Language of document : ECLI:EU:T:2014:565

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 juin 2014 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Libye – Gel des fonds et des ressources économiques – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑348/13,

Ahmed Mohammed Kadhaf Al Dam, demeurant au Caire (Égypte), représenté par Me H. de Charette, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2011/137/PESC du Conseil, du 28 février 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO L 58, p. 53), du règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil, du 2 mars 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO L 58, p. 1), et de la décision 2013/182/PESC du Conseil, du 22 avril 2013, modifiant la décision 2011/137/PESC (JO L 111, p. 50), en tant que ces actes visent le requérant, et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice causé par ces actes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Ahmed Mohammed Kadhaf Al Dam, est un ressortissant de nationalité libyenne. Il indique avoir joué un rôle « proche de celui d’un ministre des affaires étrangères » au sein de la République arabe libyenne, devenue depuis l’État de Libye (ci-après la « Libye »), avant de se rendre en Égypte et de « démissionne[r] de ses fonctions au sein du pouvoir libyen » le 24 février 2011.

2        Le 26 février 2011, le Conseil de Sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1970 (2011), qui instaure des mesures restrictives à l’encontre de la Libye ainsi que de personnes et d’entités ayant participé à la commission de violations graves des droits de l’homme dans cet État.

3        Le 28 février 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2011/137/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO L 58, p. 53).

4        L’article 5, paragraphe 1, de la décision 2011/137 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire, d’une part, des personnes visées par la résolution 1970 (2011) ou désignées conformément à celle-ci, dont la liste figure à l’annexe I de cette décision, et, d’autre part, des personnes « non visées par l’annexe I, qui ordonnent, contrôlent ou dirigent de toute autre manière les violations graves des droits de l’homme contre des personnes se trouvant en Libye, ou qui en sont complices, y compris en planifiant, commandant, ordonnant ou conduisant des attaques, en violation du droit international, y compris des bombardements aériens, contre des populations ou des installations civiles, ou en étant complices, ou qui agissent au nom ou sur les instructions de ces personnes », dont la liste figure à l’annexe II de ladite décision.

5        L’article 6, paragraphe 1, de la décision 2011/137 dispose que les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect de ces deux catégories de personnes, dont la liste figure, respectivement, aux annexes III et IV de cette décision, sont gelés.

6        Le 2 mars 2011, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 204/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO L 58, p. 1).

7        Les articles 5 et 6 du règlement n° 204/2011 prévoient le gel de tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de, détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales et entités visées par la résolution 1970 (2011) ou désignées conformément à celle-ci, d’une part, ainsi que par celles qui, « conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2011/137/PESC, ont été reconnu[e]s par le Conseil comme étant des personnes ou [des] entités impliquées dans de graves atteintes aux droits de l’homme en Libye ou complices de ces atteintes en ayant ordonné, contrôlé ou dirigé celles-ci, y compris en étant impliqué[e]s dans des attaques ou complices d’attaques qu’[elles] auraient planifiées, commandées, ordonnées ou menées en violation du droit international, y compris les bombardements aériens sur des populations civiles, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités détenues ou contrôlées par elles », d’autre part. La liste de ces personnes figure, respectivement, aux annexes II et III du règlement n° 204/2011.

8        Le requérant ne fait pas partie des personnes visées par la résolution 1970 (2011) ou désignées conformément à celle-ci et inscrites, par voie de conséquence, sur les listes figurant aux annexes I et III de la décision 2011/137 et à l’annexe II du règlement n° 204/2011.

9        Son nom a en revanche été inscrit par le Conseil sur les listes figurant, respectivement, aux annexes II et IV de ladite décision et à l’annexe III dudit règlement, avec l’indication des motifs suivants :

« Cousin de Mouammar K[adhafi]. Soupçonné depuis 1995 d’avoir commandé une unité d’élite de l’armée chargée de la sécurité personnelle de Kadhafi et de jouer un rôle clé dans l’[o]rganisation de la sécurité intérieure. A participé à la planification d’opérations dirigées contre des dissidents libyens à l’étranger et a pris part directement à des activités terroristes. »

10      Le 22 avril 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/182/PESC modifiant la décision 2011/137 (JO L 111, p. 50). L’article 2 et l’annexe de cette décision retirent le nom d’une des personnes visées par la décision 2011/137 des listes figurant aux annexes II et IV de celle-ci. Le Conseil indique que la décision 2013/182 maintient en revanche le nom du requérant sur ces listes.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2013, le requérant a introduit le présent recours. Il conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/137, le règlement n° 204/2011 et la décision 2013/182 en tant que ces actes portent respectivement inscription et maintien de son nom sur certaines des listes qui y sont annexées (ci-après, ensemble, les « actes attaqués ») ;

–        condamner le Conseil et la Commission à lui verser la somme d’un euro symbolique en réparation du préjudice subi de ce fait ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 novembre 2013, la Commission européenne a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

13      Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 7 janvier 2014. Il s’en remet à la sagesse du Tribunal en ce qui concerne la recevabilité de son recours en ce que celui-ci est dirigé contre la Commission, tout en maintenant ses conclusions pour le surplus.

 En droit

14      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l’espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

15      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait notamment valoir que la demande d’annulation présentée par le requérant doit être rejetée comme irrecevable en tant qu’elle est dirigée à son encontre, dans la mesure où elle n’est l’auteur d’aucun des actes attaqués. Elle soutient par ailleurs que la demande d’indemnisation accompagnant cette demande d’annulation doit être rejetée par voie de conséquence, indépendamment de son caractère vague et non justifié.

16      Il convient en effet, en premier lieu, de rejeter la demande d’annulation présentée par le requérant comme irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre la Commission, dans la mesure où cette institution n’est l’auteur d’aucun des actes attaqués.

17      En second lieu, il convient de rejeter par voie de conséquence la demande d’indemnisation du requérant en tant qu’elle est dirigée contre la Commission.

18      En effet, il est de jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions tenant, premièrement, à l’illégalité du comportement reproché par la partie requérante à l’institution défenderesse, deuxièmement, à l’existence d’un préjudice réel et certain, et, troisièmement, à l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement en cause et le préjudice invoqué. Il en résulte que, dès lors qu’une de ces trois conditions cumulatives fait défaut, la demande de réparation à ce sujet doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les autres conditions sont satisfaites (arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:C:2006 :121, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

19      Or, aucune illégalité ne peut en l’espèce être reprochée à la Commission dès lors que celle-ci n’est l’auteur d’aucun des actes attaqués.

20      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté en son entièreté en tant qu’il est dirigé contre la Commission.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

22      En l’espèce, le requérant ayant succombé en ses conclusions dirigées contre la Commission, il supportera ses dépens à cet égard ainsi que les dépens exposés par cette institution, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en tant qu’il est dirigé contre la Commission européenne.

2)      M. Kadhaf Al Dam est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne ainsi que ses propres dépens à cet égard.

Fait à Luxembourg, le 12 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      S. Papasavvas


* Langue de procédure : le français.