Language of document : ECLI:EU:T:2005:271

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
5 juillet 2005


Affaire T-370/03


Jacques Wunenburger

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Poste de directeur au sein de l’office de coopération de la Commission EuropeAid – Avis de vacance – Rejet de candidature – Recours en annulation – Intérêt à agir – Motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Objet :         Recours ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission de ne pas nommer le requérant au poste de directeur de la direction « Afrique, Caraïbes, Pacifique » de l’office de coopération EuropeAid et, d’autre part, de la décision de nommer un autre candidat audit poste.

Décision :         Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Recours dirigé contre le rejet d’une candidature à un emploi vacant – Retrait ultérieur de l’emploi du fonctionnaire nommé – Recevabilité

2.      Fonctionnaires – Décision faisant grief – Rejet d’une candidature – Obligation de motivation au plus tard au stade du rejet de la réclamation – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 2)

3.      Fonctionnaires – Vacance d’emploi – Examen comparatif des mérites des candidats – Emplois de grade A 1 ou A 2 – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Limites – Respect des conditions posées par l’avis de vacance – Contrôle juridictionnel – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 7 et 29, § 1)

4.      Fonctionnaires – Vacance d’emploi – Examen comparatif des mérites des candidats – Fait, pour un candidat, d’avoir figuré sur la liste restreinte dans le cadre de procédures analogues antérieures – Défaut de pertinence

5.      Fonctionnaires – Vacance d’emploi – Examen comparatif des mérites – Critères – Intérêt du service – Fait, pour un candidat, d’avoir assuré l’intérim de l’emploi ou d’avoir une longue expérience dans le grade inférieur – Absence d’incidence

6.      Fonctionnaires – Recours – Réclamation administrative préalable – Identité d’objet et de cause – Moyens et arguments ne figurant pas dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement – Recevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 90)


1.      Le fait que le fonctionnaire nommé à un emploi vacant a fait, ultérieurement, l’objet d’un retrait d’emploi ne saurait faire disparaître l’intérêt à agir d’un fonctionnaire dont la candidature audit emploi n’avait pas été retenue, dès lors, d’une part, que la nomination qu’il conteste a produit ses effets jusqu’au retrait d’emploi et que le rejet de sa candidature continue à produire les siens et, d’autre part, que l’intéressé conserve un intérêt à obtenir un jugement concernant la légalité de la procédure de nomination, afin que l’illégalité alléguée ne se reproduise pas à l’avenir, dans le cadre d’une procédure analogue à celle en cause.

(voir points 19 et 20)

Référence à : Cour 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16 ; Tribunal 24 septembre 1996, Marx Esser et Del Amo Martínez/Parlement, T‑182/94, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1197, point 41


2.      L’autorité investie du pouvoir de nomination n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats évincés et il en va de même en ce qui concerne les décisions de ladite autorité de ne pas retenir une candidature. En revanche, elle est tenue de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation déposée par un candidat en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, la motivation de cette décision étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée.

Les promotions et le pourvoi des emplois vacants se faisant au choix, l’autorité investie du pouvoir de nomination n’est pas tenue de révéler au candidat écarté l’appréciation comparative qu’elle a portée sur lui et sur le candidat retenu pour la promotion ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l’avis de vacance. Il suffit que la motivation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure.

(voir points 30 et 31)

Référence à : Cour 17 décembre 1981, De Hoe/Commission, 151/80, Rec. p. 3161, point 13 ; Tribunal 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T‑118/95, RecFP p. I‑A‑283 et II‑835, point 82 ; Tribunal 29 mai 1997, Contargyis/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 147, et la jurisprudence y citée, et point 148


3.      L’autorité investie du pouvoir de nomination dispose, en particulier lorsque l’emploi à pourvoir est de grade A 1 ou A 2, d’un large pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats à un tel emploi. L’exercice de ce large pouvoir d’appréciation suppose toutefois un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l’avis de vacance, de sorte que ladite autorité est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L’avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l’autorité investie du pouvoir de nomination s’impose à elle‑même et qu’elle doit respecter rigoureusement.

En vue de contrôler si l’autorité investie du pouvoir de nomination n’a pas dépassé les limites du cadre légal prévu par l’avis de vacance et a ainsi agi dans le seul intérêt du service au sens de l’article 7 du statut, il appartient au Tribunal de prendre d’abord connaissance des conditions requises pour le pourvoi de l’emploi vacant, puis de vérifier si le candidat choisi par ladite autorité pour l’occuper satisfaisait effectivement à ces conditions. Un tel examen n’implique pas que le Tribunal substitue sa propre appréciation des qualifications respectives des candidats à celle de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Il doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu guider l’administration dans son appréciation, celle‑ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. L’appréciation de ladite autorité ne saurait être mise en cause qu’en cas d’erreur manifeste.

(voir points 51 et 62)

Référence à : Tribunal 9 juillet 2002, Tilgenkamp/Commission, T‑158/01, RecFP p. I‑A‑111 et II‑595, points 50 à 53, et la jurisprudence y citée


4.      Le seul fait, pour un candidat à un emploi vacant, d’avoir été retenu sur des listes restreintes dans le cadre de procédures analogues antérieures ne peut pas constituer, en soi, une présomption, et certainement pas la preuve, de l’absence d’examen scrupuleux des candidatures dans le cadre d’une procédure de nomination. Toute procédure de nomination entraîne une comparaison des mérites de chaque candidat. La préparation d’une liste restreinte implique une comparaison des mérites spécifiques des candidats à un moment donné. Même si les qualifications et capacités d’un candidat particulier ne changent pas au cours de la période séparant l’établissement de deux listes restreintes distinctes, la perception des compétences en cause peut évoluer et, ainsi, la qualité de certaines candidatures peut s’en trouver soulignée, comme l’intérêt présenté par de nouvelles candidatures se révéler. Le seul fait d’avoir figuré sur une liste restreinte établie dans le cadre d’une autre procédure ne constitue donc aucunement une garantie quant à l’issue de la procédure de comparaison des mérites dans le cadre d’une procédure de vacance d’emploi ultérieure.

(voir point 60)


5.      Le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats, que d’autres fonctionnaires aient des mérites supérieurs. Ni le fait d’avoir assuré l’intérim dans l’emploi concerné ni une longue période de service dans le grade inférieur ne constituent des éléments d’appréciation décisifs pouvant l’emporter sur l’intérêt du service, qui constitue le critère déterminant pour le choix parmi les candidats à une promotion ou au pourvoi d’un emploi vacant.

(voir point 74)

Référence à : Tribunal 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 102


6.      Dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le Tribunal ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation et ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation, même si ces chefs de contestation peuvent, devant le Tribunal, être développés par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement. En effet, la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut a pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration. Pour qu’une telle procédure puisse atteindre son objectif, il faut que l’autorité investie du pouvoir de nomination soit en mesure de connaître, de façon suffisamment précise, les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée.

(voir points 79 et 80)

Référence à : Cour 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139 ; Cour 17 février 1977, Reinarz/Commission et Conseil, 48/76, Rec. p. 291 ; Cour 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec. p. 2181, point 9 ; Cour 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 10 ; Cour 14 mars 1989, Del Amo Martínez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9 ; Tribunal 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, points 8 à 10