Language of document : ECLI:EU:T:2010:550

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 décembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’un lapin en chocolat – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009) »

Dans l’affaire T‑395/08,

Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG, établie à Kilchberg (Suisse), représentée par Mes R. Lange, E. Schalast et G. Hild, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 18 juillet 2008 (affaire R 419/2008‑4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un lapin en chocolat comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka, président, MM. F. Dehousse et H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 septembre 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2008,

vu la modification de la composition de la première chambre du Tribunal,

à la suite de l’audience du 7 juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 février 2004, la requérante, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après, représentant la forme d’un lapin en chocolat et qui, selon la description contenue dans la demande, est de couleur dorée :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits en chocolat ».

4        Par décision du 9 janvier 2008, l’examinateur a rejeté la demande de marque communautaire sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], considérant que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif. En outre, la marque demandée n’aurait pas acquis de caractère distinctif par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009), car les preuves concernaient seulement l’Allemagne et l’Autriche.

5        Le 21 février 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 18 juillet 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, qu’aucun des éléments dont était constituée la marque demandée (forme, feuille dorée), considérés séparément ou ensemble, ne pouvait conférer à celle-ci un caractère distinctif par rapport aux produits concernés. En effet, les lapins feraient partie de l’ensemble des formes typiques que pourraient prendre les produits en chocolat, surtout en période de Pâques. Partant, selon la chambre de recours, la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sur tout le territoire de l’Union européenne, étant donné qu’il n’existe pas de raison de présumer que les consommateurs situés en Allemagne et en Autriche perçoivent la marque demandée différemment des consommateurs situés dans les autres États membres. En outre, selon la chambre de recours, les documents produits par la requérante, concernant uniquement l’Allemagne et l’Autriche, ne permettent pas de conclure que la marque demandée a acquis pour les produits concernés un caractère distinctif par l’usage sur tout le territoire de l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

10      La requérante fait valoir que la combinaison de la forme et de la couleur se distingue de la combinaison habituelle des produits en cause, de sorte qu’il s’agit d’une marque pourvue d’un caractère distinctif. En outre, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que l’emballage du chocolat était un impératif de commercialisation et conteste l’existence de contraintes techniques à l’égard de l’emballage et de la forme.

11      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

13      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 32, et du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 42).

14      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (arrêts de la Cour Procter & Gamble/OHMI, précité, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, point 23).

15      En l’espèce, il est constant que le signe revendiqué est constitué par l’apparence de l’emballage des produits visés, à savoir un emballage qui se présente sous la forme d’un lapin.

16      La chambre de recours a considéré que, pour des raisons hygiéniques et sanitaires, les produits en chocolat, dans les supermarchés et autres points de vente, se vendent « uniquement sous emballage ». Selon la chambre de recours, leur commercialisation nécessitant un « emballage par lequel le produit prend sa forme », ledit emballage, aux fins de l’examen de la demande de son enregistrement en tant que marque, doit être assimilé à la forme du produit. Se référant aux arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille) (T‑305/02, Rec. p. II‑5207, point 30), et du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière) (T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 24), la chambre de recours a considéré que, l’emballage des produits en chocolat étant un impératif de commercialisation, le consommateur lui attribuait en premier lieu une simple fonction de conditionnement.

17      À cet égard, il convient de relever que les produits en chocolat peuvent se vendre également sans emballage. Certes, le plus souvent, dans les rayons en libre-service des supermarchés, ils se vendent uniquement sous emballage. Toutefois, également dans les supermarchés, mais aussi, notamment, dans les cinémas, il existe des ventes au détail de bonbons, incluant des produits en chocolat sans emballage, en libre-service ; c’est le client qui choisit ses pièces de chocolat et les met dans un sachet. En outre, dans les magasins spécialisés en chocolat (chocolatiers), les produits en chocolat se vendent également sans emballage. Dans de tels magasins, le chocolat non emballé est présenté sur un comptoir et servi par un vendeur qui le met, au moment de l’achat, dans une boîte ou dans un sachet qui n’est pas, à proprement dit, son emballage. Ainsi, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, la commercialisation des produits en chocolat ne nécessite pas toujours un « emballage par lequel le produit prend sa forme ».

18      Cependant, en l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a correctement relevé, l’emballage des produits en cause doit être assimilé à la forme du produit aux fins de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée. En outre, il ressort de la décision attaquée que, en dépit de ses observations sur la fonction de conditionnement de l’emballage, la chambre de recours n’a pas exclu que la forme de l’emballage des produits en chocolat puisse avoir un caractère distinctif.

19      Ainsi, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel aucun impératif technique n’impose de conditionner un lapin de Pâques en chocolat de la façon qu’elle a choisie. En outre, il convient de relever que la chambre de recours n’a pas considéré qu’il existait une contrainte technique qui imposerait une forme particulière.

20      Ensuite, il y a lieu de constater que les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, à savoir les produits en chocolat, sont des produits de consommation courante que le client achète normalement rapidement et sans y prêter grande attention, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, et ce qui n’est pas contesté par la requérante.

21      En ce qui concerne l’examen du caractère distinctif, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30, et Storck/OHMI, précité, points 24 et 25).

22      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En revanche, une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif [arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 39, et du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 31 ; arrêt du Tribunal du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), T‑393/02, Rec. p. II‑4115, point 31].

23      En outre, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T-15/05, Rec. p. II-1511, point 38, et la jurisprudence citée].

24      Il y a également lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt de la Cour du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 39, et la jurisprudence citée).

25      En l’espèce, la marque demandée se compose, en substance, de deux éléments. Le premier élément est la forme d’un lapin assis et le second est la feuille dorée dans laquelle le lapin en chocolat est emballé.

26      La chambre de recours a considéré qu’aucun de ces éléments ne saurait avoir, en soi, de caractère distinctif. À cet égard, la requérante fait valoir que chacun d’entre eux est doté d’un caractère distinctif propre.

27      Il convient donc d’examiner chacun de ces éléments avant de procéder à l’appréciation globale de la marque demandée.

28      En premier lieu, en ce qui concerne la forme d’un lapin assis ou blotti, la chambre de recours a considéré qu’il ressortait du dossier administratif devant l’OHMI que les lapins font partie de l’ensemble des formes typiques que peuvent prendre les produits en chocolat, surtout en période de Pâques, ce qui est constant entre les parties. La chambre de recours étend sa constatation non seulement à l’Allemagne et à l’Autriche, mais également à d’autres États membres de l’Union.

29      La chambre de recours a également constaté qu’il existait sur le marché des lapins en chocolat présentant les formes les plus diverses, mais qu’un « lapin restera toujours un lapin ». Selon la chambre de recours, sont sans importance la position (assise ou debout), la longueur des oreilles, la taille des yeux ou la présence d’autres caractéristiques typiques pour un lapin.

30      La requérante se contente d’affirmer que la forme en cause s’écarte de ce qui est habituel dans le secteur.

31      Il y a lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours. Certes, la forme d’un lapin assis n’est pas la seule forme des lapins en chocolat, mais, comme il ressort du dossier administratif devant l’OHMI, la forme de la marque demandée n’est pas non plus la seule forme d’un lapin assis en chocolat existant sur le marché.

32      Par ailleurs, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience et qu’il ressort de l’arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec. p. I‑4893, point 17), d’autres fabricants de chocolat établis dans l’Union produisent des lapins en chocolat analogues à son lapin. Or, cette similitude englobe également la forme d’un lapin assis ou blotti.

33      Dans ces circonstances, la forme d’un lapin assis ou blotti peut être considérée comme une forme typique des lapins en chocolat et, partant, comme étant dépourvue de caractère distinctif.

34      En outre, il convient de relever que, contrairement à ce que la requérante semble faire valoir, la chambre de recours n’a pas constaté que la forme en cause elle-même serait imposée par des contraintes techniques. À cet égard, il suffit de rappeler que la chambre de recours a correctement considéré que, en l’espèce, l’emballage en cause devait être assimilé à la forme du produit aux fins de l’examen de la demande d’enregistrement.

35      En second lieu, s’agissant de la feuille d’emballage dorée, la chambre de recours a considéré que l’utilisation d’une feuille dorée comme matériel d’emballage était usuelle dans le secteur des produits en chocolat, et ce non seulement en Allemagne et en Autriche, mais également dans les autres États membres de l’Union.

36      La requérante se contente d’affirmer que la couleur de la feuille d’emballage s’écarte de ce qui est habituel dans le secteur.

37      Il n’y a pas lieu de remettre en cause la constatation de la chambre de recours. En effet, il est notoire que, dans le domaine de l’emballage des produits en chocolat, il est courant d’emballer le produit dans une feuille dorée. Il ressort également du dossier administratif devant l’OHMI que d’autres producteurs emballent les lapins en chocolat qu’ils fabriquent dans des feuilles dorées. En outre, comme il ressort de l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, précité, une autre entreprise commercialise également un lapin en chocolat emballé dans une feuille dorée.

38      En ce qui concerne l’appréciation globale de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que, même en tenant compte de la combinaison de ses différents éléments, la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif par rapport aux produits visés sur tout le territoire de l’Union. Selon la chambre de recours, il existe sur le marché une grande diversité de lapins en chocolat et, ainsi, dans l’esprit du consommateur, le lapin en cause sera uniquement une autre forme de lapin, sans rapport avec une entreprise particulière. Le consommateur ne verra dans la combinaison des éléments qu’une forme décorative d’un lapin de Pâques en chocolat.

39      La requérante affirme que la chambre de recours n’a pas démontré que la combinaison de la couleur et de la forme de la marque demandée était habituelle. Selon la requérante, la marque demandée n’a pas été appréciée dans son ensemble.

40      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort clairement de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en considération l’impression d’ensemble que la marque demandée produit.

41      Ensuite, il y a lieu de constater que la chambre de recours peut fonder sa constatation sur des faits qui résultent de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en chocolat et sont susceptibles d’être connus de toute personne, et notamment des consommateurs des produits en chocolat, sans qu’elle soit tenue de fournir des exemples concrets (voir, en ce sens, arrêt Storck/OHMI, précité, point 54).

42      Dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de l’OHMI, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 50). En l’espèce, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause l’exactitude des faits notoires ou établis par l’OHMI, susmentionnés, et à établir que la marque demandée était dotée d’un caractère distinctif intrinsèque.

43      Ainsi, en l’espèce, il y a lieu d’approuver les constatations de la chambre de recours. En effet, les caractéristiques de la combinaison de forme et de couleur de la marque demandée ne sont pas suffisamment éloignées de celles des formes de base utilisées fréquemment pour l’emballage de produits en chocolat et, plus spécifiquement, des lapins en chocolat. Partant, elles ne sont pas de nature à être mémorisées par le public pertinent en tant qu’indicateurs d’une origine commerciale. En effet, l’emballage en forme d’un lapin assis, de couleur dorée, ne diverge pas de manière significative des emballages des produits en question, qui sont communément utilisés dans le commerce, venant ainsi naturellement à l’esprit comme une forme d’emballage typique desdits produits.

44      Quant aux enregistrements allemand, autrichien et du Royaume-Uni d’une marque identique à la marque demandée, invoqués par la requérante, il convient de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié au Recueil, point 71]. Les enregistrements existant dans les États membres ne constituent qu’un fait qui peut être pris en considération dans le contexte de l’enregistrement d’une marque communautaire et la marque demandée doit être appréciée sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente. Il s’ensuit que l’OHMI n’est tenu ni de faire siennes les exigences et l’appréciation de l’autorité compétente en matière de marques du pays d’origine, ni d’enregistrer la marque demandée du fait de l’existence des décisions d’enregistrement des offices des brevets et des marques nationaux (voir, en ce sens, arrêt Develey/OHMI, précité, points 71 à 73).

45      Il en est de même en ce qui concerne les autres enregistrements nationaux que la requérante a invoqués pour la première fois lors de l’audience. En tout état de cause, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée sur la base des faits invoqués au moment de l’adoption de la décision attaquée.

46      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

47      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen de la requérante.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

48      La requérante fait valoir que le lapin de Pâques en chocolat est largement inconnu en dehors de l’Allemagne et estime dès lors qu’un caractère distinctif acquis par l’usage ne peut être exigé hors de ce territoire. En tout état de cause, elle aurait démontré le caractère distinctif acquis par l’usage pour l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume-Uni.

49      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

50      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

51      Il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à la marque, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée).

52      En ce qui concerne la portée territoriale de l’acquisition du caractère distinctif, une marque ne peut être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 que si la preuve est rapportée qu’elle a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie de l’Union dans laquelle elle n’avait pas ab initio un tel caractère au sens du paragraphe 1, sous b), du même article [arrêt Storck/OHMI, précité, point 83 ; arrêts du Tribunal Texture d’une surface de verre, précité, point 35, et du 10 mars 2009, Piccoli/OHMI (Forme d’une coquille), T‑8/08, non publié au Recueil, point 36].

53      Dans le cas des marques non verbales, il y a lieu de présumer que l’appréciation du caractère distinctif est la même dans toute l’Union, à moins qu’il n’existe des indices concrets en sens contraire (arrêts Forme d’une bouteille de bière, précité, point 47 ; Forme d’une papillote, précité, point 86, et Forme d’une coquille, précité, point 37).

54      En l’espèce, la requérante fait valoir que, en dehors de l’Allemagne, le lapin de Pâques en chocolat est largement inconnu et, de ce fait, aurait un caractère distinctif intrinsèque dans les autres pays de l’Union. Cet argument ne saurait prospérer. Il est notoire que les lapins en chocolat, qui sont surtout vendus en période de Pâques, ne sont pas inconnus en dehors de l’Allemagne.

55      Il y a donc lieu de présumer que, en l’absence d’indices concrets en sens contraire, l’impression que crée dans l’esprit du consommateur la marque demandée, qui consiste en un signe tridimensionnel, est la même dans toute l’Union et, ainsi, que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif sur l’ensemble du territoire de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une coquille, précité, point 38).

56      C’est donc dans toute l’Union que cette marque doit avoir acquis un caractère distinctif par l’usage pour être enregistrable en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94.

57      Or, à supposer même que la requérante démontre le caractère distinctif acquis par l’usage pour l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume-Uni, les pièces justificatives fournies par elle ne sont pas susceptibles de rapporter la preuve que le signe a acquis un caractère distinctif dans tous les États membres de l’Union à la date de l’introduction de la demande d’enregistrement de la marque.

58      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner si les pièces démontrent effectivement un caractère distinctif acquis par l’usage dans les trois États membres invoqués par la requérante, car cela ne suffirait pas pour démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans toute l’Union.

59      Il convient donc de rejeter également le second moyen de la requérante.

60      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG est condamnée aux dépens.

Wiszniewska-Białecka

Dehousse

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.