Language of document : ECLI:EU:T:2006:118

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 mai 2006 (*)

« Fonctionnaires – Promotion – Article 45 du statut – Report de points de promouvabilité vers le nouveau grade après promotion – Mesures transitoires – Principe d’égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑393/04,

Dirk Klaas, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Heidelberg (Allemagne), représenté par Me R. Moos, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme L. Knudsen et M. U. Rösslein, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 12 février 2004 de supprimer les deux points de promouvabilité accordés au requérant pour la période antérieure à l’année 1999, ainsi qu’à l’annulation de la décision du Parlement du 30 juin 2004 rejetant sur ce point la réclamation du requérant, et, d’autre part, à ce que le Tribunal prononce le report des deux points de promouvabilité en cause sur les années suivantes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mmes I. Labucka et V. Trstenjak, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut. Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles.

2       L’article 45, paragraphe l, premier alinéa, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet. »

3       En 1999, le Parlement a mis en place un nouveau système de promotion des fonctionnaires affectés en son sein, fondé sur le « principe du mérite accumulé ». Le bureau du Parlement a adopté, le 8 mars 1999, un texte intitulé « Instructions en matière de promotion et de programmation des carrières » (ci-après les « Instructions »). Le secrétaire général du Parlement a arrêté deux mesures faisant suite aux Instructions, la première, le 21 juillet 1999, dénommée « Dispositions pour la mise en œuvre du nouveau système de promotion » (ci‑après les « Dispositions ») et la seconde, le 1er septembre 1999, portant « Instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité. »

4       Les Instructions définissent les principes concernant l’appréciation du mérite et la progression de la carrière du fonctionnaire (point 1) et les modalités d’attribution annuelle des points de promouvabilité (point 2). Elles déterminent le nombre de possibilités de promotion (point 3), le contenu du rapport de notation (point 4) et les étapes de la procédure de promotion (point 5).

5       Le mérite d’un fonctionnaire équivaut à la somme des points de promouvabilité obtenus chaque année, dans une fourchette de un à trois points, au cours de sa carrière dans un grade donné. Chaque grade comporte un nombre minimal de points de promouvabilité requis pour être promu, appelé « seuil de référence », égal au nombre d’années de la durée normale dans le grade, multiplié par deux (point 1.3 des Instructions). Ce seuil est ainsi fixé à dix points pour le passage du grade A 7 au grade A 6.

6       La distribution des points, qui a lieu chaque année, par direction ou par unité autonome, s’effectue, grade par grade, sur la base d’un examen comparatif des mérites (point 2 des Instructions).

7       Les Instructions prévoient également que, dans le cas d’une promotion au grade supérieur, les points du fonctionnaire promu dans le nouveau grade sont réinitialisés à zéro. Toutefois, si le fonctionnaire ayant atteint le seuil de référence n’a pas pu être promu, les points de promouvabilité acquis par la suite font l’objet d’un report vers son nouveau grade après sa promotion (point 1.3).

8       Les Dispositions déterminent les modalités d’application des Instructions. Elles prévoient, pour la mise en œuvre du nouveau système, une conversion des notations obtenues avant 1997 en points de promouvabilité. Elles aménagent, en outre, une période transitoire de deux années (1999 et 2000), afin de « résorber le poids du passé », pendant laquelle les points de promouvabilité du fonctionnaire promu dans le nouveau grade sont réinitialisés à zéro (point 6). En exécution de l’arrêt du Tribunal du 11 février 2003, Leonhardt/Parlement (T‑30/02, RecFP p. I‑A‑41 et II‑265), les fonctionnaires promus en 2000 peuvent reporter les points de promouvabilité obtenus en 1999 dans leur nouveau grade.

9       Les instructions arrêtées par le secrétaire général du Parlement le 1er septembre 1999 exposent de manière détaillée les modalités d’attribution des points de promouvabilité.

 Faits à l’origine du litige

10     Le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire au Parlement le 1er septembre 1993 et a été titularisé le 1er juin 1994.

11     Du 16 mai 1999 au 30 novembre 2002 inclus, le requérant a bénéficié d’un congé pour convenance personnelle, pour être ensuite réintégré au sein du Parlement le 1er décembre 2002.

12     Le rapport de notation du requérant pour la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 a été établi de façon non contradictoire, conformément à l’article 6 des dispositions générales d’exécution relatives à l’application de l’article 43 du statut, arrêtées par le bureau du Parlement le 8 mars 1999, étant donné que le requérant était en congé de convenance personnelle.

13     À son retour, le requérant s’est aperçu, en consultant son dossier personnel, que, par décision du 11 novembre 1999, il lui avait été attribué, pour les années 1997 et 1998, un total de quatre points de promouvabilité.

14     Il a, par la suite, demandé la reprise de la procédure de notation pour les années 1997 et 1998. Le rapport de notation pour ladite période a été complété lors d’un entretien en date du 18 juin 2003 et a conduit à l’attribution au requérant, pour chacun de ces exercices, de trois points de promouvabilité.

15     Au moment de l’entrée en vigueur du nouveau système de promotion, c’est-à-dire en 1999, le requérant était classé au grade A 7.

16     La notation qu’il avait obtenue dans ce grade, selon l’ancien système de notation, a donc été convertie en points de promouvabilité, conformément à la procédure prévue dans les Dispositions.

17     Le requérant a obtenu, pour la période comprise entre l’année 1994 et l’année 1998, un total de douze points de promouvabilité, à savoir deux points de promouvabilité par an pour les années 1994 à 1996 et trois points par an pour les années 1997 et 1998. En outre, il s’est vu attribuer un point de promouvabilité pour la période allant du 1er janvier au 15 mai 1999 et un point pour la période allant du 1er décembre au 31 décembre 2002, soit un total de quatorze points.

18     Par décision du 26 novembre 2003, le requérant a été promu au grade A 6 avec effet au 1er janvier 2003. Parmi les quatorze points de promouvabilité précités, deux points, ayant été attribués pour la période postérieure au 1er janvier 1999, ont été reportés comme points de promouvabilité vers son nouveau grade.

19     À la suite d’un courrier électronique adressé par le requérant le 21 janvier 2004, le directeur général du personnel du Parlement lui a exposé, dans une lettre datée du 12 février 2004, la position de l’administration sur sa situation, notamment au regard du report de ses points de promouvabilité.

20     Par lettre datée du 27 février 2004, le requérant a introduit une réclamation, par laquelle il contestait la décision de ne le promouvoir qu’à partir du 1er janvier 2003 et d’avoir annulé deux points de promouvabilité qui lui avaient été attribués pour la période antérieure à l’année 1999.

21     Par lettre du 30 juin 2004, le secrétaire général du Parlement a donné une suite partiellement favorable à la réclamation du requérant, en lui accordant une promotion avec effet au 1er janvier 1999. En revanche, la contestation du requérant relative au report des points de promouvabilité attribués antérieurement à l’année 1999 a été rejetée.

 Procédure et conclusions des parties

22     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2004, le requérant a introduit le présent recours.

23     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

24     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 novembre 2005.

25     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du Parlement du 12 février 2004 de supprimer les deux points de promouvabilité qui lui avaient été accordés pour la période antérieure à l’année 1999, ainsi que la décision du Parlement du 30 juin 2004 rejetant sur ce point sa réclamation introduite le 27 février 2004 ;

–       prononcer le report des deux points de promouvabilité en cause sur les années suivantes ;

–       condamner le Parlement aux dépens.

26     Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

27     En son premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du Parlement de ne pas reporter, vers son nouveau grade, après promotion, les deux points de promouvabilité acquis avant 1999, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 45 du statut. Ce moyen s’articule en deux branches. La première branche porte sur l’illégalité du nouveau système de promotion. La seconde branche porte sur la violation du principe d’égalité de traitement.

28     En son second chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de prononcer le report des deux points de promouvabilité en cause sur les années suivantes.

 Sur le premier chef de conclusions

 Sur la première branche, portant sur l’illégalité du nouveau système de promotion

–       Arguments des parties

29     Le requérant estime que la réinitialisation à zéro par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de ses points de promouvabilité à la date de sa promotion est contraire à l’article 45 du statut. Cet article a pour but, à son avis, d’en appeler au sens du travail des fonctionnaires et de leur donner la possibilité d’accélérer leur carrière, sur une base certaine, grâce à un rendement supérieur à la moyenne.

30     Le requérant ne conteste pas que l’article 45 du statut confère à l’AIPN le droit d’élaborer une réglementation en matière de promotion dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, y compris le droit de modifier une telle réglementation en vue d’instaurer un nouveau système. Cependant, il fait valoir que ce pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN doit également se refléter dans les réglementations élaborées en vertu de la base juridique d’habilitation. La règle selon laquelle des points de promouvabilité doivent être supprimés, sans marge d’appréciation, méconnaîtrait ainsi l’idée fondamentale qui sous-tend la disposition d’habilitation.

31     Le requérant soutient en outre que les dispositions transitoires adoptées pour permettre le passage d’un système à l’autre ne sont pas justifiées. Il considère que la question de la nécessité de ces dispositions transitoires se pose en particulier dans le contexte de l’annulation de points de promouvabilité qui ont été acquis sur la base d’un rendement supérieur à la moyenne.

32     Il ajoute que les dispositions transitoires ne satisfont pas non plus au principe de proportionnalité, dans la mesure où seuls les fonctionnaires dont le rendement est supérieur à la moyenne sont pénalisés. La suppression des points de promouvabilité excédentaires ne pourrait pas davantage s’expliquer par l’objectif déclaré des dispositions transitoires. À cet égard, il faudrait prendre en compte le fait que c’est sur la base des points convertis, cumulés avec les points acquis en vertu du nouveau système, que les promotions ont été accordées au 1er janvier 1999.

33     Le requérant conclut que la nécessité et la proportionnalité des dispositions transitoires n’ont jamais fait l’objet d’un contrôle juridictionnel. Dans ce contexte, le requérant fait valoir que l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, ne constitue pas un précédent pour l’appréciation de son cas.

34     À cet égard, le requérant indique, premièrement, qu’il demande le report des points de promouvabilité qui lui ont été attribués en vertu du nouveau système de promotion et qui ont été annulés en vertu des dispositions transitoires. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, les points de promouvabilité auraient été, en revanche, essentiellement acquis par conversion des points accumulés en vertu de l’ancien système. Selon le requérant, la norme sur la base de laquelle les points ont été attribués est déterminante.

35     Deuxièmement, le requérant expose que M. Leonhardt était, au moment des faits, un fonctionnaire d’un rendement inférieur à la moyenne. En revanche, le requérant se situe, selon lui, au-dessus de la moyenne.

36     Troisièmement, il poursuit que les points supplémentaires dont disposait M. Leonhardt n’avaient pas été attribués immédiatement avant la promotion, mais avaient été accumulés sur une période de huit ans.

37     Le requérant expose que la réinitialisation à zéro par l’AIPN de ses points de promouvabilité à la date de sa promotion est également incompatible avec le nouveau système de promotion, reposant sur le concept de mérite accumulé des fonctionnaires, qui prévoit que, lorsqu’un fonctionnaire dispose d’un nombre de points supérieur à celui qui est nécessaire pour la promotion, le surplus lui reste acquis, ce qui permet d’accélérer sa prochaine promotion. Il en découlerait, dès lors que des postes sont ouverts à la promotion, un avantage pour les fonctionnaires les plus méritants par rapport à ceux dont l’appréciation est seulement bonne ou moyenne. L’AIPN s’est donc, selon le requérant, engagée à l’égard des fonctionnaires concernés en instituant le nouveau système de promotion, sur le fondement de l’autolimitation de son pouvoir d’appréciation.

38     Le Parlement considère que les dispositions transitoires applicables – et notamment la réinitialisation à zéro des points après une promotion prenant effet au 1er janvier 1999 − sont conformes à l’article 45 du statut. Le nouveau système d’accumulation des points de promouvabilité aurait été établi pour assurer que tout fonctionnaire méritant soit promu. Les dispositions transitoires auraient ainsi été arrêtées pour garantir la promotion des fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence au moment de l’entrée en vigueur du nouveau système. Cette garantie se limiterait néanmoins à la première promotion à partir du 1er janvier 1999 et ne pourrait jamais contribuer à accélérer le déroulement d’une carrière au-delà de cette promotion.

39     Le Parlement justifie les dispositions transitoires par la nécessité d’éviter que le nouveau système soit sérieusement faussé et crée des problèmes budgétaires. Le Parlement présente, dans ce contexte, une liste de fonctionnaires classés par grade et selon le nombre de points de promouvabilité, afin de pouvoir démontrer l’ampleur du nombre de fonctionnaires dont le total des points dépassait le seuil de référence au 1er janvier 1999. Il ressort de cette annexe que 348 fonctionnaires affectés au sein du Parlement avaient, le 1er janvier 1999, plus de dix points de promouvabilité.

40     Le Parlement estime d’ailleurs que la question de la nécessité et de la justification de ne pas reporter les points accumulés avant 1999 et dépassant le seuil de référence a déjà été tranchée par le Tribunal dans l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité (points 53 à 57).

41     En ce qui concerne la violation alléguée du principe de proportionnalité, le Parlement se réfère au point 55 de cet arrêt, étant entendu que ce principe fait partie intégrante de la question de la nécessité du régime transitoire.

42     Quant au pouvoir d’appréciation de l’AIPN, le Parlement fait valoir que l’AIPN a déjà exercé et épuisé son pouvoir d’appréciation lors des procédures de promotion antérieures à celles de l’année 1999. À cet égard, il a assuré qu’elle n’avait pas privilégié l’ancienneté par rapport aux mérites.

43     Le Parlement soutient, concernant l’argument tiré de la dissemblance entre le cas d’espèce et celui de M. Leonhardt, qu’aucune différence pertinente de fait n’existe pour la période antérieure à l’année 1999.

44     Il fait valoir que, en ce qui concerne les années 1997 et 1998, celles-ci ont précédé la période transitoire (comprenant les années 1999 et 2000) et n’en font donc pas partie. La procédure de promotion intervenue au titre des années 1997 et 1998 aurait ainsi eu lieu selon l’ancien système, puisque les promotions sont toujours fondées sur les rapports de notation établis avant l’année de la promotion.

45     En revanche, le Parlement admet qu’il a directement attribué les points de promouvabilité au requérant sans passer par l’ancien système et sans convertir, ensuite, ces anciens points en points de promouvabilité pour la période 1997-1998. Lors de l’audience, le Parlement a précisé que cela avait seulement trait au procédé de notation et non à l’application du nouveau système de notation. Pour la période 1997-1998, le Parlement indique s’être servi des outils administratifs du nouveau système, qui étaient disponibles dès le début de l’année 1999. Pour autant, il ne faudrait pas en conclure que le nouveau système était en vigueur avec effet rétroactif pour la période 1997-1998.

46     En ce qui concerne la perte du solde des points accumulés avant 1999, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, constitue, selon le Parlement, un précédent pertinent pour apprécier le cas du requérant. Il souligne ainsi que M. Leonhardt avait cumulé, à la suite de la conversion de ses points pour la période antérieure à l’année 1997 et de l’attribution de nouveaux points pour les années 1997 et 1998, un nombre de points dépassant le seuil de référence pour ladite période. Or, il ressortirait de cet arrêt que ni le chiffre total, ni la moyenne de points accumulés, ni l’ordre dans lequel les points de promouvabilité avaient été accumulés antérieurement au 1er janvier 1999 n’ont eu une incidence sur le droit de report.

47     Le Parlement considère qu’il ne ressort aucunement de l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, que les points de promouvabilité obtenus avant le 1er janvier 1999 auraient dû être reportés, soit parce qu’ils reflétaient un niveau supérieur à la moyenne, soit parce qu’ils avaient été attribués sans utiliser la méthode de conversion et à la suite d’une « évaluation d’après les nouveaux critères. »

48     Le Parlement conclut que le report des points de promouvabilité obtenus avant le 1er janvier 1999 aurait constitué un détournement de pouvoir de la part de l’AIPN.

49     Quant à l’argument tiré de la violation d’un engagement contraignant, le Parlement rappelle que le total des points de promouvabilité et l’ordre dans lequel ces derniers sont accumulés ont seulement été pris en compte dans la mesure où il n’avait pas été budgétairement possible de résorber le poids du passé lors du premier exercice de promotion de la période transitoire. La décision de l’AIPN de ne pas reporter les points de promouvabilité attribués pour la période antérieure à l’année 1999 aurait été adoptée en prenant en considération le fait que les fonctionnaires dont le nombre de points dépassait le seuil de référence pour cette période n’avaient pas pu prétendre à une promotion avant l’année 1999.

50     L’AIPN aurait expressément écarté la possibilité de créer un système avec effet rétroactif par l’instauration de dispositions transitoires limitant les possibilités de report des points de promouvabilité accumulés avant l’année 1999.

–       Appréciation du Tribunal

51     Il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 45 du statut que les promotions se font au choix, sur la base d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires comptant un minimum d’ancienneté. Selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose du pouvoir statutaire de procéder à cet examen selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée, pourvu que ce soit avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires (arrêts du Tribunal du 5 novembre 2003, Cougnon/Cour de justice, T‑240/01, RecFP p. I‑A‑263 et II‑1283, points 62 et 70, et du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, non encore publié au Recueil, point 68).

52     Le requérant conteste la légalité des dispositions transitoires régissant le passage de l’ancien système de promotion au nouveau régime de promotion, instauré au Parlement en 1999, et, notamment, sur la réinitialisation à zéro de ses points de promouvabilité après que sa promotion eut pris effet au 1er janvier 1999, en ce qu’elles le priveraient, en violation de l’article 45 du statut, du bénéfice de la prise en compte de ses mérites en vue de l’évolution future de sa carrière.

53     Il convient d’emblée de relever que le Tribunal s’est déjà prononcé sur la légalité des dispositions transitoires adoptées par le Parlement pour permettre le passage d’un système de promotion à l’autre dans l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité.

54     Toutefois, le requérant estime qu’une solution différente doit être recherchée dans son cas. Dès lors, il convient de vérifier si les arguments soulevés par le requérant justifieraient que le Tribunal s’écarte du raisonnement qu’il avait adopté dans l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité.

55     S’agissant, en premier lieu, de l’argument du requérant selon lequel les dispositions transitoires ne sont pas justifiées et ne satisfont pas au principe de proportionnalité, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé qu’il était inhérent à un processus de réforme tel que celui engagé par le Parlement, réforme dont l’administration peut apprécier avec une large marge de manœuvre la nécessité, de faire partir à une date donnée, l’évaluation des mérites des fonctionnaires sur de nouvelles bases. Le Tribunal a également considéré qu’une prise en compte intégrale, et à l’identique, des notations attribuées aux fonctionnaires sous l’empire de l’ancien régime ne saurait être exigée de l’administration dans le cadre du nouveau, car elle aurait pour conséquence quasi inévitable de priver la réforme du mode de promotion de toute portée pratique (voir arrêt Leonhardt/Parlement, précité, point 55, et la jurisprudence citée).

56     S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument selon lequel la réinitialisation à zéro a privé le requérant du bénéfice de la prise en compte de ses mérites en vue de l’évolution future de sa carrière, il importe de rappeler que le Tribunal a jugé, au point 56 de l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, que la limitation de la prise en compte des notations antérieures, se traduisant par le fait que le calcul théorique résultant de la conversion de celles-ci en points de promouvabilité, tels qu’instaurés par le nouveau système, ne permet pas aux fonctionnaires concernés d’aller au-delà du passage au grade supérieur, ne pouvait être regardée comme excédant les pouvoirs dont dispose l’AIPN pour aménager, à titre transitoire, le changement des règles relatives à la promotion des fonctionnaires. Cette limitation se borne, en effet, à fixer un plafond à la prise en compte des mérites antérieurs.

57     S’agissant, en troisième lieu, de l’argument selon lequel la réinitialisation à zéro est incompatible avec le nouveau système de promotion fondé sur le concept de mérite accumulé, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend le requérant, les points obtenus pour la période antérieure à l’année 1999 ne peuvent être reportés selon le nouveau système, et cela indépendamment de l’ordre dans lequel et de la vitesse avec laquelle lesdits points ont été accumulés, du nombre de points dépassant le seuil de référence et de la méthode appliquée. Ces points, ainsi que le niveau de dépassement du seuil de référence, n’ont pu, en effet, jouer un rôle que dans le choix des fonctionnaires à promouvoir lors de la première vague de promotion de la période transitoire (en 1999), au moment où il n’y avait pas suffisamment de possibilités budgétaires pour promouvoir tous les fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence, comme l’a soutenu le Parlement à juste titre.

58     S’agissant, en dernier lieu, de l’argument selon lequel les points de promouvabilité excédentaires ont été attribués en application du nouveau système de promotion, le Parlement a précisé, lors de l’audience, qu’il s’était seulement servi des outils administratifs du nouveau système, qui étaient disponibles dès le début de l’année 1999, et qu’il ne s’agissait pas d’une application du nouveau système avec effet rétroactif.

59     Force est donc de considérer que les arguments soulevés par le requérant, qu’ils soient de même objet que ceux déjà examinés par le Tribunal dans l’arrêt Leonhardt/Parlement, précité, ou propres à la présente affaire, ne sont pas de nature à remettre en cause la réitération, dans le cas d’espèce, de la jurisprudence issue dudit arrêt.

60     Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, portant sur la violation du principe d’égalité de traitement

–       Arguments des parties

61     Le requérant invoque la violation du principe d’égalité de traitement. Le régime transitoire aurait eu pour effet de mettre sur le même plan tous les fonctionnaires promus avec effet au 1er janvier 1999. Il fait valoir que cela est contraire à la conception juridique et au principe d’égalité inhérents à l’article 45 du statut.

62     Il soutient que les dispositions transitoires ont pour conséquence que les fonctionnaires possédant des mérites supérieurs à la moyenne, dont il fait partie, sont particulièrement désavantagés par rapport à ceux possédant des mérites égaux ou inférieurs à la moyenne, puisque leur développement professionnel est entravé.

63     Premièrement, il indique que les fonctionnaires dont le rendement est supérieur à la moyenne, qui avaient obtenu trois points par an en 1997 et en 1998, voient non seulement la juste appréciation de leurs mérites supérieurs à la moyenne être effacée, mais, de plus, sont privés de la possibilité qu’ils avaient préalablement acquise d’être promus un an avant les fonctionnaires dont le rendement est égal à la moyenne.

64     Deuxièmement, il poursuit que les fonctionnaires dont le rendement est égal à la moyenne et qui avaient obtenu deux points pour chacune des années 1997 et 1998, et, s’ils avaient atteint le seuil de référence au 1er janvier 1999, qui ont été promus à cette date, voient leur nombre de points réinitialisé à zéro. La suppression des points qu’ils avaient acquis jusqu’à la promotion n’aurait donc aucune incidence sur leur situation.

65     Troisièmement, il fait valoir que les fonctionnaires dont le rendement est inférieur à la moyenne, et qui avaient obtenu au cours de l’exercice bisannuel 1997/1998 zéro ou un point de promouvabilité ne sont pas affectés par les dispositions transitoires, car ils n’avaient pas encore atteint au 1er janvier 1999 le seuil de référence permettant la promotion.

66     Le Parlement rappelle que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, RecFP p. I‑A‑195 et II‑573, point 54).

67     Dans ce contexte, il relève que tous les fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence avant la période transitoire sont dans « une situation comparable », au sens de la jurisprudence précitée, étant donné qu’ils ont tous atteint le seuil de référence en vertu de la conversion en points de la notation obtenue selon l’ancien système de notation.

68     Concrètement, le Parlement soutient que tous ces fonctionnaires, dont le requérant fait partie, sont dans une situation comparable et ont été traités de façon égale dans la mesure où leur solde de points a été systématiquement réinitialisé à zéro après leur promotion.

–       Appréciation du Tribunal

69     Il ressort de la jurisprudence qu’il y a violation du principe d’égalité de traitement énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations juridiques différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50, et du 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, RecFP p. I‑A‑101 et II‑433, point 64).

70     Il convient de rappeler que, comme le soutient le Parlement, tous les fonctionnaires qui avaient atteint ou dépassé le seuil de référence le 1er janvier 1999, leur permettant ainsi d’être promus en 1999, se trouvaient, vis-à-vis du seuil de référence, dans une situation identique au départ. Ces fonctionnaires ont été traités de la même façon, dans la mesure où leur solde de points de promotion a été systématiquement réinitialisé à zéro après leur promotion. Un tel traitement ne présente donc pas un caractère discriminatoire.

71     Il s’ensuit que la seconde branche du moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, doit être rejetée, étant donné que tous les fonctionnaires ayant atteint ou dépassé le seuil de référence avant la période transitoire se trouvaient dans une situation comparable et ont été traités de la même façon.

72     Dès lors, il convient de rejeter ce moyen dans son ensemble.

73     Il ressort de ce qui précède que le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du Parlement du 12 février 2004 de supprimer les deux points de promotion accordés au requérant pour la période antérieure à l’année 1999, ainsi qu’à l’annulation de la décision du Parlement du 30 juin 2004 rejetant sur ce point la réclamation du requérant, doit être rejeté.

 Sur le second chef de conclusions

74     S’agissant du second chef de conclusions du requérant, il suffit de relever, que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (arrêts du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 33, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, non publié au Recueil, point 63).

75     Est par conséquent irrecevable le chef de conclusions du requérant visant à ce que le Tribunal prononce le report des deux points de promouvabilité en cause sur les années suivantes.

 Sur les dépens

76     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

77     Le requérant ayant succombé et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.

García-Valdecasas

Labucka

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2006

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’allemand.