Language of document : ECLI:EU:T:1999:67

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

25 mars 1999 (1)

«Fonctionnaires — Promotion — Examen comparatif des mérites»

Dans l'affaire T-76/98,

Claudine Hamptaux, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représentée par Me Lucas Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Christian Kremer, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Christine Berardis-Kayser et Florence Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande, en premier lieu, d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir la requérante au grade B 2, au titre de l'exercice de promotion 1997, en second lieu, de condamnation de la partie défenderesse au paiement d'une indemnité de 833 000 BFR,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours

1.
    La requérante a été recrutée au sein de la Commission, le 1er octobre 1972, en qualité d'agent auxiliaire. Elle a été nommée fonctionnaire stagiaire de grade C 3 dès le 1er décembre 1972 et a été titularisée dans son emploi le 1er juin 1973.

2.
    Elle a été lauréate du concours interne de passage de catégorie COM/B/2/82 et a, en conséquence, été promue au grade B 5 le 1er septembre 1985. Depuis le 1er avril 1992, la requérante a le grade B 3.

3.
    Au cours de l'exercice de promotion 1997, sur proposition de la direction générale Personnel et administration (DG IX), elle a été classée en treizième position sur quatorze, selon la liste publiée aux Informations administratives n° 992 du 16 mai 1997.

4.
    A la suite de cette publication, la requérante a introduit le 30 mai 1997 un recours auprès du comité de promotion afin qu'il reconsidère son dossier.

5.
    Par note du 9 juillet 1997, le président du comité de promotion pour la catégorie B lui a répondu que le comité avait examiné son cas mais qu'il n'avait pas été en mesure de mentionner son nom sur le projet de liste des fonctionnaires jugés les plus méritants.

6.
    Le nom de la requérante ne figure ni sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour la promotion au grade B 2 publiée aux Informations administratives n° 998 du 8 août 1997, ni parmi les fonctionnaires promus dont la liste est publiée aux Informations administratives n° 999 du 12 août 1997.

7.
    Par une note du 8 octobre 1997 enregistrée au secrétariat général le 9 octobre 1997, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») contre ces deux décisions de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»).

8.
    Le 30 janvier 1998, cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet qui a été notifiée à la requérante le 11 février 1998.

Procédure et conclusions des parties

9.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 1998, la requérante a introduit le présent recours.

10.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

11.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 14 janvier 1999.

12.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision explicite, intervenue le 30 janvier 1998 et notifiée le     11 février 1998, rejetant sa réclamation formée le 9 octobre 1997 auprès de l'AIPN et par laquelle étaient attaquées les deux décisions suivantes:

    —    la décision de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour la promotion au grade B 2, au cours de l'exercice de promotion 1997, publiée dans les Informations administratives n° 998 du 8 août 1997;

    —     la décision arrêtant la liste des fonctionnaires promus au grade B 2, pour l'exercice de promotion 1997, publiée aux Informations administratives n° 999 du 12 août 1997, en ce qu'elle n'y est pas reprise;

—     condamner la Commission au paiement d'une indemnité de 833 000 BFR;

—     condamner la Commission aux dépens.

13.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours comme non fondé;

—     statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

Sur la demande en annulation

14.
    La requérante invoque deux moyens d'annulation qu'elle tire, d'une part, d'un vice d'incompétence et, d'autre part, d'une violation des articles 5, paragraphe 3, et 45, paragraphe 1, du statut.

Sur le premier moyen, tiré d'un vice d'incompétence

— Arguments des parties

15.
    La requérante rappelle que, aux termes du point 2 de la décision de la Commission du 20 novembre 1985 relative à l'exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l'AIPN et par le régime applicable aux autres agents à l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement, publiée aux Informations administratives n° 498 du 7 avril 1986, le pouvoir dévolu à l'AIPN par l'article 90, paragraphe 2, du statut, est exercé par la Commission. En outre, selon le même point de cette décision, le pouvoir de signer les réponses aux réclamations adoptées par la Commission est délégué au directeur général du personnel et de l'administration.

16.
    En l'espèce, la requérante observe que le signataire de la lettre du 30 janvier 1998, portant réponse à sa réclamation, est le membre de la Commission en charge du personnel. Au vu des dispositions précédemment rappelées, celui-ci ne serait compétent ni pour adopter ni pour signer une telle réponse à la réclamation.

17.
    La Commission ne pourrait récuser ce moyen en se fondant sur une prétendue décision du 12 juillet 1996 modifiant les règles relatives à l'exercice des pouvoirs dévolus à l'AIPN. En effet, les documents produits ne feraient état que d'une proposition de décision, et non d'une décision finale. De surcroît, s'il s'agissait d'une décision, elle n'en serait pas moins inopposable à la requérante, faute d'avoir été publiée. En réalité, l'exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l'AIPN n'aurait été modifié que par la publication d'une décision de synthèse aux Informations administratives du 23 février 1998, soit bien après l'adoption de la réponse à la réclamation de la requérante.

18.
    La Commission soutient que le moyen est dépourvu de fondement, étant donné qu'elle a adopté, le 12 juillet 1996, par la voie de la procédure écrite, une décision modifiant les règles relatives à l'exercice des pouvoirs dévolus à l'AIPN. Elle fait valoir que, dans la procédure écrite, le texte d'une communication du membre compétent de la Commission, en accord avec le président, est notifié à tous les autres membres. Selon cette procédure, la proposition du membre compétent de

la Commission est réputée approuvée si aucune observation ni aucune réserve n'est transmise au secrétariat général avant le délai prévu dans la notification.

— Appréciation du Tribunal

19.
    Au vu des pièces produites par la défenderesse, il apparaît que la Commission a adopté, le 12 juillet 1996, par la voie de la procédure écrite, une décision modifiant, notamment, la répartition des pouvoirs dévolus à l'AIPN.

20.
    De ces nouvelles règles, il ressort que la personne compétente pour signer les réponses aux réclamations est bien — sous certaines conditions, qui ne sont pas pertinentes en l'espèce — le membre de la Commission en charge de l'administration et du personnel, qui a signé la réponse à la réclamation du 30 janvier 1998.

21.
    La requérante fait toutefois valoir que cette nouvelle décision n'a été publiée conformément à l'article 162, paragraphe 2, du traité qu'après la date de la réponse à la réclamation, si bien qu'elle lui serait inopposable.

22.
    Les décisions portant détermination de la répartition des pouvoirs dévolus à l'AIPN constituent des règles d'organisation interne de l'institution (arrêts de la Cour du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, point 18, Drescig/Commission, 49/72, Rec. p. 565, point 10, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, de Persio/Commission, T-23/96, non encore publié au Recueil, point 111).

23.
    Ainsi que l'a souligné la Commission, ni les dispositions du traité ni celles du statut, et en particulier son article 2, ne prévoient que la publication de telles décisions est une condition de leur entrée en vigueur et, dès lors, de leur opposabilité.

24.
    En outre, en toute hypothèse, une subdélégation, ou une dérogation aux critères de répartition des pouvoirs dévolus par le statut à l'AIPN, ne pourrait entraîner la nullité d'un acte accompli par l'administration que si une telle subdélégation ou dérogation risquait de porter atteinte à l'une des garanties accordées aux fonctionnaires par le statut ou aux règles d'une bonne administration en matière de gestion du personnel (arrêts de Greef/Commission, précité, point 21, Drescig/Commission, précité, point 13, et de Persio/Commission, précité, points 110 à 112). Or, il n'est nullement démontré que tel serait le cas en l'espèce.

25.
         Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

Sur le second moyen, tiré d'une violation des articles 5, paragraphe 3, et 45, paragraphe 1, du statut

26.
    Le second moyen s'articule en deux branches, dont la seconde se subdivise en deux griefs. Dans la première branche, la requérante reproche à la défenderesse de ne pas avoir procédé à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Dans la seconde branche, premier grief, la requérante soutient que la défenderesse aurait privilégié d'autres critères que ceux liés aux mérites. Dans le cadre du second grief, la requérante reproche à la défenderesse d'avoir fait une discrimination entre les fonctionnaires «transcatégoriels» (qui ontpassé une partie de leur carrière dans une catégorie inférieure) et les autres fonctionnaires. Il convient d'examiner en premier la première branche du second moyen, tirée de l'absence d'un examen comparatif des mérites.

— Arguments des parties

27.
    La requérante soutient que la défenderesse a violé les articles 5, paragraphe 3, et 45, paragraphe 1, du statut, en ce qu'elle n'aurait pas procédé à un vrai examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables.

28.
    Elle souligne que, tout en n'étant pas inscrite sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, elle disposait d'un rapport de notation plus favorable que la plupart des fonctionnaires promus au sein de la DG IX.

29.
    La requérante estime que la justification selon laquelle tous les fonctionnaires promus au sein de la DG IX bénéficiaient d'une priorité soit parce qu'ils étaient des «reliquats» de l'exercice de promotion précédent (les «reliquats» étant les fonctionnaires inscrits sur la liste des plus méritants l'année précédente et qui n'ont pas été promus), soit parce qu'ils avaient été proposés par la direction générale au cours de l'exercice antérieur, sans avoir pu être inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, et qu'ils étaient à nouveau proposés par leur direction générale au cours de l'exercice 1997, est inacceptable, au regard de l'article 45, paragraphe 1, du statut. Elle fait valoir que l'examen comparatif des mérites des candidats à la promotion, pour un exercice de promotion déterminé, ne dépend pas de la question de savoir si les candidats étaient proposés au cours d'un exercice antérieur.

30.
    La défenderesse fait valoir, en premier lieu, qu'en l'espèce l'exercice de promotion s'est déroulé conformément à la procédure définie dans le guide pratique à la procédure de promotions des fonctionnaires à la Commission des Communautés européennes (ci-après «guide de promotions»).

31.
    Elle considère que les propositions de promotions préparées par le directeur général pour son service ainsi que l'ordre de priorité de ces propositions établi par celui-ci après un examen comparatif de tous les promouvables constituent un élément de l'appréciation des mérites. Elle rappelle que l'intervention du directeur

général dans la procédure de promotion a été jugée nécessaire par le Tribunal (arrêt du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T-53/91, Rec. p. II-2041).

32.
    Elle ajoute que la requérante figurait en treizième position sur la liste des fonctionnaires proposés par la DG IX. Les dix fonctionnaires promus figuraient aux dix premières positions de cette liste. Deux d'entre eux avaient déjà été jugés «plus méritants» par l'AIPN au cours de l'exercice 1996, mais n'avaient pu être promus. Elle fait valoir que selon le guide de promotions, les «plus méritants» de l'année précédente, qui n'avaient pas été promus, figurent automatiquement sur la liste des plus méritants de l'année suivante. Les huit autres avaient tous été proposés pour la promotion l'année précédente par leur direction générale.

33.
    La défenderesse note encore que la requérante avait déjà été comparée à la plupart des intéressés l'année précédente et n'avait pas été proposée à la promotion.

34.
    Par conséquent, la défenderesse estime que l'exercice de promotion s'est déroulé régulièrement et que le moyen est en conséquence non fondé.

— Appréciation du Tribunal

35.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, qu'il ressort d'une jurisprudence constante que l'AIPN a le pouvoir statutaire, en décidant des promotions, de faire un choix sur la base d'un examen comparatif des mérites des candidats promouvables réalisé suivant la méthode qu'elle juge la plus appropriée (voir l'arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et les arrêts du Tribunal Mergen/Commission, précité, point 33, et du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 65).

36.
    Pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose donc d'un large pouvoir d'appréciation, et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l'AIPN (voir arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, point 20, du 25 février 1992, Schloh/Conseil, T-11/91, Rec. p. II-203, point 51, et Baiwir/Commission, précité, point 66).

37.
    Il ressort du guide de promotions et des explications que la Commission a fournies lors de l'audience que les fonctionnaires figurant déjà l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, mais qui n'avaient pas été promus, figurent automatiquement sur la liste des plus méritants l'année suivante sauf s'ils ont

démérité. La Commission a ajouté que, dans ces conditions, ces fonctionnaires sont automatiquement promus.

38.
    Il convient de vérifier si cette procédure a violé les droits de la requérante dans le cadre de la procédure de promotion.

39.
    L'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose:

«La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.»

40.
    C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner le premier grief, tiré par la requérante de l'absence d'examen comparatif des mérites.

41.
    Il ressort de l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que tout fonctionnaire ayant vocation à la promotion, c'est-à-dire justifiant d'un minimum d'ancienneté dans son grade, a le droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de ses mérites et des rapports dont il a fait l'objet (arrêt du Tribunal du 11 juin 1998, Skrikas/Parlement, T-167/97, RecFP p. II-857, point 37).

42.
    Il s'ensuit que la requérante disposait du droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de ses mérites ainsi que des rapports dont elle avait fait l'objet, dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse.

43.
    L'article 45, paragraphe 1, du statut ne distingue pas la situation des fonctionnaires ayant déjà figuré l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, de celle des autres fonctionnaires. En effet, il ne formule aucune condition supplémentaire à celle du minimum d'ancienneté dans le grade (arrêt Skrikas/Parlement, précité, point 38).

44.
    Il ressort tant des écrits déposés par la Commission que des explications de cette dernière, lors de l'audience, que les fonctionnaires ayant figuré l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, qui n'avaient pas été promus figurent automatiquement sur la liste des plus méritants l'année suivante et sont automatiquement promus, sauf s'ils ont démérité. En conséquence, contrairement à l'obligation que lui impose l'article 45, paragraphe 1, du statut, l'AIPN n'a pas procédé, dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse, à l'examen comparatif des mérites de la requérante ainsi que des rapports dont elle avait fait l'objet avec ceux des deux fonctionnaires déjà inscrits l'année précédente sur la liste des plus méritants établie par l'AIPN, violant ainsi un droit incontestable de la requérante dans le cadre de la procédure de promotion.

45.
    Lors de l'audience, la Commission a justifié cette démarche en soutenant que les mérites de la requérante avaient été comparés l'année précédente à ceux de l'ensemble de ses collègues. Elle a ajouté que les propositions de l'année précédente ont créé une attente légitime auprès des fonctionnaires proposés. Enfin, elle a souligné avec insistance que le fait d'avoir été inscrit par l'AIPN sur la liste des plus méritants est considéré par la Commission comme un droit acquis pour les plus méritants qui n'ont pas été promus l'année précédente et qui n'ont pas démérité.

46.
    A cet égard, le Tribunal rappelle que les fonctionnaires disposent du droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de leurs mérites ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet, dans le cadre de la procédure de chaque promotion. Ce droit est d'autant plus important que les fonctionnaires ayant eu le plus de mérite l'année précédente ne sont pas nécessairement les mêmes l'année suivante. De même, la Commission n'a pas démontré non plus que les mérites de la requérante auraient été comparés au titre de l'exercice de promotion 1996 avec ceux des fonctionnaires les plus méritants de l'année 1996.

47.
    Le Tribunal ne peut retenir non plus les arguments de la Commission selon lesquels le principe de confiance légitime serait applicable dans le cas d'espèce. Le droit à la protection de la confiance légitime bénéfice à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 30 septembre 1998, Adine-Blanc/Commission, T-43/97, non encore publié au Recueil, point 31, et la jurisprudence s'y référant). Cependant, des promesses qui ne tiennent pas compte des dispositions statutaires ne sauraient créer une confiance légitime dans le chef de celui auquel elles s'adressent (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6, et arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, point 30).

48.
    En conséquence, même si la Commission avait donné des assurances aux fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, ces assurances seraient manifestement illégales et ne pourraient pas créer une confiance légitime dans le chef desdits fonctionnaires. Du reste, la Commission n'a pas prétendu leur avoir donné des «assurances précises» ayant pu créer une confiance légitime. Au contraire, il est constant que, au moins lors de la publication de cette liste en 1997, il y a eu un avertissement selon lequel «les fonctionnaires inscrits sur ces listes et non promus à cette date ne [jouiraient] pas d'un droit à figurer d'office sur les listes ultérieures» (voir Informations administratives n° 998 du 8 août 1997, p. 4).

49.
    Quant à l'argument selon lequel les fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, auraient un droit acquis à être promus l'année suivante sauf s'ils ont démérités, il y a lieu de rappeler que le statut

ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (voir les arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 50, du 30 novembre 1995, Branco/Cour des comptes, T-507/93, RecFP p. II-797, point 28, et Baiwir/Commission, précité, point 67).

50.
    Il résulte de tout ce qui précède que la procédure de promotion litigieuse estentachée d'une irrégularité constitutive d'un vice substantiel, en ce qu'il n'a pas été satisfait à l'examen comparatif des mérites de l'intéressée et des deux fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, exigé par l'article 45, paragraphe 1, du statut (voir arrêt du Tribunal du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T-144/95, RecFP p. II-1429, point 62).

51.
    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens d'annulation, il y a lieu de prononcer l'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir la requérante au grade B 2 dans le cadre de l'exercice de promotion 1997.

Sur la demande en indemnisation

Arguments des parties

52.
    La requérante demande également de condamner la Commission à l'indemniser pour la discrimination qui résulte de sa situation de fonctionnaire «transcatégoriel». Selon elle, l'attribution de points au titre de l'âge, dans la méthode de comparaison des profils de carrière utilisée par l'administration, appliquée isolément aux personnes «transcatégorielles», aurait pour effet d'avantager pour la promotion, à ancienneté de grade égale, des fonctionnaires plus jeunes qu'elle, ayant en outre des rapports de notation moins favorables. Ce préjudice subsisterait jusqu'au terme de sa carrière, en raison du retard qui en résulterait systématiquement pour ses promotions ultérieures. Ce préjudice pourrait, selon la requérante, être estimé raisonnablement à 80 000 BFR par an durant les dix années et cinq mois de carrière professionnelle qu'elle avait encore à accomplir, au 1er janvier 1997, soit un montant de 833 000 BFR.

53.
    La défenderesse souligne que la distinction entre fonctionnaire transcatégoriel et fonctionnaire non transcatégoriel est objectivement justifiée selon l'arrêt Baiwir/Commission, précité (point 74). En l'absence de discrimination et, dès lors, de toute faute de la part de la défenderesse, une indemnisation quelconque ne se justifierait pas.

Appréciation du Tribunal

54.
    En l'espèce, la requérante ne justifie d'aucun préjudice matériel ou moral du fait de la décision de ne pas la promouvoir qui ne puisse être réparé de manière

adéquate par l'annulation de cette décision. En effet, même à supposer que les moyens soulevés par la requérante à l'appui de sa demande d'indemnisation soient fondés, la prétendue discrimination résultant de sa situation de fonctionnaire «transcatégoriel» aurait pour conséquence un préjudice tenant à des retards dans l'évolution de sa carrière. Étant donné qu'en vertu de l'article 176 du traité il appartient à l'institution compétente de prendre à l'égard de l'intéressée, dans le respect des principes de la réglementation communautaire applicable, tout acte qui est de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté, pour elle, de l'acte annulé (voir arrêt de la Cour du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens, C-259/96 P, Rec. p. I-2915, point 16), le Tribunal considère que l'annulation constitue, en l'espèce, la sanction adéquate et suffisante de la décision de ne pas promouvoir la requérante dans le cadre de la procédure de promotion 1997, à défaut de l'existence d'un préjudice certain, résultant d'un acte autre que la décision annulée (voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443, point 71).

55.
    Les conclusions en indemnité doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les dépens

56.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission de ne pas promouvoir la requérante au grade B 2 au titre de l'exercice de promotion 1997 est annulée.

2)    La demande d'indemnité est rejetée.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Moura Ramos

Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.