Language of document : ECLI:EU:T:2008:84

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er avril 2008 (*)

« Recevabilité – Recours en annulation – Recours en indemnité – Coopération policière et judiciaire en matière pénale − Article 6, paragraphe 2, UE, articles 34 UE et 35 UE − Décision-cadre 2001/220/JAI –Incompétence manifeste – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑412/07,

Ammayappan Ayyanarsamy, demeurant à Heidenheim (Allemagne), représenté par MH. Kotzur, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes,

et

République fédérale d’Allemagne,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la lettre de la Commission du 18 septembre 2007, informant le requérant qu’elle ne peut pas intervenir en sa faveur devant les juridictions allemandes et, d’autre part, une demande en indemnité visant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait du comportement des autorités allemandes,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur) président, M. Prek et V. Ciucă, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Entre juillet et septembre 2007 le requérant a adressé à la direction générale « Justice, liberté et sécurité » de la Commission plusieurs lettres, dans lesquelles il se plaignait du comportement prétendument criminel de fonctionnaires de la République fédérale d’Allemagne dont il aurait été victime, ainsi que d’un prétendu traitement discriminatoire et raciste par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne). Le requérant demandait à la Commission d’ordonner à la République fédérale d’Allemagne de lui verser une indemnité provisoire, à défaut de quoi la Commission devait saisir les juridictions communautaires de l’affaire. À l’appui de sa demande, le requérant invoquait, notamment, les articles 230 CE et 232 CE, l’article 6 UE et le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2). En annexe à ses lettres, le requérant a transmis à la Commission plusieurs décisions de différentes juridictions allemandes rejetant ses plaintes et demandes.

2        Par lettre du 18 septembre 2007, la Commission a informé le requérant qu’elle ne pouvait pas intervenir en sa faveur devant les juridictions allemandes, dès lors que la responsabilité du maintien de l’ordre public incombe aux États membres. La Commission a ajouté qu’elle n’avait pu établir aucun lien entre les prétendues violations des droits fondamentaux du requérant et les dispositions du droit communautaire invoquées par ce dernier. S’agissant de l’application du règlement n° 1408/71, la Commission a rappelé au requérant qu’elle avait fait l’objet d’une réponse séparée, envoyée antérieurement.

 Procédure et conclusions des parties

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2007, le requérant a introduit le présent recours.

4        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 18 septembre 2007 ;

–        constater que la République fédérale d’Allemagne a violé l’article 6, paragraphe 2, UE et l’article 9 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (JO L 82, p. 1, ci‑après la « décision-cadre ») ;

–        ordonner à la République fédérale d’Allemagne de s’acquitter envers lui de ses obligations financières découlant desdites dispositions ;

–        condamner la Commission et la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

5        Par ailleurs, tout en indiquant qu’il choisit l’allemand, langue de rédaction de la requête, comme langue de procédure, le requérant demande au Tribunal, conformément à l’article 35, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, de lui permettre de « formuler ses arguments en anglais ».

 En droit

6        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque ce dernier est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

7        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de ne pas poursuivre la procédure.

8        Le premier chef de conclusions du requérant vise l’annulation de la décision de la Commission, prétendument contenue dans sa lettre du 18 septembre 2007, adressée au requérant. À cet égard, le requérant fait valoir que la République fédérale d’Allemagne refuse de reconnaître son droit à une indemnisation pour des infractions dont il aurait été victime et de lui verser une indemnité provisoire, en violation de l’article 9 de la décision‑cadre. En outre, ce comportement de la République fédérale d’Allemagne méconnaîtrait également les droits fondamentaux, reconnus par l’article 6, paragraphe 2, UE et par la Constitution allemande.

9        Le requérant ajoute que le refus de la Commission de prendre position et de sanctionner la République fédérale d’Allemagne pour la violation alléguée de la décision‑cadre porte atteinte aux droits qu’il tire notamment de l’article 6, paragraphe 2, UE, de l’article 31 UE et de l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE, lus à la lumière de l’arrêt de la Cour du 28 juin 2007, Dell’Orto (C‑467/05, Rec. p. I‑5557). L’affirmation de la Commission selon laquelle le maintien de l’ordre public incombe aux États membres ne saurait être retenue, dès lors que, s’il s’agissait d’une affaire purement interne, la Commission ne pourrait pas exercer, contre la République fédérale d’Allemagne, les compétences tirées des articles 17 et 18 de la décision‑cadre.

10      Selon le requérant, la compétence du Tribunal pour la prétendue violation de l’article 6, paragraphe 2, UE est fondée sur l’article 230 CE. S’agissant de la prétendue violation de l’article 9 de la décision‑cadre, la compétence du Tribunal serait fondée sur l’article 35, paragraphe 6, UE.

11      Dès lors que le requérant a fondé son recours, notamment, sur l’article 230 CE, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; arrêts du Tribunal du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice, T‑32/89 et T‑39/89, Rec. p. II‑281, point 21 et du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, non encore publié au Recueil, point 34 ).

12      En revanche, toute lettre d’une institution communautaire envoyée en réponse à une demande formulée par son destinataire ne constitue pas une décision au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, ouvrant ainsi au destinataire la voie du recours en annulation (ordonnance de la Cour du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement, C‑25/92, Rec. p. I-473, point 10, et ordonnance du Tribunal du 11 décembre 1998, Scottish Soft Fruit Growers/Commission, T‑22/98, Rec. p. II‑4219, point 34).

13      En particulier, si l’institution communautaire concernée n’est pas en mesure de donner suite à une demande qui lui a été adressée, dès lors qu’il n’existe aucune disposition lui permettant d’adopter une décision dans le sens souhaité par l’auteur de la demande, la lettre par laquelle, à titre de courtoisie, l’auteur de la demande est informé de cette impossibilité ne saurait être assimilée à la communication d’une décision au sens de l’article 230 CE (voir, en ce sens, ordonnance Miethke/Parlement, précitée, points 15 et 16).

14      En l’espèce, le Tribunal constate que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, les articles 17 et 18 de la décision‑cadre ne prévoient aucune compétence de la Commission pour adopter des mesures en cas de violation de ladite décision par un État membre. L’article 17 de la décision‑cadre ne se réfère nullement à la Commission, tandis que l’article 18 prévoit seulement que chaque État membre transmet, notamment, à la Commission le texte des dispositions qui transposent, dans l’ordre juridique national, les obligations imposées par la décision‑cadre et que la Commission présente au Conseil un rapport écrit, qui sert de base à l’évaluation, par le Conseil, des mesures prises par les États membres.

15      Par ailleurs, ni l’article 6, paragraphe 2, UE, ni l’article 31 UE, ni l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE, également invoqués par le requérant, ni aucune autre disposition du droit communautaire ne prévoient une compétence de la Commission pour adopter des mesures en cas de violation, par un État membre, d’une décision‑cadre adoptée au titre de l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE.

16      Il s’ensuit que la lettre de la Commission du 18 septembre 2007, visée par la première conclusion, ne contient aucune décision susceptible de recours au titre de l’article 230 CE, mais se limite à informer le requérant de l’impossibilité de donner suite à sa demande.

17      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte de l’article 46, sous b), UE, dans le cadre du titre VI du traité UE, dont relèvent les dispositions visées au point 14 ci‑dessus, les seules voies de recours prévues sont inscrites dans l’article 35 UE (arrêt de la Cour du 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil, C‑354/04 P, Rec. p. I‑1579, points 44 à 46).

18      S’il est vrai que l’article 35, paragraphe 6, prévoit une voie de recours qui correspond au recours en annulation (ordonnance du Tribunal du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T‑338/02, Rec. p. II‑1647, point 36), à la différence de ce qui est prévu à l’article 230 CE, seuls les États membres et la Commission peuvent former un recours au titre de l’article 35, paragraphe 6, UE. C’est donc à tort que le requérant invoque également, comme fondement de son recours, cette dernière disposition. Quant à l’arrêt Dell’Orto, précité, invoqué par le requérant, force est de constater que cet arrêt concerne une demande de décision préjudicielle, au titre de l’article 35, paragraphe 1, UE et, dès lors, est dépourvu de pertinence.

19      Il ressort de tout ce qui précède que le premier chef de conclusions doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

20      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal, en substance, de faire une déclaration de portée générale, constatant le non‑respect, par la République fédérale d’Allemagne, de l’article 6, paragraphe 2, UE et de l’article 9 de la décision‑cadre.

21      À cet égard, le Tribunal rappelle que le contentieux communautaire ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position, par le biais d’une déclaration générale, sur une question dont l’objet dépasse le cadre du litige.

22      Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième chef de conclusions doit être rejeté pour cause d’incompétence manifeste.

23      Enfin, par son troisième chef de conclusions, le requérant tend à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait de la prétendue violation de la décision‑cadre et de ses droits fondamentaux par les autorités allemandes.

24      Le Tribunal rappelle que ses compétences en matière de responsabilité non contractuelle sont celles énumérées aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE ainsi qu’aux articles 151 EA et 188, deuxième alinéa, EA. Conformément à ces dispositions, le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours en réparation de dommages causés par les institutions communautaires ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions.

25      Or, en l’espèce, l’auteur du comportement reproché à propos duquel il est allégué qu’il a causé un préjudice n’est ni une institution ni un organe communautaires. Il s’ensuit que le troisième chef de conclusions doit également être rejeté pour cause d’incompétence manifeste.

26      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours en partie comme manifestement irrecevable et en partie pour cause d’incompétence manifeste, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la Commission et à la République fédérale d’Allemagne ni de statuer sur la demande du requérant visant l’emploi total ou partiel de l’anglais comme langue de procédure.

 Sur les dépens

27      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la Commission et à la République fédérale d’Allemagne et avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.



Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ammayappan Ayyanarsamy supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 1er avril 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.