Language of document : ECLI:EU:T:2024:467

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

10 juillet 2024 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) nº 1049/2001 – Documents relatifs à la correspondance adressée à la Commission par les autorités hongroises concernant un projet d’appel à propositions cofinancé par l’Union dans le cadre des fonds structurels et d’investissement européens – Documents émanant d’un État membre – Opposition manifestée par l’État membre – Exception relative à la protection du processus décisionnel – Notion de “document ayant trait à une question sur laquelle l’institution n’a pas encore pris de décision” – Obligation de motivation – Coopération loyale »

Dans l’affaire T‑104/22,

Hongrie, représentée par MM. M. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar, MM. A. Spina et A. Tokár, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen, E. Buttigieg, M. Sampol Pucurull (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 8 juin 2022, Hongrie/Commission (T‑104/22 R, non publiée, EU:T:2022:351), par laquelle le président du Tribunal a fait droit à la demande en référé et a réservé les dépens,

à la suite de l’audience du 11 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la Hongrie demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 14 décembre 2021 octroyant à un tiers demandeur, en vertu du règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès à la correspondance adressée par les autorités hongroises à la Commission concernant un projet d’appel à propositions (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La Commission a adopté, dans le cadre de la programmation des fonds structurels et d’investissement européens (ci-après les « Fonds ESI ») pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023, le programme opérationnel relatif au développement des ressources humaines pour la désinstitutionnalisation des personnes handicapées vivant actuellement dans des institutions en Hongrie (EFOP) sur proposition de la Hongrie, conformément au règlement (UE) nº 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) nº 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320, rectificatif JO 2016, L 200, p. 140).

3        Dans le cadre du programme opérationnel susmentionné, l’autorité de gestion désignée par les autorités hongroises pour la mise en œuvre dudit programme a élaboré un projet d’appel à propositions ayant le numéro de code « EFOP 2.2.5 », intitulé « Amélioration de la transition des soins en établissement vers les services de proximité – remplacement de l’hébergement institutionnel d’ici 2023 » (ci-après l’« appel à propositions EFOP 2.2.5 »).

4        Le 30 avril 2021, une demande d’accès, référencée GESTDEM 2021/2808, a été adressée à la Commission, visant l’intégralité de la correspondance officielle entre la Commission et les autorités hongroises concernant l’appel à propositions EFOP 2.2.5, en application du règlement nº 1049/2001.

5        Sur les onze documents identifiés par la Commission comme relevant du champ couvert par la demande d’accès, cinq provenaient des autorités hongroises, à savoir les documents suivants :

–        un courrier électronique des autorités hongroises du 11 mars 2020, référence Ares (2021) 3279157, comportant deux annexes ;

–        une lettre des autorités hongroises à la Commission du 19 juin 2020, référence Ares (2020) 3193726 ;

–        une lettre des autorités hongroises à la Commission du 6 août 2020, référence Ares (2020) 4141947 ;

–        une lettre des autorités hongroises à la Commission du 5 janvier 2021, référence Ares (2021) 401802 ;

–        une lettre des autorités hongroises à la Commission du 14 avril 2021, référence Ares (2021) 2528382.

6        Dans le cadre de la procédure de consultation prévue à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement nº 1049/2001, les autorités hongroises ont informé la Commission, par lettre du 28 mai 2021, qu’elles s’opposaient à ce qu’un accès soit donné aux documents émanant d’elles, sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001. Les autorités hongroises ont relevé que, dans la mesure où le processus décisionnel concernant l’appel à propositions EFOP 2.2.5 était toujours en cours, la divulgation, à ce stade, desdits documents, porterait gravement atteinte aux principes d’égalité de traitement, de non‑discrimination et de transparence, étant donné que des bénéficiaires potentiels auraient pu accéder à des informations susceptibles de leur conférer un avantage concurrentiel déloyal.

7        Le 16 juin 2021, la Commission a accordé au tiers demandeur, sous réserve de la protection des données à caractère personnel, l’accès à six des onze documents identifiés comme relevant du champ couvert par la demande de divulgation, mais a refusé de lui accorder l’accès aux cinq documents émanant des autorités hongroises en application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 (ci-après la « décision initiale »).

8        Le 6 juillet 2021, le tiers demandeur a présenté une demande confirmative auprès de la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001 (ci-après la « demande confirmative »).

9        Le 13 octobre 2021, à la suite de la demande confirmative, le secrétaire général de la Commission a de nouveau consulté les autorités hongroises et a informé ces dernières que, après avoir examiné l’applicabilité de toutes les exceptions énumérées à l’article 4 du règlement nº 1049/2001, il lui semblait que l’accès aux documents énumérés au point 5 ci-dessus pouvait uniquement être refusé sur le fondement de la protection des données à caractère personnel.

10      Lors de l’examen de la demande confirmative, des documents supplémentaires ont été identifiés par la Commission comme relevant de la demande d’accès, y compris quatre documents émanant des autorités hongroises (ci-après, pris ensemble avec les documents identifiés au point 5 ci-dessus, les « documents litigieux »), à savoir les documents suivants :

–        un courrier électronique des autorités hongroises du 10 mars 2020, référence Ares (2020) 1532153 ;

–        un courrier électronique des autorités hongroises du 30 avril 2020, référence Ares (2020) 2352996, comportant une annexe ;

–        un courrier électronique des autorités hongroises du 21 octobre 2020, référence Ares (2020) 5761728, comportant deux annexes ;

–        un courrier électronique des autorités hongroises du 25 novembre 2020, référence Ares (2020) 7120859, comportant une annexe.

11      Par courrier électronique du 28 octobre 2021, les autorités hongroises ont réitéré leur position selon laquelle aucun accès aux documents émanant d’elles ne devait être accordé sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001.

12      Par la décision attaquée, la Commission a statué sur la demande confirmative du tiers demandeur et a accordé à ce dernier l’accès, sous une forme expurgée des données à caractère personnel, aux documents litigieux, malgré l’opposition manifestée par les autorités hongroises. À cet égard, la Commission a procédé à une évaluation des arguments avancés par les autorités hongroises et a conclu que lesdits arguments ne démontraient pas, prima facie, l’applicabilité de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001.

13      Par lettre du 15 décembre 2021, la Commission a informé la Hongrie de l’adoption de la décision attaquée.

 Conclusions des parties

14      La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 En droit

16      Au soutien de son recours, la Hongrie a formellement invoqué deux moyens.

17      En premier lieu, il convient d’observer que la Hongrie, dans ses écritures, se réfère à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001, sans préciser s’il s’agit du premier ou du second alinéa de ce paragraphe ou du paragraphe 3 pris dans son ensemble. Toutefois, les développements de la Hongrie mettent en évidence le fait qu’elle ne se réfère pas à l’ensemble dudit paragraphe 3, lesdits développements portant, en réalité, uniquement sur une prétendue violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

18      En second lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal doit interpréter les moyens par leur substance plutôt que par leur qualification et procéder, par conséquent, à la qualification des moyens et des arguments de la requête (voir arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 51 et jurisprudence citée).

19      À cet égard, les deux moyens formellement invoqués par la Hongrie constituent, en réalité, les deux branches d’un même moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’examen de la substance des écritures de la Hongrie, dans le cadre du premier moyen, cette dernière invoque une insuffisance de motivation de la décision attaquée ainsi qu’une violation du principe de coopération loyale. En outre, la Hongrie soutient que, si le Tribunal devait juger que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 ne s’applique pas au cas d’espèce, il conviendrait d’appliquer le paragraphe 2, troisième tiret, du même article.

20      Dans ces conditions, le Tribunal estime que la Hongrie soulève, en substance, quatre moyens, tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, le deuxième, de la violation du principe de coopération loyale, le troisième, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 et, le quatrième, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001.

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée

21      La Hongrie considère que les motifs de la décision attaquée ne lui permettent pas d’apprécier, d’une part, les raisons pour lesquelles l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 n’a pas vocation à s’appliquer dans le cas d’espèce et, d’autre part, si la Commission a réellement examiné si l’accès aux documents litigieux pouvait porter concrètement et effectivement atteinte au processus décisionnel.

22      Par ailleurs, la Hongrie reproche à la Commission de ne pas avoir motivé de façon suffisante les raisons pour lesquelles la décision attaquée s’écarte de sa pratique décisionnelle antérieure.

23      La Commission conteste les arguments de la Hongrie.

24      Il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences des dispositions précitées doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 80 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 53 et jurisprudence citée).

25      En particulier, il convient de constater que, lorsqu’une institution décide d’octroyer à un tiers demandeur l’accès à un document émanant d’un État membre nonobstant l’opposition formée par cet État conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, la motivation de cette décision peut ressortir tant de la décision de divulgation adressée au tiers demandeur que de l’acte par lequel l’institution concernée informe ledit État membre de l’adoption de cette décision, dès lors qu’un tel acte fait partie du contexte dans lequel la décision de divulgation a été adoptée.

26      En l’espèce, en premier lieu, il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général de la Commission a examiné si la Hongrie avait fondé son opposition sur les exceptions matérielles prévues par l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001 et si elle avait dûment motivé sa position à cet égard. En second lieu, la Commission a fait état de l’opposition des autorités hongroises à la divulgation des documents litigieux sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 ainsi que des raisons invoquées par ces dernières pour s’opposer à ladite divulgation. Toutefois, la Commission a conclu que les explications fournies par les autorités hongroises ne justifiaient pas l’application de l’exception qu’elles avaient invoquée. La Commission a ainsi décidé d’accorder au tiers demandeur un accès aux documents en cause, sous une forme expurgée des données à caractère personnel.

27      Certes, la décision attaquée ne contient pas une motivation exhaustive concernant les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 n’était pas applicable. Toutefois, étant donné que ladite décision avait pour destinataire le tiers demandeur et qu’elle n’avait pas pour objet de refuser l’accès aux documents litigieux, la Commission n’était pas obligée d’expliquer dans cette décision, de manière exhaustive, les raisons pour lesquelles, elle a considéré que la demande de la Hongrie de ne pas divulguer ces documents n’était pas fondée et, notamment, que l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 n’était pas applicable en l’espèce.

28      Par ailleurs, la lettre du 15 décembre 2021 qui, ainsi qu’il est indiqué au point 25 ci-dessus, fait partie du contexte de la décision attaquée, contient un exposé plus précis des raisons pour lesquelles la Commission a estimé que l’exception mentionnée à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 n’était pas applicable aux documents litigieux. À cet effet, tout d’abord, la Commission a relevé qu’il ressortait de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement que les documents susceptibles de relever de cette disposition devaient avoir trait à une question sur laquelle une institution n’avait pas encore pris de décision. Ensuite, la Commission a indiqué que les documents litigieux concernaient l’appel à propositions EFOP 2.2.5, financé dans le cadre de la gestion partagée, et que, conformément à l’article 34, paragraphe 3, sous d), du règlement nº 1303/2013, l’autorité de gestion nationale était chargée de la préparation et de la publication des appels à propositions. Enfin, la Commission a indiqué que le règlement nº 1303/2013 ne prévoyait aucune prise de décision de sa part dans le cadre de la préparation et de l’approbation d’un appel à propositions régi par le règlement nº 1303/2013.

29      En outre, la Commission a indiqué que, selon une jurisprudence constante, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 supposait qu’il soit démontré que l’accès aux documents litigieux était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection du processus décisionnel de l’institution et que ce risque d’atteinte était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Or, dans le cas d’espèce, l’accès aux documents litigieux ne pouvait pas, selon la Commission, porter une atteinte concrète et effective à un éventuel processus décisionnel. À cet effet, elle a indiqué que les autorités hongroises avaient accepté, dans le cadre d’une autre demande d’accès, référencée GESTDEM 2020/1513, concernant également l’appel à propositions EFOP 2.2.5 et couvrant des documents similaires à ceux dont la divulgation était demandée, qu’elle accorde un accès à ces documents. Par ailleurs, la Commission a relevé qu’une partie des documents demandés, notamment le projet d’appel à propositions lui-même, étaient publics.

30      Par conséquent, de telles indications sont de nature à permettre à la Hongrie de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a décidé d’octroyer l’accès au tiers demandeur aux documents litigieux et à la juridiction compétente d’exercer le contrôle qui lui est dévolu.

31      La Hongrie reproche également à la Commission de s’être écartée, sans motivation particulière, de sa pratique décisionnelle antérieure. En particulier, la Hongrie relève que, aussi bien dans le traitement de la demande d’accès référencée GESTDEM 2020/1513 que dans la décision initiale, la Commission avait refusé d’accorder l’accès aux documents émanant des autorités hongroises sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

32      Il est vrai, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, si une décision de la Commission se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 28 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 54).

33      Il convient toutefois de noter que la Hongrie se borne, pour établir l’existence d’une telle pratique décisionnelle, à renvoyer, d’une part, à la décision initiale et, d’autre part, à la demande d’accès précédente référencée GESTDEM 2020/1513, en indiquant que la Commission avait initialement refusé d’accorder au tiers demandeur l’accès aux documents demandés à la suite de l’opposition des autorités hongroises sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001. Or, la seule invocation de la décision initiale et de la demande d’accès précédente ne saurait établir l’existence d’une pratique décisionnelle constante relative au traitement des demandes d’accès concernant l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

34      Par ailleurs, il convient de constater que, certes, dans la décision initiale, la direction générale de la politique régionale et urbaine de la Commission a refusé d’accorder l’accès aux documents émanant des autorités hongroises sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001.

35      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, en vertu de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, la réponse à une demande initiale d’accès, au sens de l’article 7 du même règlement, ne constitue qu’une première prise de position conférant au demandeur la possibilité d’inviter, en l’espèce, le secrétaire général de la Commission à réexaminer la position en cause (voir arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 80 et jurisprudence citée).

36      Par conséquent, seule la mesure adoptée par le secrétaire général de la Commission, ayant la nature d’une décision et remplaçant intégralement la prise de position précédente, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du demandeur ou, comme en l’espèce, ceux de l’État membre dont les documents émanent et qui s’est opposé à leur divulgation (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 81 et jurisprudence citée).

37      Ainsi, la Commission n’était nullement tenue d’expliquer les raisons pour lesquelles, dans la décision attaquée qui a été adoptée en réponse à la demande confirmative, elle s’est écartée de la décision initiale. En effet, la Commission était uniquement tenue de motiver la solution à laquelle elle est parvenue.

38      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de coopération loyale

39      Le deuxième moyen comporte deux griefs. La Hongrie fait valoir, d’une part, que la Commission n’aurait pas donné aux autorités hongroises la possibilité de mieux exposer leurs motifs ou de réévaluer ces derniers et, d’autre part, que la Commission n’aurait pas examiné d’office la possibilité d’appliquer l’exception tirée de la protection de « la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre » en tant qu’intérêt public, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1049/2001, ou encore celle relative à la confidentialité des « objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement.

40      La Commission conteste les arguments de la Hongrie.

41      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 1049/2001, qui énonce qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans l’accord préalable de celui-ci, ouvre à l’État membre concerné la possibilité de participer à la décision qu’il incombe à l’institution d’adopter et institue, à cet effet, un processus décisionnel aux fins de déterminer si les exceptions matérielles qui sont énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, de ce règlement, s’opposent à ce qu’un accès soit accordé au document considéré. Toutefois, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 ne confère pas à cet État membre un droit de veto général et inconditionnel à l’effet de s’opposer discrétionnairement à la divulgation de documents qui émanent de lui et sont détenus par une institution (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Commission/Breyer, C‑213/15 P, EU:C:2017:563, point 43).

42      Ainsi, dès lors que la mise en œuvre de règles du droit de l’Union européenne est confiée conjointement à l’institution et à l’État membre qui a exercé la faculté ouverte par l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 1049/2001 et que, partant, une telle mise en œuvre est tributaire du dialogue devant se nouer entre eux, ceux-ci sont tenus, conformément à l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’agir et de coopérer en sorte que lesdites règles puissent recevoir une application effective (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 85).

43      Tout d’abord, il s’ensuit que l’institution saisie d’une demande d’accès à un document émanant d’un État membre et ce dernier doivent, dès lors que cette demande a été notifiée par cette institution audit État membre, entamer sans délai un dialogue loyal concernant l’application éventuelle des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 86).

44      Ensuite, l’État membre concerné qui, au terme de ce dialogue, serait opposé à la divulgation du document en cause est tenu de motiver cette opposition au regard desdites exceptions (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 87).

45      L’institution ne saurait en effet donner suite à l’opposition manifestée par un État membre à la divulgation d’un document qui émane de lui si cette opposition est dénuée de toute motivation ou si la motivation avancée n’est pas articulée par référence aux exceptions énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001. Lorsque, nonobstant l’invitation expresse en ce sens adressée par l’institution à l’État membre concerné, ce dernier demeure en défaut de lui fournir une telle motivation, ladite institution doit, si elle considère pour sa part qu’aucune desdites exceptions ne s’applique, donner accès au document sollicité (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 88).

46      Enfin, le dialogue loyal qui caractérise le processus décisionnel institué par l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 1049/2001 implique également l’obligation pour l’institution concernée de permettre à l’État membre de mieux exposer ses motifs ou de réévaluer ces derniers pour qu’ils puissent être considérés, prima facie, comme défendables (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 48 et jurisprudence citée).

47      En l’espèce, s’agissant du premier grief, ainsi qu’il ressort de la lettre du 13 octobre 2021, envoyée par la Commission aux autorités hongroises, la Commission, à la suite de la demande confirmative du tiers demandeur, a entamé sans délai un dialogue avec les autorités hongroises concernant l’application éventuelle des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 1049/2001. À ce titre, d’abord, elle a informé lesdites autorités que, à première vue, après avoir examiné l’applicabilité des exceptions énumérées à l’article 4 du règlement nº 1049/2001, elle estimait que l’accès aux documents mentionnés au point 5 ci-dessus pouvait uniquement être refusé sur le fondement de la protection des données à caractère personnel. Ensuite, tenant compte de l’évaluation préliminaire effectuée, elle a demandé aux autorités hongroises de préciser sur quelle exception, parmi celles énumérées à l’article 4 dudit règlement, elles estimaient que l’accès aux documents susmentionnés pouvait être refusé. Enfin, elle a demandé aux autorités hongroises de motiver leur éventuelle opposition au regard desdites exceptions.

48      Il ressort de ce qui précède, d’une part, que la Commission a indiqué aux autorités hongroises qu’elle considérait que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 n’était pas, à première vue, applicable et, d’autre part, qu’elle a donné la possibilité auxdites autorités de contredire cette analyse ou de présenter un raisonnement alternatif, en les invitant à produire des justifications détaillées et motivées.

49      Partant, la Hongrie n’est pas fondée à affirmer que la Commission ne lui a pas donné la possibilité de mieux exposer ses motifs ou de faire valoir d’autres motifs de refus possibles avant d’adopter la décision attaquée.

50      S’agissant du second grief, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la lettre du 13 octobre 2021, la Commission a informé les autorités hongroises qu’elle avait examiné l’applicabilité de toutes les exceptions énumérées à l’article 4 du règlement nº 1049/2001 et qu’elle en concluait que l’accès pouvait uniquement être refusé sur le fondement de la protection des données à caractère personnel.

51      Par ailleurs, il y a lieu de constater que la Hongrie n’a pas fondé son opposition à la divulgation des documents litigieux sur les dispositions de l’article 4, paragraphes 1 ou 2, du règlement nº 1049/2001.

52      Partant, la Hongrie n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir expliqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a considéré que les exceptions tirées de la protection de « la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre » et des « objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit » n’étaient pas applicables en l’espèce.

53      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001

54      Le troisième moyen se décompose en trois branches.

55      Dans le cadre de la première branche, la Hongrie considère, en substance, que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 trouve à s’appliquer dans la présente affaire, dans la mesure où un processus décisionnel de la Commission est en cours. À titre subsidiaire, dans le cadre de la deuxième branche, la Hongrie soutient que, même en l’absence de processus décisionnel de la Commission, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 devrait être interprété comme protégeant également le processus de l’autorité de gestion nationale chargée de finaliser un projet d’appel à propositions régi par le règlement no 1303/2013, tel que l’appel à propositions EFOP 2.2.5. Enfin, dans le cadre de la troisième branche, la Hongrie soutient que la divulgation des documents litigieux porte une atteinte effective, grave et concrète au processus décisionnel en cours lié à la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’existence d’un processus décisionnel de la Commission en cours

56      Cette première branche est composée de deux griefs.

57      Au soutien du premier grief, la Hongrie soutient que, quand bien même il appartient à l’autorité de gestion nationale d’adopter la décision sur la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, il ne saurait être fait abstraction du fait que cette décision est prise dans le contexte d’une gestion partagée des Fonds ESI. À cet effet, la Hongrie fait valoir que, en tenant compte des pouvoirs d’audit de la Commission et de la possibilité pour celle-ci d’effectuer des corrections financières, il est dans l’intérêt de l’autorité de gestion nationale de suivre les orientations qu’elle reçoit de la Commission. Ainsi, dans un domaine affectant les ressources financières de l’Union et dans lequel la Commission veille à une utilisation légale et régulière des Fonds ESI, la décision est certes prise par l’autorité de gestion nationale, mais dans le cadre défini par l’institution et sous son contrôle ultérieur, ce qui témoignerait d’une participation de la Commission au processus décisionnel.

58      Au soutien du second grief, la Hongrie allègue que la Commission dispose de prérogatives en matière de modification des programmes opérationnels régis par le règlement nº 1303/2013. Or, la Hongrie soutient qu’elle souhaite présenter une demande dûment motivée de modification du programme opérationnel, qui pourrait affecter l’allocation des ressources liées à l’appel à propositions EFOP 2.2.5. La Hongrie conteste, par ailleurs, le fait que le processus décisionnel de la Commission tendant à l’approbation d’une demande de modification d’un programme opérationnel ne prend cours qu’après l’introduction de la demande formelle de modification dudit programme. Selon la Hongrie, c’est à partir du moment où un dialogue s’instaure entre l’État membre et la Commission pour déterminer l’orientation de la future modification que commence le processus décisionnel de la Commission au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

59      La Commission conteste les arguments de la Hongrie.

60      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 48 et jurisprudence citée).

61      Cet objectif fondamental de l’Union est également reflété, d’une part, à l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit, notamment, que les institutions, les organes et les organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture, principe également réaffirmé à l’article 10, paragraphe 3, TUE et à l’article 298, paragraphe 1, TFUE, ainsi que, d’autre part, par la consécration du droit d’accès aux documents à l’article 42 de la Charte (voir arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 74 et jurisprudence citée).

62      À cette fin, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible, sous réserve d’un régime d’exceptions fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, lesquelles, dérogeant au principe posé à cet article, doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt du 7 septembre 2023, Breyer/REA, C‑135/22 P, EU:C:2023:640, point 70 et jurisprudence citée).

63      Parmi les exceptions à cet accès figure celle énoncée à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001, dont il ressort que l’accès à un document d’une institution de l’Union qui a été établi pour son usage interne ou qui a été reçu par cette institution et qui a trait à une question sur laquelle ladite institution n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où la divulgation de ce document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie cette divulgation, ces conditions étant cumulatives.

64      En l’espèce, les documents litigieux concernent la correspondance que les autorités hongroises ont adressée à la Commission au sujet de la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5. Ils ont trait à un échange de vues internes sur ledit projet d’appel à propositions qui, à la date de l’adoption de la décision attaquée, n’avait pas encore fait l’objet d’une publication définitive.

65      Ainsi, il convient d’analyser le cadre institutionnel défini par le règlement nº 1303/2013, pour déterminer si, dans le cadre de la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, la Commission était amenée à adopter une décision.

66      À titre liminaire, il convient de relever que les Fonds ESI relèvent de la gestion partagée.

67      À ce titre, il ressort de l’article 63, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) nº 1296/2013, (UE) nº 1301/2013, (UE) nº 1303/2013, (UE) nº 1304/2013, (UE) nº 1309/2013, (UE) nº 1316/2013, (UE) nº 223/2014, (UE) nº 283/2014 et la décision nº 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), que, « [l]orsque la Commission exécute le budget en gestion partagée, les tâches liées à l’exécution budgétaire sont déléguées aux États membres ».

68      Par ailleurs, selon l’article 73 du règlement nº 1303/2013. « [c]onformément au principe de gestion partagée, les États membres et la Commission sont responsables de la gestion et du contrôle des programmes en fonction des responsabilités qui leur incombent en vertu du présent règlement et des règles spécifiques des Fonds ».

69      En particulier, l’article 74 du règlement nº 1303/2013 se réfère aux responsabilités des États membres dans le cadre de la gestion partagée. À cet égard, il ressort de l’article 74, paragraphe 1, dudit règlement que « [l]es États membres remplissent les obligations de gestion, de contrôle et d’audit et assument les responsabilités qui en découlent, prévues par les dispositions relatives à la gestion partagée du règlement financier et des règles spécifiques des Fonds ».

70      En outre, l’article 75 du règlement nº 1303/2013 détermine les pouvoirs et les responsabilités de la Commission. À ce titre, il ressort du paragraphe 1 dudit article que la Commission s’assure que les États membres ont mis en place des systèmes de contrôle et que ces systèmes fonctionnent efficacement pendant la mise en œuvre des programmes.

71      En ce qui concerne les responsabilités des États membres, il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 1303/2013 confie aux États membres, au niveau territorial approprié, conformément à leur cadre institutionnel, juridique et financier, et aux organismes désignés par eux à cette fin, la préparation et la mise en œuvre des programmes opérationnels et l’exécution de leurs tâches, en partenariat avec les partenaires concernés visés à l’article 5 du même règlement.

72      Dans ce cadre, il ressort de l’article 34, paragraphe 3, sous d), du règlement nº 1303/2013 que l’élaboration et la publication des appels à propositions relèvent de la responsabilité exclusive des États membres.

73      Par ailleurs, l’article 125, paragraphe 3, du règlement nº 1303/2013 dispose que, s’agissant de la sélection des opérations, c’est à l’autorité de gestion nationale qu’il incombe d’établir et, après approbation, d’appliquer des procédures et des critères appropriés de sélection des opérations financées par les Fonds ESI.

74      Ainsi qu’il ressort de l’article 110, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1303/2013, l’approbation qui est mentionnée à l’article 125, paragraphe 3, dudit règlement fait référence à l’approbation de la méthode et des critères de sélection des opérations par le comité de suivi institué par l’État membre conformément aux articles 47 et 48 du même règlement et non à une approbation par la Commission.

75      Les dispositions susmentionnées montrent que les appels à propositions régis par le règlement nº 1303/2013, qui définissent les critères à respecter en vue de la sélection des opérations ayant vocation à être financées par les Fonds ESI, relèvent de la responsabilité exclusive des États membres.

76      Il en découle que le règlement nº 1303/2013 ne confère pas de compétence particulière à la Commission dans le processus de finalisation d’un appel à propositions régi par ce règlement, de sorte que cette dernière était fondée à considérer que, à première vue, elle n’était pas amenée à prendre une décision relative à l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

77      Toutefois, il incombe au Tribunal d’examiner les griefs invoqués par la Hongrie au soutien de la présente branche.

–       Sur le premier grief, tiré de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 en raison de l’influence de la Commission sur la finalisation du projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5

78      La Hongrie soutient que le fait que la Commission peut, dans le cadre du processus décisionnel de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, formuler des observations ou, ultérieurement, contrôler le respect de ses observations, sous peine de corrections financières, conditionne, dans une large mesure, la décision de l’autorité de gestion nationale concernant la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5. Cette influence de la Commission, dans le cadre de la gestion partagée, doit être comprise en ce sens qu’une décision émanant d’une autorité de gestion nationale, bien que n’étant pas formellement une décision de la Commission, fait partie intégrante du processus décisionnel de cette dernière. Ainsi, selon la Hongrie, les consultations et les délibérations internes entre l’autorité de gestion nationale et la Commission, dans le cadre de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, doivent être protégées au titre de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001, même si la Commission n’est pas amenée à adopter une décision au sens strict du terme.

79      L’argumentation de la Hongrie soulève la question de la portée de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001. Plus précisément, il appartient au Tribunal de déterminer si, dans le cadre de la gestion partagée, lorsque la Commission engage un dialogue avec les autorités hongroises, à propos de la finalisation d’un appel à propositions financé par les Fonds ESI, le processus décisionnel de la Commission inclut également le dialogue susmentionné, sans que ce dernier aboutisse nécessairement à l’adoption d’une décision de la part de la Commission.

80      Conformément à une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 13 juillet 2023, G GmbH, C‑134/22, EU:C:2023:567, point 25 et jurisprudence citée).

81      S’agissant du libellé de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001, il convient de rappeler qu’il vise les documents ayant trait à une question sur laquelle une institution n’a pas encore pris de décision, ce qui renvoie à l’évidence à la notion de « processus décisionnel de l’institution en cours » au moment de l’introduction de la demande d’accès.

82      À cet effet, la Cour a, en substance, jugé qu’il n’était possible de refuser l’accès à un document sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 que pour autant que le processus de décision se rapporte à la prise d’une décision (arrêt du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE, C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, point 73).

83      En ce qui concerne l’interprétation contextuelle, il convient d’observer que l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 opère une distinction claire en fonction du fait qu’une procédure est clôturée ou non. Ainsi, selon le premier alinéa de cette disposition, relève du champ d’application de l’exception visant la protection du processus décisionnel tout document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui concerne une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision. Le second alinéa de la même disposition prévoit que, après que la décision a été prise, l’exception en cause couvre uniquement les documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 78).

84      Ainsi, la protection conférée par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 s’achève avec la prise d’une décision.

85      S’agissant de l’interprétation téléologique, ainsi qu’il ressort du point 62 ci-dessus, toute interprétation de l’article en question allant au-delà du libellé même viendrait à étendre le champ d’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

86      Ainsi, il résulte des points 81 à 85 ci-dessus que l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 est subordonnée à l’identification d’un processus au terme duquel une institution de l’Union est habilitée par le droit de l’Union à adopter une décision déterminée.

87      En l’espèce, premièrement, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 76 ci-dessus, la Commission n’était pas amenée à prendre une décision déterminée concernant la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

88      Deuxièmement, si la Hongrie soutient que, dans le cadre du processus de finalisation de l’appel à propositions, des consultations ou des délibérations internes ont lieu entre l’autorité de gestion nationale et la Commission, elle ne soutient pas que la Commission est amenée à adopter une décision.

89      Troisièmement, si la Commission pouvait formuler des observations concernant le projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5, notamment au regard de sa cohérence avec le programme opérationnel dont ledit projet relevait et afin de garantir que les Fonds ESI soient utilisés par les autorités hongroises de manière légale et régulière, il n’en découle pas pour autant que ces observations caractérisent l’existence d’un processus décisionnel propre à la Commission et permettent d’assimiler ledit appel à propositions à une décision de cette institution. En effet, ces observations ne préjugent en rien des décisions que la Commission pourrait prendre, telles que la décision de procéder à une correction financière ou celle visant à suspendre des paiements associés à l’appel à propositions.

90      De surcroît, lorsque la Commission exprime des doutes ou des préoccupations quant à la régularité d’un projet d’appel à propositions régi par le règlement nº 1303/2013, il convient de relever que l’autorité de gestion nationale peut décider de mettre en œuvre les modifications proposées par la Commission, s’assurant ainsi que ledit projet continuera de bénéficier d’un cofinancement de l’Union, sans qu’aucune décision de la Commission soit nécessaire. Par ailleurs, l’autorité de gestion nationale peut également décider de ne pas modifier l’appel à propositions et financer le projet uniquement sur la base de fonds engagés par l’État membre. En outre, en cas d’incompatibilité d’un projet d’appel à propositions avec le programme opérationnel approuvé par la Commission, il appartient aux autorités nationales d’en tirer les conséquences au regard du droit national, en tenant compte du droit de l’Union.

91      À ce titre, il convient de relever que rien ne fait obstacle à ce que l’État membre concerné par une décision de la Commission tendant à l’interruption des délais de paiement, à la suspension des paiements associés à un appel à propositions régi par le règlement nº 1303/2013 ou à l’annulation de tout ou partie de la contribution de l’Union à un programme opérationnel décide d’assumer sur ses fonds propres la partie désengagée du financement de l’Union afin de financer les projets attribués en vertu de l’appel à propositions. À cet égard, il convient, en particulier, de relever que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 1303/2013, les Fonds ESI sont conçus comme un complément des actions nationales, régionales ou locales correspondantes ou une contribution à celles-ci, le considérant 87 dudit règlement précisant également que le soutien des Fonds ESI ne devrait pas se substituer aux dépenses publiques ou aux dépenses structurelles équivalentes engagées par les États membres (voir ordonnance du 2 septembre 2020, ENIL Brussels Office e.a./Commission, T‑613/19, non publiée, EU:T:2020:382, point 36 et jurisprudence citée).

92      Dès lors, la simple participation de la Commission à une procédure régie par les règles budgétaires de la gestion partagée ne saurait justifier que cette procédure relève du processus décisionnel de cette institution au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001. En effet, ainsi qu’il ressort des points 68 à 74 ci-dessus, la délégation, par la Commission, aux autorités de gestion nationales, qui caractérise la gestion partagée, demeure sans incidence sur les compétences respectives de celle-ci et des États membres clairement définies par les dispositions du règlement nº 1303/2013, de sorte que les processus décisionnels de l’une et des autres ne sauraient être confondus.

93      Il ressort de ce qui précède que, dans le cadre du processus de finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, la Commission n’était pas amenée à adopter une décision. Ainsi, les documents reçus par la Commission au cours des consultations et des délibérations internes qui ont eu lieu entre l’autorité de gestion nationale et la Commission dans le cadre d’un tel processus ne peuvent pas être considérés comme ayant trait à un processus décisionnel d’une institution de l’Union en cours. Par conséquent, ils ne peuvent pas être regardés comme « [ayant] trait à une question sur laquelle [une institution de l’Union] n’a pas encore pris de décision », au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

94      Une solution inverse se heurterait à l’exigence rappelée au point 62 ci-dessus d’interpréter de manière stricte l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

95      Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief de la première branche du troisième moyen comme étant non fondé.

–       Sur le second grief, tiré de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 en raison de la compétence de la Commission en matière de modification des programmes opérationnels régis par le règlement nº 1303/2013

96      Au soutien du second grief, la Hongrie relève que, même s’il appartient à l’autorité nationale de gestion d’adopter la décision relative à la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, la Commission est appelée, en vertu de l’article 30, paragraphe 2, du règlement nº 1303/2013, à prendre une décision sur la modification des programmes opérationnels.

97      À cet égard, il ressort de l’article 30, paragraphe 2, du règlement nº 1303/2013 que le rôle de la Commission est de veiller à ce que les modifications des programmes opérationnels proposées par les États membres respectent les dispositions légales et les exigences de l’Union. Dans ce cadre, la Commission évalue les propositions de modification soumises par l’État membre concerné et peut formuler des recommandations et des observations sur ces propositions avant d’adopter une décision finale concernant l’approbation des modifications. Ainsi, si une proposition de modification d’un programme opérationnel est jugée conforme aux exigences de l’Union, la Commission l’approuve formellement.

98      Partant, en cas de modification du programme opérationnel dont relève l’appel à propositions EFOP 2.2.5, il pourrait être considéré que la Commission devait adopter une décision et qu’un processus décisionnel de la Commission était alors en cours.

99      Toutefois, d’une part, il convient de relever que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, les autorités hongroises n’avaient pas présenté de demande de modification du programme opérationnel dont relevait le projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5.

100    D’autre part, les documents litigieux ne concernaient pas une hypothétique demande de modification du programme opérationnel que la Hongrie pouvait introduire, mais avaient trait à un échange de vues entre la Commission et l’autorité de gestion nationale sur le projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5. Au demeurant, la Hongrie reste en défaut d’expliquer en quoi l’accès à la correspondance échangée entre la Commission et l’autorité de gestion nationale concernant la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5 aurait pu compromettre le processus décisionnel relatif à une autre procédure, à savoir une hypothétique demande de modification du programme opérationnel.

101    Il s’ensuit que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, aucun processus décisionnel de la Commission n’était en cours et que, par conséquent, la Hongrie ne pouvait pas valablement fonder son opposition à la divulgation des documents litigieux sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001.

102    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief de la première branche du troisième moyen comme étant non fondé et, partant, la première branche du troisième moyen dans son ensemble.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 au processus décisionnel des autorités de gestion nationales

103    À titre subsidiaire, la Hongrie soutient que, si le Tribunal devait juger que ce n’était pas la Commission, mais l’autorité de gestion nationale qui, dans le cas d’espèce, était habilitée à prendre une décision, par la publication d’un appel à propositions, le processus décisionnel de l’autorité de gestion nationale devrait alors également bénéficier de la protection conférée par l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001.

104    La Hongrie relève que, certes, conformément à son libellé, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 protège uniquement le processus décisionnel des institutions, mais que, toutefois, compte tenu de la spécificité de la présente affaire, il conviendrait de ne pas limiter le champ d’application de cette disposition aux seules institutions de l’Union.

105    En premier lieu, elle fait valoir que les agences de l’Union sont habilitées à invoquer cette exception afin de protéger leur propre processus décisionnel.

106    En second lieu, la Hongrie relève, en substance, qu’une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 reviendrait à ce que la possibilité pour les États membres de demander, conformément à l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement, que soit refusée la divulgation de documents compte tenu des motifs énoncés à l’article 4, paragraphes 1 à 3 dudit règlement soit, en pratique, dépourvue de contenu. À ce titre, elle relève que les États membres pourraient uniquement invoquer les exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du même règlement et ne seraient, dès lors, pas en mesure de protéger le processus décisionnel de leurs propres autorités, ce qui mettrait en péril celui-ci et établirait ainsi, dans un domaine affectant les ressources financières de l’Union, une discrimination injustifiée fondée sur la personne qui prend la décision.

107    Par ailleurs, les intérêts légitimes de l’État membre, dont le droit national permettrait de refuser l’accès aux documents demandés, ne seraient pas protégés, le droit de l’Union permettant de contourner la règle nationale en s’adressant directement à l’institution de l’Union. La Hongrie relève que cela nuirait à la confiance des États membres envers les institutions et il en résulterait une diminution de l’efficacité du processus de concertation entre les États membres et la Commission.

108    La Commission conteste les arguments de la Hongrie.

109    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 1er, sous a), du règlement n° 1049/2001, le terme « institution » désigne dans ce règlement le Parlement, le Conseil ou la Commission, tandis que l’article 3, sous b), dudit règlement désigne, par le terme « tiers », toute personne physique ou morale ou entité extérieure à l’institution concernée, y compris les États membres et les institutions non communautaires.

110    En l’espèce, en premier lieu, il ressort des dispositions de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 que cet article ne vise pas à protéger les processus décisionnels des États membres ou des personnes morales autres que les institutions de l’Union. En effet, le libellé même de cette disposition vise uniquement les documents ayant trait à « une question sur laquelle [l’institution] n’a pas encore pris de décision ».

111    En deuxième lieu, il convient de rappeler que le législateur de l’Union a notamment aboli la règle de l’auteur qui prévalait dans l’état du droit antérieur à celui du règlement nº 1049/2001. Une telle règle impliquait que, lorsqu’un document détenu par une institution avait pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou un autre organe communautaire ou encore tout autre organisme national ou international, la demande d’accès au document devait être adressée directement à l’auteur de ce document (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 56).

112    Ainsi, interpréter l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 comme protégeant également le processus décisionnel des autorités de gestion nationales reviendrait à réintroduire, au moins partiellement et d’une manière détournée, ladite règle de l’auteur pour tout document affectant la prise de décision d’un État membre. Or, une telle interprétation ne serait compatible ni avec l’objet ni avec la finalité de l’article 15 TFUE et du règlement nº 1049/2001 qui est d’accorder au public un droit d’accès aux documents des institutions dans tous les domaines d’activité de l’Union qui soit le plus large possible.

113    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort du point 62 ci-dessus, toute interprétation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 allant au-delà du libellé même viendrait à étendre le champ d’application de l’exception prévue à cette disposition. Il s’agirait donc d’une interprétation extensive de celle-ci qui ne permettrait pas de circonscrire la portée du motif de refus concerné.

114    Ces appréciations ne sauraient être remises en cause par les autres arguments de la Hongrie.

115    En premier lieu, la Hongrie soutient qu’une interprétation littérale de l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 ne permettrait pas aux agences de l’Union d’invoquer ledit article afin de protéger leur propre processus décisionnel dans la mesure où les dispositions particulières permettant d’étendre le règlement nº 1049/2001 aux agences ne concernent que le champ d’application proprement dit de ce règlement, mais n’en modifient pas le contenu, dont l’article 4 du même règlement relatif aux exceptions à la divulgation des documents. Or, la Hongrie relève que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 février 2018, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA (T‑729/15, EU:T:2018:67), ni le Tribunal ni la Cour, qui a confirmé l’arrêt précité sur pourvoi, n’ont contesté l’application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 au processus décisionnel d’une agence.

116    À cet égard, il convient de constater que l’application du règlement nº 1049/2001 a été étendue aux agences de l’Union, en vertu d’une disposition particulière dans leurs règlements constitutifs. En particulier, en ce qui concerne l’Agence européenne des médicaments (EMA), l’article 73 du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), prévoit expressément que le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus par l’EMA et que son conseil d’administration arrête les modalités d’application de ce règlement.

117    Ainsi, en application des dispositions particulières figurant dans leurs règlements constitutifs, les agences sont en droit d’appliquer toutes les exceptions prévues à l’article 4 du règlement nº 1049/2001 de la même manière que les institutions le font pour tous les documents qu’elles détiennent.

118    Il s’ensuit que, ainsi que le relève à juste titre la Commission, l’application du règlement nº 1049/2001 aux procédures décisionnelles de l’EMA et des autres agences de l’Union résulte de règles claires et univoques du droit dérivé de l’Union et n’est pas le résultat d’une interprétation large, par le Tribunal, de la notion d’« institution » au sens dudit règlement.

119    En deuxième lieu, la Hongrie relève qu’une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 conduirait à ce que la possibilité pour les États membres de demander, conformément à l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement, que soit refusée la divulgation de documents compte tenu des motifs énoncés à l’article 4, paragraphe 3 soit, en pratique, dépourvue de contenu.

120    À ce titre, il est vrai que la jurisprudence a admis qu’un État membre pouvait invoquer l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 (arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 76, 81, 83 et 93, et du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, points 62 à 66).

121    Toutefois, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 s’applique à des documents émanant des États membres reçus par une institution de l’Union qui ont trait à un processus décisionnel de celle-ci en cours. Cet article ne s’applique donc pas à des documents qui ont trait au processus décisionnel d’un État membre.

122    En troisième lieu, les arguments de la Hongrie tirés de la mise en péril du processus décisionnel des autorités de gestion nationales et de la protection des intérêts légitimes des États membres, dont le droit national assure la protection, ne peuvent pas non plus prospérer.

123    En effet, l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001 prévoit que ce règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution de l’Union, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession dans tous les domaines d’activités de l’Union. Il ressort donc de cet article que, en principe, sous réserve des documents qualifiés de sensibles qui font l’objet d’un traitement particulier conformément au paragraphe 5 de ce même article, un document transmis, par une autorité nationale, à une institution de l’Union est, à partir de ce moment, exclusivement soumis au droit de l’Union et sous la responsabilité de cette institution dans le cadre d’une demande d’accès au document adressée à cette institution.

124    Par ailleurs, il convient de relever que les intérêts légitimes des États membres peuvent également être protégés par l’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1049/2001.

125    En quatrième lieu, la Hongrie relève que le fait de ne pas protéger le processus décisionnel des autorités de gestion nationales nuirait à la confiance des États membres envers les institutions et qu’il en résulterait une diminution de l’efficacité du processus de concertation entre les États membres et la Commission.

126    Il convient de relever que la simple référence à un risque de répercussions négatives sur la communication entre les États membres et les institutions et à la diminution de l’efficacité du processus de concertation entre les parties ne saurait suffire pour considérer que le processus décisionnel des autorités de gestion nationales devrait également être protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001. En effet, cela reviendrait à donner aux États membres un droit discrétionnaire en la matière ou, à tout le moins, à subordonner la politique d’accès aux documents mise en œuvre par ce règlement aux politiques nationales s’y rapportant. Or, cela ne serait compatible ni avec le système d’accès aux documents établi par le règlement n° 1049/2001 ni avec l’obligation d’une coopération loyale avec la Commission incombant aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Batchelor/Commission, T‑250/08, EU:T:2011:236, point 80 et jurisprudence citée).

127    Il en découle que l’exception tirée de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 ne saurait être interprétée comme protégeant également le processus décisionnel d’une autorité de gestion nationale. Partant, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’une atteinte grave, effective et concrète à la protection du processus décisionnel lié à la finalisation du projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5

128    Au soutien de cette branche, la Hongrie soutient que rendre publique l’intégralité de la correspondance échangée entre les autorités hongroises et la Commission concernant l’appel à propositions EFOP 2.2.5 pourrait compromettre la finalisation dudit appel, dans la mesure où la divulgation des documents litigieux pourrait conférer à certaines organisations une information privilégiée qui leur permettrait de mieux préparer leurs candidatures à l’appel à propositions au détriment d’autres organisations concurrentes qui ne disposent pas du même niveau d’information.

129    Dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, à titre surabondant, si la condition mentionnée au point 63 ci-dessus et tirée d’une atteinte grave à la protection du processus décisionnel est remplie et d’analyser ainsi les motifs avancés par la Hongrie pour justifier l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001, à supposer que cette disposition soit applicable en l’espèce.

130    À cet égard, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception au droit d’accès prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 51 et jurisprudence citée).

131    Plus précisément, l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 suppose qu’il soit démontré que l’accès aux documents demandés était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à la protection du processus décisionnel de l’institution et que ce risque d’atteinte était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 63 et jurisprudence citée).

132    De surcroît, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation du document visé a un impact substantiel sur le processus décisionnel. L’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs de cette divulgation sur le processus décisionnel invoqués par l’institution (voir arrêt du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 71 et jurisprudence citée).

133    En l’espèce, les motifs avancés par la Hongrie ne permettent pas de déterminer en quoi la divulgation des documents litigieux pourrait affecter, de manière effective, grave et concrète, le processus décisionnel de la Commission.

134    En effet, la Hongrie se borne à soutenir que la divulgation des documents litigieux pourrait gravement compromettre les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence, dans la mesure où des bénéficiaires potentiels de l’appel à propositions EFOP 2.2.5 pourraient obtenir des informations leur procurant un avantage concurrentiel déloyal.

135    Or, il convient de relever que les affirmations de la Hongrie ne sont aucunement étayées par une argumentation circonstanciée, ni par des éléments de preuve de nature à démontrer que le risque réel d’un avantage concurrentiel déloyal existait si les documents litigieux avaient été divulgués avant que l’autorité de gestion nationale n’adopte définitivement l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

136    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la simple référence à un risque de répercussions négatives lié à l’accès à des documents internes et à la possibilité que des intéressés puissent exercer une influence sur la procédure ne saurait suffire pour prouver que la divulgation desdits documents porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution concernée (arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 83).

137    En outre, la Hongrie n’a pas apporté de précisions permettant de contester l’analyse de la Commission selon laquelle la divulgation des documents litigieux ne pouvait pas, à la date de l’adoption de la décision attaquée, compromettre le processus décisionnel en cours lié à la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5, dans la mesure où le contenu de cet appel à propositions était, à cette date, accessible en ligne au public.

138    En effet, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de son appréciation du risque que la divulgation d’un document porte atteinte à un intérêt protégé par l’article 4 du règlement nº 1049/2001, le Tribunal peut prendre en considération le fait que l’essentiel du contenu du document, dont la divulgation est demandée, a déjà été rendu public préalablement à l’adoption de la décision refusant ou non l’accès audit document (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 60).

139    Par ailleurs, la Commission relève que l’intégralité des documents émanant de la Commission a été communiquée au tiers demandeur. Ainsi, ce dernier dispose d’une connaissance précise du contexte et du sujet des discussions entre la Commission et les autorités hongroises en ce qui concerne le projet d’appel à propositions EFOP 2.2.5.

140    Dès lors, l’obligation fixée par la jurisprudence d’apprécier de manière stricte l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement nº 1049/2001 conduit à constater que la Hongrie n’a pas démontré que la divulgation des documents litigieux aurait emporté, à la date à laquelle cette divulgation était demandée, une atteinte effective et grave au processus décisionnel lié à la finalisation de l’appel à propositions EFOP 2.2.5.

141    C’est donc à juste titre que la Commission a retenu que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le motif invoqué par la Hongrie, relatif à un risque d’avantage concurrentiel déloyal, n’était pas fondé.

142    Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la troisième branche du troisième moyen comme étant non fondée et, dès lors, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001

143    Au soutien de ce moyen, la Hongrie fait valoir que, si le Tribunal devait juger que l’activité de gestion partagée de la Commission ne saurait relever du processus décisionnel de cette dernière, il ne fait aucun doute que cette activité devrait être regardée comme relevant du champ d’application des activités d’enquête mentionnées à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001.

144    Il convient d’indiquer que la Hongrie n’étaye aucunement son allégation selon laquelle l’activité de gestion partagée de la Commission devrait être regardée comme relevant du champ d’application des activités d’enquête mentionnées à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001.

145    Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. En particulier, toute requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 102 et jurisprudence citée).

146    Ainsi, dans la mesure où l’argument de la Hongrie selon lequel l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001 devrait s’appliquer au cas d’espèce ne répond pas aux exigences mentionnées par l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il convient de le rejeter comme étant irrecevable.

147    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

149    En l’espèce, la Hongrie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Truchot

Kanninen

Buttigieg

Sampol Pucurull

 

      Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.