Language of document : ECLI:EU:C:2021:853

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 14 octobre 2021 (1)

Affaire C83/20

BPC Lux 2 Sàrl,

BPC UKI LP,

Bennett Offshore Restructuring Fund Inc.,

Bennett Restructuring Fund LP,

Queen Street Limited,

BTG Pactual Global Emerging Markets and Macro Master Fund LP,

BTG Pactual Absolute Return II Master Fund LP,

CSS LLC,

Beltway Strategic Opportunities Fund LP,

EJF Debt Opportunities Master Fund LP,

TP Lux HoldCo Sàrl,

VR Global Partners LP,

CenturyLink Inc. Defined Benefit Master Trust,

City of New York Group Trust,

Dignity Health,

GoldenTree Asset Management Lux Sàrl,

GoldenTree High Yield Value Fund Offshore 110 Two Ltd,

San Bernardino County Employees Retirement Association,

EJF DO Fund (Cayman) LP,

Massa Insolvente da Espírito Santo Financial Group SA

contre

Banco de Portugal,

Banco Espírito Santo SA,

Novo Banco SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2014/59/UE – Redressement et résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Articles 36, 73 et 74 – Transposition partielle d’une directive avant l’expiration du délai de transposition – Résolution d’un établissement de crédit – Traitement des actionnaires et des créanciers – Principe du “no creditor worse off” – Article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »






1.        La présente demande de décision préjudicielle, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), porte sur l’interprétation de la directive 2014/59/UE (2), ainsi que de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui consacre la protection du droit de propriété.

2.        Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un recours introduit devant les juridictions administratives portugaises par certains actionnaires et détenteurs d’obligations subordonnées de Banco Espírito Santo (ci-après « BES ») par lequel ceux-ci demandent l’annulation de la décision de résolution de BES adoptée par Banco de Portugal lors de l’année 2014.

3.        La particularité de la présente affaire réside dans le fait que cette décision a été adoptée en vertu d’une législation nationale en matière de résolution des établissements de crédit qui avait été introduite en droit portugais bien avant l’adoption de la directive 2014/59, mais qui avait été modifiée par un acte ne transposant que partiellement cette directive, avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci.

4.        Dans ces conditions, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la réglementation nationale sur le fondement de laquelle la décision de résolution de BES a été adoptée avec la directive 2014/59 et l’article 17 de la Charte, en raison de la non-transposition de toute une série de prescriptions énoncées dans cette directive. Elle demande également si cette législation pourrait, dans le cadre de l’application de l’action en résolution, compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive 2014/59, en application du principe établi dans la jurisprudence dégagée dans l’arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, ci-après l’« arrêt Inter-Environnement Wallonie », EU:C:1997:628), concernant les obligations des membres pendant la période de transposition d’une directive.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        L’article 34 de la directive 2014/59, intitulé « Principes généraux régissant la résolution », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, lorsque les autorités de résolution ont recours aux instruments et pouvoirs de résolution, elles prennent toute disposition appropriée afin que la mesure de résolution soit prise conformément aux principes suivants :

a)      les actionnaires de l’établissement soumis à la procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ;

b)      les créanciers de l’établissement soumis à une procédure de résolution supportent les pertes après les actionnaires, conformément à l’ordre de priorité de leurs créances dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, sauf dispositions contraires expresses de la présente directive ;

[...] »

6.        L’article 36 de la directive 2014/59, intitulé « Valorisation aux fins de la résolution », dispose :

« 1.      Avant de prendre une mesure de résolution ou d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, les autorités de résolution veillent à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’établissement ou de l’entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d), soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris l’autorité de résolution, ainsi que de l’établissement ou de l’entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d). [...]

[...]

4.      La valorisation vise les objectifs suivants :

a)      rassembler des informations permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de fonds propres sont réunies ;

b)      si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution sont réunies, rassembler des informations permettant de prendre une décision sur les mesures de résolution appropriées qu’il convient de prendre en ce qui concerne l’établissement ou l’entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d) ;

[...]

e)      lorsque l’instrument de l’établissement-relais ou de séparation des actifs est appliqué, rassembler des informations permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les actions ou autres titres de propriété à transférer ainsi que la décision concernant la valeur de toute contrepartie à payer à l’établissement soumis à la procédure de résolution ou, le cas échéant, aux propriétaires des actions ou autres titres de propriété ;

[...]

g)      en tout état de cause, veiller à ce que toute perte subie sur les actifs de l’établissement ou de l’entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d), soit pleinement prise en compte au moment où les instruments de résolution sont appliqués ou au moment où le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents est exercé.

[...]

8.      La valorisation précise la répartition des créanciers en différentes catégories conformément à leurs rangs de priorité aux termes du droit applicable en matière d’insolvabilité et évalue le traitement que chaque catégorie d’actionnaires et de créanciers aurait été susceptible de recevoir si l’établissement ou l’entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d), avait été liquidé selon une procédure normale d’insolvabilité.

Cette évaluation n’affecte pas l’application du principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité [“no creditor worse off”] qui est à respecter au titre de l’article 74. »

7.        L’article 73 de la directive 2014/59, intitulé « Traitement des actionnaires et des créanciers en cas de transfert partiel et d’application de l’instrument de renflouement interne », dispose :

« Lorsqu’un ou plusieurs instruments de résolution ont été appliqués et, en particulier, aux fins de l’article 75, les États membres s’assurent que :

a)      sauf lorsque le point b) s’applique, lorsque les autorités de résolution ne transfèrent qu’en partie les droits, actifs et engagements de l’établissement soumis à une procédure de résolution, les actionnaires et les créanciers dont les créances n’ont pas été transférées reçoivent en règlement de leurs créances un montant au moins égal à celui qu’ils auraient reçu si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait été liquidé dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, et ce au moment où la décision visée à l’article 82 a été prise ;

[...] »

8.        L’article 74 de la directive 2014/59, intitulé « Valorisation de la différence de traitement », dispose :

« 1.      Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à la procédure de résolution avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité, notamment mais pas exclusivement aux fins de l’article 73, les États membres veillent à ce qu’une valorisation soit réalisée dans les meilleurs délais par une personne indépendante après l’exécution de la mesure ou des mesures de résolution. Cette valorisation est distincte de celle réalisée au titre de l’article 36.

2.      La valorisation visée au paragraphe 1 établit :

a)      le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et les créanciers, ou le système de garantie des dépôts, si l’établissement soumis à une procédure de résolution par rapport auquel une ou plusieurs mesures de résolution ont été exécutées avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision visée à l’article 82 a été prise ;

b)      le traitement réel dont les actionnaires et les créanciers ont bénéficié dans la résolution de l’établissement soumis à une procédure de résolution ; et

c)      s’il existe une différence entre le traitement visé au point a) et celui visé au point b).

3.      La valorisation

a)      pose l’hypothèse que l’établissement soumis à une procédure de résolution par rapport auquel une ou plusieurs mesures de résolution ont été exécutées aurait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision visée à l’article 82 a été prise ;

b)      pose l’hypothèse que la ou les mesures de résolution n’ont pas été exécutées ;

c)      ne tient pas compte de l’apport éventuel d’un soutien financier public exceptionnel à l’établissement soumis à une procédure de résolution.

[...] »

B.      Le droit portugais

9.        Au Portugal, une réglementation nationale relative au redressement et à la résolution des établissements de crédit a été introduite dans le cadre du Regime Geral das Instituições de Crédito e Sociedades Financeiras (régime général des établissements de crédit et des sociétés financières, ci-après le « RGICSF ») par le Decreto-Lei n.o 31-A/2012 (décret-loi no 31‑A/2012), du 10 février 2012.

10.      Cette réglementation a été modifiée par le Decreto-Lei n.o 114‑A/2014 (décret-loi no 114‑A/2014), du 1er août 2014, qui a transposé partiellement la directive 2014/59, à savoir certains de ses aspects spécifiques.

11.      Plus particulièrement, le décret-loi no 114-A/2014 a modifié les articles 145-B, 145-F et 145-H du RGICSF qui, à la suite de cette modification, étaient libellés ainsi :

« Article 145-B [...]

1.      Dans l’application de mesures de résolution, compte tenu des objectifs des mesures de résolution établies à l’article précédent, il est cherché à garantir que :

a)      les actionnaires de l’établissement de crédit assument en premier les pertes de l’établissement en cause ;

b)      les créanciers de l’établissement de crédit assument ensuite, dans des conditions d’égalité, les autres pertes de l’établissement en cause, conformément à la hiérarchie de priorité des différentes classes de créanciers ;

c)      aucun créancier de l’établissement de crédit ne peut assumer des pertes plus importantes que celles qu’il assumerait si cet établissement avait été mis en liquidation.

[...]

3.      S’il est constaté, lors de la clôture de la liquidation de l’établissement de crédit objet de la mesure de résolution, que les créanciers de cet établissement dont les créances n’ont pas été transférées à un autre établissement de crédit ou à une banque-relais ont assumé des pertes supérieures au montant estimé, conformément à la valorisation prévue à l’article 145-F, paragraphe 6, et à l’article 145-H, paragraphe 4, qu’ils assumeraient si l’institution avait été mise en liquidation immédiatement avant l’application de la mesure de résolution, les créanciers ont le droit de recevoir cette différence de la part du fonds de résolution.

Article 145-F

[...]

6.      Aux fins de l’article 145-B, paragraphe 3, l’évaluation visée au paragraphe précédent inclut également une estimation du niveau de recouvrement des créances de chaque classe de créanciers, conformément à l’ordre de priorité prévu par la loi, dans un scénario de liquidation de l’établissement de crédit immédiatement avant l’application de la mesure de résolution.

[...]

Article 145-H

[...]

4.      Les actifs, passifs, éléments extrapatrimoniaux et actifs placés sous gestion choisis conformément au paragraphe 1 doivent faire l’objet d’une valorisation, reportée à la date du transfert, par une entité indépendante désignée par Banco de Portugal, dans un délai fixé par cette dernière, aux frais de l’établissement de crédit, cette même évaluation devant, aux fins de l’article 145-B, paragraphe 3, inclure également une estimation du niveau de recouvrement des créances de chaque classe de créanciers, conformément à l’ordre de priorité prévu par la loi, dans un scénario de liquidation de l’établissement d’origine immédiatement avant l’application de la mesure de résolution.

[...]

Article 145-I

[...]

3.      Le produit de la vente doit être affecté en priorité, proportionnellement, à la restitution :

a)      au fonds de résolution, de tous les montants mis à disposition en vertu de l’article 145-H, paragraphe 6 ;

b)      au fonds de garantie des dépôts ou au fonds de garantie de Crédito Agrícola Mútuo, de tous les montants mis à disposition en vertu de l’article 145-H, paragraphe 7.

[...] »

12.      La transposition de la directive 2014/59 a été complétée par approbation de la Lei n.o 23‑A/2015 (loi no 23-A/2015), du 26 mars 2015.

II.    Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

13.      BES était l’un des principaux établissements de crédit du système bancaire portugais. En raison de sa situation de grave crise financière, BES a fait l’objet d’une décision de résolution prise par Banco de Portugal le 3 août 2014. Cette décision a été prise en raison du risque sérieux et grave de défaut d’exécution de ses obligations par BES, raison pour laquelle, sans l’approbation urgente de la mesure de résolution, l’établissement en question aurait inévitablement été confronté à la suspension des paiements et au retrait de son autorisation d’exercer une activité en tant qu’établissement de crédit et, en conséquence, à sa mise en liquidation, ce qui aurait représenté un risque systémique énorme et une menace sérieuse pour la stabilité financière.

14.      La décision de résolution de BES susmentionnée a été adoptée sur le fondement du RGICSF dans sa version résultant du décret-loi no 31-A/2012, tel que modifié par le décret-loi no 114-A/2014.

15.      Cette décision de résolution de BES a entraîné la création d’un établissement-relais, sous la dénomination « Novo Banco SA », auquel a été transféré l’essentiel de l’actif, du passif et des éléments hors bilan de BES.

16.      Massa Insolvente da Espírito Santo Financial Group SA (ci-après « Massa Insolvente ») est une société qui détenait, directement et indirectement, des participations dans le capital social de BES.

17.      BPC Lux 2 e.a. sont des détenteurs d’obligations subordonnées émises par BES.

18.      Massa Insolvente et BPC Lux 2 e.a. ont contesté la mesure de résolution de BES et demandé son annulation devant les tribunaux portugais. Ils ont fait valoir, notamment, que cette mesure de résolution avait été adoptée en violation du droit de l’Union.

19.      Saisie du litige, la juridiction de renvoi nourrit certains doutes quant aux mesures adoptées par le législateur portugais dans le cadre de la transposition partielle de la directive 2014/59. Elle estime qu’il est nécessaire de clarifier l’interprétation des dispositions applicables du droit de l’Union afin d’apprécier les moyens d’illégalité invoqués.

20.      C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le droit de l’Union, en particulier l’article 17 de la [Charte] et la directive [2014/59], et, en particulier, ses articles 36, 73 et 74, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle [en cause au principal], qui a été appliquée dans le contexte de la mesure de résolution, dont l’objet est de créer un établissement-relais et un instrument de séparation d’actifs et qui, alors qu’elle transpose partiellement ladite directive et ce pendant le délai de transposition de celle-ci :

a)      ne prévoit pas la réalisation d’une valorisation juste, prudente et réaliste des actifs et des passifs de l’établissement objet de la mesure de résolution avant son adoption ?

b)      ne prévoit pas le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation mentionnée au point précédent, à l’établissement objet de la résolution ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété et qui, au lieu de cela, se borne à prévoir que l’éventuel reliquat du produit de la vente de la banque-relais soit restitué à l’établissement de crédit d’origine ou à sa masse de la faillite ?

c)      ne prévoit pas que les actionnaires de l’établissement objet de la mesure de résolution aient le droit de recevoir un montant non inférieur à ce qu’ils seraient censés recevoir si l’établissement avait été totalement mis en liquidation en vertu des procédures normales de faillite, ce mécanisme de sauvegarde n’étant prévu que pour les créanciers dont les créances n’ont pas été transférées ?

d)      ne prévoit pas une valorisation, indépendante de la valorisation visée au point a), destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation ?

2)      Eu égard à la jurisprudence résultant de l’arrêt [Inter-Environnement Wallonie], une législation nationale telle que celle visée dans cette affaire, qui transpose partiellement la directive [2014/59], est-elle, dans le contexte de l’application de la mesure de résolution, susceptible de compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive, en particulier par ses articles 36, 73 et 74 ? »

III. Analyse juridique

21.      En l’espèce, la juridiction de renvoi pose à la Cour deux questions préjudicielles destinées à vérifier la conformité au droit de l’Union du régime portugais de résolution des établissements de crédit, introduit dans le RGICSF lors de l’année 2012 puis modifié lors de l’année 2014, régime appliqué à la procédure de résolution de BES.

22.      La première question préjudicielle se subdivise en deux parties. Dans la première partie de cette question, la juridiction de renvoi se réfère à l’article 17 de la Charte, qui consacre la protection du droit de propriété ; dans la seconde partie de cette question, la juridiction de renvoi se réfère, en revanche, à la directive 2014/59, et notamment à ses articles 36, 73 et 74. Cette directive et, plus précisément, ces articles font également l’objet de la seconde question préjudicielle.

23.      La seconde partie de la première question préjudicielle et la seconde question préjudicielle visent donc toutes deux à vérifier la conformité à la directive 2014/59 de la législation nationale en cause au principal, mais sur le fondement de deux critères différents. Si la seconde partie de la première question préjudicielle a pour but de vérifier si cette directive s’oppose, en tant que telle, à une telle réglementation nationale, la seconde question préjudicielle vise en revanche à examiner la question de savoir si cette réglementation est susceptible de « compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit » par cette directive, conformément au critère formulé par la Cour dans la jurisprudence dégagée dans l’arrêt Inter-Environnement Wallonie, concernant les obligations incombant aux États membres pendant la période de transposition d’une directive.

24.      Dans ce contexte, il me paraît opportun, avant tout, de formuler, à titre liminaire, quelques considérations sur l’applicabilité à l’espèce des dispositions du droit de l’Union citées par la juridiction de renvoi.

A.      Considérations liminaires sur l’applicabilité du droit de l’Union

25.      La législation nationale applicable dans la procédure au principal, à savoir celle en vigueur au moment de l’adoption de la mesure de résolution de BES le 3 août 2014, et qui fait l’objet des questions préjudicielles, est le régime portugais relatif au redressement et à la résolution des établissements de crédit, introduit dans le RGICSF par le décret-loi no 31-A/2012, tel que modifié ultérieurement par le décret-loi no 114-A/2014.

26.      Il ressort des éléments du dossier que le décret-loi no 31-A/2012 a été adopté avant la présentation par la Commission européenne de la proposition de directive qui a ensuite conduit à l’adoption de la directive 2014/59 (3). Cet acte ne pouvait donc pas constituer, en tant que tel, une transposition de cette directive. En outre, en réponse à une question précise de la Cour, le gouvernement portugais a précisé que le décret-loi no 31-A/2012 ne transposait aucun autre acte du droit de l’Union (4).

27.      En revanche, il ressort expressément de la décision de renvoi que le décret-loi no 114-A/2014 qui a modifié le régime portugais concernant le redressement et la résolution des établissements de crédit de l’année 2012 constitue une transposition d’aspects particuliers de la directive 2014/59, mais ne transpose pas l’intégralité des dispositions de celle-ci. Le préambule de ce décret-loi indique du reste expressément qu’il a pour objet de transposer dans le droit portugais le principe du « no creditor worse off » (5) énoncé dans la directive 2014/59.

28.      À cet égard, il résulte d’ailleurs de l’article 130 de la directive 2014/59, d’une part, que le délai imparti aux États membres pour adopter et publier les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive était le 31 décembre 2014 et, d’autre part, que les États membres devaient appliquer ces dispositions à compter du 1er janvier 2015 (6).

29.      Force est donc de constater que, comme l’a du reste relevé la juridiction de renvoi elle-même, le décret-loi no 114-A/2014 constituait une transposition partielle de la directive 2014/59 avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci, plus précisément près de cinq mois avant l’expiration de ce délai. La transposition en droit portugais de la directive elle-même a ensuite été complétée en 2015 par la loi no 23‑A/2015.

30.      C’est dans ce cadre réglementaire qu’il convient d’examiner l’applicabilité à l’espèce de la directive 2014/59 et de la Charte.

1.      Sur l’applicabilité des dispositions de la directive 2014/59

31.      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que, dès lors que le délai de transposition d’une directive vise notamment à donner aux États membres le temps nécessaire pour adopter les mesures de transposition, ces États ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir transposé la directive dans leur ordre juridique avant que ce délai soit arrivé à expiration (7).

32.      En outre, bien que ce soit pendant le délai de transposition qu’il incombe aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par la directive sera atteint à l’expiration de ce délai (8), ceux-ci ont la faculté d’adopter des dispositions provisoires ou de mettre en œuvre la directive par étapes (9).

33.      Il est de jurisprudence constante qu’une directive ne saurait avoir d’effet direct qu’après l’expiration du délai fixé pour sa transposition dans l’ordre juridique des États membres (10). En conséquence, on ne peut pas se prévaloir d’une directive devant une juridiction nationale en ce qui concerne une procédure engagée avant l’expiration de la période de transposition de la directive (11).

34.      Néanmoins, selon une jurisprudence constante de la Cour, dégagée dans l’arrêt Inter-Environnement Wallonie cité par la juridiction de renvoi dans sa seconde question préjudicielle, il résulte de l’application combinée de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de l’article 288, troisième alinéa, TFUE que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (12).

35.      Il résulte, à mon avis, des principes jurisprudentiels rappelés aux points précédents que les requérants au principal ne peuvent pas se prévaloir devant la juridiction de renvoi de la directive 2014/59, en tant que telle, pour invoquer l’incompatibilité du régime portugais concernant le redressement et la résolution des établissements de crédit en vigueur au moment de l’adoption de la mesure de résolution de BES, autrement dit avant l’expiration du délai de transposition de cette directive, et ce bien que le décret-loi no 114-A/2014 accomplisse une transposition partielle de ladite directive dans le droit portugais avant l’expiration de ce délai.

36.      En effet, ainsi qu’il ressort du point 34 des présentes conclusions, pendant cette période de transposition, l’État membre en cause était uniquement tenu de s’abstenir d’adopter des dispositions susceptibles de compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive. C’est donc sur le fondement de cette seule obligation, au regard des paramètres qui seront exposés plus en détail aux points 55 et suivants des présentes conclusions, que doit être appréciée la compatibilité avec la directive 2014/59 de la législation nationale en vigueur à l’époque, par laquelle l’État membre en cause a procédé à une transposition partielle de cette directive, ce qu’il était sans conteste libre de faire, ainsi qu’il ressort du point 32 des présentes conclusions.

37.      Cette conclusion n’est pas, à mon avis, remise en cause par la jurisprudence invoquée par Massa Insolvente, dont il résulte que peuvent être considérées comme relevant du champ d’application d’une directive non seulement les dispositions nationales dont l’objectif exprès est de transposer cette directive, mais également, à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite directive, les dispositions nationales préexistantes, susceptibles d’assurer la conformité du droit national à celle-ci (13).

38.      En effet, le fait que certaines dispositions nationales préexistantes soient propres à assurer la conformité du droit national avec une directive et puissent ainsi être considérées comme relevant du champ d’application de cette directive et, partant, du droit de l’Union, ne signifie pas nécessairement que les États membres soient tenus d’assurer la pleine conformité de leur droit national avec cette directive avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci et que les obligations qui leur incombent aillent donc au-delà du devoir d’abstention établi dans la jurisprudence citée au point 34 des présentes conclusions. À mon avis, cette circonstance n’implique pas non plus, en soi, que les particuliers, contrairement à la jurisprudence citée au point 33 des présentes conclusions, puissent se prévaloir de cette directive devant les juridictions nationales dans le cadre d’une procédure engagée avant l’expiration du délai de transposition de la directive susmentionné.

2.      Sur l’applicabilité de la Charte

39.      En ce qui concerne l’applicabilité de l’article 17 de la Charte cité par la juridiction de renvoi dans la première partie de la première question préjudicielle, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (14).

40.      En effet, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations. C’est dans cette mesure que la Cour a déjà rappelé qu’elle ne peut apprécier, au regard de la Charte, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit de l’Union (15).

41.      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour déterminer si une réglementation nationale relève de la mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte, il y a lieu de vérifier, parmi d’autres éléments, si elle a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci ne poursuit pas des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter (16).

42.      Il convient par conséquent de vérifier si la réglementation en cause au principal peut être considérée comme relevant du champ d’application du droit de l’Union.

43.      À cet égard, je commencerai par relever qu’il ne semble faire aucun doute que le décret-loi no 114-A/2014 constitue une mesure d’application du droit de l’Union. En effet, comme indiqué au point 27 des présentes conclusions, il constitue une transposition explicite – bien que partielle et avant l’expiration du délai de transposition – de la directive 2014/59 dans le droit portugais.

44.      Compte tenu des précisions mentionnées au point 26 des présentes conclusions, le gouvernement portugais a en outre fait valoir que la législation antérieure au décret-loi no 31-A/2012, tel que modifié par le décret-loi no 114‑A/2014, ne constituait pas en tant que telle une mesure d’application du droit de l’Union.

45.      À cet égard, je relève néanmoins, d’une part, que le gouvernement portugais a lui-même précisé que la législation de l’année 2012 poursuivait le même objectif fondamental que la directive 2014/59, quoique de manière quelque peu différente. En effet, cette législation, pour l’adoption de laquelle le législateur portugais s’est du reste inspiré des travaux préparatoires de cette directive, a été adoptée afin d’anticiper, dans l’attente de l’adoption de la directive 2014/59, l’introduction dans le droit portugais de mesures normatives relatives au redressement et à la résolution des établissements de crédit, et d’éviter que se reproduisent des situations de préjudice public et privé grave résultant de la crise financière.

46.      D’autre part, le gouvernement portugais a précisé que l’adoption du décret-loi no 31-A/2012 visait à mettre en œuvre et à respecter les engagements pris par la République portugaise dans le protocole d’accord sur les conditions de la politique économique du 17 mai 2011 conclu entre l’État portugais et la Commission, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

47.      Ce protocole d’accord a pour base juridique l’article 3, paragraphe 5, du règlement (UE) no 407/2010 du Conseil, du 11 mai 2010, établissant un mécanisme européen de stabilisation financière (17), qui a lui-même pour base juridique l’article 122, paragraphe 2, TFUE (18). Ce protocole d’accord est également prévu par la décision d’exécution 2011/344/UE du Conseil, du 30 mai 2011, sur l’octroi d’une assistance financière de l’Union au Portugal (19).

48.      À cet égard, il convient de relever que la Cour a déjà eu l’occasion de juger que les mesures prises par un État membre pour mettre en œuvre les engagements pris dans un protocole d’accord faisant partie du droit de l’Union relèvent du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (20).

49.      Il résulte donc, à mon sens, de l’ensemble des considérations qui précèdent que la législation nationale en cause au principal relève du champ d’application du droit de l’Union et que, par conséquent, les dispositions de la Charte sont applicables au litige au principal.

3.      Conclusion sur l’applicabilité du droit de l’Union

50.      En conclusion, eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que les requérants au principal ne peuvent pas se prévaloir devant la juridiction de renvoi de la directive 2014/59 en tant que telle, pour invoquer l’incompatibilité du régime portugais de redressement et de résolution des établissements de crédit en vigueur au moment de l’adoption de la mesure de résolution de BES. Par conséquent, il n’y a pas lieu, à mon avis, de répondre à la seconde partie de la première question préjudicielle.

51.      La conformité à la directive 2014/59 d’une réglementation nationale telle que celle appliquée dans l’affaire au principal devra faire l’objet d’une vérification sur le fondement du critère développé par la Cour dans la jurisprudence dégagée dans l’arrêt Inter-Environnement Wallonie, selon lequel il convient de vérifier si une telle réglementation est susceptible de « compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit » par cette directive. Cette question fait l’objet de la seconde question préjudicielle, qu’il convient, selon moi, d’analyser en premier. J’analyserai ensuite la conformité d’une telle réglementation nationale à l’article 17 de la Charte, ainsi que le demande la juridiction de renvoi dans la première partie de la première question préjudicielle.

B.      Sur la seconde question préjudicielle concernant la directive 2014/59

52.      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si, eu égard à la jurisprudence de la Cour résultant de l’arrêt Inter-Environnement Wallonie, une législation nationale relative à la résolution des établissements de crédit, telle que celle contenue dans le RGICSF dans la version appliquée à la résolution de BES, qui transpose partiellement la directive 2014/59, est, dans le contexte de l’application de la mesure de résolution, susceptible de compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive, en particulier ses articles 36, 73 et 74.

53.      Cette question préjudicielle doit être lue au regard des prescriptions de la directive 2014/59 que la législation nationale n’a pas transposées dans le régime de résolution des établissements de crédit, prescriptions relatives aux éléments indiqués sous a) à sous d) de la première question préjudicielle. Ces prescriptions prévoient la valorisation juste, prudente et réaliste des actifs et des passifs de l’établissement objet de la mesure de résolution avant son adoption [sous a)], le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation mentionnée au point précédent, à l’établissement objet de la résolution ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété [sous b)], le principe du « no creditor worse off » énoncé expressément pour les actionnaires de l’établissement objet de la mesure de résolution [sous c)], et la réalisation d’une valorisation, indépendante de la valorisation visée au point a), destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation [sous d)].

54.      Afin de répondre à cette question préjudicielle, il convient, en premier lieu, de préciser la portée de l’obligation d’abstention, reconnue par la jurisprudence dégagée de l’arrêt Inter-Environnement Wallonie cité par la juridiction de renvoi.

1.      Sur la portée du devoir d’abstention qui incombe aux États membres en vertu de la jurisprudence Inter-Environnement Wallonie

55.      À cet égard, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 34 des présentes conclusions, il résulte de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de l’article 288, troisième alinéa, TFUE que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir d’adopter des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive.

56.      Il ressort de la jurisprudence qu’une telle obligation d’abstention doit être entendue comme se référant à l’adoption de toute mesure, générale et spécifique, susceptible de produire un tel effet de compromission (21). Il importe peu à cet égard que la disposition en cause du droit national, adoptée après l’entrée en vigueur de la directive concernée, vise ou non la transposition de cette dernière (22).

57.      La Cour a également eu l’occasion de préciser qu’une telle obligation d’abstention s’impose à l’ensemble des autorités des États membres concernés, y compris les juridictions nationales. Dès lors, dès la date à laquelle une directive est entrée en vigueur, les juridictions des États membres doivent s’abstenir dans la mesure du possible d’interpréter le droit interne d’une manière qui risquerait de compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition, la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive (23).

58.      Il appartient, en principe, à la juridiction nationale d’apprécier si les dispositions nationales dont elle est chargée d’examiner la légalité sont de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive concernée (24).

59.      Toutefois, lorsque le dossier contient tous les éléments permettant une telle appréciation, la Cour peut déterminer elle-même si la réglementation ou la mesure nationale qui fait l’objet de la demande de décision préjudicielle qui lui est adressée dans une affaire déterminée par une juridiction de renvoi est ou non susceptible de compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive en cause dans cette affaire.

60.      Ainsi, par exemple, dans l’arrêt du 8 mai 2003, ATRAL (C‑14/02, EU:C:2003:265), la Cour a constaté qu’une mesure nationale, adoptée pendant le délai de transposition de la directive en cause dans cette affaire, qui soumettait les appareils revêtus du marquage « CE » à une procédure d’approbation préalable, était de nature à compromettre le résultat prescrit par cette directive (25).

61.      En revanche, dans l’arrêt du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348), la Cour a estimé qu’une simple mesure spécifique, qui consisterait dans la décision d’octroi d’une autorisation environnementale pour la construction et l’exploitation d’une installation industrielle, n’apparaissait pas susceptible, en elle‑même, de compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive en cause dans cette affaire (26).

62.      Dans le même sens, dans l’arrêt du 26 février 2015, Federconsorzi et Liquidazione giudiziale dei beni ceduti ai creditori della Federconsorzi (C‑104/14, EU:C:2015:125), la Cour a considéré que la modification en défaveur d’un créancier de l’État, par un acte législatif adopté pendant le délai de transposition de la directive concernée dans cette affaire, des intérêts d’une créance résultant de l’exécution d’un contrat conclu avant une date déterminée ne pouvait, eu égard au contenu de cette directive, être considérée comme pouvant être de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (27).

63.      Dans l’arrêt du 27 octobre 2016, Milev (C‑439/16 PPU, EU:C:2016:818), la Cour a par ailleurs exclu qu’un avis rendu par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) pendant la période de transposition de la directive en cause dans cette affaire puisse constituer une mesure d’interprétation du droit national qui risque de compromettre sérieusement la réalisation de l’objectif poursuivi par une directive particulière (28).

64.      Dans sa jurisprudence, la Cour a également fourni des indications sur les facteurs et paramètres à prendre en compte dans l’appréciation à effectuer pour déterminer si une réglementation ou une mesure nationale peut être considérée comme étant de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par une directive particulière.

65.      La Cour a ainsi précisé qu’une telle vérification doit être nécessairement conduite sur le fondement d’une appréciation globale, en tenant compte de l’ensemble des politiques et des mesures adoptées sur le territoire national concerné, de sorte qu’une simple mesure spécifique n’apparaît pas susceptible, en elle‑même, de compromettre sérieusement le résultat prescrit par une directive déterminée (29).

66.      En outre, dans cette appréciation, il convient en particulier d’examiner si les dispositions en cause se présentent comme une transposition complète de la directive ainsi que les effets concrets de l’application de ces dispositions non conformes à la directive et de leur durée dans le temps (30).

67.      À l’inverse, il pourrait être tenu compte de la faculté qu’a un État membre d’adopter des dispositions provisoires ou de mettre en œuvre la directive par étapes. Dans de telles hypothèses, la non-conformité de dispositions transitoires du droit national avec la directive ou l’absence de transposition de certaines dispositions de la directive ne compromettrait pas nécessairement le résultat prescrit par celle-ci (31).

2.      Sur la compromission sérieuse de la réalisation du résultat prescrit par la directive 2014/59

68.      C’est sur le fondement des enseignements tirés de la jurisprudence rappelée aux points précédents qu’il convient de vérifier – afin de répondre à la seconde question préjudicielle – si la réglementation nationale susmentionnée, en raison de la non‑transposition de certaines prescriptions spécifiques énoncées dans la directive 2014/59, évoquées par la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle, sous a) à sous d), est susceptible de compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive.

69.      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, d’identifier quel est le « résultat prescrit » par la directive 2014/59, dont la réalisation pourrait être compromise par la législation nationale en cause.

70.      À cet égard, il convient de relever que, ainsi que l’ont d’ailleurs observé plusieurs des parties qui ont déposé des observations à la Cour, il ressort de la lecture des considérants et du texte de la directive 2014/59 que celle-ci poursuit plusieurs objectifs, certains de nature générale, d’autres de nature plus spécifique.

71.      Ainsi, en ce qui concerne les objectifs de caractère général, il ressort de la lecture du considérant 1 de cette directive que celle-ci vise à introduire des instruments nécessaires « pour éviter l’insolvabilité » des établissements de crédit et des entreprises d’investissement « ou, en cas d’insolvabilité avérée, pour en minimiser les répercussions négatives en préservant les fonctions importantes, sur le plan systémique, de l’établissement concerné ».

72.      Lorsqu’elles appliquent les instruments de résolution et exercent les pouvoirs de résolution, les autorités de résolution tiennent compte des « objectifs de la résolution » qui sont spécifiquement énumérés à l’article 31, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et qui sont, en principe, d’égale importance (32). Ces objectifs sont d’assurer la continuité des fonctions critiques (33), d’éviter des effets négatifs sérieux sur la stabilité financière (34), de sauvegarder les fonds publics (35), de protéger les déposants et les investisseurs (36) et de protéger les fonds et actifs des clients (37).

73.      La directive 2014/59 introduit ensuite un certain nombre de dispositions qui, dans le cadre des objectifs généraux susmentionnés, poursuivent des objectifs spécifiques. En particulier, certaines des dispositions de la directive visent à assurer que les instruments et les pouvoirs de résolution sont utilisés de manière compatible avec les droits fondamentaux garantis par la Charte et en particulier avec le droit de propriété garanti par son article 17.

74.      En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 13 de la directive 2014/59, l’utilisation des instruments et des pouvoirs de résolution prévus par cette directive peut avoir des répercussions sur les droits des actionnaires et des créanciers (38). À cet égard, le considérant 50 de la directive 2014/59 indique que les atteintes aux droits de propriété ne devraient pas être disproportionnées.

75.      Parmi les dispositions qui énoncent cet objectif spécifique poursuivi figurent celles mentionnées par la juridiction de renvoi dans ses questions préjudicielles, à savoir l’article 36 de la directive 2014/59, qui prévoit, avant de prendre une mesure de résolution, la réalisation d’une valorisation juste, prudente et réaliste aux fins de la résolution, et l’article 73, sous a), ainsi que l’article 74 de cette directive, lesquels, respectivement, d’une part, garantissent le traitement des actionnaires et des créanciers selon le principe du « no creditor worse off », notamment en cas de transfert partiel des droits, actifs et engagements de l’établissement soumis à une procédure de résolution, et, d’autre part, prévoient une valorisation ex post, afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à la procédure de résolution avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité.

76.      Ces articles ont pour objectif spécifique de veiller à ce que les instruments et pouvoirs de résolution prévus par la directive 2014/59 soient appliqués dans le respect des droits fondamentaux garantis par la Charte et en particulier du droit de propriété des actionnaires et des créanciers de l’établissement en voie de résolution, obligation qui, en tout état de cause, comme le souligne à juste titre la Commission, incombe déjà aux États membres en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

77.      Je considère donc que c’est au regard de ces objectifs, tant généraux que spécifiques, poursuivis par la directive 2014/59 qu’il convient d’apprécier si la réglementation nationale en cause au principal peut compromettre sérieusement la réalisation du « résultat prescrit » par cette directive, étant précisé que la question particulière relative à la protection du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte fait l’objet d’un examen spécifique ci-après dans le cadre de l’analyse de la première partie de la première question préjudicielle.

78.      Dans cette perspective, il convient, en second lieu, de vérifier si l’absence des prescriptions spécifiques mentionnées par la juridiction de renvoi dans la première question préjudicielle, sous a) à sous d), signifie que la réglementation nationale en cause est de nature à compromettre sérieusement la réalisation du « résultat prescrit » par ladite directive.

79.      À cet égard, et à titre d’observation générale, je relève qu’il ressort explicitement de l’ordonnance de renvoi que les modifications apportées pendant la période de transposition de la directive 2014/59 par le décret-loi no 114-A/2014 à la législation introduite au Portugal sur le redressement et la résolution des établissements de crédit en 2012 – législation qui, comme indiqué, existait avant l’adoption de la directive 2014/59 – ont mis en œuvre certaines des dispositions énoncées dans cette directive, mais pas toutes, opérant ainsi un rapprochement entre la législation nationale et celle énoncée dans ladite directive.

80.      Cette constatation à elle seule rend à mon avis difficile, y compris en tenant compte de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 60 à 67 des présentes conclusions, de conclure en l’espèce que la réglementation nationale en cause au principal est de nature à « compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit » par la directive 2014/59. En effet, comme le souligne le gouvernement portugais, la transposition de certaines des dispositions d’une directive – dans la mesure où il n’est pas contesté que cette transposition a été effectuée correctement –, plutôt que d’être susceptible de compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive, contribue à la réalisation des objectifs de celle-ci.

81.      En outre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée aux points 55 à 57 des présentes conclusions, l’obligation qui incombe aux États membres pendant le délai de transposition d’une directive est une obligation d’abstention et donc une obligation négative de ne pas adopter de mesures susceptibles de compromettre le résultat prescrit par la directive. À mon avis, une telle obligation peut difficilement être violée par l’adoption d’une législation qui transpose correctement la directive concernée, ne serait-ce que partiellement.

82.      Bien que ces considérations puissent déjà en elles-mêmes conduire à répondre par la négative à la seconde question préjudicielle, il convient néanmoins d’analyser en détail les prescriptions indiquées par la juridiction de renvoi dont l’absence serait, selon elle, susceptible de compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive 2014/59.

3.      Sur les prescriptions dont l’absence serait susceptible de compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive 2014/59

83.      La juridiction de renvoi indique, tout d’abord, au point a) de la première question préjudicielle, que la législation nationale en cause, applicable au moment de la résolution de BES, « ne prévo[yait] pas la réalisation d’une valorisation juste, prudente et réaliste des actifs et des passifs de l’établissement objet de la mesure de résolution avant son adoption ».

84.      À cet égard, je relève toutefois que, comme l’observe à juste titre la Commission, l’article 145-H, paragraphe 4, du RGICSF prévoyait déjà dans sa version de l’année 2012 que les actifs, les passifs, les éléments extrapatrimoniaux et les actifs placés sous gestion de l’établissement de crédit concerné devaient être valorisés au moment du transfert réalisé, à la charge de celui-ci, par un organisme indépendant désigné par Banco de Portugal dans un délai fixé par celle-ci. La modification de cette disposition lors de l’année 2014 a eu pour conséquence que cette valorisation devait également inclure une estimation du niveau de recouvrement des créances de chaque catégorie de créanciers, conformément à l’ordre de priorité établi par la loi, dans l’hypothèse d’une liquidation de l’établissement de crédit d’origine immédiatement avant l’application de la mesure de résolution.

85.      Bien que, à la différence de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2014/59, cette disposition ne mentionne pas que la valorisation doit être « juste, prudente et réaliste », son libellé et le contexte dans lequel elle s’inscrit semblent, sous réserve de confirmation par la juridiction de renvoi, faire référence à l’utilisation de paramètres comptables intégrant ces critères, que l’organisme indépendant désigné devrait en tout état de cause utiliser lorsqu’il procède à une telle valorisation.

86.      Dans ce contexte, j’estime que la circonstance mentionnée par la juridiction de renvoi au point a) de sa première question préjudicielle ne permet pas de considérer que la réglementation nationale en cause au principal peut compromettre sérieusement la réalisation du « résultat prescrit » par la directive 2014/59.

87.      La juridiction de renvoi relève en outre, au point b) de sa première question préjudicielle, que la législation nationale en cause au principal, applicable au moment de la résolution de BES, « ne prévo[yait] pas le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation mentionnée au point [a)], à l’établissement objet de la résolution ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété et [...], au lieu de cela, se born[ait] à prévoir que l’éventuel reliquat du produit de la vente de la banque-relais [devait être] restitué à l’établissement de crédit d’origine ou à sa masse de la faillite ».

88.      À cet égard, il convient de relever que, déjà dans la version initiale de l’année 2012, les paragraphes 3 et 4 de l’article 145-I du RGICSF prévoyaient que, après restitution des montants mis à disposition par le fonds de résolution et les autres fonds de garantie, l’éventuel reliquat du produit de la vente des actifs de l’établissement-relais soit retourné à l’établissement de crédit d’origine ou à sa masse de la faillite, s’il avait été mis en liquidation.

89.      Cette disposition permettait, dans le but d’assurer la « neutralité économique » de l’action de résolution, de ne pas priver l’établissement de crédit d’origine (ou sa masse de la faillite) du montant résultant de la vente des actifs de l’établissement-relais après restitution des sommes versées à titre de prêts par les différents fonds. Elle était donc destinée à protéger les actionnaires et les créanciers de l’établissement d’origine.

90.      En outre, comme le souligne la Commission, le montant résultant de cette vente bénéficie certainement des différentes mesures prises dans le cadre de l’action de résolution pour créer l’établissement-relais, telles que la séparation de cet établissement-relais des « actifs toxiques » qui sont restés dans l’établissement objet de la résolution, les autres mesures de redressement, les mesures de soutien des différents fonds et le fait que la vente de l’établissement-relais puisse être effectuée de manière ordonnée. Tous ces éléments sont destinés, dans l’intérêt des actionnaires et des créanciers de l’établissement d’origine, à augmenter la valeur du montant de l’éventuel reliquat de la vente de l’établissement-relais.

91.      Dans ce contexte, je considère que, sous réserve des considérations exposées aux points 131 et suivants des présentes conclusions en ce qui concerne le respect de l’article 17 de la Charte, bien que la législation nationale en cause ne corresponde pas exactement à celle énoncée dans la directive 2014/59, qui, comme le souligne la juridiction de renvoi, prévoit le versement d’une « éventuelle contrepartie » (39), il ne saurait en aucun cas être conclu que cette législation pourrait compromettre sérieusement la réalisation du « résultat prescrit » par la directive 2014/59.

92.      La juridiction de renvoi relève également, au point c) de la première question préjudicielle, que la législation nationale en cause au principal, applicable au moment de la résolution de BES, « ne prévo[yait] pas que les actionnaires de l’établissement objet de la mesure de résolution aient le droit de recevoir un montant non inférieur à ce qu’ils seraient censés recevoir si l’établissement avait été totalement mis en liquidation en vertu des procédures normales de faillite, ce mécanisme de sauvegarde n’étant prévu que pour les créanciers dont les créances n’[avaient] pas été transférées ».

93.      En d’autres termes, la juridiction de renvoi souligne que le principe du « no creditor worse off » en faveur des actionnaires n’était pas expressément prévu par la législation nationale en cause au principal.

94.      Toutefois, j’estime que cette absence n’est pas, en soi, de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive 2014/59 au sens de la jurisprudence dégagée dans l’arrêt Inter-Environnement Wallonie, et ce, en particulier, dans une situation dans laquelle, comme le souligne la Commission, l’ordre juridique portugais a tenu compte de la position et des intérêts des actionnaires de l’établissement de crédit concerné, ainsi que de leurs intérêts dans le cadre des procédures de résolution mises en place en application de la législation nationale en cause.

95.      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que l’article 145-B, paragraphe 1, sous a), tel que modifié par le décret-loi no 114-A/2014 prévoyait que, dans l’application des mesures de résolution, « les actionnaires de l’établissement [soumis à la procédure de résolution] assument en premier les pertes ». Cette disposition était donc l’expression du principe consacré à l’article 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/59, qui est un principe général du droit des sociétés et de l’insolvabilité.

96.      En deuxième lieu, la réglementation nationale en matière de redressement et de résolution des établissements de crédit contenait, ainsi qu’il ressort des points 88 à 90 des présentes conclusions, des dispositions garantissant les intérêts des actionnaires, telles que l’article 145-I, paragraphe 4, du RGICSF.

97.      En troisième lieu, comme l’explique Banco de Portugal, la législation nationale permettait, en tout état de cause, aux actionnaires d’intenter une action en réparation contre l’État s’ils étaient à même de prouver que la mesure de résolution les avait placés dans une situation moins favorable que celle dans laquelle ils se seraient trouvés en cas de liquidation.

98.      Dans ce contexte, la circonstance mentionnée par la juridiction de renvoi au point c) de la première question préjudicielle ne permet pas non plus, à mon avis, de considérer que la réglementation nationale en cause pourrait « compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit » par la directive 2014/59.

99.      Enfin, la juridiction de renvoi observe, au point d) de la première question préjudicielle, que la législation nationale en cause au principal applicable au moment de la résolution de BES « ne prévo[yait] pas une valorisation, indépendante de la valorisation visée au point a), destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation ».

100. Il convient toutefois de noter à cet égard que, comme déjà indiqué au point 84 des présentes conclusions, l’article 145-H, paragraphe 4, du RGICSF, tel que modifié lors de l’année 2014, prévoyait que la valorisation indépendante à effectuer par une entité indépendante désignée par Banco de Portugal devait inclure également une estimation, reportée à la date du transfert, du niveau de recouvrement des créances de chaque classe de créanciers, conformément à l’ordre de priorité prévu par la loi, dans l’hypothèse d’une liquidation de l’établissement d’origine immédiatement avant l’application de la mesure de résolution. Cette estimation devait être effectuée en considération du principe du « no creditor worse off », exprimé à l’article 145-B, paragraphe 1, sous c), du RGICSF (exclusivement) en faveur des créanciers. Comme le relève la Commission, cette valorisation correspondait en grande partie à celle prévue à l’article 74 de la directive 2014/59.

101. À la différence de l’article 74 de la directive 2014/59, la disposition nationale ne prévoit pas que les deux valorisations [celle visée sous a) et celle visée sous d) de la première question préjudicielle, correspondant respectivement à celles visées aux articles 36 et 74 de la directive 2014/59] doivent être distinguées. Toutefois, la législation nationale n’interdisait pas qu’elles soient effectuées séparément, ce qui semble avoir été le cas en l’espèce, puisque deux valorisations distinctes ont été effectuées par deux cabinets d’audit différents.

102. Dans ce contexte, la circonstance exposée par la juridiction de renvoi au point d) de la première question préjudicielle ne permet pas non plus, à mon sens, de considérer que la réglementation nationale en cause pourrait compromettre sérieusement la réalisation du « résultat prescrit » par la directive 2014/59.

103. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, à mon avis, une législation telle que celle en cause au principal appliquée à la résolution de BES n’est pas de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive 2014/59.

C.      Sur la première partie de la première question préjudicielle, relative à l’article 17 de la Charte

104. Par la première partie de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 17 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale relative à la résolution des établissements de crédit, telle que celle contenue dans le RGICSF dans sa version appliquée à la résolution de BES, qui ne prévoit pas la réalisation d’une valorisation juste, prudente et réaliste des actifs et des passifs de l’établissement objet de la mesure de résolution avant son adoption [sous a)], ne prévoit pas le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation mentionnée au point précédent, à l’établissement objet de la résolution ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété [sous b)], ne prévoit pas le principe du « no creditor worse off » pour les actionnaires de l’établissement objet de la mesure de résolution [sous c)], et ne prévoit pas une valorisation, indépendante de la valorisation visée au point a), destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation [sous d)].

105. Afin de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, il convient donc d’examiner si l’article 17 de la Charte, en particulier son paragraphe 1, s’oppose à une législation nationale telle que celle en cause au principal contenue dans le RGICSF dans sa version appliquée à la résolution de BES. Afin de déterminer la portée du droit fondamental au respect de la propriété, il y a lieu, eu égard à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de tenir compte de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui consacre ce droit (40).

106. Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer, et nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

107. À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le droit de propriété garanti par cette disposition ne constitue pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (41).

108. Par ailleurs, il importe de rappeler également que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et libertés consacrés par celle-ci, tels que le droit de propriété, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (42).

109. À titre liminaire, il convient de relever, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que des mesures, telles que celles adoptées dans l’affaire au principal, qui prévoient, dans le cadre d’une procédure de redressement et de résolution d’un établissement de crédit, le transfert d’éléments d’actifs d’un établissement de crédit à un établissement-relais, constituent des restrictions susceptibles de porter atteinte au droit de propriété, au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, des actionnaires de l’établissement de crédit et de ses créanciers, tels que les détenteurs d’obligations, dont les créances n’ont pas été transférées à l’établissement-relais.

110. À cet égard, je relève que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique concerné, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire (43). Il s’ensuit que la protection prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte s’applique également aux droits ayant une valeur patrimoniale découlant de la détention d’actions ou d’obligations négociables sur les marchés de capitaux.

111. Au demeurant, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), relative à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH, que doivent être considérées comme étant des « biens » pouvant bénéficier de la protection garantie par cet article 1er tant les actions (44) que les obligations négociables sur les marchés de capitaux (45).

112. En deuxième lieu, je considère que de telles limitations respectent, en principe, le contenu essentiel du droit de propriété des actionnaires et des obligataires de l’établissement de crédit concerné par les mesures de résolution.

113. En effet, d’une part, les mesures de résolution telles que celles mentionnées au point 109 des présentes conclusions ne donnent pas lieu, à mon avis, à une privation de propriété sur des actions ou des obligations, au sens strict, car elles n’entraînent pas un transfert de propriété de ces actifs résultant d’une dépossession formelle de ceux‑ci (46). Elles ne constituent donc pas une intervention portant atteinte à la substance même du droit de propriété (47).

114. À cet égard, j’ajoute également qu’il est possible que, dans certains cas, les mesures de résolution des établissements de crédit conduisent à des situations de privation effective de propriété (48) ou à des situations comparables à une telle privation (49). Toutefois, la privation de propriété ne constitue pas en soi une violation des droits fondamentaux lorsque les conditions énoncées à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci, sont remplies (50).

115. D’autre part, des mesures de redressement et de résolution, telles que celle adoptée à l’égard de BES, ne sont appliquées à un établissement de crédit qu’en cas de défaillance avérée ou prévisible de celui-ci (51). Par conséquent, dans une telle situation, la perte de valeur des actifs susceptibles de bénéficier de la protection garantie par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte – à savoir les actions et les obligations négociables sur les marchés de capitaux –, perte qui, dans certains cas, peut atteindre la dépréciation complète, est due non pas à ces mesures, mais à l’état de défaillance ou au risque de défaillance dans lequel se trouve l’établissement de crédit.

116. En fait, l’action de résolution réduit uniquement la valeur nominale des fonds propres et des titres de dette affectés, parce que cette valeur, en raison de l’état de défaillance avéré ou prévisible susmentionné, ne correspond plus à leur valeur réelle. La dépréciation de ces instruments est donc purement formelle. D’un point de vue économique, la position des investisseurs devrait dans l’ensemble demeurer inchangée : dans la pire des hypothèses, ils ne sont globalement pas dans une plus mauvaise position que celle qui aurait été la leur si l’État n’était pas intervenu (52).

117. En troisième lieu, il convient de relever qu’il ne fait aucun doute que, dans la présente affaire, les restrictions au droit de propriété mentionnées au paragraphe 109 des présentes conclusions sont prévues par la loi, conformément à l’article 17, paragraphe 1, et à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

118. En quatrième lieu, ces restrictions répondent bien à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, et peuvent être considérées comme étant prévues pour cause d’utilité publique, au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, en cas de privation de propriété.

119. En effet, la Cour a déjà eu l’occasion de reconnaître que l’objectif d’assurer la stabilité du système bancaire et financier répond à un intérêt général reconnu par l’Union, et même poursuivi par celle-ci, tout particulièrement en ce qui concerne la zone euro dans son ensemble. Cela s’explique par le rôle central joué par les services financiers dans l’économie de l’Union et par le risque que la situation de grave difficulté d’une ou plusieurs banques se propage rapidement à d’autres banques, avec des retombées négatives sur d’autres secteurs de l’économie et des pertes financières importantes pour les déposants des banques concernées (53). Une telle approche est également conforme à celle de la Cour EDH dans sa jurisprudence constante (54).

120. En cinquième lieu, il convient de vérifier si ces limitations sont proportionnées au regard de la réalisation de l’objectif poursuivi, ce qui nécessite à son tour de vérifier que ces limitations sont nécessaires et propres à atteindre l’objectif d’intérêt général reconnu par l’Union.

121. À cet égard, il y a lieu de déterminer si le législateur national a ménagé un « juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu », ce qui implique de vérifier l’existence d’un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété » (55).

122. À cet égard, BPC Lux 2 e.a. et Massa Insolvente soutiennent que la réglementation nationale en cause comporte une violation du principe de proportionnalité, en tant que, contrairement à la directive 2014/59, elle ne prévoit pas l’application du principe du « no creditor worse off » en faveur des actionnaires, mais uniquement en faveur des créanciers. En particulier, afin d’assurer la proportionnalité de l’ingérence dans les droits de propriété, le législateur de l’Union, dans la directive 2014/59, aurait veillé à ce que les actionnaires et les créanciers lésés ne subissent pas des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies si l’établissement de crédit avait été liquidé au moment où la décision de résolution a été décidée.

123. Ces arguments sont reflétés aux points c) et d) de la première question préjudicielle, par laquelle la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec l’article 17 de la Charte en raison, d’une part, de l’absence de toute disposition relative au principe du « no creditor worse off » pour les actionnaires de l’établissement objet de la résolution et, d’autre part, de l’absence de valorisation spécifique destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation.

124. À cet égard, je relève tout d’abord que la Cour a déjà eu l’occasion de considérer que, compte tenu du contexte économique particulier, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des décisions en matière économique et qu’ils sont les mieux placés pour définir les mesures susceptibles de réaliser l’objectif poursuivi (56), à savoir, en l’espèce, la stabilité du système bancaire et financier (57).

125. En outre, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que, bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir à travers l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système financier (58).

126. En ce qui concerne plus particulièrement les actionnaires d’une banque, la Cour relève, d’une part, que, ainsi qu’il a déjà été mis en évidence au point 95 des présentes conclusions, selon le régime général applicable au statut des actionnaires des sociétés anonymes, ceux-ci assument pleinement le risque de leurs investissements, à concurrence du montant du capital social de cette société et, d’autre part, que – ainsi qu’il ressort également des points 115 et 116 des présentes conclusions – les pertes des actionnaires (mais aussi des créanciers) des banques en difficulté auront, en tout état de cause, la même ampleur, indépendamment de la question de savoir si leur cause repose sur un jugement de déclaration de faillite ou sur une action en résolution (59).

127. Dans ce contexte, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 95 à 98 des présentes conclusions, la législation nationale en cause au principal, d’une part, contenait des dispositions qui tenaient compte de la position des actionnaires de l’établissement de crédit concerné et de leurs intérêts dans le cadre des procédures de résolution mises en place en vertu de cette législation nationale. En particulier, ainsi qu’il a été relevé aux points 88 à 90 des présentes conclusions, la disposition susmentionnée de l’article 145-I du RGICSF visait à protéger les intérêts des actionnaires et permettait, dans le but d’assurer la « neutralité économique » de l’action de résolution, de ne pas priver l’établissement de crédit d’origine (ou sa masse de la faillite) du montant résultant de la vente des actifs de l’établissement-relais après restitution des sommes versées à titre de prêts par les différents fonds.

128. D’autre part, comme indiqué aux points 100 et 101 des présentes conclusions, cette législation prévoyait également une valorisation spécifique correspondant dans une large mesure à la valorisation visée à l’article 74 de la directive 2014/59.

129. Il s’ensuit que cette réglementation, lue également au regard de la jurisprudence citée aux points 125 et 126 des présentes conclusions, ainsi que du principe mentionné au point 95 des présentes conclusions, ne fait pas peser une charge disproportionnée et excessive sur les actionnaires de l’établissement de crédit en état d’insolvabilité (ou risquant l’insolvabilité), et ce indépendamment de l’absence d’une disposition expresse – présente dans la directive 2014/59 – relative au principe du « no creditor worse off » en faveur des actionnaires.

130. Par conséquent, il convient, selon moi, de conclure que, eu égard à l’objectif d’intérêt général poursuivi par la réglementation nationale en cause au principal – à savoir assurer la stabilité du système bancaire et financier et, en cas de faillite des établissements de crédit défaillants, éviter le risque de conséquences négatives plus importantes que celles résultant de leur soumission à une procédure de résolution –, cette réglementation nationale ne constitue pas une intervention démesurée et intolérable dans le droit de propriété des actionnaires et que les mesures qu’elle prévoit ne sauraient être considérées comme étant des restrictions injustifiées de ce droit (60).

131. En sixième lieu, la juridiction de renvoi relève, aux points a) et b) de sa première question préjudicielle, que, contrairement aux dispositions de la directive 2014/59 (61), la législation nationale en cause appliquée à la résolution de BES ne prévoyait pas le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation mentionnée au point précédent, à cet établissement ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété. Comme déjà indiqué, cette législation prévoyait que, après restitution des montants mis à disposition par le fonds de résolution et les autres fonds de garantie, l’éventuel reliquat du produit de la vente des actifs de l’établissement-relais était retourné à l’établissement de crédit d’origine ou à sa masse de la faillite, s’il était mis en liquidation. Massa Insolvente et BPC Lux 2 e.a. font valoir que cette disposition ne remplit pas les deux conditions mentionnées au point 120 des présentes conclusions, en violation de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

132. À cet égard, l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, de la Charte prévoit que, en cas de privation de propriété, celle-ci intervient moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. Cette disposition énonce donc deux conditions. D’une part, le paiement d’une « juste indemnité » et, d’autre part, qu’un tel paiement soit effectué « en temps utile ».

133. En ce qui concerne, tout d’abord, la première condition, selon la jurisprudence de la Cour EDH, une indemnité adaptée à la valeur marchande du bien en question est, en règle générale, « juste », mais une indemnité inférieure à cette valeur peut également être considérée comme étant juste (62).

134. Toutefois, en cas de restrictions au droit de propriété relatif à des actions ou des instruments de fonds propres, tels que des obligations, émis par une banque qui se trouve en situation de défaillance ou de risque de défaillance, une indemnité égale à la valeur de liquidation peut être considérée comme étant juste. En effet, à partir du moment où les conditions de résolution sont réunies – c’est‑à‑dire, notamment, en cas de défaillance avérée (ou prévisible) de la banque –, la comparaison avec la situation hypothétique de la liquidation ou de la procédure normale d’insolvabilité est tout à fait appropriée puisque, en l’absence d’intervention des autorités, la faillite serait la seule alternative (63).

135. Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’une banque est défaillante ou susceptible de l’être, assimiler la situation des actionnaires et des créanciers de cette banque à un hypothétique scénario de liquidation ne constitue pas une atteinte injustifiée à leur droit fondamental à la propriété (64).

136. Il s’ensuit qu’une réglementation telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, après restitution des montants mis à disposition par différents fonds de garantie, l’éventuel reliquat du produit de la vente des actifs de l’établissement-relais soit retourné à l’établissement de crédit d’origine ou à sa masse de la faillite, s’il a été mis en liquidation, ne comporte pas de violation de l’exigence d’un paiement d’une « juste indemnité » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

137. En ce qui concerne la seconde condition, à savoir que l’indemnisation soit effectuée « en temps utile », elle doit être comprise, telle qu’elle est interprétée dans la jurisprudence de la Cour EDH, en ce sens qu’elle doit avoir lieu dans un délai raisonnable (65).

138. Le caractère raisonnable de la clause doit être examiné au regard de l’exigence d’assimilation susmentionnée entre la situation des actionnaires et des créanciers de la banque défaillante – ou risquant la défaillance – et l’hypothèse de sa liquidation. Les actionnaires et les créanciers d’une banque dans une telle situation recevraient uniquement le paiement des montants auxquels ils auraient droit à l’issue de la liquidation de la banque dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

139. Toutefois, comme le souligne la Commission, il n’est pas rare, dans le cadre des procédures d’insolvabilité des établissements de crédit, que les paiements résultant de la liquidation des actifs de l’établissement en question interviennent des années, voire des décennies plus tard. En conséquence, le paiement éventuel issu du reliquat du produit de la vente des actifs de l’établissement-relais, prévu par la législation nationale en question, ne prend pas, en principe, nécessairement plus de temps que le paiement issu de la liquidation et, au contraire, intervient normalement plus rapidement. Il s’ensuit que, en tout état de cause, cette législation ne viole pas la seconde condition mentionnée au point 131 des présentes conclusions.

140. En conclusion, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, à mon sens, l’article 17, paragraphe 1, de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation telle que celle en cause au principal appliquée à la résolution de BES.

IV.    Conclusion

141. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal) :

1)      Une législation nationale relative à la résolution des établissements de crédit, adoptée avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012, et modifiée avant l’expiration du délai de transposition de cette directive, qui, bien que transposant certaines des dispositions de ladite directive, n’a pas transposé les dispositions de celle-ci prévoyant :

–        en premier lieu, la réalisation d’une valorisation juste, prudente et réaliste des actifs et des passifs de l’établissement objet de la mesure de résolution avant son adoption,

–        en deuxième lieu, le paiement d’une éventuelle contrepartie, en fonction de la valorisation susmentionnée, à l’établissement objet de la résolution ou, selon le cas, aux titulaires des actions ou d’autres titres de propriété,

–        en troisième lieu, que les actionnaires de l’établissement objet de la mesure de résolution aient le droit de recevoir un montant non inférieur à ce qu’ils seraient censés recevoir si l’établissement avait été totalement mis en liquidation en vertu des procédures normales de faillite, ce mécanisme de sauvegarde n’étant prévu que pour les créanciers dont les créances n’ont pas été transférées, et

–        en quatrième lieu, une valorisation indépendante destinée à apprécier si les actionnaires et les créanciers auraient reçu un traitement plus favorable si l’établissement objet de la résolution avait été soumis à la procédure normale de liquidation,

n’est pas susceptible de compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive 2014/59.

2)      L’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une telle législation nationale.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).


3      La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement et modifiant les directives 77/91/CEE et 82/891/CE du Conseil ainsi que les directives 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE et 2011/35/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil [COM(2012) 280 final] a été publiée le 6 juin 2012.


4      En particulier, le gouvernement portugais a précisé que ce décret ne constituait pas une transposition de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15), qui avait été transposée en droit portugais par un autre acte, à savoir le décret-loi no 199/2006 du 25 octobre 2006.


5      À savoir le principe selon lequel aucun créancier, du fait de l’intervention de l’autorité, ne doit recevoir un traitement moins favorable que celui qu’il aurait reçu en cas de liquidation de l’établissement de crédit concerné dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ordinaire.


6      À l’exception de celles visées au titre IV, chapitre IV, section 5, relatives à l’instrument de renflouement interne, pour lesquelles la date d’application était le 1er janvier 2016 au plus tard.


7      Arrêts Inter-Environnement Wallonie, point 43 ; du 5 février 2004, Rieser Internationale Transporte (C‑157/02, EU:C:2004:76, point 68), et du 15 octobre 2009, Hochtief et Linde-Kca-Dresden (C‑138/08, EU:C:2009:627, point 25).


8      Arrêt Inter-Environnement Wallonie, point 44.


9      Arrêt Inter-Environnement Wallonie, point 49.


10      Voir arrêt du 17 janvier 2008, Velasco Navarro (C‑246/06, EU:C:2008:19, point 25 et jurisprudence citée).


11      Voir conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire « Agro In 2001 » (C‑234/18, EU:C:2019:920, point 45).


12      Arrêts Inter-Environnement Wallonie, point 45 ; du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 78), et, plus récemment, du 11 février 2021, M.V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public) (C‑760/18, EU:C:2021:113, point 73 et jurisprudence citée).


13      Arrêts du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C‑81/05, EU:C:2006:529, point 29) ; du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea (C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 35), et du 21 juillet 2011, Azienda Agro-Zootecnica Franchini et Eolica di Altamura (C‑2/10, EU:C:2011:502, point 70).


14      Voir arrêts du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a. (C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 32 et jurisprudence citée), ainsi que du 14 janvier 2021, Okrazhna prokuratura – Haskovo et Apelativna prokuratura – Plovdiv (C‑393/19, EU:C:2021:8, point 30 et jurisprudence citée).


15      Arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 19 et jurisprudence citée) ; du 6 mars 2014, Siragusa (C‑206/13, EU:C:2014:126, point 21), et ordonnance du 7 septembre 2017, Demarchi Gino et Garavaldi (C‑177/17 et C‑178/17, EU:C:2017:656, point 18).


16      Arrêts du 6 mars 2014, Siragusa (C‑206/13, EU:C:2014:126, point 25 et jurisprudence citée) ; du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a. (C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 37), et ordonnance du 7 septembre 2017, Demarchi Gino et Garavaldi (C‑177/17 et C‑178/17, EU:C:2017:656, point 20).


17      JO 2010, L 118, p. 1.


18      Voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a. (C‑41/15, EU:C:2016:836, point 8).


19      JO 2011, L 159, p. 88.


20      Voir, par analogie, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, points 32 à 35 et 45 à 48). En ce qui concerne l’applicabilité de la Charte au regard de l’article 51 de celle-ci dans une situation concernant des mesures adoptées par la République portugaise dans le cadre des engagements pris en vertu de la législation mentionnée au point 47, voir points 43 à 53 des conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2017:395), confirmées implicitement par la Cour dans l’arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117).


21      Voir arrêts du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 78), et du 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, EU:C:2012:560, point 57).


22      Voir arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709, point 68) ; du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 121), et du 27 octobre 2016, Milev (C‑439/16 PPU, EU:C:2016:818, point 31).


23      Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 123), et du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea (C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 39 et jurisprudence citée).


24      Arrêts Inter-Environnement Wallonie, point 46 ; du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 80), ainsi que, en ce sens, en ce qui concerne une période transitoire, du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie (C‑316/04, EU:C:2005:678, points 42 et 43).


25      Voir points 56 à 59 de cet arrêt. Pour un exemple d’une autre affaire dans laquelle il a été considéré qu’une législation nationale était de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive en cause dans cette affaire, voir les conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire VYSOČINA WIND (C‑181/20, EU:C:2021:619, en particulier point 99), dans lesquelles il a été estimé que la réglementation tchèque en cause dans cette affaire était de nature à compromettre sérieusement l’objectif énoncé dans la directive concernée.


26      Voir point 83 de cet arrêt.


27      Voir point 32 de l’arrêt. Pour une autre affaire dans laquelle la Cour a exclu qu’une législation adoptée pendant le délai de transposition de la directive en cause dans cette affaire puisse compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive, voir arrêt du 13 mars 2014, Jetair et BTWE Travel4you (C‑599/12, EU:C:2014:144, point 37).


28      Voir points 28 à 36 et dispositif de l’arrêt.


29      Arrêt du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, points 81 à 83).


30      Voir, en ce sens, arrêt Inter-Environnement Wallonie, point 47.


31      Voir, en ce sens, arrêt Inter-Environnement Wallonie, point 49.


32      Voir article 31, paragraphe 3, de la directive 2014/59.


33      À cet égard, voir également les considérants 5, 13, 45, 70, 72 et 90 de la directive 2014/59.


34      À cet égard, voir également les considérants 3, 4, 11, 13, 14, 18, 24, 29, 40, 41, 45, 49, 63, 64, 67, 72, 83, 91, 92, 97, 99, 102, 108 et 132 de la directive 2014/59.


35      À cet égard, voir également les considérants 16, 45 et 109 de la directive 2014/59.


36      À cet égard, voir également les considérants 45, 55, 71, 102, 110, 112 et 117 de la directive 2014/59.


37      À cet égard, voir également les considérants 45 et 65 de la directive 2014/59.


38      Comme l’indique explicitement ce considérant, en particulier, le pouvoir des autorités de transférer les actions ou tout ou partie des actifs d’un établissement à un acquéreur privé sans l’accord des actionnaires affecte les droits de propriété de ces derniers. En outre, le pouvoir de décider, parmi les engagements d’un établissement défaillant, ceux qu’il convient de transférer pour assurer la continuité de ses services et éviter des répercussions défavorables sur la stabilité financière, peut avoir une incidence sur l’égalité de traitement des créanciers.


39      Voir, en particulier, l’article 36, paragraphe 4, sous e), et l’article 40, paragraphe 4, de la directive 2014/59. À cet égard, il convient de relever que la nature de cette contrepartie est contestée par les parties. Si Massa Insolvente et BPC Lux 2 e.a. soutiennent que cette contrepartie a un caractère compensatoire, selon Banco de Portugal et le gouvernement portugais, elle vise uniquement à assurer la neutralité de la mesure de résolution pour l’établissement-relais et pour le mécanisme de financement de la résolution dans le cas où il s’avérerait que la valeur des actifs transférés est supérieure à la valorisation effectuée initialement et sur le fondement de laquelle les besoins en capital de l’établissement-relais ont été déterminés.


40      Arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, point 49 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 72).


41      Voir arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70) ; du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 85), et du 14 janvier 2021, Okrazhna prokuratura – Haskovo et Apelativna prokuratura – Plovdiv (C‑393/19, EU:C:2021:8, point 53).


42      Arrêts du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, point 53), et du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 86).


43      Voir arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 69).


44      Voir, en particulier, en ce qui concerne des actions dans un établissement de crédit faisant l’objet d’une décision de redressement et de résolution, Cour EDH, 19 novembre 2020, Project-trade d.o.o. c. Croatie (CE:ECHR:2020:1119JUD000192014, § 75 et jurisprudence citée). Voir également Cour EDH, 11 décembre 2018, Lekić c. Slovénie (CE:ECHR:2018:1211JUD003648007, § 71 et jurisprudence citée).


45      Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE:ECHR:2016:0721JUD006306614, § 90).


46      À cet égard, ainsi qu’il a été mis en évidence dans les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2018:971, point 156), il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH qu’une telle privation existe en cas de transfert de propriété résultant d’une dépossession formelle du bien. Voir, en ce sens, notamment, Cour EDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède (CE:ECHR:1982:0923JUD000715175, § 62 et 63).


47      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C‑686/18, EU:C:2020:567, point 89).


48      À cet égard, voir, par exemple, la situation mentionnée au point 111 des conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Aeris Invest/CRU et Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑874/19 P et C‑934/19 P, EU:C:2021:563).


49      Tel peut être le cas lorsque, bien que techniquement l’action ne donne pas lieu à un transfert (forcé) de la propriété des actions ou des créances, leur valeur économique est néanmoins réduite à un point tel que cette action correspond en substance à une privation de propriété. Voir Cour EDH, 7 novembre 2002, Olczak c. Pologne (CE:ECHR:2002:1107DEC003041796, § 71).


50      Sur l’interprétation combinée de ces deux dispositions, voir arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 89). Sur les conditions que doit remplir une réglementation litigieuse prévoyant une privation de propriété pour être conforme à ces deux dispositions de la Charte, lues à la lumière des exigences dégagées dans la jurisprudence de la Cour EDH, voir les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2018:971, points 164 à 166).


51      Voir à cet égard considérant 41 et article 32, notamment paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/59. En ce qui concerne la législation portugaise en question, voir article 145-C du RGICSF.


52      Voir, en ce sens, et par analogie à une situation dans laquelle l’acte de résolution a été financé au moyen d’une aide d’État, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:102, point 90).


53      Voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 71, 72 et 75), ainsi que du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 91).


54      Voir, également, Cour EDH, 7 novembre 2002, Olczak c. Pologne (CE:ECHR:2002:1107DEC003041796, § 81) ; 10 juillet 2012, Grainger et autres c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2012:0710DEC003494010, § 39 et 42), ainsi que 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE:ECHR:2016:0721JUD006306614, § 103).


55      Voir, en particulier, Cour EDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède (CE:ECHR:1982:0923JUD000715175, § 69) ; 7 novembre 2002, Olczak c. Pologne (CE:ECHR:2002:1107DEC003041796, § 74), et 12 décembre 2002, Wittek c. Allemagne (CE:ECHR:2002:1212JUD003729097, § 53). Voir, également, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2018:971, point 162).


56      Voir arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, point 57), et Cour EDH, 7 novembre 2002, Olczak c. Pologne (CE:ECHR:2002:1107DEC003041796, § 77 et jurisprudence citée).


57      Voir Cour EDH, 7 novembre 2002, Olczak c. Pologne (CE:ECHR:2002:1107DEC003041796, § 77 et jurisprudence citée), ainsi que 10 juillet 2012, Grainger et autres c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2012:0710DEC003494010, § 36 et jurisprudence citée).


58      Voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 91).


59      Voir, en ce sens et par analogie avec une situation dans laquelle l’acte de résolution a été financé au moyen d’une aide d’État, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, points 73 à 75).


60      Voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 74).


61      Voir article 36, paragraphe 4, sous e), et article 40, paragraphe 4, de la directive 2014/59.


62      Voir, en ce sens, Cour EDH, 25 mars 1999, Papachelas c. Grèce (CE:ECHR:1999:0325JUD003142396, § 48).


63      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Aeris Invest/CRU et Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑874/19 P et C‑934/19 P, EU:C:2021:563, points 113 et 115).


64      Voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, points 78 et 79), ainsi que du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 73 et 74). Voir, également, conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Aeris Invest/CRU et Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑874/19 P et C‑934/19 P, EU:C:2021:563, point 118).


65      Voir, en particulier, Cour EDH, 21 février 1997, Guillemin c. France (CE:ECHR:1997:0221JUD001963292, § 54).