Language of document : ECLI:EU:T:2014:718

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

17 juillet 2014(*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans les affaires jointes T‑700/13, T‑701/13, T‑702/13, T‑703/13, T‑704/13, T‑705/13, T‑2/14, T‑6/14, T‑10/14, T‑16/14, T‑18/14 et T‑24/14,

Bankia, SA, établie à Valence (Espagne),

Asociación Española de Banca, établie à Madrid (Espagne),

Unicaja Banco, SA, établie à Malaga (Espagne),

Liberbank, SA, établie à Madrid,

Banco de Sabadell, SA, établie à Barcelone (Espagne),

Banco Gallego, SA, établie à Santiago de Compostela (Espagne),

Catalunya Banc, SA, établie à Barcelone,

Caixabank, SA, établie à Barcelone,

Banco de Santander, SA, établie à Santander (Espagne),

Santander Investment, SA, établie à Madrid,

Naviera Séneca, AIE, établie à Las Palmas de Gran Canaria (Espagne),

Industria de Diseño Textil, SA (Inditex), établie à La Corogne (Espagne),

Naviera Nebulosa de Omega, AIE, établie à Las Palmas de Gran Canaria,

Banco Mare Nostrum, SA, établie à Madrid,

Aguas de Valencia, SA, établie à Valence,

NCG Banco, SA, établie à La Corogne,

représentées par Mes J. Buendía Sierra, E. Abad Valdenebro, R. Calvo Salinero, A. Lamadrid de Pablo, et A. Biondi, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci, Mme M. Afonso, M. E. Gippini Fournier et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2013) 4426 de la Commission européenne, du 17 juillet 2013, relative à l’aide d’État SA 21233 (ex NN/2011, ex CP 137/2006) concernant la mise à exécution par le Royaume d’Espagne d’un régime fiscal applicable à certains accords de location-financement.

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Contexte de la demande d’intervention

1        Le 17 juillet 2013 la Commission a adopté la décision C (2013) 4426 relative à l’aide d’État SA 21233 (ex NN/2011, ex CP 137/2006) mise à exécution par le Royaume d’Espagne (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision a trait à un régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (ci-après le « RELF »).

2        Selon le premier article de cette décision, les mesures résultant de l’article 115, paragraphe 11, du texte de refonte de la loi sur l’impôt sur les sociétés (ci-après la « LIS ») concernant l’amortissement anticipé d’actifs achetés à bail, de l’application du régime de la taxation au tonnage des entreprises, navires ou activités non éligibles, et de l’article 50 du règlement de l’impôt sur les sociétés (ci-après le « RIS ») constituent une aide d’État à des groupements d’intérêts économiques (ci-après les « GIE ») et à leurs investisseurs, aide mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002 en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

3        Le deuxième article de la décision attaquée dispose que les mesures d’aide d’État visées à l’article 1 sont incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspond à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et qu’elle est transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des Orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (JO 1997 C 205 et JO 2004 C 13), conformément aux conditions établies par celles-ci.

4        S’agissant de la récupération de ces mesures d’aide, l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée prévoit, entre autres, que le Royaume d’Espagne doit procéder à leur récupération auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2013, la requérante, Bankia SA, a introduit, sur la base de l’article 263 TFUE, un recours (T-700/13 Bankia SA/Commission) visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où cette décision qualifie l’ensemble des mesures qui, selon la Commission, constitue le RELF, d’aide d’État nouvelle et incompatible avec le marché intérieur. À titre subsidiaire, la requérante conclut, d’une part, à l’annulation des articles 1 et 4 de la décision attaquée, qui identifient les investisseurs comme étant les bénéficiaires des prétendues aides et comme étant les uniques destinataires de l’injonction de récupération, et, d’autre part, à l’annulation du même article 4, dans la mesure où il ordonne la récupération des prétendues aides en violation des principes généraux du droit de l’Union. Enfin, la requérante demande au Tribunal d’annuler en tout état de cause ledit article 4 dans la mesure où il se prononce sur la légalité de contrats privés conclus entre investisseurs et d’autres entités.

6        À l’appui de son recours, la requérante avance les cinq moyens suivants.

7        Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en raison de la qualification d’aide du RELF et des mesures qui le composent prétendument. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des articles 107 et 108 TFUE dans la mesure où le régime d’imposition sur la base du tonnage est qualifié d’aide nouvelle.

8        Les troisième et quatrième moyens sont formulés à titre subsidiaire. Le troisième moyen est tiré d’une violation des articles 107 et 296 TFUE en raison de l’existence d’une erreur quant à l’identification du bénéficiaire de la prétendue aide et d’un défaut de motivation adéquate à cet égard. Le quatrième moyen dénonce une violation du principe de sécurité juridique.

9        Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe d’attribution de compétences, des articles 107, paragraphe 1, et 108, paragraphe 2, TFUE, de l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [108, TFUE] et de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans la mesure où la décision attaquée s’est prononcée sur la validité de clauses contractuelles contenues dans des contrats privés conclus en vertu du droit espagnol.

10      Par ordonnance du 18 mars 2014, le président de la septième chambre a ordonné la jonction des affaires T-700/13 à T-705/13, T-2/14, T-6/14, T-10/14, T-16/14, T-18/14 et T-24/14 aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Dans ces affaires (ci-après la « présente affaire »), les conclusions et moyens avancés par les requérantes sont identiques à ceux exposés aux points 5 à 9 ci-dessus.

 Procédure

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal, le 11 avril 2014, Pimolia Marine Company Limited (ci-après « Pimolia »), a demandé à intervenir, conformément à l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dans la procédure de l’affaire T-700/13 Bankia SA/Commission au soutien des conclusions de la Commission (ci-après la « demande d’intervention »).

12      Cette demande a été signifiée aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

13      Dans ses observations sur la demande d’intervention, déposées au greffe du Tribunal, le 26 mai 2014, la Commission a fait savoir qu’elle ne s’oppose pas à l’intervention de Pimolia, mais qu’elle s’interroge sur la question de savoir si cette demande réunit les conditions nécessaires.

14      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal, le 6 juin 2014, la requérante demande au Tribunal de rejeter la demande d’intervention présentée par Pimolia et de condamner celle-ci à ses propres dépens ainsi qu’à ceux encourus par elle-même en raison de l’intervention.

 En droit

15      Pimolia est une compagnie maritime établie à Chypre. Dans sa demande d’intervention, elle fait valoir qu’elle remplit les conditions nécessaires établies par la jurisprudence pour intervenir dans la présente affaire puisqu’elle a un intérêt direct et spécifique à l’issue du présent litige. Pimolia relève qu’elle a commandé un navire provenant d’un chantier naval espagnol en 2007 et que ce navire a été acheté par l’intermédiaire d’une structure de leasing fiscal qui pourrait être considérée comme relevant du RELF. Or, si les premier et quatrième articles de la décision attaquée devaient être annulés par le Tribunal, ainsi qu’il est demandé par la requérante (voir point 5 ci-dessus), les compagnies maritimes ayant passé commande de navires concernés par le RELF, dont Pimolia, pourraient être considérées comme étant bénéficiaires d’aide d’État dans le cadre de ce régime RELF. Le cas échéant, la Commission pourrait adopter une nouvelle décision demandant aux compagnies maritimes de rembourser l’aide prétendument reçue.

16      Par ailleurs, Pimolia rappelle que la requérante demande également au Tribunal d’annuler l’article 4 de la décision attaquée dans la mesure où il se prononce sur la légalité de contrats privés conclus entre les investisseurs et d’autres entités (voir point 5 ci-dessus). Or, Pimolia, en tant que possible partie contractante, aurait donc un intérêt direct, spécifique et actuel au jugement du Tribunal sur cette question.

17      Les requérantes contestent les arguments de Pimolia concernant son intérêt à la solution du litige. La Commission estime également qu’il n’est pas clair si Pimolia possède un tel intérêt.

18      En vertu de l'article 40 du statut de la Cour de justice, qui est applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les États membres et les institutions de l’Union peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour et le même droit appartient à toute autre personne justifiant d'un intérêt à la solution d'un litige soumis à la Cour, à l'exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d'une part, et institutions de l’Union, d'autre part. Conformément à la même disposition, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties.

19      Il résulte d'une jurisprudence constante que la notion d'intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l'objet même du litige et s'entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu'elle serait consacrée dans le dispositif de l'arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l'intervenant est touché directement par l'acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (ordonnance BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2003:38, point 26, et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée n’identifie pas les compagnies maritimes comme bénéficiaires. Au contraire, l’article premier de la décision attaquée identifie expressément les GIE et leurs investisseurs comme bénéficiaires et son article 4 s’oppose à ce que ceux-ci transfèrent la charge de la récupération de l’aide à d’autres personnes (voir points 2 et 4 ci-dessus). Pimolia, en tant que compagnie maritime, n’est donc pas directement concernée par la décision attaquée. Cependant, Pimolia fonde sa demande d’intervention sur le risque que les premier et quatrième articles de cette décision soient annulés sur la base du recours introduit par la requérante et donc sur la possibilité qu’elle soit identifiée comme bénéficiaire (voir point 15 ci-dessus).

21      Une telle demande ne saurait être accueillie pour les raisons suivantes.

22      D’abord, le risque invoqué par Pimolia ne dépend pas du jugement que le Tribunal est appelé à rendre dans la présente affaire. En effet, si le Tribunal devait annuler les premier et quatrième articles de la décision attaquée, qui identifient les bénéficiaires des mesures d’aide, il appartiendra ensuite à la Commission de prendre, conformément à l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. Or ce sera, le cas échéant, le dispositif de cette nouvelle décision qui pourra éventuellement affecter Pimolia de manière directe. Partant, Pimolia ne possède qu’un intérêt indirect et potentiel dans la solution du présent litige. Au surplus, si la Commission décidait, dans l’exercice de l’obligation de ré-adopter une nouvelle décision, d’identifier les compagnies maritimes comme bénéficiaires des mesures d’aide, comme le craint Pimolia, ce dernier aura toujours la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre du recours en annulation qu'il serait susceptible d'introduire devant le Tribunal contre une telle décision défavorable (ordonnances BASF/Commission, EU:T:2003:38, point 37, et Hoechst/Commission, T‑410/03, EU:T:2004:369, point 21).

23      Par ailleurs, dans l’hypothèse où le futur arrêt du Tribunal annulerait la décision attaquée et que la Commission doive adopter une nouvelle décision, il n’est pas possible de prévoir à ce stade si la Commission adopterait effectivement une décision défavorable aux compagnies maritimes concernées par le RELF. En effet, si le Tribunal décidait d’accueillir, dans son futur arrêt, les moyens principaux de la requérante, qui visent à l’annulation de l’article premier de la décision attaquée, les possibilités pour la Commission de qualifier le RELF et les mesures qui le composent d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, seraient fortement limitées. En outre, même si le Tribunal décidait d’accueillir le troisième moyen subsidiaire visant à l’annulation de l’article 4 de la décision attaquée, qui identifie les bénéficiaires des mesures d’aide, il n’est pas certain non plus d’entrevoir à ce stade, si la Commission adoptera une décision identifiant les compagnies maritimes comme bénéficiaires directs d’une aide et exigera un remboursement de leur part.

24      Enfin, la requérante observe à juste titre que Pimolia n’a pas fourni d’éléments permettant de prouver l’affirmation selon laquelle son achat d’un navire auprès d’un chantier naval espagnol en 2007 ait été effectué sous une structure de leasing fiscal bénéficiant du RELF. Il n’est donc pas certain que Pimolia soit effectivement exposé au risque d’être considéré comme étant, d’une part, bénéficiaire direct d’une aide d’État et, d’autre part, partie contractante avec les investisseurs concernés par l’article 4 de la décision attaquée, contrairement à ses arguments au point 16 ci-dessus.

25      Il s’ensuit que le risque sur lequel se fonde Pimolia pour justifier sa demande d’intervention est non seulement hypothétique et non étayé, mais ne saurait pas non plus découler du jugement que le Tribunal devra rendre dans la présente affaire. Partant, Pimolia n’a pas démontré un intérêt direct et actuel à la solution du litige dans la présente affaire.

26      Il convient de conclure que la demande d’intervention ne remplit pas les conditions prévues à l’article 40 du statut et qu’elle doit dès lors être rejetée.

 Sur les dépens

27      En vertu de l’article 87, paragraphe l, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de Pimolia, il convient de statuer sur les dépens afférents à son intervention.

28      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Pimolia ayant succombé en sa demande, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante afférents à la présente procédure en intervention, conformément aux conclusions de celle-ci. La Commission n'ayant pas formulé de conclusions à cet égard, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en intervention est rejetée.

2)      Pimolia Marine Company Limited est condamnée à supporter les dépens de Bankia SA afférents à la procédure en intervention ainsi que ses propres dépens.

3)      La Commission supportera ses propres dépens afférents à la procédure en intervention.

Fait à Luxembourg, le 17 juillet 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : l'espagnol.