Language of document : ECLI:EU:T:2021:443

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑488/20,

Guerlain, établie à Paris (France), représentée par Me T. de Haan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Pétrequin, MM. A. Folliard-Monguiral et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 2 juin 2020 (affaire R 2292/2019-1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un rouge à lèvres oblongue, conique et cylindrique comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2020,

vu la question écrite du Tribunal aux parties du 10 février 2021 pour réponse lors de l’audience,

à la suite de l’audience du 21 avril 2021,

rend le présent

Arrêt (1)

[omissis]

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

[omissis]

42      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’aspect esthétique très réussi de la forme en cause, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la circonstance que des produits aient un design de qualité n’implique pas nécessairement qu’une marque constituée de la forme tridimensionnelle de ces produits permet ab initio de distinguer lesdits produits de ceux d’autres entreprises, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêt du 5 février 2020, Forme d’un lacet de chaussure, T‑573/18, EU:T:2020:32, point 65).

43      Toutefois, il ne saurait être exclu que l’aspect esthétique d’une marque prenant la forme de l’emballage d’un produit, en l’occurrence de son contenant, puisse être pris en compte, parmi d’autres éléments, pour établir une différence par rapport à la norme et aux usages d’un secteur, pour autant que cet aspect esthétique soit compris comme renvoyant à l’effet visuel objectif et inhabituel produit par le design spécifique de ladite marque (arrêt du 12 décembre 2019, EUIPO/Wajos, C‑783/18 P, non publié, EU:C:2019:1073, point 32).

44      Par conséquent, il y a lieu de relever que la prise en compte de l’aspect esthétique de la marque demandée ne doit pas équivaloir à une évaluation de la beauté ou de l’absence de celle-ci du produit en cause, qui serait par définition subjective, mais vise à vérifier, en conformité avec la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, si celui-ci est en mesure de générer un effet visuel objectif et inhabituel aux yeux du public pertinent.

[omissis]

48      Par ailleurs, selon la jurisprudence, la norme et les habitudes du secteur ne sauraient être réduites à la seule forme statistiquement la plus répandue, mais comprennent toutes les formes que le consommateur a l’habitude d’apercevoir sur le marché [arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 56].

49      Dès lors, en tenant compte des images prises en considération par la chambre de recours comme constituant la norme et les habitudes du secteur concerné, il y a lieu de constater, à l’instar de la requérante, que la forme en cause est inhabituelle pour un rouge à lèvres et diffère de toute autre forme existant sur le marché.

50      La chambre de recours s’est limitée à constater l’absence de divergence significative par rapport aux normes et aux habitudes du secteur. Or, s’il est vrai, conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, que le simple fait qu’une forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles d’un type de produits ne suffit pas à établir que ladite forme n’est pas dépourvue de caractère distinctif, le fait qu’un secteur se caractérise par une importante variété de formes de produits n’implique pas qu’une éventuelle nouvelle forme sera nécessairement perçue comme l’une d’elles.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2020 (affaire R 2292/2019-1) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens, y compris aux dépens indispensables exposés par Guerlain aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.