Language of document : ECLI:EU:T:2015:357

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

3 juin 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale essence – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) nº 207/2009 – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑448/13,

Bora Creations, SL, établie à Ceuta (Espagne), représentée par Mes R. Lange, G. Hild et C. Pape, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Beauté prestige international, établie à Paris (France), représentée par Mes T. de Haan et P. Péters, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’OHMI du 6 juin 2013 (affaire R 1085/2012-5), relative à une procédure de nullité entre Beauté prestige international, et Bora Creations, SL,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2013,

à la suite de l’audience du 14 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mai 2011, la requérante, Bora Creations, SL, a obtenu auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement de la marque communautaire verbale essence sous le numéro 6816144. Cet enregistrement avait été demandé le 7 avril 2008.

2        Les produits pour lesquels la marque essence a été enregistrée relèvent, notamment, de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Colorants et teintures pour les cheveux, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, produits de nettoyage, de soins et d’embellissement de la peau, du cuir chevelu et des cheveux, produits cosmétiques de décoration, faux cils, produits de soins des ongles (compris dans la classe 3), vernis à ongles, dissolvants, produits de modelage et de fabrication de faux ongles (compris dans la classe 3) ».

3        Le 18 août 2011, l’intervenante, Beauté prestige international, a présenté à l’OHMI, au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), une demande en nullité de la marque en cause pour les produits visés au point 2 ci-dessus aux motifs que cette marque avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009.

4        Le 10 avril 2012, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

5        Le 8 juin 2012, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation conformément à l’article 58 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 6 juin 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’OHMI a partiellement annulé la décision de la division d’annulation en déclarant la nullité de la marque en cause pour les « colorants et teintures pour les cheveux, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, produits de nettoyage, de soins et d’embellissement de la peau, du cuir chevelu et des cheveux, produits cosmétiques de décoration, vernis à ongles, dissolvants et produits de soins des ongles » compris dans la classe 3.

7        En revanche, la chambre de recours a rejeté le recours et déclaré la marque en cause valide pour les « faux cils » et les « produits de modelage et de fabrication de faux ongles » compris dans la classe 3.

8        Enfin, elle a condamné chaque partie à supporter ses propres frais exposés aux fins des procédures d’annulation et de recours.

9        En substance, la chambre de recours a considéré que le mot « essence », qui ne serait pas rare ou peu courant, faisait référence à des extraits végétaux qui peuvent être utilisés comme odeur ou parfum et pouvait aussi désigner un concentré de cet extrait. Comme tel, ce mot ferait passer un message clair concernant une qualité des produits cosmétiques qui ne prêterait pas à équivoque.

10      La chambre de recours a ensuite apprécié individuellement les produits concernés et a conclu qu’une grande partie de ceux-ci pouvait effectivement être décrite par le mot « essence » et que, partant, pour les produits visés au point 6 ci-dessus, la marque en cause avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

11      Elle a également estimé que ledit enregistrement avait été effectué en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce que la marque en cause était purement descriptive au regard desdits produits et qu’elle ne pouvait pas identifier leur origine.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que la chambre de recours a déclaré nulle la marque en cause ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      À l’audience, la requérante a circonscrit la portée de son recours en précisant qu’elle demandait désormais l’annulation de la décision attaquée uniquement en ce qui concerne les « produits cosmétiques de décoration » et les « vernis à ongles ».

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris aux frais indispensables aux fins de la procédure de recours devant l’OHMI.

 En droit

16      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

17      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours portant sur l’existence d’un lien suffisamment direct et concret avec les produits concernés, à savoir les « produits cosmétiques de décoration » et le « vernis à ongles », pour que la marque en cause puisse être qualifiée de descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

18      L’OHMI, soutenu par l’intervenante, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

19      L’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 dispose que la nullité de la marque communautaire est déclarée lorsque ladite marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

20      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec, EU:C:2006:20, point 62 et jurisprudence citée).

21      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques [arrêt du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec, EU:T:2005:247, point 25].

22      Le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par les consommateurs de ces produits ou de ces services [arrêt du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec, EU:T:2007:179, point 30].

23      Quant au public concerné, il n’est pas contesté que, en l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 12 de la décision attaquée, le public pertinent est composé des consommateurs moyens des produits concernés normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. En tenant compte du type de produits faisant l’objet de la procédure, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent en l’espèce a un degré d’attention moyen. Enfin, étant donné que la chambre de recours s’est limitée à analyser la signification du mot « essence » en anglais et que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, les motifs absolus de refus sont applicables même s’ils n’existent que dans une partie de l’Union européenne, il convient de se fonder sur la compréhension du public anglophone aussi dans le cadre de la présente analyse.

24      Il y a donc lieu d’examiner si, conformément à la jurisprudence citée aux points 20 à 22 ci-dessus, il existe, du point de vue du public pertinent ainsi défini, un rapport suffisamment direct et concret entre, d’une part, la marque en cause et, d’autre part, les « produits cosmétiques de décoration » et les « vernis à ongles ».

25      Au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait état de différentes définitions du mot anglais « essence », telles que figurant dans des dictionnaires de la langue anglaise, à savoir « extrait obtenu d’une plante ou d’une substance médicinale, odoriférante ou alimentaire par distillation ou par un autre processus, et contenant ses propriétés caractéristiques sous forme concentrée » (Oxford English Dictionary) ; « liquide contenant le goût ou l’odeur marqué de la plante dont il est extrait » (MacMillan Dictionary) ; « élément constitutif d’une plante, habituellement une huile, un alcaloïde ou un glucoside, qui détermine ses propriétés chimiques ou pharmacologiques » et « substance, généralement liquide, renfermant les propriétés d’une plante ou d’un aliment sous forme concentrée » (Collins Dictionary) ; ou, en d’autres termes, « extrait qui possède les propriétés fondamentales d’une substance sous forme concentrée » (Free on-line dictionary). Elle a aussi constaté que ce mot était synonyme d’« odeur » et de « parfum » (Merriam Webster dictionary), ainsi que d’« alcool, potion, extrait, concentré, parfum, fragrance, senteur » (Word reference Thesaurus).

26      La chambre de recours en a conclu, aux points 11 et 17 de la décision attaquée, que le mot « essence » faisait référence à des extraits végétaux qui peuvent être utilisés comme odeur ou parfum et pouvait aussi désigner un concentré de cet extrait. Ainsi, selon elle, une « essence » pourrait être une version plus concentrée du produit principal (comme une crème pour le visage) ou un produit consistant en une odeur (comme une eau de toilette), ou encore pourrait être utilisée conjointement avec un produit parfumé et choisi sur la base de son odeur même si son utilisation première répond à d’autres besoins (comme le savon). Ce mot ne serait pas rare ou peu courant et ferait passer un message clair concernant une qualité des produits concernés qui ne prêterait pas à équivoque.

27      La requérante fait valoir que la conclusion de la chambre de recours ne tient pas compte du fait que ces définitions sont trop vagues pour établir un lien suffisamment direct et spécifique entre la marque et les produits concernés. À titre d’exemple, la définition du mot « essence » comme un « extrait qui possède les propriétés fondamentales d’une substance sous forme concentrée » donnerait au consommateur une vague idée des produits, mais ne les décrirait pas de manière suffisamment claire et détaillée pour être descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. En outre, ces définitions constitueraient seulement quelques définitions parmi la grande variété de définitions possibles du mot « essence ».

28      Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 20 ci-dessus, l’intérêt général sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 consiste à assurer que des signes descriptifs de l’une ou de plusieurs des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels un enregistrement en tant que marque est demandé puissent être librement utilisés par l’ensemble des opérateurs économiques offrant de tels produits ou services.

29      Par l’emploi, à ladite disposition, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes doivent tous être considérés comme étant des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’est pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte (voir arrêt du 10 juillet 2014, BSH/OHMI, C‑126/13 P, EU:C:2014:2065, point 20 et jurisprudence citée).

30      En revanche, le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par ladite disposition ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé (voir arrêt BSH/OHMI, point 29 supra, EU:C:2014:2065, point 21 et jurisprudence citée).

31      Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (voir arrêt BSH/OHMI, point 29 supra, EU:C:2014:2065, point 22 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, les produits concernés sont des produits cosmétiques et comme tels peuvent contenir ou consister en des extraits, notamment végétaux, éventuellement sous forme concentrée ou être parfumés. Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’une des significations possibles de la marque en cause serait celle d’un produit fabriqué à base d’essence ou en contenant et que le rapport entre cette signification et les produits concernés est suffisamment direct et concret, permettant au public pertinent de reconnaître directement et sans réflexion supplémentaire une description d’une telle qualité des produits concernés, voire de leur nature.

33      À cet égard, il convient aussi de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec, EU:C:2003:579, point 32). Il est, en outre, indifférent que les caractéristiques des produits ou des services qui sont susceptibles d’être décrites par le signe en cause soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec, EU:C:2004:86, point 102).

34      En outre, il y a lieu d’observer que, même s’il n’est pas nécessaire à cet égard que le signe en cause soit effectivement utilisé à des fins descriptives, mais uniquement qu’il puisse être utilisé à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, point 33 supra, EU:C:2003:579, point 32), ou que celui-ci soit le mode exclusif de désignation des caractéristiques d’un produit (voir, par analogie, arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 33 supra, EU:C:2004:86, point 57), les exemples d’utilisation sur le marché du mot « essence », présentés par la requérante, prouvent que celui-ci est en effet couramment utilisé dans le sens indiqué par la chambre de recours. Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le mot « essence » soit combiné à d’autres mots ne prouve pas que le premier soit ambigu et flou ou qu’il puisse devenir descriptif uniquement s’il est utilisé dans de telles combinaisons. En effet, il s’agit, dans les exemples mentionnés, uniquement de mots spécifiant quelle essence particulière un produit contient.

35      Plus particulièrement, la chambre de recours a considéré que « [p]our […] les produits cosmétiques de décoration […] le mot ‘essence’ [était] descriptif non pas parce que ces produits sont nécessairement parfumés mais en ce sens qu’il s’agit d’un concentré » et que, « [e]n voyant ces produits portant le mot ‘essence’, le public percevr[ait] qu’ils consistent en une version concentrée d’un produit cosmétique ou d’un ingrédient actif (qui existe généralement aussi sous forme ordinaire, non concentrée) » (décision attaquée, point 24).

36      En outre, quant aux « vernis à ongles », la chambre de recours a constaté qu’ils « [pouvaient] aussi être produits à partir d’un ‘extrait qui possède les propriétés fondamentales d’une substance sous forme concentrée’ [et que ainsi] le mot ‘essence’ indiqu[ait] simplement la nature et le contenu (une caractéristique essentielle) du produit en question » (décision attaquée, point 26).

37      La requérante conteste ces conclusions en soutenant que les « produits cosmétiques de décoration »  ne seraient pas utilisés sous forme concentrée et ne seraient pas non plus fabriqués à partir d’un concentré. Cette erreur d’appréciation viendrait du fait que la chambre de recours n’aurait pas effectué d’analyse individuelle pour ces produits spécifiques.

38      La conclusion de la chambre de recours concernant les « vernis à ongles » serait aussi erronée, car ces produits n’existeraient pas sous forme concentrée, alors que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêcherait l’enregistrement des signes qui désignent une caractéristique du produit concerné, et non une caractéristique d’une matière première de ce produit.

39      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ressort du libellé (voir point 35 ci-dessus) et du contexte (voir, en particulier, points 25 et 26 ci-dessus) du point 24 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que la marque en cause pouvait être descriptive des « produits cosmétiques de décoration » aussi dans le sens que ces produits peuvent être parfumés. En outre, il convient d’observer, à l’instar de l’OHMI, que lesdits produits représentent une catégorie très large de produits, et non uniquement ceux mentionnés par la requérante lors de l’audience.

40      En toute hypothèse, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si tous les produits rentrant dans la description des « produits cosmétiques de décoration » et des « vernis à ongles » contiennent des parfums ou des concentrés, il convient d’observer que ces produits, en tant que produits cosmétiques, peuvent contenir ou consister en des extraits, notamment végétaux, éventuellement sous forme concentrée ou être parfumés. Cette particularité constituant une propriété significative, voire une qualité, des produits concernés, elle crée un lien direct et concret entre la marque en cause et les produits concernés.

41      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu considérer, aux points 24 et 26 de la décision attaquée, que le consommateur pertinent percevrait le mot « essence » apposé sur les « produits cosmétiques de décoration » et les « vernis à ongles », comme indiquant que le produit est fabriqué à base de (ou consiste en) un extrait d’une substance, notamment d’une plante et éventuellement sous sa forme concentrée ou, éventuellement, qu’il est parfumé. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les fait que les produits concernés se présentent à l’état solide et non liquide n’est pas pertinent à cet égard, car le fait qu’un produit, tel qu’une poudre compacte ou un rouge à lèvres, soit un produit à l’état solide n’empêche pas qu’il puisse être fabriqué à base d’extraits végétaux par exemple.

42      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque en cause ferait simplement allusion à un produit spécifique ou à une caractéristique de celui-ci et qu’elle nécessiterait un certain effort d’interprétation, il ne saurait non plus être accueilli. En effet, il ressort de l’analyse effectuée que la marque en cause peut décrire de manière claire une des caractéristiques des produits concernés, à savoir que ceux-ci contiennent ou consistent en des extraits qui possèdent les propriétés fondamentales d’une substance, éventuellement sous forme concentrée, ou sont parfumés.

43      À cet égard, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le mot précis « essence » n’existe qu’en anglais et en français. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 23 ci-dessus, selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le paragraphe 1 du même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

44      Enfin, en ce qui concerne l’enregistrement français d’une marque identique à la marque demandée auquel fait référence la requérante, il convient de relever que la chambre de recours n’est pas liée par les décisions intervenues dans certains États membres en matière de marques, le système des marques communautaires étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national. Les enregistrements éventuels existant dans les États membres ne constituent qu’un fait qui peut être pris en considération dans le contexte de l’enregistrement d’une marque communautaire et la marque demandée doit être appréciée sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union [arrêt du 11 décembre 2013, Smartbook/OHMI (SMARTBOOK), T‑123/12, EU:T:2013:636, point 51].

45      Il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque en cause était descriptive des « produits cosmétiques de décoration » et des « vernis à ongles » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

46      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

47      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe litigieux ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec, EU:T:2006:87, point 110 et jurisprudence citée].

48      Par conséquent, compte tenu du constat opéré au point 45 ci-dessus, il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

49      Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

51      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux frais qu’elle a exposés aux fins de la procédure de recours devant l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables, de sorte qu’ils sont visés par la condamnation de la requérante au titre de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure telle qu’elle résulte des termes du point 50 ci-dessus [voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, AMC-Representações Têxteis/OHMI – MIP Metro (METRO KIDS COMPANY), T‑50/12, EU:T:2013:68, point 64 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bora Creations, SL est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juin 2015.

Signatures



* Langue de procédure : l’anglais.