Language of document : ECLI:EU:C:2008:231

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 avril 2008 (*)

«Protection des consommateurs – Directive 1999/44/CE – Vente et garanties des biens de consommation – Droit du vendeur, en cas de remplacement d’un bien non conforme, d’exiger du consommateur une indemnité pour l’usage de ce bien – Gratuité de l’usage du bien non conforme»

Dans l’affaire C‑404/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 16 août 2006, parvenue à la Cour le 28 septembre 2006, dans la procédure

Quelle AG

contre

Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 octobre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Quelle AG, par Me A. Piekenbrock, Rechtsanwalt,

–        pour le Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände, par Mes P. Wassermann et J. Kummer, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Aresu et B. Schima ainsi que par Mme I. Kaufmann-Bühler, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO L 171, p. 12, ci-après la «directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Quelle AG (ci-après «Quelle»), une entreprise de vente par correspondance, au Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (ci-après le «Bundesverband»), une association de consommateurs agréée ayant reçu mandat de Mme Brüning, qui est une cliente de cette entreprise.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        La directive a été adoptée sur le fondement de l’article 95 CE. Son premier considérant rappelle que, conformément à l’article 153, paragraphes 1 et 3, CE, la Communauté européenne doit assurer un niveau élevé de protection aux consommateurs par le biais des mesures qu’elle adopte en application de l’article 95 CE.

4        L’article 3 de la directive, intitulé «Droits du consommateur», prévoit:

«1.      Le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien.

2.      En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit soit à la mise du bien dans un état conforme, sans frais, par réparation ou remplacement, conformément au paragraphe 3, soit à une réduction adéquate du prix ou à la résolution du contrat en ce qui concerne ce bien, conformément aux paragraphes 5 et 6.

3.      Dans un premier temps, le consommateur a le droit d’exiger du vendeur la réparation du bien ou son remplacement, dans les deux cas sans frais, à moins que cela ne soit impossible ou disproportionné.

Un mode de dédommagement est considéré comme disproportionné s’il impose au vendeur des coûts qui, par rapport à l’autre mode, sont déraisonnables […].

Toute réparation ou tout remplacement est effectué dans un délai raisonnable et sans inconvénient majeur pour le consommateur, compte tenu de la nature du bien et de l’usage recherché par le consommateur.

4.      L’expression ‘sans frais’ figurant aux paragraphes 2 et 3 désigne les frais nécessaires exposés pour la mise des biens dans un état conforme, notamment les frais d’envoi du bien et les frais associés au travail et au matériel.

5.      Le consommateur peut exiger une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat:

–        s’il n’a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien

ou

–        si le vendeur n’a pas mis en œuvre le mode de dédommagement dans un délai raisonnable

ou

–        si le vendeur n’a pas mis en œuvre le mode de dédommagement sans inconvénient majeur pour le consommateur.

[…]»

5        Selon le quinzième considérant de la directive «les États membres peuvent prévoir que tout remboursement au consommateur peut être réduit pour tenir compte de l’usage que le consommateur a eu du bien depuis que celui-ci lui a été livré; […] les modalités de résolution du contrat peuvent être fixées par le droit national».

6        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, première phrase, de la directive, intitulé «Délais»:

«La responsabilité du vendeur prévue à l’article 3 est engagée lorsque le défaut de conformité apparaît dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien.»

7        L’article 8, paragraphe 2, de la directive, intitulé «Droit national et protection minimale», dispose:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir en vigueur, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur.»

 La réglementation nationale

8        Parmi les dispositions du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB») prises pour la transposition de la directive dans l’ordre juridique allemand figurent notamment les articles 439 et 346 de ce code.

9        L’article 439, paragraphe 4, du BGB, intitulé «Exécution a posteriori», énonce:

[...]

«Le vendeur qui s’exécute a posteriori en fournissant un article conforme peut exiger de l’acheteur la restitution de l’article défectueux conformément aux articles 346 à 348.»

10      L’article 346, paragraphes 1 à 3, du BGB, intitulé «Effets de la résolution du contrat», est libellé comme suit:

«1.      Si une partie au contrat se prévaut d’une clause résolutoire contractuelle ou légale, les prestations reçues doivent, en cas de résolution, être reversées et les fruits effectivement perçus restitués.

2.      En lieu et place du reversement ou de la restitution, le débiteur est tenu de verser une indemnité dans la mesure où:

1)      le reversement ou la restitution sont exclus en raison de la nature de l’acquisition;

2)      il a dégradé, cédé, aliéné, transformé ou restructuré le bien reçu,

3)      le bien reçu s’est détérioré ou a disparu; l’usure correspondant à une utilisation normale n’entre toutefois pas en ligne de compte.

Si le contrat stipule une contreprestation, celle-ci doit être prise en compte dans le calcul de l’indemnité; si une indemnité est due pour l’avantage tiré d’un prêt, la preuve peut être apportée que la valeur de l’avantage était inférieure.

3.      L’obligation d’indemnité est exclue:

1)      si le défaut justifiant la résolution n’est apparu qu’au cours de la transformation ou de la restructuration du bien,

2)      dans la mesure où le créancier est responsable de la détérioration ou de la disparition, ou si le dommage serait aussi survenu chez lui,

3)      si, en cas de condition résolutoire légale, la détérioration ou la disparition est survenue chez l’intéressé, bien que ce dernier ait déployé la même diligence qu’il observe habituellement dans ses propres affaires.

L’enrichissement résiduel doit être restitué.»

11      L’article 100 du BGB, intitulé «Fruits», dispose:

«Les fruits sont les produits d’un bien ou d’un droit, ainsi que les avantages tirés de l’usage du bien ou du droit.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      Au cours du mois d’août de l’année 2002, Quelle a livré à Mme Brüning, pour son usage privé, un «ensemble de cuisson». Au début de l’année 2004, cette dernière a constaté que l’appareil était affecté d’un défaut de conformité. Une réparation étant impossible, Mme Brüning a retourné l’appareil à Quelle, qui l’a remplacé par un appareil neuf. Cette société a toutefois exigé que Mme Brüning lui verse une somme de 69,97 euros à titre d’indemnité pour les avantages qu’elle avait retirés de l’utilisation de l’appareil livré initialement.

13      Le Bundesverband, agissant en tant que mandataire de Mme Brüning, a demandé que ladite somme soit remboursée à cette dernière. Il a en outre demandé que, en cas de remplacement d’un bien non conforme au contrat de vente (ci-après le «bien non conforme»), Quelle soit condamnée à cesser de facturer des montants correspondants à l’usage dudit bien.

14      La juridiction de première instance a fait droit à la demande de remboursement et rejeté les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à Quelle de cesser de facturer des montants afférents à l’usage d’un bien non conforme. Les appels introduits contre ce jugement tant par Quelle que par le Bundesverband ont été rejetés. Saisi d’un recours en «Revision», le Bundesgerichtshof constate qu’il découle des dispositions combinées des articles 439, paragraphe 4, et 346, paragraphes 1 et 2, point l, du BGB que le vendeur a droit, en cas de remplacement d’un bien non conforme, à une indemnité en compensation des avantages que l’acquéreur a retirés de l’usage de ce bien jusqu’à son remplacement par un nouveau bien.

15      Tout en exprimant des réserves quant à la charge unilatérale ainsi imposée à l’acquéreur, le Bundesgerichtshof indique qu’il ne discerne aucune possibilité de corriger la réglementation nationale par la voie de l’interprétation. En effet, une interprétation selon laquelle le vendeur ne pourrait pas demander une indemnité à l’acquéreur pour l’usage du bien remplacé se heurterait au libellé des dispositions pertinentes du BGB ainsi qu’à la volonté clairement exprimée par le législateur et serait interdite par l’article 20, paragraphe 3, de la Loi fondamentale (Grundgesetz), aux termes duquel le pouvoir judiciaire est lié par la loi et le droit.

16      Toutefois, doutant de la conformité des dispositions du BGB avec la réglementation communautaire, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions combinées de l’article 3, paragraphes 2, 3, premier alinéa, et 4, ou de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive […] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une disposition du droit national aux termes de laquelle le vendeur peut exiger du consommateur, en cas de mise d’un bien dans un état conforme au contrat par son remplacement, une indemnité pour l’utilisation du bien non conforme livré à l’origine?»

 Sur la question préjudicielle

17      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet au vendeur, dans l’hypothèse où il a vendu un bien de consommation affecté d’un défaut de conformité, d’exiger du consommateur une indemnité pour l’usage du bien non conforme jusqu’à son remplacement par un nouveau bien.

 Sur la recevabilité

18      Lors de l’audience, Quelle a soutenu que la question préjudicielle n’est pas recevable dès lors que la juridiction de renvoi a indiqué que les dispositions nationales transposant la directive ne laissent place qu’à une seule interprétation et que le droit constitutionnel allemand lui interdit une interprétation contra legem. Dans l’hypothèse où la Cour interpréterait l’article 3 de la directive dans un sens différent, ladite juridiction ne pourrait donc pas tenir compte de la réponse de la Cour.

19      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 234 CE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 22 juin 2006, Conseil général de la Vienne, C‑419/04, Rec. p. I‑5645, point 19, et du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, non encore publié au Recueil, point 43).

20      Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts précités Conseil général de la Vienne, point 20, et Lucchini, point 44).

21      Tel n’est pas le cas en l’espèce.

22      L’incertitude quant à la possibilité pour le juge national, à la suite de la réponse apportée par la Cour à une question préjudicielle portant sur l’interprétation d’une directive, d’interpréter, dans le respect des principes dégagés par la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, points 113 à 116, ainsi que du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 110 à 112), le droit national à la lumière de cette réponse ne saurait influer sur l’obligation de la Cour de statuer sur cette question. Toute autre solution serait, en effet, incompatible avec la finalité même des compétences reconnues à la Cour par l’article 234 CE, lesquelles ont essentiellement pour objet d’assurer une application uniforme du droit communautaire par les juridictions nationales (arrêts du 6 décembre 2005, Gaston Schul Douane-expediteur, C‑461/03, Rec. p. I‑10513, point 21, et du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 27).

23      Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur le fond

24      Selon le Bundesverband, les gouvernements espagnol et autrichien ainsi que la Commission des Communautés européennes, l’article 3, paragraphe 3, de la directive établit clairement que c’est non seulement la réparation par le vendeur d’un bien non conforme, mais aussi, le cas échéant, le remplacement de celui-ci par un bien conforme qui doivent être effectués sans frais pour le consommateur. L’obligation de gratuité serait un tout indissociable, qui viserait à protéger l’acheteur du risque de charges financières qui pourraient le dissuader de faire valoir ses droits.

25      Le gouvernement allemand fait observer que le libellé de la directive ne règle pas la question de savoir si le vendeur peut, en cas de remplacement d’un bien non conforme, exiger une indemnité pour l’utilisation de celui-ci. Il souligne que, d’un point de vue systématique, le quinzième considérant de la directive exprime un principe très général de droit, conférant aux États membres toute latitude pour légiférer sur la question de savoir dans quelles situations le consommateur est tenu de verser une indemnité pour l’usage d’un bien.

26      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive, le vendeur répond, vis-à-vis du consommateur, de tout défaut de conformité existant lors de la délivrance du bien.

27      L’article 3, paragraphe 2, de la directive énumère les droits que le consommateur peut faire valoir à l’encontre du vendeur en cas de défaut de conformité du bien livré. Dans un premier temps, le consommateur a le droit d’exiger la mise du bien dans un état conforme. À défaut de pouvoir obtenir cette mise en conformité, il peut exiger, dans un second temps, une réduction du prix ou la résolution du contrat.

28      S’agissant de la mise en conformité du bien, l’article 3, paragraphe 3, de la directive précise que le consommateur a le droit d’exiger du vendeur la réparation du bien ou son remplacement, dans les deux cas sans frais, à moins que sa demande ne soit impossible à satisfaire ou disproportionnée.

29      Le gouvernement allemand fait valoir que, tant dans la proposition de directive 96/C 307/09 du Parlement européen et du Conseil sur la vente et les garanties des biens de consommation (JO 1996, C 307, p. 8) que dans la proposition modifiée de directive 98/C 148/11 du Parlement européen et du Conseil (JO 1998, C 148, p. 12) présentées par la Commission, le texte se bornait à viser soit la «réparation du bien sans frais», soit le «remplacement» dudit bien. Ce silence quant aux conséquences financières d’un remplacement attesterait qu’il n’était pas prévu que la directive règle la question d’une éventuelle indemnité d’utilisation.

30      Toutefois, cette circonstance est dépourvue de toute pertinence dès lors que c’est bien l’expression «dans les deux cas sans frais», apparue dans la position commune (CE) n° 51/98, arrêtée par le Conseil le 24 septembre 1998, en vue de l’adoption de la directive (JO C 333, p. 46), qui a été retenue dans le texte définitif, traduisant ainsi la volonté du législateur communautaire de renforcer la protection du consommateur.

31      L’expression «sans frais», quant à elle, est définie à l’article 3, paragraphe 4, de la directive comme désignant «les frais nécessaires exposés pour la mise des biens dans un état conforme, notamment les frais d’envoi du bien et les frais associés au travail et au matériel». Il résulte de l’utilisation par le législateur communautaire de l’adverbe «notamment» que cette énumération présente un caractère indicatif et non pas exhaustif.

32      La circonstance, invoquée par le gouvernement allemand, selon laquelle le communiqué de presse C/99/77 du comité de conciliation «Parlement – Conseil», du 18 mars 1999, relatif à l’accord sur les garanties aux consommateurs, donne une définition limitative de l’expression «sans frais» est, à cet égard, sans pertinence. Il est en effet de jurisprudence constante que, lorsqu’une déclaration inscrite à un procès-verbal du Conseil ne trouve aucune expression dans le texte d’une disposition de droit dérivé, elle ne saurait être retenue pour l’interprétation de ladite disposition (voir, notamment, arrêts du 26 février 1991, Antonissen, C‑292/89, Rec. p. I‑745, point 18, et du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C‑402/03, Rec. p. I‑199, point 42).

33      Il ressort ainsi tant du libellé que des travaux préparatoires pertinents de la directive que le législateur communautaire a entendu faire de la gratuité de la mise en conformité du bien par le vendeur un élément essentiel de la protection assurée au consommateur par cette directive.

34      Cette obligation de gratuité de la mise en conformité du bien incombant au vendeur, que ce soit sous la forme d’une réparation ou d’un remplacement du bien non conforme, vise à protéger le consommateur du risque de charges financières qui, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 49 de ses conclusions, pourrait le dissuader de faire valoir ses droits en l’absence d’une telle protection. Cette assurance de gratuité voulue par le législateur communautaire conduit à exclure toute prétention financière de la part du vendeur dans le cadre de l’exécution de son obligation de mise en conformité du bien sur lequel porte le contrat.

35      Cette interprétation est corroborée par la volonté, manifestée par le législateur communautaire à l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive, d’assurer au consommateur une protection effective. Cette disposition précise, en effet, que toute réparation ou tout remplacement doivent être effectués non seulement dans un délai raisonnable, mais encore sans inconvénient majeur pour le consommateur.

36      Cette interprétation est également conforme à la finalité de la directive qui, ainsi que l’indique le premier considérant de celle-ci, est de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs. Ainsi qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 2, de la même directive, la protection prévue par cette dernière est minimale et, si les États membres peuvent adopter des dispositions plus strictes, ils ne sauraient porter atteinte aux garanties prévues par le législateur communautaire.

37      Les autres arguments invoqués par le gouvernement allemand à l’encontre d’une telle interprétation ne sont pas de nature à remettre celle-ci en cause.

38      S’agissant, d’une part, de la portée qu’il convient de reconnaître au quinzième considérant de la directive, qui permet une prise en considération de l’usage qu’a eu le consommateur du bien non conforme, il importe de relever que la première partie dudit considérant se réfère à un «remboursement» à verser au consommateur, tandis que la seconde partie vise les «modalités de résolution du contrat». Ces termes sont identiques à ceux utilisés dans la position commune du Conseil à laquelle s’est également référé le gouvernement allemand.

39      Cette terminologie fait clairement apparaître que l’hypothèse visée par le quinzième considérant se limite au cas de la résolution du contrat, prévu à l’article 3, paragraphe 5, de la directive, cas dans lequel, en application du principe de restitution réciproque des avantages perçus, le vendeur doit rembourser au consommateur le prix de vente du bien. Contrairement à ce que fait valoir le gouvernement allemand, le quinzième considérant ne saurait donc être interprété comme un principe général habilitant les États membres à prendre en considération, dans toutes les situations où ils le souhaitent, y compris celle d’une simple demande de remplacement présentée au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive, l’usage que le consommateur a eu d’un bien non conforme.

40      S’agissant, d’autre part, de l’affirmation du gouvernement allemand, selon laquelle le fait pour le consommateur de bénéficier, par le moyen du remplacement d’un bien non conforme, d’un nouveau bien sans avoir à acquitter une compensation financière constituerait un enrichissement sans cause, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, de la directive met à la charge du vendeur la responsabilité, vis-à-vis du consommateur, de tout défaut de conformité existant lors de la délivrance du bien.

41      Dans l’hypothèse où le vendeur livre un bien non conforme, il n’exécute pas correctement l’obligation à laquelle il s’était engagé par le contrat de vente et doit donc assumer les conséquences de cette mauvaise exécution de celui-ci. En recevant un nouveau bien en remplacement du bien non conforme, le consommateur, qui, pour sa part, a acquitté le prix de vente et donc correctement exécuté son obligation contractuelle, ne bénéficie pas d’un enrichissement sans cause. Il ne fait que recevoir, avec retard, un bien conforme aux stipulations du contrat, tel qu’il aurait dû le recevoir dès l’origine.

42      Au demeurant, les intérêts financiers du vendeur sont protégés, d’une part, par le délai de prescription de deux ans prévu à l’article 5, paragraphe 1, de la directive et, d’autre part, par la possibilité qui lui est ouverte à l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive de refuser le remplacement du bien dans le cas où ce mode de dédommagement s’avère disproportionné en tant qu’il lui impose des coûts déraisonnables.

43      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet au vendeur, dans l’hypothèse où il a vendu un bien de consommation affecté d’un défaut de conformité, d’exiger du consommateur une indemnité pour l’usage du bien non conforme jusqu’à son remplacement par un nouveau bien.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 3 de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet au vendeur, dans l’hypothèse où il a vendu un bien de consommation affecté d’un défaut de conformité, d’exiger du consommateur une indemnité pour l’usage du bien non conforme jusqu’à son remplacement par un nouveau bien.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.