Language of document : ECLI:EU:T:2013:643

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 décembre 2013 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Contrats concernant les projets Perform et Oasis – Suspension des paiements – Irrégularités constatées dans le cadre d’audits relatifs à d’autres projets – Intérêts de retard »

Dans l’affaire T‑117/12,

ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me V. Christianos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme B. Conte, en qualité d’agents, assistés de Me S. Drakakakis, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande formée sur le fondement de l’article 272 TFUE, visant à obtenir du Tribunal, premièrement, qu’il constate que la suspension du remboursement des coûts exposés par la requérante en exécution des contrats relatifs aux projets Perform et Oasis, conclus dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), constitue une violation des obligations contractuelles de la Commission, deuxièmement, qu’il ordonne à cette dernière, d’une part, de lui verser la somme de 637 117,17 euros au titre du projet Perform, majorée des intérêts de retard, et, d’autre part, de constater que la requérante n’est pas tenue de rembourser la somme de 56 390 euros qui lui a été versée au titre du projet Oasis,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, F. Dehousse et M. van der Woude, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias, est une société de droit grec, ayant pour objet la commercialisation et la production de produits métalliques ainsi que de produits, de dispositifs et d’appareils électroniques et pour les télécommunications, qui, depuis 2006, a participé à l’exécution de plusieurs projets subventionnés par la Communauté européenne ou par l’Union européenne.

2        Conformément au règlement (CE) n° 1906/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (JO L 391, p. 1), dans le cadre défini par la décision n° 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO L 412, p. 1), et, en particulier, du programme spécifique « Coopération », la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté, a conclu, le 19 décembre 2007 et le 21 janvier 2008, avec Siemens SA et FIMI Srl, respectivement, en leur qualité de coordinateurs des deux consortiums distincts dont faisait partie la requérante, la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet intitulé « Une architecture ouverte pour les services accessibles, l’intégration et la normalisation » (ci-après le « projet Oasis ») et la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet intitulé « Un système multiparamétrique complexe pour l’évaluation et le suivi effectifs et continus de la capacité motrice dans les cas de la maladie de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives » (ci-après le « projet Perform »).

3        Les conditions générales communes à la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis et à la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform (ci-après, prises ensemble, les « conventions de subvention ») figurent à l’annexe II desdites conventions (ci-après l’« annexe II »).

 Conventions de subvention en cause

 Sur la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis

4        Conformément à l’article 3 et à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis, la durée de ce dernier a été fixée à 48 mois à compter du 1er janvier 2008 et la contribution financière maximale de la Commission, qui s’élevait à un montant de 8 520 000 euros initialement, a été réduite à 8 481 540 euros. Selon l’article 4 de ladite convention, la mise en œuvre du projet a été divisée en quatre périodes de rapport : la période P1, s’étendant du 1er janvier au 31 décembre 2008, la période P2, s’étendant du 1er janvier au 31 décembre 2009, la période P3, s’étendant du 1er janvier au 31 décembre 2010, et la période P4, s’étendant du 1er janvier au 31 juillet 2011.

5        Selon l’annexe I de la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis, la requérante devait recevoir la somme de 223 250 euros au titre de sa participation audit projet.

6        Dans un délai de 45 jours après l’entrée en vigueur de la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis et conformément à l’article 6 de celle-ci, la Commission devait verser au coordinateur la somme de 3 408 000 euros à titre de préfinancement pour l’ensemble des bénéficiaires, parties à la convention. Le 6 mars et le 9 septembre 2008, la requérante a reçu de la part du coordinateur les sommes de 58 603,13 et 19 534,37 euros, à titre d’avances pour l’exécution du projet.

7        Le 16 avril 2009, le coordinateur a soumis à la Commission les rapports périodiques relatifs à la période P1, comprenant l’état financier présenté par la requérante, dans lequel elle réclamait la somme de 52 981 euros.

8        Le 7 et le 17 septembre 2009, la requérante a perçu les sommes de 39 660,02 et 13 220,01 euros, au titre des dépenses pour la période P1.

9        Le 20 avril, le 8 juillet et le 16 juillet 2010, le coordinateur a présenté les rapports périodiques relatifs à la période P2, comprenant l’état financier présenté par la requérante, dans lequel elle réclamait la somme de 56 390,17 euros.

10      Le 5 août 2011, la requérante a perçu la somme de 56 390 euros au titre des dépenses relatives à la période P2.

11      Par lettre du 1er août 2011, la Commission a informé la requérante qu’elle comptait procéder à un audit financier portant, notamment, sur le projet Oasis.

12      Par lettre du 9 août 2011, la Commission a informé la requérante que, conformément au point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, à titre de mesure préventive provisoire, tout versement à son profit avait été suspendu et que le coordinateur serait informé du fait que les versements au consortium ne comprendraient pas les sommes destinées à la requérante.

13      Par lettre datée du même jour, la Commission a informé le coordinateur que, après examen des rapports périodiques présentés pour la période P2 relatifs au projet Oasis, elle avait suspendu les paiements à l’égard de la requérante et que, par conséquent, les paiements ultérieurs qui seraient versés par la Commission à ce dernier ne comprendraient pas la part de la contribution destinée à la requérante. Par ailleurs, elle lui a indiqué que, s’agissant de la période de rapport en question, la suspension des paiements à l’égard de la requérante couvrait une somme de 50 751 euros et que, ainsi, le versement reçu pour le compte de l’ensemble des bénéficiaires au titre de cette période ne comprenait pas la part qui lui était destinée. La Commission a, en outre, demandé au coordinateur de ne plus transférer de parts de la contribution financière de l’Union à la requérante.

14      Par courriel du 29 août 2011, le coordinateur a demandé à la requérante, en prenant appui sur la lettre que lui avait adressée la Commission (voir point 13 ci-dessus), de lui restituer la somme de 56 390 euros qui lui avait été versée le 5 août 2011, au titre des dépenses de la période P2, et a informé la Commission de cette démarche par courriel du 31 août 2011.

15      Le 10 octobre 2011, le coordinateur a présenté les rapports périodiques relatifs à la période P3, comprenant l’état financier présenté par la requérante, dans lequel elle demandait la somme de 79 961,55 euros.

16      Par lettre du 19 octobre 2011, la requérante a fait part au coordinateur de son objection quant à la suspension des paiements par la Commission à son égard et du fait qu’elle était dans l’impossibilité de rembourser la somme réclamée, au motif qu’elle avait soumis les éléments livrables à la Commission, objection dont cette dernière a été informée par courriel du coordinateur en date du 31 octobre 2011.

17      Entre le 31 octobre et le 3 novembre 2011, les services de la Commission ont effectué un contrôle financier portant, notamment, sur le projet Oasis.

 Sur la convention n° 215952 pour le financement du projet Perform

18      Aux termes de l’article 3 de la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform, la durée de ce dernier a été fixée à 36 mois à compter du 1er février 2008, puis, par avenant, a été portée à 42 mois. Par le même avenant, la liste des bénéficiaires a été modifiée, de sorte que le coordinateur du projet initial a été remplacé par l’Universitad Politecnica de Madrid, et la contribution financière maximale de l’Union, prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform, s’élevant à un montant de 6 999 999 euros, a été réduite à un montant de 6 756 492 euros à compter du 9 mars 2010.

19      Selon l’article 4 de la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform, la mise en œuvre du projet a été divisée en trois périodes de rapport : la période P1, s’étendant du 1er février 2008 au 31 janvier 2009, la période P2, s’étendant du 1er février 2009 au 31 janvier 2010, et la dernière période, s’étendant du 1er février 2010 au 31 juillet 2011.

20      Selon l’annexe I de la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform, la requérante devait recevoir la somme de 1 145 244 euros au titre de sa participation au projet.

21      Dans un délai de 45 jours après l’entrée en vigueur de la convention de subvention n° 215952 pour le financement du projet Perform et conformément à l’article 6 de celle-ci, la Commission devait verser au coordinateur la somme de 3 733 333 euros à titre de préfinancement. Le 20 mars et le 28 juillet 2008, la requérante a reçu de la part du coordinateur du projet la somme de 398 957,58 euros à titre d’avances pour l’exécution du projet.

22      Le 11 mai 2010, le coordinateur a présenté les rapports requis pour la période P1, comprenant l’état financier présenté par la requérante, dans lequel elle réclamait la somme de 105 262 euros.

23      Le 1er août 2010, le coordinateur a présenté les rapports pour la période P2, comprenant l’état financier pour les dépenses déclarées par la requérante et s’élevant à 643 584 euros. Par ailleurs, la requérante a présenté un certificat relatif à l’état financier en question.

24      Par lettre de la même date, la Commission a informé la requérante de son intention de procéder à un audit financier portant, notamment, sur le projet Perform.

25      Par lettre du 23 août 2010, la Commission a informé le coordinateur et la requérante que le montant correspondant aux dépenses de cette dernière pour la période P1, s’élevant à 105 262 euros, avait été déduit du versement destiné au consortium et serait compensé par d’autres créances exigibles auprès de celle-ci.

26      Le 8 juin 2011, la requérante a présenté les livrables ainsi que l’état financier pour les dépenses déclarées au titre de la période P3, dans lequel elle réclamait la somme de 392 490,75 euros.

27      Par lettre du 9 août 2011, la Commission a informé la requérante que, conformément au point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, à titre de mesure provisoire préventive, tout versement à cette dernière avait été suspendu et que le coordinateur en serait informé.

28      Entre le 31 octobre et le 3 novembre 2011, les services de la Commission ont effectué un audit financier portant, notamment, sur le projet Perform.

29      Le 20 décembre 2011, la Commission a engagé la procédure de remboursement du consortium pour la période P2, en s’abstenant de verser le montant de 643 584 euros prévu pour la requérante.

 Clause compromissoire et droit applicable

30      En vertu de l’article 9, premier alinéa, des conventions de subvention, celles-ci sont régies, à titre principal, par les stipulations qu’elles contiennent, par les actes de la Communauté et de l’Union relatifs au septième programme-cadre, par le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), et le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), ainsi que par d’autres règles du droit de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

31      Le troisième alinéa de cette stipulation contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, attribuant au Tribunal et, en cas de pourvoi, à la Cour de justice, une compétence exclusive pour connaître des litiges entre la Communauté, d’une part, et les bénéficiaires des subventions, d’autre part, quant à la validité, à l’application et à l’interprétation des conventions de subvention en cause.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal sur le fondement de l’article 272 TFUE, le 14 mars 2012, la requérante a introduit le présent recours.

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la suspension des paiements imposée par la Commission au titre des projets Perform et Oasis constitue une violation de ses obligations contractuelles ;

–        « ordonner » à la Commission de lui verser la somme de 637 117,17 euros au titre du projet Perform, majorée des intérêts prévus par le point II.5, paragraphe 5, de l’annexe II, à compter de la signification du présent recours ;

–        « ordonner » à la Commission de constater qu’elle n’est pas tenue de rembourser à celle-ci la somme de 56 390 euros qui lui a été versée au titre du projet Oasis ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

35      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2012, la requérante a présenté, sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, un mémoire invoquant des éléments de fait et de droit nouveaux qui se seraient révélés pendant la procédure, sur lequel la Commission a été invitée à présenter ses observations.

36      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2013, la Commission a déféré à cette demande.

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a ouvert la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a demandé à la Commission de produire certains documents, laquelle a déféré à cette demande dans les délais impartis.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 juillet 2013.

 En droit

 Sur la demande tendant à ce que le Tribunal constate que la suspension de paiements imposée par la Commission au titre des projets Perform et Oasis constitue une violation de ses obligations contractuelles

39      À l’appui de sa demande, la requérante fait valoir, à titre principal, que la Commission a suspendu les paiements correspondant aux projets litigieux en l’absence de base juridique et en violation des conventions de subvention relatives à ces projets ainsi que du principe de bonne foi. Elle indique par ailleurs, à titre subsidiaire, que, en écartant l’ensemble des dépenses des projets litigieux, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité.

40      Il y a lieu d’examiner tout d’abord le moyen tiré de la violation des conventions de subvention en cause du fait de la suspension des paiements à l’égard de la requérante en l’absence de base juridique.

41      La requérante soutient que le fondement invoqué par la Commission pour procéder à la suspension des paiements, à savoir le point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, n’est pas applicable en l’espèce. À cet égard, elle estime qu’il découle de cette clause que le seul fait que la Commission effectue un audit à l’égard d’un cocontractant ne suffit pas pour fonder la suspension d’un paiement, mais qu’il est nécessaire qu’une des conditions limitativement énumérées par ladite clause soit remplie. Or, la requérante affirme qu’aucune des cinq conditions n’était applicable en l’espèce.

42      La requérante fait valoir que, au demeurant, la Commission n’aurait invoqué aucun des motifs prévus par l’article 119, paragraphe 2, du règlement n° 1605/2002 et par l’article 106 du règlement n° 2342/2002, permettant de suspendre le versement de la subvention ou le délai de paiement, et que l’article 1184 du code civil belge ne serait pas non plus applicable, l’exécution des projets ayant été, selon la requérante, exemplaire.

43      À titre subsidiaire, la requérante affirme que les obligations contractuelles prétendument violées ou les omissions qui lui ont été reprochées dans le rapport d’audit provisoire 11-INFS-0035 relatif notamment aux projets Perform et Oasis, qui lui a été transmis le 19 avril 2012 et dont elle conteste la valeur probante, ne découleraient pas du cadre juridique national, du droit de l’Union ou du contrat en cause, mais constitueraient des modifications effectuées a posteriori en méconnaissance de la procédure prévue et du principe pacta sunt servanda.

44      La Commission fait valoir que les trois dernières conditions d’application du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, étaient remplies, ou, à tout le moins, l’une d’entre elles, dès lors qu’il existait des raisons valables pour soupçonner une éventuelle violation des conventions de subvention et l’existence d’irrégularités concernant les projets Perform et Oasis. Ces suspicions auraient été, en outre, confirmées par les conclusions du contrôle financier des projets en cause, ainsi qu’il ressortirait du rapport d’audit provisoire 11-INFS-0035, relatif, notamment, aux projets Oasis et Perform, transmis à la requérante par lettre du 19 avril 2012 pour lui permettre de formuler des observations conformément aux dispositions du point II.22, paragraphe 5, de l’annexe II et annexé au mémoire en défense.

45      La Commission affirme que, dans ces conditions, la suspension des paiements serait justifiée sur le fondement du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres bases juridiques possibles invoquées par la requérante.

46      Il y a lieu de relever que, en vertu du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, après réception des rapports visés au point II.4 de ladite annexe, la Commission peut suspendre les paiements, à tout moment, pour tout ou partie du montant destiné au bénéficiaire concerné :

–        si les travaux effectués ne sont pas conformes aux dispositions de la convention de subvention ;

–        si le bénéficiaire doit rembourser à l’État dont il est ressortissant une somme indûment perçue au titre de l’aide d’État ;

–        en cas de violation des dispositions de la convention de subvention, ou de suspicion ou de présomption de violation de ses dispositions, à la suite notamment des contrôles et audits prévus aux points II.22 et II.23 de l’annexe II ;

–        en cas de suspicion d’irrégularité commise par un ou plusieurs bénéficiaires dans l’exécution de la convention de subvention en cause ;

–        en cas de soupçon ou de constatation d’irrégularité commise par un ou plusieurs bénéficiaires dans l’exécution d’une autre convention de subvention financée par le budget général de l’Union ou par des budgets gérés par elle. En pareil cas, les paiements sont suspendus lorsque l’irrégularité présente un caractère grave et systématique, susceptible d’affecter l’exécution de la convention de subvention en cause.

47      Il ressort de l’argumentation de la Commission que celle-ci ne conteste pas que les deux premières conditions du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II ne sont pas applicables en l’espèce, mais considère qu’au moins une des trois dernières est remplie. Dans la mesure où elle fait valoir, à cet égard, que la suspension des paiements était fondée non pas sur les conclusions du rapport d’audit des projets litigieux – qui au demeurant a été établi, tant en sa version provisoire qu’en sa version finale, après la suspension des paiements – mais sur de prétendues irrégularités de nature grave et systématique constatées lors de contrôles financiers antérieurs effectués en 2006 et en 2008, relatifs à d’autres projets auxquels la requérante avait participé, et sur le prétendu refus de celle-ci de se conformer aux recommandations exprimées lors du dernier de ces contrôles portant la référence 08‑BA52‑042, la seule condition pertinente au regard de la suspension des paiements en l’espèce est la cinquième.

48      En effet, tant la troisième que la quatrième condition du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II visent des violations ou des suspicions de violation des stipulations de la convention de subvention en cause, à la suite d’audits et de contrôles financiers effectués sur la base des points II.22 ou II.23 de l’annexe II, ou des suspicions d’irrégularités dans l’exécution de la convention de subvention en cause.

49      Par ailleurs, force est de constater que les audits et contrôles financiers mentionnés par la troisième condition de la clause en question ne sauraient être interprétés comme visant d’autres projets à l’exécution desquels aurait participé la requérante par le passé, mais uniquement comme visant l’exécution des conventions de subvention litigieuses, ainsi qu’il ressort du libellé du point II.22 de l’annexe II, qui fait référence à « la convention de subvention » et « au projet » spécifique.

50      Au demeurant, ainsi que le fait valoir la requérante, il ne saurait être considéré que la suspension des paiements en l’espèce était fondée sur des suspicions ou des présomptions de violation des conventions de subvention relatives aux projets litigieux à la suite de l’audit desdits projets, dès lors qu’elle a eu lieu le 9 août 2011 et donc avant ce dernier.

51      En outre, dès lors que, d’une part, la cinquième condition du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II prévoit expressément le cas de figure permettant à la Commission de suspendre les paiements en cas de soupçon ou de constatation d’irrégularité commise par un ou plusieurs bénéficiaires dans l’exécution d’une autre convention de subvention présentant un caractère grave et systématique susceptible d’affecter l’exécution de la convention de subvention en cause et que, d’autre part, les conditions d’application de la clause en question ne sont pas cumulatives, il convient d’examiner uniquement si cette condition est remplie.

52      Aux fins de cette appréciation, le rapport d’audit 11-INFS-0035 relatif aux projets litigieux qui a été produit par la requérante après la fin de la procédure écrite en annexe à son mémoire présenté au titre de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure est dénué de pertinence, eu égard au fait qu’il a été établi postérieurement à la date de suspension des paiements à l’égard de la requérante et que, par conséquent, il ne pouvait constituer le fondement de cette dernière, ainsi que la Commission l’a expressément fait valoir.

53      Ainsi, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments de la requérante, avancés à titre subsidiaire, par lesquels elle fait valoir que les violations ou omissions qui lui ont été reprochées dans le rapport d’audit provisoire 11-INFS-0035 constitueraient des modifications des conventions de subvention effectuées a posteriori en méconnaissance de la procédure prévue et du principe pacta sunt servanda.

54      Il convient de relever, ensuite, que, conformément au point II.1.10 de l’annexe II, on entend par « irrégularité » toute violation d’une disposition du droit de l’Union ou toute méconnaissance d’une obligation résultant d’un acte ou d’une omission par un bénéficiaire qui a ou qui pourrait avoir pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union ou à des budgets gérés par celle-ci par la réalisation d’une dépense indue.

55      En l’espèce, les irrégularités reprochées à la requérante par la Commission auraient été constatées lors des audits financiers 05‑B428‑023, portant sur les projets « Preventive », « Hometalk » et « Health memory », et 08‑BA52‑042, portant sur les projets « Agamemnon » et « Aubade », et concerneraient, principalement, l’imputation de coûts élevés en tant que coûts de personnel directs pour des prestations effectuées par des personnes ne disposant pas des qualifications scientifiques requises, la méthodologie de calcul des dépenses conduisant à une surestimation des coûts éligibles et à l’absence de fiabilité du système d’enregistrement des heures de travail.

56      Dans ce contexte, la Commission a, par lettre du 16 février 2009, invité la requérante, à l’aide d’une liste jointe à cette lettre, premièrement, à adopter les conclusions de l’audit financier 08‑BA52‑042 à l’égard de tout projet futur soumis par elle et relevant du sixième programme-cadre ainsi que des projets non contrôlés relevant de ce même programme-cadre à l’exécution desquels la requérante avait déjà participé, et dont les états des dépenses pourraient être affectés d’irrégularités du même type que ceux des projets contrôlés. Deuxièmement, la requérante a été invitée à examiner, sur la base de la liste en question, si des irrégularités de nature systématique apparaissaient également dans les dépenses présentées pour remboursement concernant les projets identifiés dans la liste, puis à informer la Commission des résultats de son enquête, et, troisièmement, à réviser ses états financiers, le cas échéant, pour les projets dont les dépenses pourraient être affectées d’irrégularités identiques, en tenant compte des recommandations de l’audit susmentionné relatives au personnel, aux contrats de sous-traitance et aux coûts indirects, dans un délai de 45 jours. Enfin, la Commission a indiqué à la requérante que, si elle estimait qu’il n’était pas possible de transposer les résultats de cet audit sur les projets non contrôlés cités dans la liste qui y était annexée, la requérante était invitée à fournir les raisons pour lesquelles ces projets n’étaient pas affectés, selon elle, d’irrégularités similaires.

57      S’agissant de la cinquième condition du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, la requérante maintient qu’elle n’a pas commis d’irrégularités de nature grave et systématique dans l’exécution d’un autre contrat qui puissent justifier une suspension de paiement. Elle soutient que, en tout état de cause, la charge de la preuve des irrégularités invoquées incombait à la Commission et que, contrairement aux allégations de cette dernière, elle se serait conformée aux recommandations des auditeurs formulées lors du contrôle 08-BA52-042, sans que la Commission exprime la moindre réserve.

58      Par ailleurs, selon la requérante, la Commission n’aurait ni invoqué ni démontré qu’il existait un lien entre les prétendues irrégularités portant sur des projets antérieurs, d’une part, et l’exécution des projets en cause, d’autre part, de sorte que leur exécution en fût affectée.

59      Il convient de relever, à titre liminaire, qu’il n’appartient pas au Tribunal de vérifier, dans le cadre du présent litige, si la requérante s’est conformée aux conclusions d’un audit relatif à d’autres projets relevant, au demeurant, d’un programme-cadre antérieur et ne faisant pas l’objet des contrats litigieux.

60      À cet égard, il convient de rappeler que la compétence des juridictions de l’Union pour connaître, en vertu d’une clause compromissoire, d’un litige concernant un contrat s’apprécie, selon la jurisprudence, au vu des seules dispositions de l’article 272 TFUE et des stipulations de la clause elle‑même. Cette compétence est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement. Ainsi, le Tribunal ne peut statuer sur un litige contractuel qu’en cas d’expression de la volonté des parties de lui attribuer cette compétence (voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 2010, Commission/Arci Nuova associazione comitato di Cagliari et Gessa, T‑259/09, non publié au Recueil, point 39, et la jurisprudence citée).

61      En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la clause attributive de compétence figurant à l’article 9, troisième alinéa, des conventions de subvention, le Tribunal saisi d’un recours au titre de l’article 272 TFUE doit se limiter, dans l’exercice de son contrôle, à interpréter les conventions en cause et à déterminer si, au regard des clauses applicables, la Commission était habilitée à procéder à la suspension des paiements.

62      De même, ainsi que l’affirme à juste titre la requérante, le libellé du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II devrait être interprété en ce qu’il exige, de la part de la Commission, l’identification des irrégularités suspectées ou constatées dans l’exécution d’autres projets par un ou plusieurs bénéficiaires, la détermination de leur caractère grave et systématique et la démonstration de l’existence d’un lien entre ces irrégularités, d’une part, et l’exécution des projets litigieux, d’autre part, de sorte que cette dernière soit susceptible d’être affectée. C’est sur cette base seulement que le Tribunal sera en mesure de vérifier si la Commission pouvait suspendre les paiements à l’égard de la requérante sur le fondement du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II.

63      S’agissant tout d’abord des irrégularités constatées lors des audits portant sur des projets antérieurs et à l’exécution desquels avec participé la requérante, il ressort du rapport d’audit 05‑B428‑023 fourni par la Commission au Tribunal que, aux fins du calcul des coûts de personnel, la requérante a eu recours à une rémunération horaire moyenne, ne reflétant pas les heures effectivement ouvrées, concernant deux parmi les trois projets contrôlés relevant du cinquième programme-cadre, qui a donné lieu à des ajustements. Par ailleurs, selon le rapport d’audit 8‑BA52‑042, relatif à deux autres projets relevant du sixième programme-cadre, la requérante, d’une part, a imputé des heures ouvrées à des chercheurs ne disposant pas des qualifications scientifiques requises pour l’exécution desdits projets ou étant sans lien avec leur nature et, d’autre part, ne disposait pas d’un système d’enregistrement des heures de travail fiable.

64      En premier lieu, il convient de relever que, si, ainsi que le fait valoir la Commission, de telles irrégularités pourraient correspondre à la notion d’irrégularité telle que définie au point II.1, paragraphe 10, de l’annexe II (voir point 54 ci-dessus), leur existence à elle seule ne saurait, en tout état de cause, suffire pour considérer qu’elles présentaient un caractère grave et systématique, au sens du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II.

65      Force est de constater, à cet égard, que la Commission n’a démontré à suffisance de droit ni le caractère grave et systématique des irrégularités identifiées, ni la manière dont de telles irrégularités, à les supposer établies, pourraient affecter l’exécution des projets Perform et Oasis.

66      En effet, dans le mémoire en défense, elle s’est contentée de faire un renvoi aux irrégularités constatées par les rapports d’audit visés au point 63 ci-dessus, en relevant que les problèmes soulevés étaient liés aux coûts de personnel et que la requérante demandait systématiquement le remboursement de frais concernant le travail de chercheurs qui ne disposaient pas des qualifications scientifiques nécessaires à l’exécution des projets en cause, en présentant des dépenses pour un personnel administratif fortement rémunéré et pour un nombre d’heures de travail excessif.

67      De plus, dans la duplique et lors de l’audience, la Commission s’est bornée à relever que le caractère grave et systématique des irrégularités constatées découlait du fait que, même après la révision des états financiers présentés par la requérante, la méthodologie employée par cette dernière pour calculer les frais de personnel n’était toujours pas conforme aux recommandations des auditeurs.

68      Toutefois, les éléments produits par la Commission ne permettent pas au Tribunal de vérifier l’exactitude de ses affirmations, ni de remettre en cause celles de la requérante, selon lesquelles, d’une part, elle se serait conformée aux conclusions de l’audit 08‑BA52‑042 et, d’autre part, elle aurait restitué les sommes réclamées à la Commission, tout en modifiant ses états financiers en conséquence. À cet égard, force est de constater que la lettre du 3 mars 2009, produite par la Commission, que lui avait adressée la requérante à la suite de l’audit en question, ne permet pas de déceler le prétendu refus de cette dernière d’employer une méthode de calcul conforme aux recommandations formulées par la Commission ou sa prétendue insistance à employer une méthode de calcul erronée. En effet, il découle de cette lettre que la requérante a rectifié certaines erreurs relatives aux coûts de personnel directs constatées lors de l’audit, qu’elle a déduit du total des heures travaillées des heures liées à des tâches menées par des personnes dont les qualifications et l’expertise étaient discutables et qu’elle a réduit le taux de rémunération horaire. Ainsi, les montants demandés ont été ajustés vers le bas.

69      Par ailleurs, il ressort de la correspondance échangée avec la Commission entre le 27 mai et le 1er juin 2009 que la requérante a accepté de lui restituer un montant de 86 395,32 euros, réclamé à la suite de l’audit 08‑BA52‑042.

70      En outre, contrairement aux affirmations de la Commission dans le mémoire en défense, il ne ressort pas de la lettre du 3 juillet 2009 adressée à la requérante en réponse à la transmission de ses états financiers révisés pour tenir compte des recommandations de l’audit financier mentionné au point 69 ci-dessus qu’elle n’était pas en mesure de vérifier l’exactitude des allégations de cette dernière. Au contraire, ainsi que le relève à juste titre la requérante et qu’il ressort du dossier, cette lettre indique que les éléments transmis par celle-ci à la Commission par courriel du 19 juin 2009 seraient examinés par les services compétents de cette dernière, qui procéderaient aux ajustements nécessaires et la contacteraient s’il s’avérait nécessaire d’obtenir des clarifications supplémentaires.

71      En deuxième lieu, à supposer même que des irrégularités du même type aient persisté et qu’elles puissent être considérées comme étant graves et systématiques, la Commission aurait dû indiquer, compte tenu du libellé de la cinquième condition visée par le point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, la manière dont elles seraient susceptibles d’affecter l’exécution des projets litigieux. S’agissant, notamment, de la rémunération horaire moyenne employée par la requérante concernant deux projets parmi les trois contrôlés relevant du cinquième programme-cadre, il convient de constater que, dans le contexte particulier de cette affaire, l’argumentation de la Commission, selon laquelle, dans la mesure où les coûts de personnel directs représenteraient la catégorie la plus importante des coûts pour les projets relevant des programmes-cadres, la méthodologie utilisée par leur bénéficiaire pour le calcul de ces coûts donnerait une indication sur la régularité des déclarations des coûts déposées par celui-ci pour l’ensemble des projets auxquels il aurait participé, ne saurait prospérer. En effet, un postulat aussi général ne saurait permettre, au regard des circonstances propres à l’espèce, de conclure que l’exécution des conventions de subvention était susceptible d’être affectée.

72      À cet égard, il y a lieu de relever tout d’abord que, en l’espèce, conformément au point II.14, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et d), de l’annexe II, portant sur les coûts éligibles du projet, ces derniers doivent être, d’une part, réels et, d’autre part, déterminés conformément aux principes et pratiques comptables usuels de comptabilité et de gestion du bénéficiaire. Les méthodes comptables utilisées pour enregistrer les coûts et les recettes doivent être conformes aux règles comptables utilisées dans l’État où le contractant est établi et doivent permettre le rapprochement des coûts encourus et des recettes déclarés au titre du projet et des fiches financières et pièces justificatives correspondantes.

73      Par ailleurs, en vertu du point II.14, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe II, nonobstant les dispositions du premier alinéa, sous a), les bénéficiaires peuvent choisir de déclarer des coûts moyens de personnel si les critères cumulatifs suivants sont remplis :

–        la méthode de calcul des coûts moyens de personnel est celle qui est déclarée par le bénéficiaire comme sa méthode habituelle de comptabilisation des coûts; en conséquence, elle s’applique uniformément à toutes les participations du bénéficiaire relevant des programmes-cadres ;

–        la méthode de calcul se fonde sur les coûts réels de personnel du bénéficiaire tels qu’ils figurent dans sa comptabilité légale, sans éléments estimés ou budgétés ;

–        la méthode de calcul exclut des taux moyens de personnel tout poste de dépense inéligible tel que défini au paragraphe 3 ainsi que tout coût imputé dans les autres catégories de coûts, afin d’éviter le double financement des mêmes coûts ;

–        le nombre d’heures de production utilisé pour calculer les taux horaires moyens correspond aux pratiques habituelles de gestion du bénéficiaire pour autant que celles-ci reflètent les normes de travail réelles du bénéficiaire, conformément à la législation nationale applicable, aux conventions collectives de travail et aux contrats et qu’elles se fondent sur des données vérifiables.

74      Ensuite, le point II.15, paragraphe 1, de l’annexe II définit les coûts directs comme correspondant à tous les coûts qui peuvent être attribués directement au projet et qui sont définis en tant que tels par le bénéficiaire, conformément à ses principes comptables et à ses règles internes habituelles. Pour ce qui est des frais de personnel, seuls peuvent être imputés les coûts des heures effectivement ouvrées au titre du projet par les personnes effectuant directement les travaux, qui doivent être directement engagées par le bénéficiaire, travailler sous sa seule supervision technique et sa responsabilité et être rémunérées conformément à ses pratiques habituelles.

75      Par conséquent, il découle des conditions générales applicables aux conventions de subvention que la requérante était en droit d’employer une méthode d’enregistrement et de calcul des coûts de son choix en respectant certaines conditions et d’avoir ainsi recours à des rémunérations horaires moyennes, en multipliant le taux de rémunération horaire par le nombre d’heures de production réelles, à condition que cette méthode fût conforme aux règles comptables utilisées en Grèce et qu’elle permette le rapprochement des coûts encourus et des recettes perçues (voir point 72 ci-dessus). Au demeurant, la Commission n’a nullement démontré que la méthode employée par la requérante n’était pas conforme au point II.14, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), et deuxième alinéa, de l’annexe II.

76      En troisième lieu, il convient de relever que, contrairement aux arguments de la Commission, il ne ressort nullement de la lettre du 1er août 2011, par laquelle celle-ci a annoncé à la requérante qu’elle allait effectuer un audit des projets litigieux, que l’objectif de cet audit était de vérifier si les états financiers, tels que révisés, étaient conformes aux recommandations et conclusions de l’audit relatif aux projets « Agamemnon » et « Aubade ». En effet, cette lettre ne mentionne nullement ces deux projets, mais fait suite à une lettre de la Commission datée du 12 juillet 2011, adressée à la requérante, concernant l’audit financier relatif aux projets n° 045459 « Personna », n° 507749 « Terregov » et n° 508015 « Doc@hand » et l’informant de sa décision d’effectuer un audit des états financiers soumis par elle concernant les projets Perform, Oasis et « Pocemon ».

77      Par ailleurs, l’invitation de la Commission envers la requérante, communiquée par lettre du 16 février 2009, consistant à mettre en œuvre les recommandations de l’audit 08-BA52-042 en transposant les résultats sur d’autres projets qui pourraient être affectés d’irrégularités identiques, ne concernait que les projets, en cours ou futurs, relevant du sixième programme-cadre (voir point 55 ci-dessus). Or, la Commission n’a pas fourni d’indices concordants permettant de constater que ces irrégularités seraient susceptibles d’affecter l’exécution des conventions relatives aux projets Perform et Oasis relevant du septième programme-cadre.

78      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que les conditions requises pour l’application du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II n’étaient pas remplies et que, par conséquent, la Commission a violé les conventions de subvention en procédant à la suspension des paiements sur ce fondement.

79      Partant, il y a lieu d’accueillir le moyen formulé à l’appui du premier chef de conclusions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la violation du principe de bonne foi invoquée par la requérante et les arguments avancés à titre subsidiaire et visant à établir que, en écartant l’ensemble des dépenses des projets litigieux, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité. En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, la décision de suspendre les paiements est une mesure provisoire qui a pour effet de geler temporairement les versements à l’égard du bénéficiaire concerné, sans pour autant impliquer la non-reconnaissance des coûts déclarés ou un refus définitif de paiement.

80      De surcroît, il n’est pas nécessaire d’examiner si la Commission était habilitée à suspendre les paiements sur les autres bases juridiques invoquées par la requérante à titre subsidiaire, leur application ayant été, en tout état de cause, écartée par la Commission en l’espèce (voir point 45 ci-dessus).

 Sur la demande visant à « ordonner » à la Commission de verser à la requérante la somme de 637 117,17 euros au titre du projet Perform, majorée des intérêts de retard

81      La requérante estime que, eu égard à la suspension illégale des paiements à son égard, la Commission devrait lui verser la somme de 637 117,17 euros qui lui serait due, majorée des intérêts prévus par le point II.5, paragraphe 5, de l’annexe II, à compter de la date de signification du présent recours, conformément à l’article 1153 du code civil belge, sur la base du taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) en vigueur le premier jour du mois de cette signification, majoré de trois points et demi. Lors de l’audience, elle a néanmoins fait valoir que le point de départ pour le calcul des intérêts devrait se situer à la date de suspension des paiements, soit le 9 août 2011. En outre, elle a précisé que, contrairement à ce qu’elle avait soutenu dans la requête, le montant de 105 262 euros dont elle avait réclamé le remboursement pour les dépenses engagées au titre de la période P1 ne lui aurait pas été versé et que la compensation dont il a fait l’objet a été effectuée à tort par la Commission.

82      La Commission affirme que la requérante ne présente pas correctement le montant des paiements auquel elle aurait eu droit au titre des périodes P2 et P3 du projet Perform, qu’elle aurait surévalué. À cet égard, elle indique que le montant maximal dont la requérante pourrait demander le versement au stade actuel, au moyen des paiements intermédiaires prévus par la convention de subvention concernée, ne pouvait dépasser 90 % du financement total pour le projet. Dans la duplique, elle a précisé que le plafond de 6 080 842 euros avait été atteint dans le cadre du consortium dès la deuxième période de rapport et que, en conséquence, la Commission ne pouvait verser la totalité du montant réclamé, mais devait limiter le paiement intermédiaire pour la période P2 à 1 060 912 euros, ainsi qu’il ressortirait de la ventilation de la contribution financière qu’elle a produite en annexe de la duplique. Ainsi, elle fait valoir que, même si les paiements n’avaient pas été suspendus, la requérante n’aurait pas pu percevoir la totalité du montant demandé pour la période P2 et n’aurait rien perçu pour la période P3.

83      Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a fait valoir que le montant de 105 262 euros a été versé à la requérante et qu’il a fait l’objet d’une compensation selon la méthode habituellement employée par elle. De plus, elle a soutenu que, dans l’hypothèse où le Tribunal devrait accueillir le recours, les intérêts de retard réclamés par la requérante devraient être calculés à partir de la date à laquelle le paiement aurait dû être effectué et que, conformément au point II.5, paragraphe 1, de l’annexe II, les paiements devraient être versés dans les 105 jours suivant la réception des états des dépenses à rembourser.

84      Il y a lieu de relever que, en vertu du point II.6, paragraphe 2, de l’annexe II, la somme du préfinancement et des paiements intermédiaires ne doit pas dépasser 90 % de la contribution financière maximale définie à l’article 5 de la convention de subvention. En l’espèce, cette contribution s’élevait à 6 756 492 euros (voir point 18 ci-dessus) et le plafond visé au point II.6, paragraphe 2, de l’annexe II était égal à 6 080 842 euros.

85      Par ailleurs, il convient de rappeler que, alors que, selon la ventilation des coûts entre les bénéficiaires du projet Perform, la requérante devait recevoir la somme de 1 145 244 euros, elle n’a perçu que 398 957,58 euros à titre de préfinancement et les sommes réclamées au titre des périodes P2 et P3 ne lui ont pas été versées. Quant à la somme de 105 262 euros dont elle avait réclamé le remboursement pour les dépenses engagées au titre de la période P1, il importe de constater que, ainsi qu’il ressort d’une lettre du 23 août 2010 annexée au mémoire en défense de la Commission, elle a été déduite de la somme versée au coordinateur et a fait l’objet d’une compensation sur le fondement de l’article 73, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1605/2002 avec d’autres créances exigibles auprès de la requérante relatives à d’autres projets, ce que la Commission a confirmé lors de l’audience. Or, dans le cadre du présent recours, le Tribunal n’est pas appelé à se prononcer sur la question de savoir si cette compensation, qui concerne des créances de la Commission découlant d’autres contrats, était régulière ou pas, mais uniquement sur la régularité de la suspension des paiements à l’égard de la requérante.

86      À cet égard, force est de relever que, contrairement aux arguments de la Commission, le montant dont la requérante demande le versement au stade actuel, à savoir 637 117,17 euros, qui correspond aux sommes des paiements intermédiaires qu’elle aurait dû percevoir au titre des périodes P2 et P3, moins le montant reçu à titre de préfinancement, ne dépasse ni le plafond de 90 % du financement total pour le projet, à savoir 6 080 842 euros, ni le solde disponible au moment où ledit plafond aurait été atteint. En effet, il convient de rappeler que, selon la ventilation de la contribution financière produite par la Commission en annexe de la duplique, en dépit du fait que ledit plafond avait été atteint dès la période P2, qui se situait entre le 1er février 2009 et le 31 août 2010, il n’en demeure pas moins qu’il restait, à ce stade, un montant de 1 060 912 euros à répartir entre les bénéficiaires (voir point 82 ci-dessus). Ainsi, l’argumentation de la Commission selon laquelle, même si les paiements n’avaient pas été suspendus, la requérante n’aurait pas pu percevoir la totalité du montant demandé ne saurait prospérer.

87      Il s’ensuit que, en l’absence de suspension des paiements à l’égard de la requérante, il ne saurait être exclu qu’elle ait pu percevoir les sommes qui lui étaient destinées.

88      Eu égard au fait que le Tribunal a constaté, à l’issue de l’examen du premier moyen, que les conditions requises pour procéder à la suspension des paiements sur le fondement du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II, n’étaient pas remplies, il y a lieu de conclure que les sommes dont le paiement a été suspendu par la Commission sur ce fondement doivent être versées à la requérante dans les limites du solde de la contribution financière disponible au moment de la suspension des paiements, sans que ce versement préjuge du caractère éligible des dépenses déclarées par cette dernière et de la mise en œuvre des conclusions du rapport final d’audit relatif aux projets litigieux par la Commission.

89      En ce qui concerne la demande de la requérante visant à ce que la somme réclamée au titre du projet Perform soit majorée des intérêts de retard, il y a lieu de relever que, en vertu du point II.5, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe II, à l’expiration du délai d’approbation des rapports et paiements, et sans préjudice de la suspension de ce délai par la Commission, cette dernière devra payer les intérêts de retard selon les conditions prévues par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, en euros majorés de trois points et demi. Le taux de référence auquel s’applique la majoration est le taux en vigueur le premier jour du mois de la date limite de paiement, tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C.

90      Selon le point II.5, paragraphe 5, troisième alinéa, de l’annexe II, les intérêts de retard portent sur la période écoulée entre l’expiration de la période de paiement (date limite non comprise) et la date à laquelle le paiement est débité du compte de la Commission (date incluse). Ces intérêts ne sont pas considérés comme une recette pour le projet aux fins de la détermination de la subvention finale et leur paiement n’est pas considéré comme faisant partie de la contribution financière.

91      Par ailleurs, il ressort du point II.5, paragraphes 1 et 2, de l’annexe II que, à la fin de chaque période de rapport, la Commission évalue les rapports du projet et les éléments livrables et verse les paiements correspondants dans les 105 jours qui suivent leur réception, sauf suspension du délai, du paiement ou du projet. Les paiements sont effectués après approbation par la Commission des rapports ou des éléments livrables.

92      De plus, en vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement n° 2342/2002, pour les contrats ou conventions dans lesquels le paiement est conditionné par l’approbation d’un rapport, les délais de paiement ne commencent à courir qu’à partir de l’approbation du rapport en cause, soit explicitement parce que le bénéficiaire en a été informé, soit implicitement parce que le délai d’approbation contractuel est venu à terme sans qu’il ait été suspendu par un document formel adressé au bénéficiaire. Ce délai d’approbation ne peut dépasser 45 jours calendaires pour les conventions de subvention et 60 jours pour les contrats dans le cadre desquels les prestations techniques fournies sont particulièrement complexes à évaluer.

93      En l’espèce, eu égard au fait que le Tribunal a conclu que la Commission avait suspendu les paiements à tort à l’égard de la requérante (voir point 78 ci-dessus), il convient d’accueillir le deuxième chef de conclusions, en ce qu’il vise à condamner la Commission à procéder au versement des sommes qui ont été suspendues au titre du projet Perform, sans que ce versement préjuge du caractère éligible des dépenses déclarées par la requérante. En application des dispositions combinées citées aux points 89 à 92 ci-dessus, le montant des sommes à verser doit être compris dans les limites du solde de la contribution financière disponible au moment de la suspension des paiements et lesdites sommes doivent être majorées des intérêts de retard qui commencent à courir, pour chaque période, à l’expiration du délai de paiement de 105 jours suivant la réception des rapports correspondants par la Commission. Le taux auquel s’applique la majoration est celui en vigueur le premier jour du mois du délai de paiement, tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C.

 Sur la demande visant à « ordonner » à la Commission de constater que la requérante n’est pas tenue de rembourser la somme de 56 390 euros qu’elle a perçue au titre du projet Oasis

94      La Commission excipe de l’irrecevabilité manifeste du troisième chef de conclusions de la requête en considérant qu’il s’agirait d’une question inexistante. Elle affirme, à cet égard, que la demande de remboursement du montant de 56 390 euros pour le projet Oasis provenait du coordinateur et non d’elle-même, celle-ci n’ayant, par ailleurs, ni entrepris d’action de recouvrement à la date d’introduction du présent recours, ni demandé au coordinateur de le faire. De plus, elle considère que la suspension du paiement n’aurait aucun effet pratique, puisque la requérante a déjà perçu la somme. En outre, elle conteste la pertinence de la jurisprudence invoquée par la requérante dans la réplique ainsi que l’intérêt légitime et actuel de cette dernière à obtenir une constatation négative selon laquelle elle ne serait pas tenue de rembourser cette somme et estime que, si sa demande était accueillie, cela préjugerait de la procédure d’audit en cours.

95      La requérante rétorque que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission est non fondée, dès lors que sa demande constitue en substance une demande en constatation négative qui serait admise par le droit de l’Union. Par ailleurs, elle affirme que la Commission a omis de mentionner, au détriment de la réalité des faits, que c’était le chef d’unité faisant fonction de directeur général compétent qui aurait demandé au coordinateur de ne pas procéder au versement de la somme correspondant aux dépenses de la requérante pour la période de rapport en question. À la suite de cette demande, le coordinateur aurait informé la Commission, par lettres du 31 août et du 19 octobre 2011, du refus de la requérante de rembourser ledit montant.

96      En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’égard de la demande de la requérante, il y a lieu de la rejeter comme non fondée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52), dans la mesure où le paiement intermédiaire correspondant aux dépenses réclamées pour la période P2 du projet Oasis a été versé à la requérante par le coordinateur le 5 août 2011 et n’a pas été affecté par la suspension des paiements intervenue à une date ultérieure, à savoir le 9 août 2011. En effet, la suspension des paiements effectuée en vertu du point II.5, paragraphe 3, sous d), de l’annexe II étant une mesure provisoire, la Commission n’aurait pas pu l’invoquer comme fondement pour demander la suspension des versements déjà effectués, ni en solliciter la restitution.

97      Enfin, la Commission n’ayant, à ce jour, pas mis en œuvre les résultats de l’audit dont a fait l’objet le projet Oasis, la constatation selon laquelle la requérante n’a pas à rembourser un certain montant préjugerait de l’issue de la procédure d’audit et de recouvrement, qui ne fait pas l’objet du présent litige.

98      Partant, le troisième chef de conclusions doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé de l’argumentation présentée par la requérante dans le mémoire déposé en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’invocation du rapport d’audit final 11-INFS-0035 relatif aux projets litigieux n’étant, en tout état de cause, pas pertinente pour trancher le présent litige, ainsi qu’il a été constaté au point 52 ci-dessus et que le fait valoir à juste titre la Commission.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

100    En l’espèce, la requérante ayant obtenu gain de cause s’agissant des premier et deuxième chefs de conclusions et ayant succombé s’agissant du troisième, il convient de la condamner à supporter un tiers de ses dépens et de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens encourus par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission européenne est condamnée à verser à ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias les sommes dont le paiement a été suspendu sur le fondement du point II.5, paragraphe 3, sous d), des conditions générales annexées aux conventions de subvention relatives aux projets Oasis et Perform, conclus dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), sans que ce versement préjuge du caractère éligible des dépenses déclarées par ANKO Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias et de la mise en œuvre des conclusions du rapport final d’audit 11-INFS-0035 par la Commission. Le montant des sommes à verser doit être compris dans les limites du solde de la contribution financière disponible au moment de la suspension des paiements et lesdites sommes doivent être majorées des intérêts de retard qui commencent à courir, pour chaque période, à l’expiration du délai de paiement de 105 jours suivant la réception des rapports correspondants par la Commission. Le taux de majoration applicable aux intérêts est celui en vigueur le premier jour du mois du délai de paiement, tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      ANKO Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias supportera un tiers de ses dépens.

4)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens encourus par ANKO Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias.

Papasavvas

Dehousse

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conventions de subvention en cause

Sur la convention de subvention n° 215754 pour le financement du projet Oasis

Sur la convention n° 215952 pour le financement du projet Perform

Clause compromissoire et droit applicable

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande tendant à ce que le Tribunal constate que la suspension de paiements imposée par la Commission au titre des projets Perform et Oasis constitue une violation de ses obligations contractuelles

Sur la demande visant à « ordonner » à la Commission de verser à la requérante la somme de 637 117,17 euros au titre du projet Perform, majorée des intérêts de retard

Sur la demande visant à « ordonner » à la Commission de constater que la requérante n’est pas tenue de rembourser la somme de 56 390 euros qu’elle a perçue au titre du projet Oasis

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.