Language of document : ECLI:EU:T:2019:349

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 mai 2019 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Mesures mises à exécution par l’Allemagne en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn – Décision déclarant les aides pour partie compatibles avec le marché intérieur – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Aide indirecte – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑764/15,

Deutsche Lufthansa AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me A. Martin-Ehlers, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche, Mmes K. Herrmann et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Land Rheinland-Pfalz (Allemagne), représenté par M. C. Koenig, professeur,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/788 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.32833 (11/C) (ex 11/NN) mise à exécution par l’Allemagne concernant les modalités de financement de l’aéroport de Francfort-Hahn mises en place de 2009 à 2011 (JO 2016, L 134, p. 1),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Deutsche Lufthansa AG, est une compagnie aérienne établie en Allemagne, dont l’activité principale est le transport de passagers. Son premier aéroport de base est celui de Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

2        Ryanair Ltd est une compagnie aérienne irlandaise à bas coût qui utilise les installations de l’aéroport de Francfort-Hahn (Allemagne).

3        L’aéroport de Francfort-Hahn est situé sur le territoire du Land Rheinland-Pfalz (Land de Rhénanie-Palatinat, Allemagne), à environ 120 kilomètres de la ville de Francfort-sur-le-Main et à 115 km de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main. Le site sur lequel est implanté l’aéroport de Francfort-Hahn abritait une base militaire jusqu’en 1992. Cette base a par la suite été transformée en aéroport civil.

4        À partir du 1er janvier 1998, l’exploitation de l’aéroport de Francfort-Hahn a été confiée à Flughafen Frankfurt Hahn GmbH (ci-après « FFHG » ou l’« aéroport de Francfort-Hahn ») dont le capital était détenu, d’une part, par Flughafen Frankfurt/Main GmbH, l’exploitant de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, comme actionnaire majoritaire, et, d’autre part, par le Land Rheinland-Pfalz (ci-après l’« intervenant » ou le « Land Rheinland-Pfalz »). Le 31 décembre 2008, Flughafen Frankfurt/Main a vendu toutes ses parts dans FFHG au Land Rheinland-Pfalz qui, jusqu’en 2017, détenait une participation majoritaire de 82,5 %, les 17,5 % restants étant détenus par le Land Hessen (Land de Hesse, Allemagne), entré dans le capital de FFHG en 2002.

5        Depuis le 19 février 2009, FFHG fait partie du pool de trésorerie du Land Rheinland-Pfalz. Ce pool est un système qui a pour but d’optimiser l’utilisation de l’excédent de trésorerie des différentes holdings, fondations et entreprises publiques de ce Land. En vertu de cette participation, FFHG a bénéficié d’une ligne de crédit à hauteur de 45 millions d’euros. Il s’agit de la première mesure examinée dans la décision (UE) 2016/788 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.32833 (11/C) (ex 11/NN) mise à exécution par l’Allemagne concernant les modalités de financement de l’aéroport de Francfort-Hahn mises en place de 2009 à 2011 (JO 2016, L 134, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

6        FFHG a également obtenu, en 2009, cinq prêts de l’Investitions‑ und Strukturbank du Land Rheinland-Pfalz (ci-après l’« ISB »). Il s’agit de la deuxième mesure examinée par la décision attaquée.

7        Les prêts consentis par l’ISB ont enfin été garantis à 100 % par le Land Rheinland-Pfalz. Il s’agit de la troisième mesure examinée par la décision attaquée.

8        Par lettre du 17 juin 2008, la Commission des Communautés européennes a informé la République fédérale d’Allemagne de sa décision d’ouvrir une première procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le financement de FFHG et ses relations financières avec notamment Ryanair. Cette affaire a été enregistrée sous la référence SA.21121 et portait sur douze mesures, dont sept au profit de FFHG et cinq qui concernaient Ryanair ainsi que d’autres compagnies aériennes pour certaines de ces mesures (ci-après la « procédure Hahn I »). Cette procédure a abouti à la décision (UE) 2016/789 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.21121 (C 29/08) (ex NN 54/07) mise à exécution par l’Allemagne concernant le financement de l’aéroport de Francfort-Hahn et les relations financières entre l’aéroport et Ryanair (JO 2016, L 134, p. 46, ci-après la « décision Hahn I »). Cette décision fait l’objet du recours Deutsche Lufthansa/Commission, enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑492/15.

9        Entretemps, par lettre du 13 juillet 2011, la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne une deuxième décision d’ouvrir une procédure formelle d’examen concernant une aide d’État présumée en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn consistant dans les trois mesures mentionnées aux points 5 à 7 ci-dessus (ci-après les « mesures litigieuses »). Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 juillet 2012 (JO 2012, C 216, p. 1, ci-après la « procédure Hahn II »).

10      Dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, estimé que constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, premièrement, la ligne de crédit mise à la disposition de FFHG à partir du pool de trésorerie du Land Rheinland-Pfalz , deuxièmement, les prêts nos 2 et 5 d’ISB et, troisièmement, la garantie émise par le Land Rheinland-Pfalz afin de couvrir 100 % du solde restant dû des prêts d’ISB . La Commission a, ensuite, considéré que les prêts nos 1, 3 et 4 d’ISB ne constituaient pas des aides d’État.

11      Outre la décision Hahn I citée au point 8 ci-dessus et la décision attaquée, la Commission a adopté, le 31 juillet 2017, la décision C(2017)5289 relative à l’aide d’État SA.47969, mise à exécution par l’Allemagne concernant une aide au fonctionnement en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn (JO 2018, C 121, p. 9, ci-après la « décision Hahn III »). Cette décision fait l’objet du recours enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑218/18. Enfin, la Commission a ouvert une procédure fondée sur une plainte de la requérante déposée en 2015 et enregistrée sous la référence SA.43260 et étendue à plusieurs reprises pour viser quatorze autres mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn et de Ryanair (ci-après la « procédure Hahn IV »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2015, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2016, le Land Rheinland-Pfalz a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

14      Le 11 mars 2016, la Commission a déposé, par un acte séparé, une exception d’irrecevabilité et la requérante a présenté ses observations sur celle-ci le 31 mai suivant.

15      Le 15 avril 2016, la composition du Tribunal ayant été modifiée, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, qui a été affecté à la première chambre.

16      Le 6 octobre 2016, la composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Par acte déposé le 12 avril 2017, la requérante a soulevé un nouveau moyen et déposé deux nouveaux éléments de preuve référencés K 51 et K 52.

18      Par acte déposé le 21 juin 2017, la requérante a déposé deux autres nouveaux éléments de preuve, référencés K 53 et K 54.

19      Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 5 septembre 2017, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

20      Le 20 septembre 2017, la Commission a présenté ses observations sur le nouveau moyen et les preuves nouvelles déposés par la requérante.

21      Le 16 octobre 2017, la Commission a déposé son mémoire en défense.

22      Le 22 novembre 2017, le Tribunal (quatrième chambre) a adressé à la Commission une mesure d’organisation de la procédure portant sur les annexes à ses observations sur le nouveau moyen et les nouvelles preuves de la requérante. La Commission a répondu à cette mesure le 8 décembre suivant.

23      Par ordonnance du 14 décembre 2017, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑764/15, non publiée, EU:T:2017:933), le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention du Land Rheinland-Pfalz, les parties ayant été entendues.

24      Le 5 janvier 2018, la requérante a déposé une réplique.

25      Le 12 mars 2018, la Commission a déposé une duplique.

26      Par lettre du 27 août 2018, la requérante a déposé deux documents, l’un qu’elle a qualifié de « mémoire d’observations écrites », l’autre qu’elle a désigné par la référence K 55, et en a demandé le traitement confidentiel.

27      Par ordonnance du 24 septembre 2018, le président de la quatrième chambre du Tribunal a réservé la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

28      Le Land Rheinland-Pfalz a déposé ses observations sur la demande de traitement confidentiel et sur les deux documents mentionnés au point 26 ci-dessus le 3 octobre 2018. La Commission a déposé ses observations le 12 octobre suivant.

29      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité, d’ordonner la poursuite de la procédure et de faire droit au recours.

32      Dans son mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou tout au moins rejeter le moyen nouveau présenté le 12 avril 2017 et les nouveaux éléments de preuve ou encore ordonner leur retrait du dossier de la procédure ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le moyen nouveau présenté le 12 avril 2017 et les nouveaux éléments de preuve comme tardifs ou encore ordonner leur retrait du dossier de la procédure ;

–        condamner la requérante aux dépens.

34      Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        révoquer l’autorisation donnée au Land Rheinland-Pfalz d’intervenir dans le présent litige ;

–        retirer du dossier de la procédure le mémoire en intervention.

35      Dans ses observations du 3 octobre 2018 sur les pièces déposées par la requérante le 27 août 2018, l’intervenant conclut ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de confidentialité ;

–        rejeter les preuves et retirer du dossier le « mémoire d’observations écrites » ;

–        condamner en tout état de cause la requérante aux dépens encourus à la suite du dépôt de ces pièces ;

–        rejeter le recours comme irrecevable.

36      Dans ses observations du 12 octobre 2018 sur les pièces déposées par la requérante le 27 août 2018, la Commission conclut ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les nouveaux éléments de preuve comme tardifs ;

–        retirer du dossier le « mémoire d’observations écrites » et la pièce K 55 ;

–        à titre subsidiaire, rejeter les moyens contenus dans le « mémoire d’observations écrites » comme tardifs et, partant, comme irrecevables ou, à titre plus subsidiaire encore, comme étant non fondés ;

–        en toute hypothèse, condamner la requérante aux dépens, ainsi qu’aux frais de procédure occasionnés par le dépôt des pièces susmentionnées.

 En droit

 Sur la procédure

 Sur la possibilité de statuer par voie d’ordonnance

37      Bien que le Tribunal ait décidé, par ordonnance du 5 septembre 2017, de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité de la Commission, celui-ci s’estime désormais suffisamment informé par l’échange de mémoires pour statuer par voie d’ordonnance sur cette exception.

38      En effet, aux termes de l’article 130, paragraphe 6, du règlement de procédure, la procédure à la suite du dépôt d’une exception d’irrecevabilité ne comporte une phase orale que si le Tribunal le décide. En outre, selon la jurisprudence, la possibilité de rejeter un recours comme irrecevable par ordonnance motivée, et donc sans tenir d’audience, n’est pas exclue par le fait que le Tribunal ait auparavant adopté une ordonnance (voir point 19 ci-dessus) joignant au fond une exception présentée sur le fondement de l’article 130 du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du 19 février 2008, Tokai Europe/Commission, C‑262/07 P, non publiée, EU:C:2008:95, points 26 à 28).

 Sur l’intervention du Land Rheinland-Pfalz

39      La requérante fait valoir, dans ses observations sur le mémoire de l’intervenant, que les motifs initialement avancés par le Land Rheinland-Pfalz à l’appui de sa demande d’intervention avaient déjà cessé d’exister lorsque le Tribunal a admis celui-ci à intervenir par l’ordonnance du 14 décembre 2017, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑764/15, non publiée, EU:T:2017:933). Pour l’essentiel, l’intervenant aurait, en effet, fondé sa demande d’intervention sur le fait que, si le recours devait être accueilli, tant les parts sociales qu’il détenait dans FFHG que ses contributions à son financement s’en trouveraient dévalorisées et qu’il convenait de protéger la procédure de privatisation de l’aéroport qui était en cours, afin d’apaiser les inquiétudes des investisseurs. Or, l’intervenant aurait vendu ses parts dans FFHG au cours de l’été 2017. Il s’ensuivrait que l’intervenant n’aurait aucun intérêt actuel à intervenir. Par conséquent, l’autorisation donnée au Land Rheinland-Pfalz d’intervenir devrait être révoquée et son mémoire en intervention retiré du dossier de la procédure.

40      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union européenne, ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, a le droit d’intervenir. Plus précisément, l’intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, s’entend notamment d’un intérêt actuel à ce qu’il soit fait droit aux conclusions au soutien desquelles l’intervention est introduite (ordonnance du 10 janvier 2006, Diputación Foral de Álava et Gobierno Vasco/Commission, T‑227/01, EU:T:2006:3, points 4 et 15). Cet intérêt actuel doit subsister jusqu’à l’issue du litige (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386 , points 64 et 65).

41      Il s’ensuit que l’admission du Land Rheinland-Pfalz à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission, par l’ordonnance du 14 décembre 2017, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑764/15, non publiée, EU:T:2017:933), ne s’oppose pas à ce qu’il soit procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 52).

42      En l’espèce, il convient d’observer que, au point 18 de l’ordonnance du 14 décembre 2017, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑764/15, non publiée, EU:T:2017:933), le président de la quatrième chambre du Tribunal a, certes, relevé que le Land Rheinland-Pfalz était l’associé « majoritaire depuis 2009 » de FFHG.

43      Il y a cependant lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation contre une décision par laquelle la Commission qualifie des mesures arrêtées par une entité infra-étatique comme ne constituant pas des aides d’État ou comme étant des aides d’État compatibles avec le marché intérieur, l’entité infra-étatique ayant arrêté ces mesures justifie d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, l’arrêt du Tribunal statuant sur un tel litige est susceptible de déboucher sur la remise en cause de la qualification de ces mesures et, donc, de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts propres de l’entité infra-étatique qui est l’auteur desdites mesures, notamment en remettant en cause sa faculté d’exercer, comme elle l’entend, ses compétences (ordonnance du 4 février 2015, Grandi Navi Veloci/Commission, T‑506/14, non publiée, EU:T:2015:102, points 12 à 15).

44      Or, au point 18 de l’ordonnance du 14 décembre 2017, Deutsche Lufthansa/Commission (T‑764/15, non publiée, EU:T:2017:933), le président de la quatrième chambre du Tribunal a notamment fondé sa décision d’admettre l’intervention du Land Rheinland-Pfalz sur son intérêt à intervenir comme entité territoriale dans un litige qui portait sur la légalité d’une décision déclarant que les mesures auxquelles elle avait contribué non seulement en tant qu’actionnaire majoritaire de FFHG, mais aussi en tant qu’auteur, ne violaient pas l’article 107 TFUE. De plus, le président de la quatrième chambre du Tribunal a également retenu qu’il y avait lieu de tenir compte du fait qu’une annulation de la décision attaquée viendrait à remettre en cause les efforts réalisés par le Land Rheinland-Pfalz depuis les années 1990 pour créer un aéroport à Francfort-Hahn et pour développer la région du Hunsrück en Allemagne.

45      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le Land Rheinland-Pfalz conserve un intérêt à la solution du litige et n’a, par suite, pas perdu sa qualité de partie intervenante du fait de la vente de ses parts dans FFHG.

 Sur les preuves nouvelles, le nouveau moyen et le « mémoire d’observations écrites » déposés en cours de procédure

–       Sur le document référencé K 49

46      En annexe à ses observations du 31 mai 2016 sur l’exception d’irrecevabilité déposée par la Commission, la requérante a produit, sous la référence K 49, un document de travail des services de la Commission accompagnant la communication COM(2015) 598 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulé « Une stratégie de l’aviation pour l’Europe », du 7 décembre 2015 (ci-après le « document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe »).

47      La Commission soutient que ce document a été produit tardivement et de manière non justifiée, de sorte qu’il doit être écarté des débats en vertu de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

48      En l’espèce, la requérante a déposé le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe en annexe à ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, afin d’établir précisément la recevabilité de son recours. Or, la faculté d’apporter des preuves nouvelles dans les observations sur une exception d’irrecevabilité doit être considérée comme inhérente au droit de la partie requérante de répondre aux arguments avancés par la partie défenderesse dans son exception d’irrecevabilité, dès lors qu’aucune règle de procédure n’exige de la partie requérante la production de preuves relatives à la recevabilité de son recours dès le stade de la requête [ordonnance du 22 janvier 2015, GEA Group/OHMI (engineering for a better world), T‑488/13, EU:T:2015:64, point 30]. Par conséquent, le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe ne saurait être écarté des débats par application de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure en raison de son prétendu dépôt tardif.

–       Sur le moyen nouveau et les documents référencés K 51 à K 54

49      Par acte du 12 avril 2017, la requérante a soulevé un nouveau moyen et a produit en annexe à cet acte deux nouveaux documents. Il s’agit, premièrement, d’un document référencé K 51 consistant en une lettre de la Commission du 16 mars 2017 adressée à son conseil et, deuxièmement, d’un rapport, référencé K 52, du cabinet de conseil en entreprises AT Kearney établi pour le compte du Land Rheinland-Pfalz et datant de l’année 2012, mais qu’elle n’aurait obtenu qu’à la fin de l’année 2016 (ci-après le « rapport Kearney »).

50      La Commission et l’intervenant soutiennent que le rapport Kearney a été produit tardivement et qu’il est donc irrecevable. La Commission conteste également la recevabilité du dépôt de la lettre du 16 mars 2017.

51      La question de l’éventuelle tardiveté du dépôt du rapport Kearney doit être examinée dans le cadre de la présente ordonnance, dans la mesure où la requérante l’invoque non seulement à l’appui d’un nouveau moyen, mais aussi pour justifier la recevabilité de son recours.

52      Il convient d’observer, à cet égard, que la requérante avait déjà fait état du rapport Kearney dans sa requête et qu’elle avait déposé en annexe à celle-ci un article de presse relatant l’essentiel de son contenu. De plus, les arguments que la requérante en tire à l’appui de la recevabilité de son recours ne s’écartent pas de ceux qu’elle avait déjà présentés sur la base des informations dont elle avait connaissance auparavant. Enfin, ni la Commission ni l’intervenant n’ont mis en doute la concordance du rapport Kearney avec les éléments relatés dans l’article de presse susmentionné. Le rapport Kearney apparaît ainsi comme l’ampliation d’une preuve présentée précédemment.

53      Dans ces conditions, il suffit de constater que l’objection soulevée par la Commission et par l’intervenant au dépôt du rapport Kearney, tirée de sa tardiveté, est dépourvue de pertinence pour l’examen de la recevabilité du recours. Le dépôt de ce rapport le 12 avril 2017 est par conséquent recevable.

54      Par ailleurs, dans la mesure où la présente ordonnance est limitée à la recevabilité du recours, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité du nouveau moyen que la requérante a soulevé par l’acte du 12 avril 2017. En effet, ce moyen est tiré d’une erreur dans l’appréciation du « financement de FFHG par la réserve de liquidité » et se rapporte donc uniquement au fond de l’affaire. Il n’y a pas non plus lieu de se prononcer sur la recevabilité du dépôt de la lettre de la Commission du16 mars 2017, car la requérante n’en tire aucun argument au soutien de la recevabilité du recours.

55      Le 21 juin 2017, la requérante a déposé un nouvel acte de procédure visant à « confirmer, une fois de plus, la recevabilité du recours ». Cet acte était accompagné de deux nouvelles pièces, référencées K 53 et K 54, contenant, la première, un extrait de la décision (UE) 2016/2069 de la Commission du 1er octobre 2014 concernant les mesures SA.14093 (C 76/2002) mises à exécution par la Belgique en faveur de Brussels South Charleroi Airport et Ryanair (JO 2016, L 325, p. 63) et, la seconde, un communiqué de presse de Ryanair datant de mars 2017, concernant son déploiement à l’aéroport de Francfort-sur-le-Main. La requérante prétend trouver dans ces deux nouvelles pièces la confirmation de la recevabilité de son recours. La Commission et l’intervenant n’ont pas fait valoir d’observations sur le dépôt de ces pièces.

56      Force est de constater que l’acte de procédure déposé le 21 juin 2017 constitue un mémoire qui n’est pas prévu par l’article 130, paragraphe 4, du règlement de procédure, applicable au traitement d’une demande tendant à ce qu’il soit statué sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, alors pendante. De plus, la requérante a repris la substance de cet acte de procédure dans sa réplique. Il n’y a, par conséquent, pas lieu de le prendre, comme tel, en considération.

57      S’agissant des pièces référencées K 53 et K 54, également déposées durant l’examen de la demande de la Commission tendant à ce qu’il soit statué sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, il y a lieu de constater que l’article 130 du règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité de déposer des pièces après la présentation des observations sur cette demande, ce qui serait au demeurant contradictoire avec le caractère incident de cette procédure.

58      Toutefois, la décision 2016/2069, constituant la pièce référencée K 53, a été publiée au Journal officiel le 30 novembre 2016 et le communiqué de presse de Ryanair, formant la pièce référencée K 54, n’a été diffusé qu’en mars 2017, soit postérieurement à l’introduction du recours et au dépôt des observations de la requérante sur la demande de la Commission. Dans ce contexte, leur dépôt le 21 juin 2017 est recevable.

59      La recevabilité du dépôt des pièces référencées K 53 et K 54 est corroborée par la circonstance que l’examen de la demande de la Commission tendant à ce qu’il soit statué sur l’irrecevabilité de la requête sans engager le débat au fond a été joint au fond par l’ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 5 septembre 2017 et que cette jonction a eu pour effet de relancer la phase écrite de la procédure au stade du premier échange de mémoires. Partant, si la requérante n’avait pas déposé les pièces référencées K 53 et K 54 dans le cadre de la procédure prévue à l’article 130 du règlement de procédure, elle aurait pu le faire en annexe à sa réplique en application de l’article 85, paragraphe 2, dudit règlement, à condition de justifier le retard dans leur présentation.

–       Sur le « mémoire d’observations écrites » déposé le 27 août 2018 et la pièce K 55

60      Par lettre du 27 août 2018, postérieure à la clôture de la phase écrite de la procédure, la requérante a déposé un « mémoire d’observations écrites » et la pièce K 55 au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Par cette lettre, la requérante a également demandé le traitement confidentiel du point 21 de ce mémoire et de cette pièce. Dans le « mémoire d’observations écrites », la requérante produit des données et les commente afin d’établir la preuve d’un certain nombre de circonstances de fait, en complément de ses écritures antérieures, et prétend y trouver la confirmation de la recevabilité de son recours. Dans la pièce K 55, la requérante reproduit un extrait de ses contributions à une procédure de contrôle des concentrations relative à son acquisition de certains actifs d’Air Berlin.

61      Il convient, tout d’abord, de souligner que le premier document produit en annexe à la lettre du 27 août 2018 est expressément qualifié par la requérante de « mémoire d’observations écrites » et qu’elle précise, dans ce mémoire, qu’elle y approfondit son argumentation antérieure. Dans la mesure où la requérante y développe ses arguments, ce mémoire doit être regardé comme étant un mémoire non prévu par le règlement de procédure et non comme étant une preuve nouvelle dont le dépôt pourrait être admis sur la base de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Partant, le Tribunal ne saurait en tenir compte (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, EU:C:1999:345, points 52 et 53).

62      S’agissant ensuite de la pièce K 55 et, en tout état de cause, des données factuelles que la requérante a insérées dans son « mémoire d’observations écrites », il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la recevabilité de preuves nouvelles déposées après la clôture de la phase écrite de la procédure est subordonnée à l’existence d’une situation exceptionnelle dûment justifiée par la partie qui entend les produire.

63      Or, en l’espèce, la requérante expose, en premier lieu et de manière générale, que la production des deux documents en question ne saurait être considérée comme étant tardive, dans la mesure où la Commission, elle-même, aurait violé son obligation de vérifier l’ensemble des éléments pertinents au cours de la procédure d’examen tendant à déterminer si les mesures litigieuses étaient constitutives d’aides d’État et, dans l’affirmative, si elles étaient compatibles avec le marché intérieur. Toutefois, en raison de la présomption de légalité dont bénéficient les actes de l’Union, la requérante ne saurait justifier la recevabilité du dépôt desdits documents, le 27 août 2018, par la prétendue illégalité de la décision attaquée qui ne pourrait être établie qu’au terme de l’examen au fond du présent recours.

64      La requérante expose, en deuxième lieu, que certaines données qu’elle produit, y compris la pièce K 55, sont issues d’études de marché qu’elle a réalisées en octobre 2017 à l’intention de la Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations visant son acquisition de certains actifs d’Air Berlin. La requérante n’explique cependant pas pourquoi ces données n’auraient pu être produites plus tôt, notamment à l’appui de sa réplique ou de ses observations sur le mémoire en intervention. Il en va en particulier ainsi du tableau recensant les vols assurés par Ryanair au départ des aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main au cours de la période allant de l’année 2009 à l’année 2014.

65      La requérante prétend, en troisième lieu, exploiter des données concernant sa filiale Germanwings relatives à la période allant de l’année 2012 à l’année 2014. Elle indique que ces données étaient stockées chez un prestataire externe auquel elles ont dû être demandées avant de subir un traitement approprié et chronophage. La requérante ne précise cependant pas en quoi il lui était impossible d’accéder à ces données ainsi stockées et de les traiter en temps opportun pour les produire lors de l’introduction du recours, le 29 décembre 2015, ou, tout au moins, avant la clôture de la phase écrite de la procédure.

66      La requérante se réfère, en quatrième lieu, à un entretien que le président du conseil d’administration de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main a accordé en décembre 2016 sans justifier sa production tardive.

67      En cinquième lieu, la requérante entend utiliser des extraits du site Internet de l’aéroport de Francfort-Hahn et d’un entretien de l’ancien dirigeant de celui-ci qui établiraient que la zone de chalandise de cet aéroport s’étendrait jusqu’aux aéroports allemands de Francfort-sur-le-Main, de Cologne-Bonn et de Düsseldorf. Elle ne prétend cependant pas que ces données auraient été mises à la disposition du public après la clôture de la phase écrite de la procédure et peu de temps avant leur production devant le Tribunal.

68      S’agissant des données visées aux points 64 à 67 ci-dessus, la requérante ne se prévaut donc pas de l’existence d’une situation exceptionnelle qui justifierait dûment leur production tardive. Le Tribunal ne saurait donc en tenir compte.

69      Il s’ensuit, au vu des constats opérés aux points 61 et 68 ci-dessus, qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de traitement confidentiel du point 21 du « mémoire d’observations écrites » et de la pièce K 55, formulée par la requérante dans sa lettre du 27 août 2018 et dont l’examen avait été réservé par l’ordonnance du 24 septembre 2018 du président de la quatrième chambre du Tribunal.

70      En dernier lieu, la requérante reproduit, dans son « mémoire d’observations écrites », un graphique intitulé « Marketshare Developpment 15M on LCC Routes », relatif à l’évolution du nombre de voyageurs ayant recouru notamment à ses services et à ceux de Ryanair de mai 2017 à avril 2018.

71      La Commission considère que ce graphique doit être écarté des débats comme inopérant dans la mesure où il a trait à une situation postérieure au recours.

72      Toutefois, si la recevabilité d’un recours s’apprécie en principe à la date de son introduction, la requérante déduit en l’espèce sa qualité pour agir de la circonstance que Ryanair aurait bénéficié indirectement des mesures litigieuses et aurait ainsi pu accroître sa pression concurrentielle.

73      Dans une telle perspective, bien que les mesures litigieuses avaient déjà été mises en œuvre au moment de l’adoption de la décision attaquée, il convient de tenir compte de ce que la requérante ne prétend pas que leur bénéfice aurait immédiatement profité à Ryanair. La requérante soutient, au contraire, que le bénéfice des mesures litigieuses aurait été transféré à cette dernière par la mise à la disposition de celle-ci d’une école de pilotes et d’équipages de cabine, ainsi que d’un hangar de maintenance, par le financement de la formation de ses pilotes et des équipages de cabine par HCM, une filiale de FFHG, ainsi que par le maintien de redevances aéroportuaires à un niveau artificiellement bas. Selon la requérante, l’ensemble de ces mesures aurait créé des conditions favorables qui auraient ensuite permis à Ryanair d’ouvrir de nouvelles lignes et de prendre pied dans de grands aéroports où elle-même est présente.

74      Dans la mesure où la requérante prétend ainsi que les conséquences des mesures litigieuses sur sa position concurrentielle ont été différées, le temps que leur bénéfice soit transféré à Ryanair et que ce transfert produise ses effets, la preuve de la condition particulière de recevabilité qu’est la qualité pour agir suppose une analyse prospective, qui peut être confirmée par des données postérieures à l’introduction du recours (voir, par analogie, ordonnance du 11 avril 2018, Abes/Commission, T‑813/16, non publiée, EU:T:2018:189, point 55 et jurisprudence citée).

75      Par conséquent, bien que le graphique intitulé « Marketshare Developpment 15M on LCC Routes » illustre l’évolution du nombre de voyageur de mai 2017 à avril 2018, soit postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, il ne saurait en tout état de cause être écarté des débats comme inopérant.

 Sur le contenu du mémoire en défense et du mémoire en intervention

76      Dans sa réplique, la requérante soutient que, à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 5 septembre 2017 joignant au fond l’exception d’irrecevabilité de la Commission, celle-ci ne pouvait développer ses arguments sur l’irrecevabilité du recours dans son mémoire en défense et que ces nouveaux arguments ne peuvent par conséquent être pris en considération. En tout état de cause, ces nouveaux arguments seraient tardifs et, par conséquent, irrecevables.

77      La circonstance que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission a été jointe au fond par l’ordonnance du Tribunal du 5 septembre 2017 n’implique cependant pas que le débat sur l’irrecevabilité du recours aurait été clos à cette date et que les parties ne pouvaient plus en débattre. En effet, aucune disposition, notamment du règlement de procédure, ne restreint, en pareil cas, la marge de manœuvre dont dispose la partie défenderesse quant aux moyens et arguments qu’elle peut encore invoquer pour sa défense.

78      Au demeurant, les conditions de recevabilité d’un recours sont d’ordre public, de sorte qu’une partie peut s’en prévaloir à tout moment. A fortiori peut-elle développer ses arguments à cet égard dans son mémoire en défense et dans la duplique, nonobstant la jonction de l’exception d’irrecevabilité au fond.

79      Le grief dirigé par la requérante à l’encontre du mémoire en défense de la Commission n’est dès lors pas fondé.

80      Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante soutient encore que, dans ce mémoire, le Land Rheinland-Pfalz renvoie parfois sommairement aux écrits de procédure dans l’affaire Deutsche Lufthansa/Commission, enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro T‑492/15, et qu’un tel renvoi ne suffit pas pour que les arguments développés dans cette affaire fassent partie du présent litige. Il s’ensuivrait que ces arguments sont irrecevables.

81      À cet égard, il y a lieu de constater que, même si, dans son mémoire en intervention, le Land Rheinland-Pfalz a invoqué des arguments figurant dans des écrits de procédure déposés dans l’affaire Deutsche Lufthansa/Commission, enregistrée sous le numéro T‑492/15, dans laquelle il est également intervenu, ces arguments sont néanmoins recevables au regard de l’article 145, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure. Bien que succincts, ils ne constituent en effet pas de simples renvois et sont compréhensibles par eux-mêmes. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal les déclare irrecevables.

 Sur la qualité pour agir de la requérante

82      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

83      D’emblée, il convient de constater que, comme il ressort de l’article 3 de la décision attaquée, celle-ci a pour unique destinataire la République fédérale d’Allemagne et non la requérante. Il en est ainsi, car la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (arrêts du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 50, et du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest‑C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, non publié, EU:T:2015:840, point 28). Le présent recours ne saurait donc être déclaré recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, premier membre de phrase, TFUE.

84      Dans ces conditions, le présent recours ne peut être déclaré recevable, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE, que si, d’une part, la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée ou, d’autre part, elle est directement concernée par la décision attaquée et que cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 44, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59).

 Sur la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE

85      La Commission et le Land Rheinland-Pfalz contestent la qualité pour agir de la requérante en ce que, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, elle ne serait ni directement ni individuellement concernée par la décision attaquée.

86      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est opportun de débuter par l’examen de la condition de l’affectation individuelle.

–       Remarques liminaires

87      La Commission et l’intervenant soutiennent que, selon la jurisprudence, la preuve qu’une partie requérante se trouve dans un rapport de concurrence avec le prétendu bénéficiaire d’une aide ne suffit pas pour démontrer qu’elle est individuellement affectée par une décision de clore une procédure formelle d’examen par une décision constatant que les mesures examinées ne sont pas des aides ou qu’elles sont compatibles avec le marché intérieur. En l’espèce, la requérante serait d’autant moins individuellement concernée par la décision attaquée que les mesures litigieuses ont été adoptées au bénéfice de FFGH et que, n’étant pas un aéroport, elle ne se trouve pas dans un rapport de concurrence avec celui-ci.

88      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision, comme la requérante, ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 93, et du 12 mai 2016, Hamr – Sport/Commission, T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 32).

89      Compte tenu de l’objet du recours, il y a également lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 dudit article. Ce n’est que dans le cadre de cette phase, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 94, et du 22 juin 2016, Whirlpool Europe/Commission, T‑118/13, EU:T:2016:365, point 43).

90      Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues par le paragraphe 2 de l’article 108 TFUE ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours cherche, par l’introduction de celui-ci, à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 95).

91      La Cour a eu l’occasion de préciser que de tels intéressés étaient les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 96).

92      En revanche, si la partie requérante met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, c’est-à-dire dans le cadre de l’examen préliminaire ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme intéressée au sens du paragraphe 2 de cet article ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 97). Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier (arrêt du 22 juin 2016, Whirlpool Europe/Commission, T‑118/13, EU:T:2016:365, point 44).

93      Ainsi, la jurisprudence reconnaît comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle ouverte au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché ait été substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 25 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 55, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 98). 

94      En l’espèce, la requérante soutient, dans un premier temps, que la situation dans laquelle elle se trouve doit être assimilée à celle où une décision a été prise, non pas après une procédure formelle d’examen, mais après une procédure préliminaire, de sorte que sa seule qualité de concurrente de Ryanair suffit à établir qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée. Dans un second temps, la requérante prétend que, à supposer qu’elle se trouve en présence d’une décision prise après une procédure formelle d’examen, elle a joué un rôle actif dans la procédure et est substantiellement affectée par la décision attaquée, ce qui la rend également individuellement concernée par celle-ci.

95      Enfin, il convient d’observer que la requérante ne propose pas d’examiner sa qualité pour agir au regard de chaque mesure en cause prise distinctement, mais prétend plutôt qu’elle est affectée par la circonstance que, dans la décision attaquée, la Commission n’a ni couvert tous les faits et toutes les aides d’État dont elle avait connaissance ni tenu compte de ce que le bénéfice de toutes ces aides avait été transféré dans son ensemble à Ryanair. Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée sans opérer de distinction entre les mesures en cause.

–       Sur l’assimilation de la situation de la requérante à celle d’une partie intéressée sollicitant l’annulation d’une décision prise sans procédure formelle d’examen

96      La requérante fait observer que la Commission a certes ouvert, en l’espèce, une procédure formelle d’examen, mais que cette procédure n’a pas couvert tous les faits et toutes les aides d’État dont elle avait connaissance.

97      La requérante se réfère, en particulier, à une lettre du 4 mars 2011 dans laquelle elle attirait l’attention de la Commission sur la ligne de crédit ouverte par le pool de trésorerie du Land Rheinland-Pfalz et sur les prêts d’ISB, mais aussi sur le financement, en faveur de Ryanair, de la construction d’une école de pilotes et d’équipages de cabine, ainsi que d’un hangar de maintenance . La requérante se réfère également au fait que FFHG aurait reçu des aides sous le couvert d’opérations immobilières conclues avec des entreprises publiques, d’un « prêt de sauvetage » accordé par le Land Rheinland-Pfalz et d’une augmentation ultérieure de capital. Elle soutient que FFHG aurait transféré ces aides à Ryanair sous la forme des infrastructures susmentionnées, par le financement de la formation des pilotes et des équipages de cabine de la compagnie par la société HCM, filiale de FFHG, ainsi que par l’intermédiaire de redevances aéroportuaires fixées à un niveau artificiellement bas. La requérante ajoute que la Commission a enfin refusé d’examiner le rapport Kearney, alors même qu’elle en avait connaissance.

98      Au vu de ce qui précède, la requérante considère que, lorsque la Commission ouvre une procédure formelle d’examen en méconnaissant, comme en l’espèce, un certain nombre d’éléments et les arguments d’un plaignant, cette situation devrait être assimilée à celle dans laquelle la Commission prend une décision sans ouvrir la procédure formelle d’examen et équivaut à un refus de respecter les droits procéduraux de l’intéressé, en particulier son droit d’être entendu.

99      La Commission et l’intervenant contestent ces arguments.

100    Il convient de constater qu’il ressort du considérant 8 de la décision attaquée que celle-ci a été prise au terme d’une procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Dès lors, la violation alléguée des droits procéduraux reconnus à la requérante à l’article 108, paragraphe 2, TFUE n’est pas de nature à lui conférer qualité pour agir à l’encontre de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2018, Allergopharma/Commission, T‑354/15, non publiée, EU:T:2018:201, points 82 à 84 et jurisprudence citée). De plus, à aucun moment, la décision attaquée n’aborde la question d’aides allouées à FFHG sous le couvert d’opérations immobilières, d’un « prêt de sauvetage » ou d’une augmentation ultérieure de capital. Elle ne prend pas davantage position sur l’éventuel transfert d’aides à Ryanair sous la forme de la construction de l’école de pilotes et d’équipages de cabine ou encore de la prise en charge de la formation de ses pilotes et de son personnel ou enfin du maintien de redevances aéroportuaires à un taux artificiellement bas. Une décision déclarant que de telles mesures ne sont pas des aides ou qu’elles ne suscitent pas de doute sérieux quant à leur compatibilité avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ne saurait par conséquent être décelée dans la décision attaquée.

101    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné les éléments en cause spécifiquement dans la décision attaquée, son argumentation doit également être rejetée. Force est, en effet, d’observer que la Commission n’était pas obligée de se prononcer à ce sujet dans cette décision.

102    Certes, lorsque la Commission s’aperçoit, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits, elle doit avoir la possibilité d’adapter sa position, en adoptant une nouvelle décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, points 70 à 72). Toutefois, la Commission n’est pas tenue d’adopter en toute hypothèse une nouvelle décision rectifiant ou élargissant la décision initiale d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Elle peut également ouvrir une procédure formelle d’examen distincte.

103    Or, dans la procédure Hahn IV, la Commission examine notamment le financement présumé de l’école pour pilotes et pour équipages de cabine et du hangar de maintenance au profit de Ryanair, le financement présumé des coûts de formation de ses pilotes et de ses équipages, un nouveau contrat conclu en 2016 entre FFHG et Ryanair, l’utilisation prétendument abusive de la mesure d’aide no 12 visée par la décision Hahn I, consistant en une augmentation de capital pour refinancer des prêts qui couvraient des investissements d’infrastructure décidés par FFHG entre 1997 et 2012, et l’octroi à FFHG de prêts dont un au moins de 82,9 millions d’euros que la requérante désigne précisément comme faisant partie du « prêt de sauvetage » qu’elle invoque.

104    La possibilité pour la Commission de procéder à l’examen des éléments mentionnés au point 103 ci-dessus non pas dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, mais dans le cadre d’une nouvelle procédure n’est pas infirmée par les arguments de la requérante.

105    Premièrement, la requérante ne saurait tirer argument de l’arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission (T‑196/04, EU:T:2008:585). Selon le point 59 de cet arrêt, il est nécessaire, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, d’envisager la transaction commerciale en cause dans son ensemble, en raison de l’obligation qu’a la Commission de tenir compte de tous les éléments pertinents et de leur contexte. Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, le Tribunal était appelé à se prononcer au fond sur des avantages consentis directement et concomitamment par la Région wallonne et par l’aéroport de Charleroi Bruxelles-Sud (Belgique) à Ryanair, lesquels, selon le constat du Tribunal au point 61 dudit arrêt, devaient être considérés comme une seule et même entité. En l’espèce, par contre, la question est de savoir, sous l’angle de la recevabilité du recours, si la Commission avait l’obligation d’examiner, dans une seule et même décision, les mesures visées au point 97 ci-dessus. Or, selon la description des faits par la requérante elle-même, ces mesures se sont échelonnées dans le temps et, en fonction des circonstances, ont revêtu des formes diverses, tels que des prêts à court et long termes, le financement d’infrastructures, des opérations immobilières et une recapitalisation. Elles ont également nécessité l’intervention de plusieurs acteurs, à savoir le Land Rheinland-Pfalz par l’intermédiaire du pool de trésorerie et d’ISB, FFHG, une filiale de celui-ci et deux entreprises publiques, sans qu’il soit établi ou même soutenu qu’ils ont agi comme une seule et même entité économique. Les faits, tels que décrits par la requérante, ne permettent pas de retenir la probabilité qu’il y avait là un scénario d’ensemble qu’il eut fallu examiner dans une seule et même décision.

106    Deuxièmement, la requérante ne saurait se fonder sur l’arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission (C‑382/99, EU:C:2002:363). Si l’article 107 TFUE interdit les aides accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, sans établir de distinction selon que les avantages relatifs aux aides sont octroyés de manière directe ou indirecte (arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 75), il ne résulte pas de l’arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission (C‑382/99, EU:C:2002:363) que la Commission serait obligée de rechercher dans tous les cas, par une seule et même décision, outre le bénéficiaire direct de l’aide, l’existence d’un éventuel bénéficiaire indirect. Au point 68 de cet arrêt, la Cour a seulement observé que la Commission n’avait pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation en constatant que les aides versées en l’occurrence aux stations-services avaient indirectement bénéficié aux compagnies pétrolières auxquelles ces stations étaient liées par des clauses de gestion des prix.

107    Troisièmement, la requérante invoque vainement le paragraphe 65 des lignes directrices de 2014 sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3). Ces lignes directrices se bornent, dans ce paragraphe, à prévoir que les aides à la construction d’infrastructures aéroportuaires allouées au gestionnaire d’un aéroport ne sont normalement pas répercutées sur des compagnies aériennes données et n’imposent pas, par principe, à la Commission d’examiner systématiquement l’existence d’une telle répercussion dans une seule et même décision.

108    Quatrièmement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pu pleinement apprécier dans la décision Hahn I les effets de l’accord conclu par FFHG et Ryanair en 2005 en raison de sa durée et du fait que l’école pour pilotes et pour équipages de cabine et le hangar de maintenance n’ont été construits qu’en 2011 aurait dû être soulevé dans le recours Deutsche Lufthansa/Commission, enregistré sous le numéro T‑492/15 et ne permet pas d’établir en l’espèce la qualité pour agir de la requérante.

109    En définitive, pour autant que la requérante fasse valoir que la procédure formelle d’examen n’a pas couvert toutes les formes d’aide au profit de FFHG et un possible transfert d’aides à Ryanair, alors qu’elle en avait informé la Commission et que celle-ci avait l’obligation de se prononcer sur ces éléments, elle lui reproche d’avoir omis de statuer sur ceux-ci. Or, dans la mesure où il n’est pas établi que ces éléments feraient partie d’un scénario d’ensemble (voir point 105 ci-dessus), la voie de droit appropriée est celle du recours en carence, conformément à l’article 265 TFUE, ainsi que le fait valoir la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 3 juin 1999, TF1/Commission, T‑17/96, EU:T:1999:119, points 26 à 28 et 36 ; du 10 mai 2006, Air One/Commission, T‑395/04, EU:T:2006:123, point 41, et du 29 septembre 2011, Ryanair/Commission, T‑442/07, non publié, EU:T:2011:547, point 38) et non celle du recours en annulation sous peine de détourner celui-ci de son objectif.

110    Il découle de ce qui précède que la situation à laquelle la requérante se dit confrontée ne saurait être assimilée à celle d’un plaignant qui se voit opposer une décision prise au terme de la procédure préliminaire d’examen. Partant, pour justifier la recevabilité de son recours en annulation, il ne lui suffit pas de se prévaloir de sa qualité de tiers intéressé en tant qu’entreprise concurrente de Ryanair à qui les mesures litigieuses auraient été transférées.

111    Dans ces conditions, la requérante n’étant pas bénéficiaire des mesures litigieuses, il convient, conformément à la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus, d’examiner si la requérante a joué un rôle actif dans la procédure et est substantiellement affectée par la décision attaquée.

–       Sur le fait que la requérante serait individuellement concernée par la décision attaquée prise au terme de la procédure formelle d’examen

112    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, ne constitue pas une affectation substantielle la seule circonstance que la décision en cause est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cette décision. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision le serait (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 99 et 100, et du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, EU:T:2014:839, point 41).

113    Conformément à une jurisprudence constante, la requérante, à qui incombe la charge de la preuve (voir, en ce sens, ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 68), doit apporter des éléments de nature à établir la particularité de sa situation concurrentielle (voir, en ce sens, ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, EU:T:2004:159, point 38, et arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, points 49 et 51).

114    Certes, compte tenu de l’étendue du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer, il ne lui appartient pas, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre la partie requérante et l’entreprise prétendument bénéficiaire de l’aide en cause. Il incombe, néanmoins, à la partie requérante d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles l’aide en cause est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 28, et ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 44). Pour ce faire, la partie requérante doit établir l’importance de l’atteinte à sa position sur ce marché (ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, EU:T:2004:159, point 37).

115    Cela étant, l’atteinte à une position concurrentielle n’a pas nécessairement à être déduite d’éléments tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide. De même, l’intensité d’une telle atteinte est susceptible de varier selon un grand nombre de facteurs, tels que, notamment, la structure du marché en cause ou la nature de l’aide en question. La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait, dès lors, être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 34 et 35 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 53, et du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, EU:T:2014:839, point 42).

116    La démonstration d’une atteinte de cette nature ne dépend pas non plus directement du montant de l’aide. Elle dépend de l’importance de l’atteinte que cette aide peut porter à la position de la partie requérante sur le marché en cause et peut donc varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille de ce marché, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour la partie requérante et les possibilités pour celle-ci de contourner les effets négatifs de l’aide. Ainsi, l’appréciation de l’importance de cette atteinte exige, notamment, de la partie requérante qu’elle définisse le marché pertinent et fournisse au Tribunal les principaux éléments relatifs à la structure de ce marché. Il peut, notamment, s’agir d’informations quant au nombre de concurrents actifs sur ledit marché, à leurs parts de marché et à l’éventuelle évolution de celles-ci depuis l’octroi des mesures en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, points 36, 37 et 43).

117    En l’espèce, la requérante prétend, premièrement, que le rapport Kearney prouve que les redevances aéroportuaires appliquées à Ryanair étaient trop basses et que la relation commerciale entre FFHG et Ryanair était déficitaire à concurrence 17,5 millions d’euros par an. Ce caractère déficitaire démontrerait, d’une part, que les aides accordées à l’aéroport de Francfort-Hahn ont été transférées à Ryanair et, d’autre part, que la requérante a été substantiellement affectée au vu de l’importance de ce transfert. La requérante fait observer, deuxièmement, que l’aéroport de Francfort-Hahn se trouve dans l’aire de chalandise de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, qui est sa principale base opérationnelle. Elle soutient, troisièmement, que les subventions reçues par Ryanair de FFHG lui ont permis de déplacer de plus en plus ses activités vers de grands aéroports allemands, tels que Berlin, Cologne-Bonn, Hambourg et même Francfort-sur-le-Main. La requérante ajoute, quatrièmement, que la flotte de Ryanair a crû pour passer d’environ 195 avions en 2009 à 272 en 2011, avec, corrélativement, une augmentation du nombre de passagers, ce qui en aurait fait la compagnie aérienne la plus importante d’Europe. La requérante fait, cinquièmement, valoir que la pression exercée par Ryanair l’a conduite à adopter, en 2012, un programme de restructuration intitulé « Score ». Sixièmement, en se prévalant du considérant 249 de la décision 2004/393/CE de la Commission, du 12 février 2004, concernant les avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi (JO 2004, L 137, p. 1), la requérante soutient que l’avantage octroyé sous forme d’une prise en charge par l’État de coûts d’exploitation qui incombent normalement à une compagnie aérienne ne fausse pas seulement la concurrence sur une ou plusieurs routes et sur un segment de marché déterminé, mais permet à cette compagnie aérienne de renforcer sa position économique sur l’ensemble de son réseau par rapport aux compagnies concurrentes. La requérante se réfère, septièmement, au document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe qui illustrerait le fait que le nombre de compagnies aériennes européennes faisant partie des plus grandes au monde n’aurait cessé de baisser depuis 2001. Il résulterait du même document que, en 2015, les compagnies à bas coût représentaient une capacité en siège de 48 %, tandis que la part des sièges des compagnies traditionnelles serait tombée, la même année, à 38 %. Enfin, la requérante produit, huitièmement, le graphique intitulé « Marketshare Developpment 15M on LCC Routes ». Ce graphique décrit l’évolution du nombre de personnes ayant voyagé notamment sur des avions de la requérante et de Ryanair de mai 2017 à avril 2018. Selon la requérante, ce graphique démontrerait qu’elle subit une perte de passagers depuis novembre 2017, alors que Ryanair connaîtrait concomitamment une croissance fulgurante.

118    Force est cependant de constater d’emblée que la plupart des arguments de la requérante se limitent à faire état de la pression concurrentielle générale que les compagnies à bas coûts exercent sur les compagnies aériennes traditionnelles. En particulier, la requérante n’établit pas ce qui la distingue des nombreuses autres compagnies qui se trouvent en concurrence avec Ryanair et qui caractériserait sa situation au sens de la jurisprudence rappelée aux points 88 et 112 ci-dessus.

119    S’agissant de l’argument que la requérante tire du considérant 249 de la décision 2004/393, il y a lieu d’observer que celui-ci porte, de manière générale, sur l’effet des aides au fonctionnement sur la concurrence entre compagnies aériennes. Ce considérant ne porte pas spécifiquement sur les effets des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn dont le bénéfice aurait été transféré à Ryanair ni sur leurs effets sur la position concurrentielle de la requérante. Il ne saurait donc lui permettre d’établir la particularité de sa situation concurrentielle et de démontrer qu’elle a été substantiellement affectée.

120    En outre, il convient de relever que les critères qu’emploie la Commission pour établir les éléments constitutifs d’une distorsion de concurrence ou de l’affectation des échanges entre États membres, dans le cadre de l’article 107 TFUE, ne remplissent pas les mêmes fonctions et n’ont pas la même finalité que ceux requis pour apprécier la recevabilité d’un recours et définis à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ainsi, la recevabilité du recours d’une personne privée ne saurait être examinée qu’à l’aune de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 21 février 2006, Deutsche Post et DHL Express/Commission, C‑367/04 P, non publiée, EU:C:2006:126, point 47). Or, le considérant 249 de la décision 2004/393 porte exclusivement sur les critères de l’affectation de la concurrence et des échanges entre États membres, au sens de l’article 107 TFUE.

121    De même, le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe traite des grandes tendances du trafic aérien et n’aborde spécifiquement ni la situation des aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main ni les rapports entre Lufthansa et Ryanair. Ainsi, la circonstance que, selon ce document, en 2015, les compagnies à bas coût représentaient une capacité en siège de 48 %, tandis que la part des sièges des compagnies traditionnelles serait tombée, la même année, à 38 % ne concerne pas la situation individuelle de la requérante. De surcroît, contrairement à ce que celle-ci soutient, le tableau 5 de ce document montre, comme le relève la Commission, que ces pourcentages s’expliquent par le fait que les compagnies aériennes à bas coûts ont pu conquérir une nouvelle clientèle à la suite de l’ouverture du marché du transport aérien dans les années 1990, tandis que la position des compagnies aériennes traditionnelles sur ce marché est restée stable sur le long terme et n’a pas connu de pertes substantielles. De surcroît, rien dans ledit document ne démontre que les compagnies aériennes traditionnelles auraient pu conquérir une part plus importante de cette nouvelle clientèle en l’absence d’éventuelles aides d’État en faveur des compagnies aériennes à bas coûts, ni a fortiori que tel aurait pu être le cas de la requérante en l’absence des mesures en faveur de Ryanair et de l’aéroport de Francfort-Hahn.

122    Par ailleurs, le tableau 2 du document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe donne, il est vrai, un aperçu des résultats financiers des principaux groupes de compagnies aériennes de l’Union en 2014 et compare ainsi, notamment, le groupe Lufthansa et Ryanair. Il en résulte que si, en 2014, Ryanair a enregistré des résultats positifs, la situation de Lufthansa est néanmoins demeurée globalement stable. Ainsi, Ryanair a connu une évolution favorable de ses recettes annuelles de 12,3 %, tandis que celles de la requérante n’ont baissé que de 0,1 %. Il découle également de ce tableau que, en 2014 toujours, la marge opérationnelle de Lufthansa est demeurée positive.

123    Or, ces éléments ne permettent pas de considérer que, en l’absence des mesures litigieuses, les résultats financiers de la requérante auraient pu être plus favorables.

124    Enfin, si, comme le relève la requérante, le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe constate que le nombre des compagnies aériennes européennes comptant parmi les principales compagnies aériennes du monde a diminué depuis 2001, elle ne réfute pas l’explication de la Commission selon laquelle cette évolution s’explique par le fait que le marché européen a connu un grand nombre de reprises.

125    Il s’ensuit que le document de travail sur une stratégie de l’aviation pour l’Europe ne fournit pas d’élément qui donnerait à penser que, en l’absence de la décision attaquée, la situation de la requérante aurait connu une évolution plus favorable.

126    Un constat similaire s’impose en ce qui concerne l’extension de la flotte de Ryanair. Cette extension peut s’expliquer par des facteurs indépendants des mesures litigieuses, telles que la croissance de la clientèle recourant au transport aérien. En effet, la requérante n’a pas apporté le moindre élément de preuve tendant à établir un lien de causalité entre une telle extension et ces mesures. En tout état de cause, la requérante ne se prévaut d’aucune particularité de sa situation susceptible d’établir que sa position concurrentielle a été substantiellement affectée par ladite extension.

127    La proximité géographique entre les aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main (115 km) et la circonstance que le premier se trouverait, par suite, dans l’aire de chalandise du second ne constituent pas davantage la preuve que la décision attaquée serait susceptible de léser les intérêts de la requérante en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause.

128    En effet, à la supposer établie, la substituabilité entre les deux aéroports pourrait, tout au plus, révéler l’existence d’un rapport de concurrence entre ceux-ci. À supposer même que l’existence d’un tel rapport soit avérée et puisse être considérée comme étant indicative de l’existence d’un rapport de concurrence entre la requérante et Ryanair, il suffirait de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir de sa seule qualité de concurrente de l’entreprise bénéficiaire aux fins d’établir l’affectation substantielle de sa position concurrentielle.

129    Le fait que Ryanair a déplacé certaines de ses activités vers de grands aéroports, dont celui de Francfort-sur-le-Main, et que le réseau de liaisons qu’elle y exploite présente des recoupements avec le réseau de Lufthansa n’établit pas non plus que la requérante serait substantiellement affectée par la décision attaquée.

130    Il convient d’observer, à cet égard, que la requérante définit le marché pertinent à prendre en considération en l’espèce comme étant l’ensemble du réseau de lignes aériennes des compagnies en cause.

131    Or, à supposer que le marché pertinent puisse se définir de la sorte, la circonstance que Ryanair exploite des lignes aériennes au départ de Francfort-sur-le-Main ne permet pas de considérer que la position de Lufthansa est substantiellement affectée sur ce marché. En toute hypothèse, la requérante ne précise pas l’ampleur du réseau qu’elle-même ou ses filiales exploitent à partir de ces aéroports. La requérante ne réfute pas non plus l’affirmation de l’intervenant selon laquelle de grands aéroports allemands, tels que Francfort-sur-le-Main et Cologne-Bonn dans lesquels Ryanair a pris pied, sont aussi utilisés par beaucoup d’autres compagnies aériennes. Or, comme le relève l’intervenant, la concurrence de nombreuses compagnies aériennes relativise, par hypothèse, les effets du prétendu transfert du bénéfice des mesures litigieuses à Ryanair.

132    La requérante produit certes le graphique intitulé « Marketshare Developpment 15M on LCC Routes » qui décrit l’évolution du nombre de personnes ayant voyagé notamment sur ses avions et sur ceux de Ryanair de mai 2017 à avril 2018.

133    Toutefois, alors que la requérante tire argument de la baisse de passagers qu’elle a subie à partir du mois de novembre 2017 et durant les premiers mois de l’année 2018 et qui ressortirait du graphique intitulé « Marketshare Developpment 15M on LCC Routes », il y a lieu de constater que ce dernier ne permet pas d’établir de lien de causalité entre cette baisse et les mesures litigieuses. En effet, tout d’abord, les mesures litigieuses ont été mises à exécution entre 2009 et 2011. La requérante soutient, il est vrai, que le bénéfice des mesures litigieuses aurait été transféré à Ryanair, ce qui est susceptible d’en avoir retardé l’impact sur le marché en cause. Toutefois, les mesures par lesquelles ce transfert se serait opéré datent de 2011 au plus tard. Or, sauf à estimer que les effets de ces mesures sur la position concurrentielle de la requérante ne se sont matérialisés qu’avec plusieurs années de retard, ce que la requérante n’a pas allégué en l’espèce, il ne saurait être considéré que des données de 2017 et 2018 puissent, à elles seules, permettre de démontrer que les mesures litigieuses ont substantiellement affecté la position concurrentielle de la requérante. Ensuite, le graphique en cause ne permet pas de connaître le nombre de passagers que la requérante a enregistré durant les derniers mois de l’année 2016 et durant les mois de janvier à avril 2017. Ce graphique ne permet donc pas d’apprécier les éventuelles fluctuations saisonnières du transport aérien. De surcroît, la requérante ne produit pas d’élément permettant d’apprécier ses pertes au regard de l’évolution générale du transport aérien.

134    En d’autres termes, la requérante n’apporte pas d’élément accréditant le fait qu’elle aurait subi une perte de clientèle ou tout au moins qu’elle n’aurait pas accru sa part de marché dans la mesure escomptée en raison, précisément, des vols proposés par Ryanair.

135    S’agissant du rapport Kearney, il y est constaté que les redevances aéroportuaires appliquées à Ryanair étaient trop peu élevées et que la relation commerciale entre FFHG et cette compagnie était déficitaire à concurrence 17,5 millions d’euros par an. Toutefois, même à supposer que cette situation traduise un transfert d’aides, il ne saurait en être tiré comme conclusion que la requérante aurait été substantiellement – c’est-à-dire d’une manière individualisée – affectée. La requérante n’apporte, à cet égard, aucune précision, alors que le caractère déficitaire de ladite relation concerne, par hypothèse, de manière générale, l’origine de l’avantage dont aurait bénéficié Ryanair et n’est pas spécifique aux effets que celui-ci pourrait avoir eu sur la position concurrentielle de Lufthansa.

136    Enfin, la requérante ne produit pas le programme de restructuration « Score » qu’elle a adopté en 2012 et n’étaye donc pas son affirmation selon laquelle cette restructuration trouverait son origine dans la pression concurrentielle exercée par Ryanair grâce aux mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn.

137    La requérante dépose néanmoins un article du Rheinische Post du 23 avril 2012 intitulé « Lufthansa fait des économies de personnel » et relève que ce journal fait état de ce que, selon la direction de Lufthansa, ce programme serait dû à la pression des transporteurs à bas coût sur le marché européen. Toutefois, cet article n’établit pas que le programme « Score » serait dû à la concurrence spécifique que Ryanair exercerait sur la requérante grâce, en particulier, aux mesures dont a bénéficié l’aéroport de Francfort-Hahn. En effet, l’article de presse mentionne seulement la concurrence, en général, des transporteurs à bas coût sur le marché européen. De plus, l’article évoque la croissance d’une compagnie aérienne du Golfe persique sur les liaisons long-courrier comme autre cause dudit programme.

138    En l’absence des pages pertinentes du programme « Score » ou, à tout le moins, d’un résumé probant de sa teneur, les éléments du dossier mis à la disposition du Tribunal laissent à penser que son adoption pourrait être attribuable à d’autres facteurs que la concurrence que Ryanair a pu exercer grâce au transfert du bénéfice des mesures allouées à l’aéroport de Francfort-Hahn.

139    Ainsi, il ne saurait être exclu, comme le soutient la Commission, que les mesures de réduction des coûts de carburant qui y seraient prévues aient été commandées par l’âge de la flotte de Lufthansa, que les économies de coûts par des approvisionnements groupés tendaient en réalité à remédier à une intégration jusque-là défaillante des achats complémentaires et que les économies de coûts par une division des vols intra-européens en vols « point to point » et en vols « hub and spoke » (système en étoile ou de vols par correspondance) aient eu pour objet de rectifier la complexité des offres de vols intra-européens de Lufthansa. Enfin, comme le suggère également la Commission, il ne saurait davantage être exclu qu’une partie des difficultés ayant justifié le programme « Score » aient trouvé leur origine dans le coût des longues grèves que la requérante a connues.

140    Au demeurant, dans son rapport d’activité de 2012, déposé par la Commission, la requérante explique précisément ses résultats en 2012 par ces grèves. Elle les explique également par la concurrence, en général, sur le trafic européen, par les coûts pour couvrir les émissions de CO2, par les taxes en Allemagne et en Autriche, par l’interdiction des vols de nuit, ainsi que par le prix élevé du kérosène. Le même rapport situe le programme « Score » dans le prolongement des mesures rendues nécessaires par la crise structurelle qu’a connue le secteur de l’aviation en Europe, sans faire aucune référence à la concurrence spécifique de Ryanair.

141    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas établi avoir subi une importante baisse de son chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative de ses parts de marché à la suite de l’octroi des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn, quand bien même ces dernières auraient été transférées à Ryanair. Elle n’a pas davantage établi que sa situation concurrentielle aurait été affectée d’une autre manière, notamment par un manque à gagner ou par une évolution moins favorable que celle qu’elle aurait pu enregistrer en l’absence de ces mesures.

142    Il s’ensuit que la requérante n’a pas indiqué de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision attaquée était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause.

143    La circonstance que la perspective de subir une concurrence accrue de la part de Ryanair a conduit la requérante à adresser à la Commission plusieurs documents à titre d’information ne remet pas en cause la conclusion qui précède. Il ne saurait, en effet, être inféré de cette seule participation à la procédure administrative de la requérante qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 60, et ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 39).

144    La requérante n’ayant, dès lors, pas prouvé à suffisance de droit son affectation individuelle, il y a lieu de conclure que le présent recours ne saurait être considéré recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.

145    Dans ces conditions, il convient d’examiner si le présent recours peut être déclaré recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

 Sur la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE

146    La Commission soutient qu’il ressort de la jurisprudence qu’une décision autorisant une aide, telle que la décision attaquée, n’est pas un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution au sens de de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE et que la requérante ne peut donc pas fonder sa qualité pour agir sur cette disposition.

147    La requérante ne s’est pas explicitement prononcée à cet égard.

148    Un recours en annulation n’est recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, que s’il est dirigé contre un acte réglementaire qui concerne directement la partie requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

149    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d’« actes réglementaires » vise les actes de portée générale à l’exclusion des actes législatifs (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 64 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 51 et jurisprudence citée). Tel n’est pas le cas d’une décision par laquelle la Commission constate la compatibilité d’une aide d’État individuelle avec le marché intérieur (ordonnance du 10 octobre 2017, Greenpeace Energy/Commission, C‑640/16 P, EU:C:2017:752, point 26 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2014, CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, T‑2/13, non publiée, EU:T:2014:226, point 28, et arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 23).

150    Or, il convient de constater que les mesures en cause n’ont pas été accordées sur le fondement d’un régime d’aides et qu’elles revêtent un caractère individuel. Par suite, la décision attaquée ne saurait être qualifié d’acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, et la requérante n’est pas recevable à la contester à ce titre.

151    En définitive, il ressort du point 144 et des points 148 à 150 ci-dessus que la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée et que celle-ci n’est pas un acte réglementaire. Aussi, la requérante, à défaut d’être destinataire de la décision attaquée, n’a pas qualité pour agir à l’encontre de cette décision au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

152    Partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

153    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

154    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux de la Commission et du Land Rheinland-Pfalz, conformément à leurs conclusions.

155    Dans ses observations du 12 octobre 2018, la Commission estime justifié de faire application de l’article 139, sous a), du règlement de procédure afin de condamner la requérante aux frais de procédure occasionnés par le dépôt de pièces nouvelles le 27 août 2018.

156    Conformément à l’article 139, sous a), du règlement de procédure, « si le Tribunal a exposé des frais qui auraient pu être évités, notamment si le recours a un caractère manifestement abusif, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser ». En l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que, à l’exception d’un élément de preuve, les pièces déposées le 27 août 2018 ont été produites après la clôture de la phase écrite de la procédure sans motif exceptionnel qui aurait justifié leur tardiveté et, d’autre part, que ces pièces doivent, pour l’essentiel, être regardées comme constitutives d’un « mémoire d’observations écrites » non prévu par le règlement de procédure. Toutefois, même en prenant en considération le fait que, par son comportement, la requérante a, à plusieurs égards, tenté de déroger au cadre fixé par le règlement de procédure (voir points 17, 18 et 26 ci-dessus), il n’est pas approprié de la condamner à rembourser une partie des frais que son comportement a fait exposer au Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Lufthansa AG supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne et du Land Rheinland-Pfalz.

Fait à Luxembourg, le 17 mai 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : l’allemand.