Language of document : ECLI:EU:T:2006:107

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

5 avril 2006 (*)

« Marque communautaire – Marque figurative se présentant sous la forme d’une ligne longitudinale terminée en triangle – Refus d’enregistrement – Défaut de caractère distinctif – Acquisition d’un caractère distinctif par l’usage »

Dans l’affaire T-388/04,

Habib Kachakil Amar, demeurant à Valence (Espagne), représenté par Me J. C. Heder, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Mondéjar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 juillet 2004 (R 175/2004-1), refusant l’enregistrement de la marque figurative « Ligne longitudinale se terminant par un triangle » comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, M. J. D. Cooke et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2004,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2004,

à la suite de l’audience du 30 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 7 du règlement (CE) n º 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) dispose :

« 1. Sont refusé[e]s à l’enregistrement :

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

[…]

3. Le paragraphe 1, [sous] b), c) et d), n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits et services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. »

2       L’article 73 du règlement nº 40/94 prévoit ce qui suit :

« Les décisions de l’Office sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. »

 Antécédents du litige

3       Le 20 juin 2003, le requérant a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement nº 40/94.

4       La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif représenté ci-dessous :

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5       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie, en particulier chaussures de sport ».

6       Par lettre du 4 décembre 2003, l’examinateur a informé le requérant que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée pour les produits visés dans la demande de marque, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. L’examinateur a retenu que la marque figurative demandée était, au regard des produits pour lesquels l’enregistrement était demandé, dépourvue de toute caractéristique ou de tout élément additionnel pouvant lui conférer un caractère suggestif ou imaginatif et qu’elle ne permettait pas au consommateur moyen de distinguer l’origine des produits. L’examinateur a considéré que le signe demandé était dépourvu de tout caractère distinctif et ne permettait pas à la marque demandée de remplir sa fonction essentielle.

7       Par lettre du 8 janvier 2004, en réponse à la lettre de l’examinateur du 4 décembre 2003, le requérant a indiqué que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait et que, partant, ce n'était pas l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 qui était d’application, mais l’article 7, paragraphe 3. À l’appui de son affirmation, il a produit plusieurs pages de catalogues montrant divers modèles de chaussures de sport ainsi que plusieurs factures et connaissements maritimes attestant le transport de chargements de chaussures de sport par des fabricants chinois et qui avaient comme destinataire le requérant, en Espagne.

8       Par décision du 24 février 2004, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement, confirmant ce qui avait été exposé dans sa lettre du 4 décembre 2003, à savoir que la marque était dépourvue de caractère distinctif, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Il a également considéré que le requérant ne pouvait pas invoquer le bénéfice de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, pour les raisons suivantes :

–       « les documents fournis consistaient en diverses factures et reçus commerciaux, ainsi que des pages de catalogues sur lesquelles figuraient divers modèles de chaussures de sport, comportant tous un signe distinctif très différent de la marque demandée ;

[…]

–       en raison de la différence fondamentale entre le signe pour lequel l’enregistrement est sollicité et le signe apparaissant sur les chaussures de sport, les preuves de l’usage [de la marque] fournies [par le requérant], nous concluons que lesdites preuves ne doivent pas être prises en compte, étant donné qu’elles ne correspondent pas et, par conséquent, ne prouvent pas l’usage de la marque demandée. »

9       Le 2 mars 2004, le requérant a formé un recours contre la décision de l’examinateur. Devant la chambre de recours, le requérant n’a pas contesté l’analyse de l’examinateur concernant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. S’agissant des motifs retenus par l’examinateur pour rejeter l’application de l’article 7, paragraphe 3, il a fait valoir que le signe qui apparaissait sur les preuves d’usage fournies était le même que le signe pour lequel l’enregistrement de la marque était demandé, puisque le premier correspondait à la chaussure pour le pied gauche, tandis que le second était la représentation asymétrique du signe utilisé, à savoir la chaussure pour le pied droit. À l’appui de son recours, il a versé de nouvelles preuves consistant en des photographies de chaussures de sport.

10     Le 20 juillet 2004, la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours formé par le requérant en adoptant la décision R 175/2004-1 (ci-après « la décision attaquée »). La chambre de recours a relevé :

–       en ce qui concerne l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, que le requérant n’avait pas contesté l’analyse de l’examinateur sur le défaut de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée et qu’il convenait de confirmer l’analyse de l’examinateur à cet égard (décision attaquée, point 10) ;

–       s’agissant de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, qu’aucune preuve produite ne mentionnait l’usage du signe en tant que marque pour la commercialisation des vêtements et de la chapellerie et que les documents relatifs à l’usage des chaussures de sport ne démontraient pas que le signe était considéré comme une marque par le public concerné tant espagnol qu’européen ni qu’il était connu par une partie importante dudit public (décision attaquée, point 14), pour en déduire que le requérant n’était pas parvenu à prouver que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait dans une partie substantielle du territoire de l’Union européenne (décision attaquée, point 15).

 Conclusions des parties

11     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

12     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13     À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit d’être entendu, au sens de l’article 73 du règlement n° 40/94. Par son deuxième moyen, le requérant invoque une violation du principe de confiance légitime. Par ses troisième et quatrième moyens, le requérant considère que la chambre de recours a enfreint l’article 7, paragraphes 1, sous b), et 3, du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

14     Le requérant estime que la décision attaquée viole les droits de la défense et le droit d’être entendu, consacrés à l’article 73 du règlement n° 40/94, selon lequel les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Il invoque la jurisprudence du Tribunal selon laquelle la chambre de recours viole les droits de la défense de la requérante en ne lui donnant pas la possibilité de se prononcer sur l’application de motifs absolus de refus qu’elle retient d’office [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 22, et du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, non encore publié au Recueil, point 22].

15     En l’espèce, le requérant fait observer que la question de l’acquisition, par le signe utilisé, d’un caractère distinctif dans une partie substantielle de la Communauté européenne, en raison de son usage, n’a pas été abordée devant l’examinateur. Celui-ci n’aurait pas davantage abordé le problème de l’usage du signe demandé en tant que marque, ni exigé la preuve que le signe soit reconnu, sur le marché, comme un élément indiquant l’origine des produits ou services correspondants. Les droits de la défense du requérant auraient été méconnus dans la mesure où celui-ci ignorait que sa marque pouvait être refusée pour ne pas avoir été utilisée dans une partie substantielle de la Communauté européenne, les raisons invoquées par la chambre de recours ne figurant pas dans la décision de l’examinateur.

16     Le requérant estime également qu’il n’a pas été en mesure de débattre des motifs de la chambre de recours, car cette dernière l’a privé de la possibilité de présenter des observations en ne l’informant pas de la possibilité de réfuter les arguments retenus dans la décision attaquée.

17     L’OHMI estime que la chambre de recours n’a violé ni les droits de la défense ni le droit d’être entendu du requérant.

 Appréciation du Tribunal

18     Par sa lettre du 8 janvier 2004 adressée à l’examinateur, le requérant a soutenu que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait et a produit à cet effet différents éléments de preuve que l’examinateur a appréciés et écartés aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ainsi qu’il ressort de sa lettre du 8 janvier 2004 et de sa décision du 24 février 2004. Dès lors, le requérant ne saurait prétendre que la question de l’acquisition, par le signe utilisé, d’un caractère distinctif en raison de son usage n’a pas été abordée par l’examinateur.

19     Le grief du requérant tiré des prétendues différences d’analyse entre l’examinateur et la chambre de recours pour invoquer une violation des droits de la défense n’est par ailleurs pas fondé. Il est certes exact que la décision attaquée ne traite pas expressément de l'argument du requérant tiré d'une erreur de l'examinateur en ce qu'il a constaté une différence entre la marque demandée et le signe ressortant des éléments de preuve produits aux fins d'établir que la marque avait acquis un caractère distinctif par l'usage. Cependant, cela ne saurait entacher d’illégalité la décision attaquée, dès lors que, d’une part, la chambre de recours a implicitement apprécié cet argument en examinant les preuves supplémentaires produites devant elle et que, d’autre part, elle a procédé à un réexamen des pièces produites devant l’examinateur ainsi que de la demande d’enregistrement pour conclure que le requérant n’avait pas prouvé que le signe demandé avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans la Communauté européenne. Cette appréciation différente des mêmes faits ne signifie pas que la décision attaquée est fondée sur un motif nouveau et inédit au cours de la procédure.

20     L’argument du requérant, selon lequel il n’aurait pas bénéficié de l’opportunité de présenter ses observations sur les éléments de fait ou de droit sur lesquels la chambre de recours a fondé la décision attaquée, doit également être rejeté. En effet, l’appréciation des faits appartient à l’acte décisionnel même et le droit d’être entendu ne s’étend pas à la position finale que l’administration entend adopter. En l’espèce, il ressort du point 14 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné les documents qui avaient été soumis à l’examinateur aux fins de prouver l’usage de la marque demandée. C’est dans le cadre de son appréciation finale résultant de cet examen qu’elle a considéré, au regard de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, que la condition de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage n’était pas remplie en l’espèce. Cette appréciation a ainsi constitué la position finale de la chambre de recours et ne requérait donc pas d’entendre le requérant à cet égard.

21     Le requérant ne saurait par ailleurs se prévaloir des arrêts EUROCOOL et TELEPHARMACY SOLUTIONS, précités, pour invoquer une violation des droits de la défense. En effet, il ressort de ces deux arrêts qu’il n’est possible d’invoquer une violation des droits de la défense que lorsque la chambre de recours retient d’office de nouveaux motifs absolus de refus, sans donner aux demandeurs la possibilité de se prononcer sur l’application de ces motifs absolus de refus et sur le raisonnement invoqué à l’appui de celle-ci. Or, dans le présent litige, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur les mêmes motifs de refus d’enregistrement que l’examinateur, à savoir un défaut de caractère distinctif, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, le requérant n’ayant pas contesté ce motif devant la chambre de recours et l’absence de preuve quant à l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif par l’usage en vertu de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

22     Il découle de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas violé les droits de la défense ni le droit d’être entendu du requérant, au sens de l’article 73 du règlement n° 40/94.

23     Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime

 Arguments des parties

24     Le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, le droit de se prévaloir d’une confiance légitime est reconnu à tout particulier qui se trouve dans une situation dans laquelle il ressort que l’administration communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées [arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II-1845, point 80]. En l’espèce, en partant du constat que le seul motif de refus d’enregistrement qui lui avait été opposé par l’examinateur résultait d’une différence de représentation graphique entre le signe utilisé sur le marché et celui de la marque demandée, il en déduit qu’il pouvait avoir une confiance légitime dans le fait que cette différence était l’unique motif de refus d’enregistrement de sa marque. Dès lors, les autres considérations retenues par la chambre de recours violeraient la confiance légitime que le requérant pouvait retirer de la décision de l’examinateur.

25     L’OHMI estime que la chambre de recours n’a pas violé le principe de confiance légitime.

 Appréciation du Tribunal

26     Selon la jurisprudence, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74, et Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26). Constituent de telles assurances des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt Innova Privat-Akademie/Commission, précité, point 26).

27     En l’espèce, le requérant n’a pas prouvé, ni même soutenu, que l’examinateur lui avait donné des assurances précises que les documents produits pour prouver que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage seraient a priori considérés comme suffisants, s’ils étaient retenus, pour permettre l’enregistrement de la marque demandée, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. Il ressort au contraire des pièces du dossier que l’examinateur ne s’est jamais prononcé sur le caractère suffisant de ces preuves. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 5 de la décision attaquée, l’examinateur n’a procédé à aucun examen approfondi de ces éléments de preuve dès lors qu’il lui était apparu qu’il existait une différence fondamentale entre le signe reproduit sur lesdits éléments de preuve et celui figurant dans la demande d’enregistrement. Ce faisant, l’examinateur ne saurait avoir suscité des espérances fondées dans le chef du requérant.

28     Il découle de ce qui précède que la décision attaquée n’a pas été prise en violation du principe de confiance légitime. Le deuxième moyen doit donc également être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

29     Le requérant considère que la chambre de recours a erré en droit en faisant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Il se prévaut de l’enregistrement par l’OHMI d’autres marques purement figuratives semblables à la sienne qui aurait dû, selon lui, conduire l’examinateur à accueillir sa demande. Dans le domaine des chaussures de sport, il cite les exemples d’ADIDAS, de NIKE et de Z, pour lesquels le consommateur identifierait le signe en tant que marque. Il en déduit que la marque communautaire demandée doit être reconnue comme ayant un caractère distinctif intrinsèque suffisant.

30     L’OHMI estime que le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 est irrecevable, parce qu’il n’a pas été soulevé devant la chambre de recours, comme l’a constaté cette dernière au point 10 de la décision attaquée. Selon l’OHMI, un tel moyen constitue une modification de l’objet du litige et doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable, conformément à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

 Appréciation du Tribunal

31     En vertu de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

32     En l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas invoqué, devant la chambre de recours, une violation, par l’examinateur, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ainsi, au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, dans le mémoire exposant les motifs du recours, le requérant n’avait pas contesté l’appréciation de l’examinateur selon laquelle le signe demandé ne pouvait être enregistré en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 pour les produits de la classe 25.

33     Partant, le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 est irrecevable, car il implique de modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

34     Au soutien de son quatrième moyen, le requérant cite la jurisprudence selon laquelle, pour accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), du règlement n° 40/94 [arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, point 27] et soutient que la notion de  « partie substantielle de la Communauté » n’a jamais été définie dans la jurisprudence.

35     Le requérant estime qu’il a prouvé que le signe utilisé correspond à la marque demandée en rapportant des preuves suffisantes de l’usage, en Espagne, du signe qui fait l’objet du présent litige pour la période allant du mois de juillet 2002 au mois de janvier 2003.

36     Le requérant considère que, avec un marché potentiel de près de 60 millions de consommateurs, l’Espagne ne peut pas être considérée comme un territoire non significatif dans le cadre de l’appréciation de l’usage de la marque demandée.

37     L’OHMI estime que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 tel qu’interprété à la lumière de la jurisprudence.

 Appréciation du Tribunal

38     En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, les motifs absolus de refus d’enregistrement visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d)n dudit règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci a acquis, pour les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

39     Il ressort de la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la condition de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage peut être regardée comme satisfaite ne sauraient être établies seulement sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 52, et du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 61 ; arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II-1391, point 42]

40     Selon une jurisprudence constante, pour l’appréciation de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, il convient de tenir compte de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts Windsurfing Chiemsee, précité, points 51 ; Philips, précité, point 60, et Forme d’une bouteille de bière, précité, point 44).

41     C’est en considération de ces facteurs qu’il convient d’examiner si, dans le présent litige, la chambre de recours a enfreint l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 en estimant que la marque demandée ne pouvait être enregistrée en application de cette disposition.

42     À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que les documents produits par le requérant étaient insuffisants pour prouver que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif dans l’Union européenne en rapport avec les produits pour lesquels l’enregistrement était demandé. En effet, la chambre de recours a correctement constaté, au point 14 de la décision attaquée, qu’aucune preuve ne mentionnait l’usage de la marque demandée pour la commercialisation de vêtements et de chapellerie. En ce qui concerne les chaussures de sport, c’est également à bon droit que la chambre de recours a estimé que les documents produits par la requérante, relatifs à l’usage du signe en question pour des chaussures de sport, ne démontraient pas que ledit signe était considéré comme une marque par le public concerné − tant espagnol qu’européen − ou qu’il était connu par une partie substantielle dudit public. En effet, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours dans la décision attaquée, les factures et les connaissements maritimes émis par les fabricants et les exportateurs chinois indiquent uniquement qu’un chargement de chaussures de sport a été transporté de Xianmen à Valence durant les mois de juillet, d'août, de septembre et de décembre 2002. Le requérant a reconnu lui-même, lors de l’audience, que les chaussures de sport en question avaient été vendues à des grossistes et qu’il ne savait ni sur quel territoire ni par quels détaillants ces chaussures avaient été vendues. En l’absence de données complémentaires, tels que des factures, des circuits de distribution, des chiffres d’affaires, sur l’étendue géographique et temporelle des ventes des différents modèles de chaussures de sport reproduits sur les catalogues datés de juillet 2002 à janvier 2003 et en l’absence de preuve que la marque demandée a été portée à la connaissance du public pertinent, il y a lieu de conclure que le requérant n’a fourni aucun élément permettant de démontrer que le signe pour lequel l’enregistrement est demandé était considéré comme une marque par le public européen ou était connu par une partie importante dudit public.

43     Partant, la question de savoir si le territoire de l’Espagne constitue ou non une partie substantielle de la Communauté européenne aux fins de l’application en l’espèce de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 est inopérante.

44      Il découle de ce qui précède que le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, n’est pas fondé et doit donc être rejeté.

45     Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

46     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le requérant est condamné aux dépens.


García-Valdecasas

Cooke

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 avril 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas                  


* Langue de procédure : l’espagnol.