le mieux à l’ensemble des exigences mentionnées dans l’avis de vacance ». Il s’ensuit que l’AIPN a rejeté les autres candidatures en ce que les candidats en question n’étaient pas ceux qui répondaient le mieux à ces mêmes exigences. Cette motivation permet au lecteur de comprendre le fondement essentiel de la décision de l’AIPN. De plus, la décision portant rejet de la réclamation était suffisamment motivée pour permettre au requérant d’apprécier si les conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure avaient été respectées. En particulier, l’AIPN y explique, dans la partie intitulée « Les faits », les différentes étapes ayant conduit à la nomination de M. Naqvi et le rejet de la candidature du requérant. L’argumentation circonstanciée du requérant dans le cadre du second moyen du présent recours démontre d’ailleurs que la motivation était suffisante pour lui permettre d’attaquer les décisions portant, respectivement, nomination de M. Naqvi et rejet de sa propre candidature.

33     Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’obligation de motivation n’a pas été violée dans les circonstances de l’espèce.

34     La prétendue incohérence entre, d’une part, la décision de retenir le requérant sur la liste restreinte pour un autre poste dans le cadre d’une autre procédure et, d’autre part, la décision de ne pas retenir sa candidature sur la liste restreinte en l’espèce ne concerne pas une prétendue violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 25 du statut, mais le bien-fondé de la décision attaquée (voir points 59 et 60 ci-après). En outre, le requérant n’est pas en droit de prétendre à une motivation accrue en l’espèce du seul fait que sa candidature avait été retenue antérieurement sur la liste restreinte pour un poste analogue.

35     Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, de l’article 29, paragraphe 1, sous a), et de l’article 45, paragraphe 1, du statut, ainsi que d’une violation des principes de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement et de vocation à la carrière

 Arguments des parties

36     Tout d’abord, le requérant rappelle que l’examen des candidatures à la mutation ou à la promotion, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, doit s’effectuer conformément aux dispositions de l’article 45 du statut, qui prévoit expressément un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weissenfels/Parlement, T‑22/92, Rec. p. II‑1095, point 66). L’obligation de procéder à cet examen comparatif serait l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et du principe de leur vocation à la carrière (arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 24).

37     En premier lieu, le requérant avance que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation et une irrégularité de procédure en ce que, d’une part, elle n’a pas examiné scrupuleusement sa candidature et, d’autre part, elle a introduit a posteriori des critères non mentionnés dans l’avis de vacance.

38     Le requérant expose que, selon la réponse à la réclamation, le directeur général a « interviewé tous les candidats et les a classés en deux groupes : d’une part, ceux qui répondaient à la fois aux exigences et aux enjeux du poste considéré et, d’autre part, ceux qui possédaient une expérience approfondie et variée dans les domaines des relations extérieures et de la coopération, mais qui ne réunissaient pas toutes les qualités, compétences ou aptitudes nécessaires pour le poste en question ». Ensuite, le CCN a arrêté une liste de six candidats (voir point 5 ci-dessus). Il y aurait eu ainsi, « dès le départ de la procédure, une discrimination dans l’examen des candidatures, préjudiciable au requérant, dans la mesure où il n’a pas été admis à concourir sur des bases objectives et identiques pour tous les candidats ». Le requérant souligne que l’AIPN a commis une erreur manifeste et grave en ce qu’elle a classé les candidats au regard d’« enjeux » qui ne sont pas définis et qui ne figurent pas dans l’avis de vacance. En s’écartant ainsi de l’avis, l’AIPN serait sortie du cadre de légalité qu’elle s’était elle-même imposé et aurait ajouté des critères en recourant à une « notion éminemment subjective mais, en l’espèce, manifestement déterminante ».

39     Le requérant conteste l’argumentation « purement théorique et gratuite » de la Commission selon laquelle le CCN aurait parfaitement pu ne pas suivre l’avis du directeur général. Il serait difficile de concevoir que le CCN ait pu remettre le nom du requérant sur la liste restreinte, sans même un entretien et en dépit de l’avis négatif du directeur général. Le requérant ajoute que le CCN, dans sa formation élargie, ne lit pas les curriculum vitae de tous les candidats, notamment pas ceux des candidats n’ayant pas recueilli l’avis favorable du directeur général. Dans le cas contraire, la procédure antérieure n’aurait aucune utilité. Il ajoute que le Tribunal devrait relever avec intérêt que la Commission mentionne, dans son mémoire en défense, des « procédures en cascade, dans lesquelles les propositions d’appréciation s’affinent de plus en plus et se concentrent sur un nombre de plus en plus réduit de postulants ». Le requérant doute que la Commission puisse donner un exemple où le CCN, dans sa formation élargie ou non, ait à nouveau placé des candidats sur la liste restreinte contre l’avis du directeur général concerné, au stade de la présélection, dans une situation comparable à celle de l’espèce.

40     Le requérant avance que l’AIPN s’écarte de l’avis de vacance en ce qu’elle affirme, dans la réponse à la réclamation, qu’elle donnera « la préférence au candidat qui démontrera de réelles capacités […] à mener à bien, dans les deux années à venir, la réforme des modes de faire opérationnels du Fonds européen de développement et la réorganisation de la direction [à la] suite [de] la déconcentration vers les délégations ACP et qui devra mobiliser, animer, […] motiver une équipe de plus de 200 personnes au siège et superviser les activités opérationnelles de 44 délégations dans les pays ACP ». Cela démontre, aux yeux du requérant, que l’AIPN, par le biais du directeur général, a classé les candidats au regard d’enjeux qui n’étaient pas définis et qui ne figuraient pas dans l’avis de vacance.

41     Contrairement à ce que soutient la Commission, la notion d’enjeux ne pourrait découler, même implicitement, de l’avis de vacance en ce que, selon une jurisprudence constante, les critères énoncés dans l’avis formeraient le cadre légal strict de la procédure de nomination. En outre, le requérant relève que toute cette argumentation, fondée sur les exigences des réformes à venir et les enjeux du poste, est complètement contredite par l’application de l’article 50 du statut à l’égard de M. Naqvi. Le choix de ce dernier correspondrait à une nomination de complaisance permettant à un fonctionnaire proche de la retraite d’obtenir le grade A 2 et le bénéfice financier non négligeable résultant de l’application de l’article 50 du statut, probablement en récompense de ses bons et loyaux services, mais certainement pas en considération d’un quelconque intérêt du service.

42     Par ailleurs, le requérant fait observer qu’il ressort d’un avis du CCN du 11 février 2002 que sa candidature à un poste directement comparable, à savoir le poste de directeur de la direction D  « Asie » de l’office de coopération EuropeAid (COM/163/01), avait été retenue au niveau de la liste restreinte. Au vu du fait que ce poste était tout à fait semblable à celui en cause en l’espèce, les conditions exigées seraient naturellement quasi identiques. Selon le requérant, le fait que sa candidature au poste de directeur de la direction D « Asie » réunissait pleinement les qualifications requises pour l’emploi en cause doit nécessairement conduire à la conclusion que sa candidature au poste de directeur de la direction C  « ACP » réunissait, elle aussi, toutes les qualifications communes aux deux avis. Dès lors, si le CCN avait examiné sa candidature en l’espèce de manière scrupuleuse, il aurait dû inclure son nom sur la liste restreinte. Le rejet de sa candidature, dès le premier stade de la présélection, établirait l’absence d’examen rigoureux et impartial des candidatures, ou, à tout le moins, l’existence d’une politique arbitraire dans le choix des critères d’appréciation. Bien que la formulation des exigences en ce qui concerne la capacité de gestion soit légèrement différente dans les deux avis, elle ne ferait qu’exprimer l’exigence d’une capacité avérée de gestion de grandes équipes. De plus, la seule exigence requise dans l’avis relatif à la direction C « ACP » ne figurant pas dans l’avis relatif à la direction D « Asie », à savoir l’« aptitude à la définition des priorités », serait implicitement requise par ce dernier avis et le requérant posséderait indéniablement cette aptitude. Il ajoute qu’il avait également été retenu sur la liste restreinte du CCN pour un autre poste similaire, à savoir le poste de grade A 2 de directeur de la direction « Instrument structurel de préadhésion (ISPA) et préparation à l’adhésion » de la DG « Politique régionale ». 

43     En réponse à l’argument de la Commission selon lequel chaque procédure visant à pourvoir à une vacance d’emploi est différente des autres, le requérant fait valoir qu’il n’en demeure pas moins incompréhensible, sauf à conclure à un traitement discriminatoire, que l’évaluation d’un candidat dans le cadre de deux avis de vacance, correspondant à des profils de poste identiques, aboutisse à deux résultats diamétralement opposés, sans même un examen des candidatures par le CCN dans l’un des cas. Contrairement à ce que prétend la Commission, il n’y aurait aucune discrimination des candidats se présentant pour la première fois à un tel poste, dès lors que leur vocation à figurer ou non sur la liste restreinte est définie en fonction de mérites évalués sur la base de critères identiques pour tous. De plus, le critère relatif à l’importance des fonds à gérer ne serait pas pertinent. Dans le cas contraire, il aurait été précisé dans l’avis de vacance.

44     En second lieu, le requérant fait valoir que l’AIPN, dans le cadre de son examen comparatif des mérites des candidats, a commis une erreur manifeste en portant son choix sur un candidat qui ne répondait pas aux conditions exigées par l’avis de vacance ou qui, à tout le moins, a été choisi selon des critères ou appréciations ne figurant pas dans l’avis de vacance. Dès lors, il y aurait lieu d’annuler la nomination de M. Naqvi (arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Giannini/Commission, T‑21/96, RecFP p. I‑A‑69 et II‑211).

45     Le requérant prétend que M. Naqvi (par le passé chef de délégation en Bolivie et chef de délégation en Slovénie) ne pouvait se prévaloir de ses deux précédentes affectations pour affirmer qu’il répondait à l’exigence selon laquelle le candidat devait avoir une « solide expérience de management de personnel, mobilisation et supervision de grandes équipes », puisque les effectifs de ces deux délégations sont assez réduits, à savoir 23 personnes en Bolivie en avril 2002 et 36 personnes en Slovénie en octobre 2002. Quant à l’exigence d’une « aptitude à la définition des priorités », le requérant indique qu’il ne dispose pas d’élément d’appréciation au regard du fait que la réponse de l’AIPN à la réclamation ne contient pas d’informations à ce sujet.

46     Le requérant estime qu’il a un intérêt certain et légitime à voir annuler la décision de nomination de M. Naqvi au poste concerné, car sa formation et son parcours professionnel démontrent qu’il remplissait parfaitement les conditions pour être nommé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, et arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T‑58/91, Rec. p. II‑147). Il soutient que son curriculum vitæ, les rapports de notation dont il a fait l’objet et les lettres de félicitations qui lui ont été adressées attestent à suffisance de droit ses qualités et ses compétences, parfaitement adaptées et correspondant aux exigences posées par l’avis de vacance. Son « expérience de management de personnel, mobilisation et supervision de grandes équipes » serait plus solide sur le plan quantitatif que celle de M. Naqvi.

47     Le requérant soutient que les rapports de notation dont il a fait l’objet au titre des périodes 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 et le rapport d’évaluation de carrière pour la période 2001/2002 le concernant attestent de son aptitude à la définition des priorités. S’agissant des rapports de notation pour la période 1997/1999 et pour la période 1999/2001, il fait observer que, malgré sa demande, la « procédure interne de notation n’a jamais été menée à son terme » et qu’il contestait ces deux rapports.

48     Dans sa réplique, il rappelle en effet que les rapports de notation le concernant pour la période 1997/1999 et pour la période 1999/2001 sont contestés et ne sont donc pas définitifs à ce jour. La comparaison des mérites sur cette base serait donc impossible. En revanche, le rapport portant sur la période 1995/1997 pourrait servir de référence et contiendrait deux notes « excellent » et trois notes « supérieur », à savoir des notes qui ne démériteraient pas par rapport à celles de M. Naqvi, mentionnées par la Commission dans son mémoire en défense. Quant à la remarque faite dans ledit rapport concernant son caractère « impétueux et impulsif », le requérant expose que cela ne l’a pas empêché d’être placé sur les listes restreintes pour les postes susmentionnés.

49     En ce qui concerne les programmes CARDS [Community Assistance for Reconstruction, Democratisation and Stabilisation (assistance communautaire pour la reconstruction, la démocratisation et la stabilisation)] engagés au titre des années 2002 et 2003, l’interprétation que la Commission voudrait donner à l’autoévaluation du requérant pour la période 2001/2002, à savoir que des difficultés de gestion lui étaient imputables, ne serait pas objective et déformerait les propos du requérant. En effet, ce dernier aurait écrit que, malgré les contraintes évoquées, des résultats satisfaisants avaient pu être atteints. Le requérant fait observer que la note de M. Bonacci du 3 juillet 2002, invoquée par la Commission à cet égard, est la réponse de ce dernier à la note du 28 juin 2002 dans laquelle le requérant faisait état de difficultés administratives justifiant la demande d’octroi d’une subdélégation directe pour la gestion du programme, et non pas la suspension de la subdélégation.

50     La Commission rejette le bien-fondé du second moyen. Elle fait valoir, notamment, que, selon la jurisprudence, il lui incombe uniquement de justifier que le candidat choisi remplissait les conditions posées par l’avis de vacance et non que le requérant n’avait pas de mérites supérieurs. L’argumentation du requérant selon laquelle il remplirait mieux que M. Naqvi les exigences de l’avis de vacance serait donc dépourvue de toute pertinence pour l’appréciation de la validité de la procédure. La Commission estime que, en conséquence, la régularité de la procédure est établie, tout comme l’adéquation des capacités et aptitudes de M. Naqvi avec les exigences de l’avis de vacance, à la différence d’une semblable adéquation concernant le requérant. La Commission invoque le curriculum vitae de M. Naqvi, ainsi que sa fiche d’évaluation après entretien avec le CCN et les rapports de notation le concernant pour la période 1997/1999 et pour la période 1999/2001, pour démontrer que sa candidature fait apparaître une parfaite adéquation avec les exigences de l’avis de vacance.

 Appréciation du Tribunal

51     À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose, en particulier lorsque le poste à pourvoir est de grade A 1 ou A 2, d’un large pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats à un tel poste. L’exercice de ce large pouvoir d’appréciation suppose, toutefois, un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l’avis de vacance, de sorte que l’AIPN est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L’avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l’AIPN s’impose à elle-même et qu’elle doit respecter rigoureusement (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Tilgenkamp/Commission, T‑158/01, RecFP p. I‑A‑111 et II‑595, points 50 et 51, et la jurisprudence y citée).

52     En premier lieu, le requérant fait valoir que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation et une irrégularité de procédure, en ce que, d’une part, sa candidature n’a pas fait l’objet d’un examen scrupuleux et, d’autre part, l’AIPN a introduit a posteriori des critères non mentionnés dans l’avis de vacance.

53     Il convient de constater d’emblée que, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’y a pas eu d’irrégularité en ce qui concerne le rôle du directeur général dans la procédure. En principe, l’intervention du directeur général responsable du secteur dont relève le poste à pourvoir participe de la procédure de comparaison effective et suffisante des mérites des candidats (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T‑159/96, RecFP p. I‑A‑193 et II‑593, point 58, et Morello/Commission, point 27 supra, point 78). En outre, dans le cas d’espèce, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique, avait une connaissance approfondie de la nature ainsi que des exigences de l’emploi de grade A 2 en cause et connaissait personnellement tous les candidats. Il s’ensuit qu’il était particulièrement bien placé pour évaluer, d’une part, si ceux-ci remplissaient les conditions formelles en vue de l’obtention du poste et, d’autre part, s’ils avaient les aptitudes requises pour accomplir les tâches en cause et répondre aux exigences générales du poste. Ainsi, même si, conformément à l’article 1er de la décision portant création du CCN, ce dernier est responsable de la première phase des processus d’évaluation et d’entretien des candidats, la participation du directeur général à ces processus ne constitue pas en soi une irrégularité. Il convient de relever, à cet égard, que, en vertu de la décision qui le crée, le CCN n’était pas obligé de s’entretenir avec tous les candidats en cause. En effet, il ressort de l’article 12 de la décision portant création du CCN que ce dernier doit adopter les mesures pratiques de mise en œuvre de ladite décision. Le Tribunal considère que ces mesures peuvent comprendre, le cas échéant, une « habilitation » du directeur général aux fins de procéder à une présélection des candidats, ce qui n’altère pas l’indépendance du CCN pour adopter son propre avis.

54     De plus, bien qu’il ait « pris connaissance » des appréciations du directeur général, il ne ressort nullement de l’avis préalable du 2 décembre 2002 que le CCN se soit considéré comme lié par les appréciations en cause. À l’inverse, le CCN fait observer qu’il a examiné la candidature de chaque candidat. Il s’ensuit que la procédure ne peut pas être considérée comme irrégulière et qu’elle n’a pas abouti à une discrimination préjudiciable au requérant.

55     Le requérant soutient que l’utilisation du terme « enjeux » dans la décision de rejet de sa réclamation (voir point 38 ci-dessus) indique que le directeur général a utilisé des critères non prévus dans l’avis de vacance. En fait, cette référence trouve ses origines dans la note du directeur général du 18 novembre 2002 (voir point 4 ci-dessus). Le Tribunal considère que la signification de cette expression ne saurait être exagérée. M. Bonacci a exprimé son évaluation des six candidats du premier groupe dans les termes suivants : « [J]e considère [qu’ils sont] aptes à exercer les fonctions du poste en objet [… et … qu’ils] répondent à la fois aux exigences et aux enjeux du poste […] » Il s’agit, en effet, de l’expression d’une opinion quant aux qualités personnelles des candidats en question dans le contexte de la nature du poste concerné, et non de l’introduction d’un critère nouveau.

56     Le requérant relève que l’AIPN s’écarte de l’avis de vacance en ce qu’elle affirme dans la réponse à la réclamation qu’elle donnera « la préférence au candidat qui démontrera de réelles capacités […] à mener à bien, dans les deux années à venir, la réforme des modes de faire opérationnels du Fonds européen de développement et la réorganisation de la direction [à la] suite [de] la déconcentration vers les délégations ACP et qui devra mobiliser, animer, […] motiver une équipe de plus de 200 personnes au siège et superviser les activités opérationnelles de 44 délégations dans les pays ACP ».

57     Cet argument ne saurait être retenu. En ce qui concerne la réforme des modes de faire opérationnels du Fonds européen de développement et la réorganisation de la direction, il convient de soulever que, selon l’avis de vacance, le directeur devait agir comme suit :

« [Le directeur doit] assurer la responsabilité d’ordonnateur subdélégué pour les actions de coopération communautaire en faveur des pays ACP, financés par le Fonds [européen] de développement […] et certaines lignes budgétaires d’un montant annuel d’environ deux milliards d’euros (EDF) et 170 millions d’euros (budget). Dans ce contexte, le directeur sera chargé d’assurer la gestion efficace et efficiente des projets et programmes tout au long du cycle opérationnel, depuis l’identification jusqu’à l’évaluation finale, ainsi que de préparer et superviser le processus de déconcentration de la gestion vers les délégations des pays ACP. »

58     Le Tribunal considère que l’exigence selon laquelle les candidats devaient avoir la capacité de mener à bien la réforme ressort donc clairement de cette partie descriptive des tâches dans l’avis de vacance (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Mancini/Commission, T‑137/03, non encore publié au Recueil, point 94). Quant à l’exigence selon laquelle le directeur devra mobiliser, animer et motiver une grande équipe, celle-ci est également prévue par le deuxième paragraphe de l’avis de vacance. En tout état de cause, cette exigence doit être considérée comme inhérente à tout emploi de grade A 2.

59     Par ailleurs, le requérant relève qu’il avait antérieurement figuré sur les listes restreintes établies en vue de pourvoir deux postes publiés dans des procédures distinctes, y compris un poste qui était analogue à celui du cas d’espèce, à savoir le poste de directeur de la direction D « Asie » de l’office de coopération EuropeAid. Au vu de la similarité des postes en cause, le requérant expose que le rejet de sa candidature, en l’espèce, dès le premier stade de la présélection, est une indication de l’absence d’examen rigoureux et impartial des candidatures et d’une erreur manifeste d’appréciation.

60     Le Tribunal considère que le seul fait pour le requérant d’avoir été retenu sur des listes restreintes dans le cadre de procédures analogues antérieures ne peut pas constituer en soi une présomption, et certainement pas la preuve, de l’absence d’examen scrupuleux des candidatures. Il convient de souligner que toute procédure de nomination entraîne une comparaison des mérites de chaque candidat. La préparation d’une liste restreinte implique une comparaison des mérites spécifiques des candidats à un moment donné. Même si les qualifications et capacités d’un candidat particulier ne changent pas au cours de la période séparant l’établissement de deux listes restreintes distinctes, la perception des compétences en cause peut évoluer et, ainsi, la qualité de certaines candidatures peut s’en trouver soulignée, comme l’intérêt présenté par de nouvelles candidatures se révéler. Le seul fait d’avoir figuré sur une liste restreinte établie dans le cadre d’une autre procédure ne constitue donc aucunement une garantie quant à l’issue de la procédure de comparaison des mérites dans le cadre d’une procédure de vacance de poste ultérieure. Il s’ensuit que cet argument doit également être rejeté.

61     En deuxième lieu, le requérant expose que l’AIPN, dans le cadre de son examen comparatif des mérites des candidats, a commis une erreur manifeste en portant son choix sur un candidat qui ne répondait pas aux conditions exigées par l’avis de vacance ou qui, à tout le moins, a été choisi en relation avec des critères ou appréciations ne figurant pas dans l’avis de vacance, alors que le requérant remplissait parfaitement les conditions pour être nommé.

62     Il est de jurisprudence constante qu’en vue de contrôler si l’AIPN n’a pas dépassé les limites du cadre légal prévu par l’avis de vacance et a ainsi agi dans le seul intérêt du service au sens de l’article 7 du statut, il appartient au Tribunal de prendre d’abord connaissance des conditions requises pour le pourvoi du poste vacant, puis de vérifier si le candidat choisi par l’AIPN pour occuper l’emploi vacant satisfaisait effectivement à ces conditions. Un tel examen n’implique pas que le Tribunal substitue sa propre appréciation des qualifications respectives des candidats à celle de l’AIPN. Il doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu guider l’administration dans son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. L’appréciation de l’AIPN ne saurait être mise en cause qu’en cas d’erreur manifeste (arrêt Tilgenkamp/Commission, point 51 supra, points 52 et 53, et la jurisprudence y citée).

63     Il ressort du dossier que M. Naqvi satisfaisait effectivement à l’ensemble des conditions requises par l’avis de vacance.

64     S’agissant de la condition relative à l’« expérience confirmée dans le domaine des relations extérieures et, en particulier, une bonne connaissance et expérience de la coopération au développement, ainsi qu’une capacité confirmée de négociation », il y a lieu de constater que, ainsi que cela résulte de son curriculum vitae, M. Naqvi a occupé, depuis 1976, des postes dans lesquels il a acquis l’expérience requise en matière de relations extérieures et de coopération au développement, notamment lorsqu’il était chef de délégation en Bolivie (entre 1999 et 2003), chef de délégation en Slovénie (entre 1995 et 1999) et chef d’unité responsable du programme PHARE (entre 1989 et 1995). En effet, selon la fiche d’évaluation établie après l’entretien avec le CCN (ci-après la « fiche d’évaluation »), M. Naqvi a une « [e]xcellente connaissance du domaine en relation avec les fonctions à exercer » et une « [e]xpérience étendue dans le domaine, tant au siège qu’en délégation ». Les rapports de notation dont il a fait l’objet confirment cette expérience. Il y a lieu d’ajouter que, selon le rapport de notation pour la période 1997/1999, M. Naqvi a reçu une appréciation « supérieur » pour son jugement et, le cas échéant, sa capacité de négociation. Dans le rapport de notation pour la période 1999/2001, il a reçu une appréciation « normal » à cet égard (il a été noté que la baisse apparente de l’appréciation analytique était due au changement des critères utilisés).

65     Quant à la condition relative à la possession d’« [u]ne solide expérience de management de personnel, [d’]une capacité confirmée de gestion, mobilisation et [de] supervision de grandes équipes », contrairement à ce que soutient le requérant, l’AIPN n’a pas fait d’erreur en concluant que M. Naqvi y satisfaisait. Il ressort de sa fiche d’évaluation que M. Naqvi « [a] une expérience confirmée du management acquise en tant que chef d’unité et comme chef de délégation » et qu’il « semble capable de motiver et de stimuler une équipe ». Les rapports de notation de M. Naqvi pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 confirment clairement son expérience du management et sa capacité de gestion. Au vu de l’expérience ainsi acquise, corroborée par l’évaluation des capacités de M. Naqvi, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation.

66     En ce qui concerne le critère de l’« aptitude à la définition des priorités et [à la] communication », il ressort de sa fiche d’évaluation que M. Naqvi est tout à fait apte à communiquer. De plus, les rapports de notation le concernant font état de notes élevées pour sa capacité à définir et à respecter des priorités.

67     Comme cela a été relevé au point 64 ci-dessus, M. Naqvi a acquis une « expérience en délégation ». Il ressort également de sa fiche d’évaluation et des rapports de notation dont il a fait l’objet que M. Naqvi satisfaisait à la condition relative à la capacité de « s’exprimer tant oralement que par écrit en français et en anglais ».

68     Plus généralement, il y a lieu d’observer que les appréciations contenues dans les rapports de notation le concernant démontrent que M. Naqvi était un fonctionnaire très compétent.

69     Le requérant prétend par ailleurs que le choix de M. Naqvi a constitué une « nomination de complaisance ». Il sous-entend que, même si M. Naqvi répondait aux exigences du poste en cause, sa nomination avait uniquement pour but de lui permettre d’obtenir le grade A 2 et de bénéficier ensuite des avantages financiers non négligeables liés à l’application de l’article 50 du statut.

70     Le requérant n’a nullement démontré que le choix de M. Naqvi ait constitué une « nomination de complaisance ». Accueillir son argument reviendrait à constater que le candidat le mieux placé ne saurait être nommé du seul fait qu’il approche de l’âge de la retraite. En tout état de cause, M. Naqvi n’avait que 59 ans au moment de la décision de nomination litigieuse et était susceptible d’exercer son emploi jusqu’à l’âge de 65 ans.

71     Le requérant a suggéré, lors de l’audience, que, contrairement à ce que soutient l’AIPN dans la réponse à sa réclamation (voir point 56 ci-dessus), M. Naqvi n’était pas qualifié pour mener à bien les réformes dans les deux ans suivant sa nomination en ce qu’il a été mis à la retraite 14 mois après ladite nomination. Il doit être rappelé, à cet égard, que la légalité de l’acte individuel attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, point 87). Il s’ensuit que le fait que M. Naqvi a été mis à la retraite 14 mois après sa nomination ne peut affecter la légalité de sa nomination, intervenue en janvier 2003, alors qu’il avait 59 ans et pouvait, en principe, exercer cet emploi jusqu’à l’âge de 65 ans.

72     Ensuite, il y a lieu d’examiner si, eu égard aux aptitudes du requérant, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en lui préférant M. Naqvi. Il convient de souligner à cet égard que le requérant n’a même pas passé la première phase de sélection.

73     Certes, le requérant a acquis une expérience importante dans le domaine des relations extérieures. Ses mérites à cet égard ne sont pas contestés par la Commission.

74     Cependant, le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats, que d’autres fonctionnaires aient des mérites supérieurs. En particulier, il a été jugé que, pour un candidat, ni le fait d’avoir assuré l’intérim dans l’emploi concerné ni une longue période de service dans le grade inférieur ne constituent des éléments d’appréciation décisifs pouvant l’emporter sur l’intérêt du service, qui constitue le critère déterminant pour le choix parmi les candidats à une promotion ou au pourvoi d’un emploi vacant (arrêt Morello/Commission, point 27 supra, point 102).

75     Quant à son argument selon lequel son expérience du management était meilleure que celle de M. Naqvi en ce que ce dernier a été le chef de délégations comportant des effectifs moins importants que ceux dirigés par le requérant (voir points 45 et 46 ci-dessus), le Tribunal considère que cette différence n’est pas déterminante. La seule taille d’une équipe n’implique rien en soi en ce qui concerne les compétences et l’expérience en matière de management des chefs d’équipe.

76     Plus généralement, le requérant ne démontre pas qu’il aurait dû être nommé au lieu de M. Naqvi.

77     Enfin, le requérant a fait observer que les rapports de notation le concernant pour la période de référence 1997/1999 et 1999/2001 n’étaient pas définitifs au moment de la procédure de nomination. Lors de l’audience, il a fait valoir que leur absence constituait une irrégularité en ce que la Commission n’avait pas pu apprécier en toute connaissance de cause sa candidature.

78     La question de la concordance entre la réclamation et le recours étant d’ordre public, le Tribunal peut la soulever de lui-même (arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, point 8, et du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 25).

79     Dans les recours intentés par des fonctionnaires, les conclusions présentées devant le Tribunal ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation et ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation, même si ces chefs de contestation peuvent, devant le Tribunal, être développés par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec. p. 2181, point 9, et du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 10 ; arrêt Alexandrakis/Commission, point 78 supra, points 8 à 10).

80     En effet, la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut a pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration. Pour qu’une telle procédure puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139 ; du 17 février 1977, Reinarz/Commission et Conseil, 48/76, Rec. p. 291, et du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9).

81     La réclamation ne comporte manifestement aucune indication qui ait pu permettre à l’AIPN de discerner, directement ou indirectement, un grief tiré de l’absence des rapports de notation en cause. De plus, dans sa requête, le requérant a seulement fait observer que ces rapports n’étaient pas définitifs.

82     Ainsi, le grief relatif à l’absence des rapports de notation pour la période de référence 1997/1999 et 1999/2001 n’ayant pas été invoqué dans la réclamation, il doit être rejeté comme irrecevable.

83     Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen n’est pas fondé et, par suite, doit être rejeté.

 Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

84     Le requérant invite le Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction, à ordonner à la Commission de produire « les documents de la procédure de nomination ». Dans sa réplique, le requérant admet que cette demande est partiellement satisfaite par le fait que la Commission a produit certains documents en annexe à son mémoire en défense. Toutefois, il relève que sont encore manquantes les appréciations portées par M. Bonacci, sur la base desquelles s’est opérée la première phase de sélection en vue d’un entretien approfondi avec le CCN dans sa formation élargie, à tout le moins celles qui concernent M. Naqvi et le requérant.

85     La Commission indique qu’elle a produit en annexe au mémoire en défense des documents pertinents et, pour le surplus, que la demande est trop vague et générale.

86     Il suffit de constater, à cet égard, que le Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à produire les appréciations pertinentes de M. Bonacci et que la Commission a déféré à cette demande.

87     Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

88     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (première chambre)


déclare et arrête :


1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Labucka


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2005.


Le greffier

 

Le président


H. Jung

 

J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.