Language of document : ECLI:EU:C:2012:29

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

19 janvier 2012 (*)

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Fiscalité – TVA – Sixième directive – Article 28, paragraphe 2, sous a) – Article 28, paragraphe 3, sous b) – Exonération de certains services de transport – Opération combinant des services de stationnement automobile et le transport des voyageurs entre le parking et un aéroport – Existence de deux prestations de services distinctes ou d’une prestation unique – Principe de neutralité fiscale»

Dans l’affaire C‑117/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) (Royaume-Uni), par décision du 1er mars 2011, parvenue à la Cour le 4 mars 2011, dans la procédure

Purple Parking Ltd,

Airparks Services Ltd

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 (JO L 384, p. 47, ci-après la «sixième directive»), et du principe de neutralité fiscale.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Purple Parking Ltd et Airparks Services Ltd aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») au sujet du refus de ces derniers de rembourser la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée par les requérantes au principal en raison de prestations de services de transport de passagers fournies au cours des années 2003 à 2006.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        L’article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        Selon l’article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, le taux normal de la TVA est fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services. Ce pourcentage ne peut être inférieur à 15 %, exception faite de l’application d’un ou de deux taux réduits. Ces taux réduits sont fixés à un pourcentage de la base d’imposition qui ne peut être inférieur à 5 % et ils s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories visées à l’annexe H de ladite directive.

5        L’article 28, paragraphe 2, de la sixième directive dispose:

«Nonobstant l’article 12 paragraphe 3, les dispositions ci-après sont d’application au cours de la période transitoire visée à l’article 28 terdecies.

a)      Les exonérations avec remboursement de la taxe payée au stade antérieur et les taux réduits inférieurs au taux minimal fixé à l’article 12 paragraphe 3 en matière de taux réduits, qui étaient applicables au 1er janvier 1991 et qui sont en conformité avec la législation communautaire et qui répondent aux critères visés à l’article 17 dernier tiret de la deuxième directive du 11 avril 1967, peuvent être maintenues.

[...]»

6        L’article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive dispose que, au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4 de cet article, les États membres peuvent «continuer à exonérer les opérations énumérées à l’annexe F dans les conditions existantes dans l’État membre».

7        L’annexe F de la sixième directive, qui énumère les opérations qui peuvent être exonérées en application de l’article 28, paragraphe 3, sous b), de cette directive, vise, à son point 17, «les transports de personnes».

 La réglementation nationale

8        L’article 30, paragraphes 1 et 2, de la loi de 1994 relative à la TVA (Value Added Tax Act 1994) dispose:

«1.      Lorsqu’un assujetti fournit des biens ou des services et que cette fourniture, soumise ou non à la TVA en vertu d’une autre disposition, est taxable au taux zéro de TVA:

a)      cette fourniture ne doit pas être soumise à la TVA; mais

b)      elle doit être considérée comme une fourniture imposable à toute autre fin;

et, par conséquent, le taux qui doit être considéré comme grevant ladite fourniture sera zéro.

2.      Une fourniture de biens ou de services est taxable au taux zéro de TVA en application de la présente sous-section lorsqu’elle porte sur les biens ou les services actuellement visés à l’annexe 8 ou lorsque la fourniture est l’une de celles actuellement visées.»

9        Le groupe 8 de ladite annexe 8, intitulé «Transport», vise, au point 4, sous a), le transport de passagers «à bord de tout véhicule, navire ou aéronef conçu ou adapté pour transporter au moins dix passagers».

10      Selon la note 4A, sous b), dudit groupe 8, ledit point 4 ne comprend pas le transport de passagers à bord de tout véhicule à moteur entre un parc de stationnement, ou un terrain adjacent à celui-ci, et le terminal de passagers d’un aéroport, ou un terrain adjacent à celui-ci, par la personne, ou une personne liée à celle-ci, qui fournit des infrastructures pour le stationnement de véhicules dans ce parc de stationnement.

11      Cette note a été introduite avec effet au 1er avril 1995.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Les requérantes au principal sont deux sociétés établies au Royaume-Uni qui fournissent des services de stationnement «hors aéroport» («off-airport» parking) et de «parcs-relais hors aéroport» («off-airport park-and-ride»).

13      Les parcs de stationnement exploités par les requérantes au principal sont situés à une certaine distance de différents aéroports nationaux. Elles accordent une attention particulière à la sécurité de ces parcs. Ceux-ci sont clôturés de manière sûre et éclairés par des projecteurs la nuit. Ils sont tous surveillés par télévision en circuit fermé ainsi que par des services de ronde à intervalles réguliers, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.

14      Les clients conduisent leur véhicule jusqu’au parc de stationnement, le laissent dans une aire d’arrivée et empruntent ensuite un autobus ou un minibus fournis par l’exploitant de ce parc, afin d’être transportés, avec leurs bagages, au terminal de l’aéroport. Leur véhicule est garé par les employés dudit exploitant. Lors de leur retour, les clients utilisent à nouveau les moyens de transport fournis par l’exploitant du parc de stationnement entre le terminal de l’aéroport et ledit parc où leur véhicule est mis à disposition dans une aire de départ. Le service de transport est conçu pour être disponible à tout moment et de manière suffisamment fréquente et fiable, par des bus partant soit à intervalles réguliers, soit sur demande.

15      Les dépliants remis aux clients par les requérantes au principal insistent sur la sécurité dans le parking ainsi que sur l’efficacité et la simplicité de l’opération de stationnement. Il est notamment dit, dans ces dépliants, «quittez simplement votre véhicule et prenez place, vous, votre famille et vos bagages, dans l’une de nos navettes [‘courtesy buses’], dont le conducteur vous aide avec les bagages».

16      Le prix appliqué par les requérantes au principal à leurs clients est exclusivement lié à la durée du stationnement du véhicule dans le parc, décomptée par jours. Le nombre de passagers est sans importance et le transport n’est pas facturé séparément. Le tarif journalier est calculé dans l’objectif d’offrir des tarifs inférieurs d’environ 1 à 2 livres sterling par jour par rapport au tarif à payer dans les zones de stationnement à long terme à l’intérieur du terrain de l’aéroport. Les coûts supportés par les deux requérantes au principal qui sont liés au transport des clients entre le parc de stationnement et l’aéroport entrent dans ledit calcul du tarif journalier. Ils s’élèvent, respectivement, environ à 33 % et à 80 % des coûts totaux de leur activité.

17      Jusqu’en 2006, les requérantes au principal ont payé la TVA aux Commissioners sur la base du taux normal pour l’ensemble des prestations fournies à leurs clients, eu égard à la note 4A, sous b), du groupe 8 de l’annexe 8 de la loi de 1994 relative à la TVA qui exclut les services de transport tels que ceux fournis par lesdites requérantes de la taxation à taux zéro prévue, en principe, pour le transport à bord de tout véhicule conçu ou adapté pour transporter au moins dix passagers.

18      Or, en 2006, les requérantes au principal ont fait valoir que ladite exclusion violait le principe de neutralité fiscale et que, partant, leurs prestations de services de transport auraient dû être considérées comme des prestations imposables à taux zéro. Elles ont donc demandé aux Commissioners le remboursement de la partie de la TVA payée au titre des services de transport pour la période allant du 1er avril 2003 au 31 mars 2006.

19      Les Commissioners ont rejeté ces demandes au motif que les requérantes au principal fournissaient une prestation unique, consistant en un service de stationnement imposable au taux normal, par rapport auquel le service de transport ne serait qu’une prestation accessoire, incidente ou étroitement liée. En tout état de cause, l’exception à la taxation à taux zéro prévue à la note 4A, sous b), du groupe 8 de l’annexe 8 de la loi de 1994 relative à la TVA ne violerait pas le principe de neutralité fiscale.

20      Le First-tier Tribunal (Tax Chamber) a rejeté le recours formé contre ce refus par jugement du 8 juillet 2009 en statuant que les prestations de services de stationnement et de transport fournies par les requérantes au principal constituaient une prestation de services unique imposable au taux normal, étant donné, notamment, que les clients recherchaient un stationnement et que le transport leur était imposé en raison de la distance entre le parc de stationnement et l’aéroport.

21      Les requérantes au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi en soutenant qu’elles fournissaient deux prestations de services séparées et distinctes, l’une de stationnement et l’autre de transport.

22      Estimant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union, l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Quels facteurs particuliers la juridiction de renvoi doit-elle prendre en compte aux fins de décider si, dans des circonstances telles que celles entourant la présente affaire, un assujetti fournit une seule prestation imposable de services de stationnement ou deux prestations de services distinctes, l’une de stationnement et l’autre de transport de passagers?

En particulier:

a)      Cette affaire relève-t-elle du raisonnement adopté par la Cour de justice dans [les arrêts du 25 février 1999, CPP (C‑349/96, Rec. p. I‑973), ainsi que du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank (C‑41/04, Rec. p. I‑9433)]? En particulier, les services de transport en question peuvent-ils être considérés comme accessoires aux services de stationnement ou comme étant si étroitement liés à ces derniers qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel?

b)      Aux fins de l’examen de la première question, sous a), dans quelle mesure la juridiction de renvoi doit-elle prendre en compte les coûts de la fourniture des services de transport, par opposition aux services de stationnement, en vertu des points 24 à 26 de [l’arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (C‑308/96 et C‑94/97, Rec. p. I‑6229)], lorsqu’elle apprécie si les services de transport sont ou non accessoires aux services de stationnement?

c)      À la lumière de [l’arrêt du 11 juin 2009, RLRE Tellmer Property (C‑572/07, Rec. p. I‑4983)], et en particulier des points 21 à 24 de celui-ci, aux fins de répondre à la première question, sous a), la juridiction de renvoi doit-elle tenir compte du fait que la composante transport des prestations de services peut être fournie (mais ne l’est pas dans les faits) selon différentes modalités (par exemple, l’assujetti pourrait fournir ces services de transport en recourant à un prestataire tiers qui [les] facturerait à l’assujetti ou qui contracterait directement avec le client et facturerait séparément les services de transport) et dans quelle mesure (le cas échéant) est-il pertinent de savoir si le contrat confère ou non au client le droit de choisir entre les différentes modalités selon lesquelles la composante transport peut être fournie?

2)      Lorsque la juridiction de renvoi examine s’il y a ou non une seule prestation économique indissociable aux fins de répondre à la première question, sous a), dans quelle mesure doit-elle tenir compte du principe de neutralité fiscale?

En particulier:

a)      La réponse dépend-elle du fait que l’assujetti fournit ou non également des services de stationnement ou de transport à d’autres groupes de clients de manière séparée?

b)      La réponse dépend-elle de la façon dont sont considérés, en vertu du droit national, d’autres services de transport vers et au départ des aéroports qui ne sont pas fournis par des prestataires de services de stationnement?

c)      La réponse dépend-elle du fait que d’autres hypothèses de prestations de services de stationnement et de transport fournies par des assujettis (n’impliquant pas un transport vers et au départ des aéroports) sont considérées, en vertu du droit national, comme constituant deux prestations distinctes, l’une imposable et l’autre bénéficiant du taux zéro?

d)      La réponse dépend-elle du fait que l’assujetti puisse ou non démontrer que les prestations de services qu’il fournit se trouvent en concurrence avec d’autres prestations de services semblables impliquant à la fois une composante relative au stationnement et une relative au transport, qu’elles soient fournies par le même prestataire ou par deux prestataires distincts? En particulier, la réponse dépend-elle du fait que l’assujetti peut démontrer que les consommateurs qui souhaitent utiliser leurs véhicules pour effectuer une partie du trajet vers l’aéroport peuvent obtenir un stationnement et un transport vers l’aéroport auprès de prestataires particuliers et distincts, par exemple en stationnant à proximité d’une gare ferroviaire et en voyageant en train de ce lieu vers l’aéroport ou en stationnant à proximité d’un aéroport et en utilisant une autre forme de transport public vers l’aéroport?

e)      De quelle manière la juridiction de renvoi doit-elle prendre en considération les conclusions auxquelles est parvenue la Cour de justice dans [l’arrêt du 6 mai 2010, Commission/France (C‑94/09, Rec. p. I‑4261)], au regard du principe de neutralité fiscale et des services de transport dans cette affaire?

3)      Le droit communautaire, et, en particulier, le principe de neutralité fiscale, s’oppose-t-il à une disposition de droit national qui exclut la taxation à taux zéro pour les services de transport entre un aéroport et un parc de stationnement, lorsque le prestataire de la composante transport et celui de la composante stationnement sont une seule et même personne ou des personnes liées?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

23      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la sixième directive doit être interprétée en ce sens que, aux fins de la détermination du taux de la TVA applicable, des services de stationnement d’un véhicule dans un parc «hors aéroport» et de transport des passagers dudit véhicule entre ce parc et le terminal de l’aéroport concerné doivent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, être considérés comme une prestation complexe unique ou comme deux prestations imposables distinctes et indépendantes devant être appréciées séparément.

24      En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

25      Tel est le cas dans la présente affaire.

26      En effet, selon une jurisprudence bien établie, il découle de l’article 2 de la sixième directive que chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante. Toutefois, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (voir, notamment, arrêts CPP, précité, point 29; Levob Verzekeringen et OV Bank, précité, point 20; du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C‑111/05, Rec. p. I‑2697, point 22; du 2 décembre 2010, Everything Everywhere, C‑276/09, non encore publié au Recueil, points 21 et 22, ainsi que du 10 mars 2011, Bog e.a., C‑497/09, C‑499/09, C‑501/09 et C‑502/09, non encore publié au Recueil, point 53).

27      En outre, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies isolément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (voir arrêts du 21 février 2008, Part Service, C‑425/06, Rec. p. I‑897, point 51; RLRE Tellmer Property, précité, point 18; du 19 novembre 2009, Don Bosco Onroerend Goed, C‑461/08, Rec. p. I‑11079, point 36, et Everything Everywhere, précité, point 23).

28      Tel est, notamment, le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (voir, notamment, arrêts CPP, précité, point 30; du 15 mai 2001, Primback, C‑34/99, Rec. p. I‑3833, point 45; RLRE Tellmer Property, précité, point 18; Everything Everywhere, précité, points 24 et 25, ainsi que Bog e.a., précité, point 54).

29      En outre, il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (voir arrêts précités Levob Verzekeringen et OV Bank, points 22 et 30; Aktiebolaget NN, point 23; Part Service, point 53; RLRE Tellmer Property, point 19; Don Bosco Onroerend Goed, point 37, ainsi que Bog e.a., point 53).

30      Aux fins de déterminer si l’assujetti livre au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique, il convient de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération en cause et de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule celle-ci (voir, en ce sens, arrêts précités CPP, points 28 et 29; Levob Verzekeringen et OV Bank, points 19 et 20; Aktiebolaget NN, points 21 et 22; Commission/France, points 32 et 33; Everything Everywhere, point 26, ainsi que Bog e.a., point 52).

31      À cet égard, n’a pas d’importance le fait que, dans d’autres circonstances, les éléments en cause peuvent être ou sont fournis isolément étant donné que cette possibilité est inhérente au concept d’opération unique composée, tel qu’il ressort du point 27 de la présente ordonnance.

32      Dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si l’assujetti fournit une prestation unique dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard (voir, en ce sens, arrêts précités CPP, point 32; Levob Verzekeringen et OV Bank, point 23; Part Service, point 54, ainsi que Bog e.a., point 55).

33      S’agissant du litige au principal, il apparaît que les services de stationnement et de transport fournis, dans les circonstances décrites par la juridiction de renvoi, par les requérantes au principal à leurs clients forment, au regard de la TVA, une prestation complexe unique dans laquelle l’élément de stationnement est prédominant.

34      À cet égard, il convient, en particulier, de prendre en considération la tarification des prestations en cause (voir, par analogie, arrêt du 21 juin 2007, Ludwig, C‑453/05, Rec. p. I‑5083, point 19). Or, les requérantes au principal facturent un prix unique à leurs clients, ce qui peut constituer un indice en faveur de l’existence d’une prestation unique, sans pour autant revêtir une importance décisive (voir en ce sens, notamment, arrêts précités CPP, point 31, et Everything Everywhere, point 29). En outre, et surtout, le montant du prix à payer est exclusivement calculé en fonction de la durée du stationnement du véhicule, tandis que le nombre de passagers et, partant, l’ampleur de l’utilisation du transport sont sans aucune importance.

35      Ce concept de tarification reflète les intérêts des parties concernées. D’une part, le client cherche, d’abord et avant tout, un stationnement à un prix avantageux. En revanche, le service de transport est seulement la conséquence inévitable de l’emplacement du parc de stationnement à une certaine distance de l’aéroport, accepté par le client étant donné que cette distance permet de payer moins cher pour le service de stationnement. D’autre part, l’exploitant du parc de stationnement offre le service de transport afin d’être capable, malgré ladite distance, de faire concurrence au stationnement à l’intérieur du terrain de l’aéroport.

36      En outre, l’importance de l’élément de stationnement découle des mesures adoptées afin d’assurer la sécurité du parc de stationnement, relevées au point 13 de la présente ordonnance, qui sont également soulignés dans les dépliants des requérantes au principal. Ces mesures sont particulièrement importantes pour les clients eu égard au fait qu’ils stationnent leur véhicule, en moyenne, pendant plusieurs jours.

37      En revanche, le coût du service de transport supporté par les requérantes au principal n’est pas susceptible d’infirmer la constatation effectuée au point 33 de la présente ordonnance. En effet, ainsi qu’il résulte du point 16 de cette ordonnance, la proportion de ce coût par rapport au coût du service de stationnement varie considérablement d’un prestataire à l’autre sans que cette différence se répercute sur la fourniture de la prestation de services du point de vue du client.

38      En ce qui concerne le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de la TVA, qui s’oppose notamment à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA, de sorte que lesdites marchandises ou lesdites prestations doivent être soumises à un taux uniforme (voir, notamment, arrêts du 3 mai 2001, Commission/France, C‑481/98, Rec. p. I‑3369, point 22; du 11 octobre 2001, Adam, C‑267/99, Rec. p. I‑7467, point 36; du 3 mars 2011, Commission/Pays-Bas, C‑41/09, non encore publié au Recueil, point 66, ainsi que du 10 novembre 2011, The Rank Group, C‑259/10 et C‑260/10, non encore publié au Recueil, point 32 et jurisprudence citée), il y a lieu de rappeler que la détermination du caractère semblable de deux prestations soumises à une imposition différente incombe au juge national compte tenu des circonstances de l’espèce, et notamment du point du vue du consommateur moyen (voir arrêt The Rank Group, précité, points 43, 44 et 56 ainsi que jurisprudence citée).

39      Dans ce contexte, il convient de prendre en considération le fait qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 26 à 30 de la présente ordonnance que le traitement de plusieurs services en tant que prestation unique du point de vue de la TVA aboutit nécessairement à un traitement fiscal différent de celui que ces services auraient reçu s’ils avaient été fournis séparément (voir en ce sens, notamment, arrêts précités CPP, point 27; Levob Verzekeringen et OV Bank, point 18; Part Service, point 49, ainsi que Everything Everywhere, point 19). Partant, une prestation de services complexe comprenant plusieurs éléments n’est pas automatiquement semblable à la fourniture de ces éléments de manière séparée.

40      S’agissant, par ailleurs, de l’importance de l’arrêt du 6 mai 2010, Commission/France, précité, évoquée dans la deuxième question, il résulte des points 25 à 29 et 31 à 34 de cet arrêt que ce dernier porte sur la possibilité pour un État membre d’appliquer, de manière sélective, sur la base de critères généraux et objectifs, un taux réduit de TVA à certains aspects d’une catégorie de prestations énoncée dans la sixième directive et, partant, sur une question différente de celle soulevée par les première et deuxième questions préjudicielles. En effet, celle-ci a uniquement pour objet la question de savoir si deux services constituent, compte tenu des circonstances concrètes de leur fourniture en cause au principal, une prestation unique.

41      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que la sixième directive doit être interprétée en ce sens que, aux fins de la détermination du taux de la TVA applicable, des services de stationnement d’un véhicule dans un parc «hors aéroport» et de transport des passagers dudit véhicule entre ce parc et le terminal de l’aéroport concerné doivent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, être considérés comme une prestation complexe unique dans laquelle le service de stationnement est prédominant.

 Sur la troisième question

42      Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’est pas nécessaire de répondre à la troisième question posée. En effet, pour autant que la prestation de services en cause au principal constitue une prestation unique ayant pour objet le service de stationnement, cette prestation est soumise, en vertu du droit national, au taux normal de la TVA indépendamment de l’existence des dispositions prévoyant la taxation à taux zéro des services de transport de passagers à bord de certains véhicules à l’exclusion des services de transport tels que ceux fournis par les requérantes au principal.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

La sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, doit être interprétée en ce sens que, aux fins de la détermination du taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, des services de stationnement d’un véhicule dans un parc «hors aéroport» et de transport des passagers dudit véhicule entre ce parc et le terminal de l’aéroport concerné doivent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, être considérés comme une prestation complexe unique dans laquelle le service de stationnement est prédominant.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.