Language of document : ECLI:EU:T:2012:578

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 octobre 2012 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑53/12,

CF Sharp Shipping Agencies Pte Ltd, établie à Singapour (Singapour), représentée par M. S. Drury, solicitor, Mes K. Adamantopoulos et J. Cornelis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Driessen et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1), du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11), et du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant qu’ils concernent la requérante

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, CF Sharp Shipping Agencies Pte Ltd, est une société singapourienne, active notamment en tant qu’agent maritime.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le nom de la requérante a été inscrit sur la liste de l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1) par le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11).

4        Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante, conformément à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010.

5        Pour autant que la requérante est concernée, le règlement d’exécution no 1245/2011 a été motivé comme suit :

« Société écran d’[Islamic Republic of Iran Shipping Lines (IRISL)], détenue ou contrôlée par IRISL. »

6        Le Conseil de l’Union européenne a informé la requérante de l’inclusion de son nom dans la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 par lettre du 5 décembre 2011, que la requérante dit avoir reçue le 13 décembre 2011.

7        Par lettre du 15 décembre 2011, la requérante a demandé au Conseil de lui transmettre tous les documents pertinents s’agissant des allégations retenues à son égard dans le règlement d’exécution no 1245/2011. Le Conseil a accusé réception de cette lettre le 19 décembre 2011.

8        Par lettre du 19 décembre 2011, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

9        Le 19 janvier 2012, la requérante a envoyé au Conseil une télécopie lui demandant des précisions sur les délais de traitement des demandes contenues dans ses lettres des 15 et 19 décembre 2011. Le Conseil a confirmé la réception de la télécopie par courriel du même jour.

10      Par lettre du 23 mars 2012, le Conseil a répondu aux lettres de la requérante des 15 et 19 décembre 2011 en indiquant que, après réexamen, il rejetait la demande de la requérante tendant à ce que son nom fût supprimé de la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a précisé, à cet égard, que, si la requérante n’était effectivement pas détenue par IRISL, elle avait été utilisée par cette dernière comme société écran pour effectuer des paiements au profit d’une autre société visée par des mesures restrictives, P., qui agissait, à son tour, pour le compte d’IRISL au Moyen‑Orient. Le Conseil a précisé, par ailleurs, qu’il entendait modifier en ce sens la motivation de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 visant la requérante.

11      Le règlement no 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inclus par le Conseil dans l’annexe IX de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante sont désormais gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement. La motivation retenue à l’égard de la requérante est identique à celle exposée dans le règlement d’exécution no 1245/2011.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2012, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 8 mars 2012, le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à cette demande.

14      Le mémoire en défense du Conseil a été déposé le 26 mars 2012.

15      Le 26 avril 2012, le Tribunal a demandé aux parties de lui fournir des précisions au sujet des liens entre la requérante, IRISL et P. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti par le Tribunal.

16      Le 16 mai 2012, le Conseil a présenté au Tribunal des observations supplémentaires dans lesquelles il a allégué que la requérante aurait reçu ou réalisé des paiements impliquant des sociétés liées à IRISL, à savoir I., K., O. et C., visant à contourner les effets des mesures restrictives visant IRISL.

17      La requérante a présenté des observations sur ces allégations par lettre du 6 juin 2012.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 juillet 2012.

19      Dans la requête, la requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 961/2010 avec effet immédiat pour autant que l’inscription de la requérante sur la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 est concernée ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

20      Lors de l’audience, la requérante a adapté ses chefs de conclusions en demandant également l’annulation du règlement no 267/2012 pour autant que son inscription sur la liste de l’annexe IX de ce règlement est concernée.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      La requérante fait valoir trois moyens tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de ses prétendus liens avec IRISL, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le troisième, d’une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Elle demande, en outre, que l’annulation éventuelle des actes attaqués ait un effet immédiat.

23      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, à titre liminaire, la recevabilité de l’adaptation des conclusions opérée par la requérante.

 Sur la recevabilité de l’adaptation des conclusions de la requérante

24      Ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, le règlement no 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution no 1245/2011, a été abrogé et remplacé par le règlement no 267/2012. Lors de l’audience, la requérante a adapté ses conclusions initiales de façon à ce que le recours vise à l’annulation de l’ensemble de ces actes (ci-après, pris dans leur ensemble, les « actes attaqués »). Le Conseil a indiqué qu’il ne s’opposait pas à une telle adaptation.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

26      En ce qui concerne le délai dans lequel une telle adaptation des conclusions peut être opérée, le Tribunal considère que le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE est en principe applicable aussi bien lorsque le recours en annulation d’un acte est formé par voie de requête que lorsqu’il est formé, dans le cadre d’une instance pendante, par la voie d’une adaptation des conclusions en annulation d’un acte antérieur abrogé et remplacé par l’acte en question.

27      Cette solution se justifie en effet par la circonstance que les règles concernant les délais de recours sont d’ordre public et doivent être appliquées par le juge de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi (arrêt de la Cour du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 101), en évitant toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêt de la Cour du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, point 11).

28      Toutefois, par exception à ce principe, le Tribunal considère que ledit délai n’est pas applicable, dans le cadre d’une instance pendante, lorsque, d’une part, l’acte en question et l’acte que celui-ci abroge et remplace ont, à l’égard de l’intéressé, le même objet, sont essentiellement fondés sur les mêmes motifs et ont des contenus substantiellement identiques, ne différant ainsi que par leurs champs d’application ratione temporis respectifs, et, d’autre part, l’adaptation des conclusions n’est fondée sur aucun moyen, fait ou élément de preuve nouveau autre que l’adoption même de l’acte en question abrogeant et remplaçant cet acte antérieur.

29      Dans un tel cas de figure, étant donné que l’objet et le cadre du litige tels que fixés par le recours initial ne subissent aucune autre modification que celle concernant sa dimension temporelle, la sécurité juridique n’est nullement affectée par la circonstance que l’adaptation des conclusions est opérée après l’expiration du délai de deux mois en question.

30      Il s’ensuit que, dans les circonstances décrites au point 28 ci-dessus, un requérant est recevable à adapter ses conclusions et moyens, même dans l’hypothèse où l’adaptation a été opérée après l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

31      En l’espèce, toutes les conditions visées au point 28 ci-dessus étant satisfaites, il convient de considérer que la requérante est recevable à demander l’annulation du règlement no 267/2012, pour autant que son inscription sur la liste de l’annexe IX de ce règlement est concernée.

 Sur le fond

32      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, dans un premier temps, le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

33      À cet égard, la requérante soutient que l’adoption des mesures restrictives la visant n’a pas été motivée à suffisance de droit par le Conseil. En effet, les allégations selon lesquelles elle est détenue ou contrôlée par IRISL ne seraient qu’un simple rappel de la règle juridique applicable et ne constitueraient pas, par conséquent, des motifs spécifiques et concrets pour lesquels le Conseil a considéré qu’elle devait être visée par des mesures restrictives. En particulier, le Conseil n’aurait pas précisé la nature de la détention ou du contrôle prétendument exercés par IRISL sur elle ou fourni d’informations supplémentaires sur les raisons pour lesquelles elle serait une « société écran » d’IRISL.

34      Le Conseil rétorque que la motivation fournie est suffisante, dès lors notamment qu’il a précisé la nature des liens entre la requérante et IRISL, à savoir le fait qu’elle a été utilisée comme une société écran pour effectuer des paiements à P.

35      Il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

36      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 35 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

37      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 35 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, s’agissant de la motivation des actes attaqués, d’une part, il y a lieu de remarquer que, ainsi que le soutient la requérante, la mention selon laquelle elle est « détenue ou contrôlée » par IRISL n’est qu’une reprise du libellé de l’article 16, paragraphe 2, sous d), du règlement no 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement no 267/2012, sans aucune précision concernant le cas concret de la requérante, en particulier la nature du contrôle exercé ou de la détention.

39      D’autre part, la mention selon laquelle la requérante est une « société écran » d’IRISL n’a pas de contenu autonome par rapport à celle selon laquelle elle est détenue ou contrôlée par cette dernière. En effet, si la notion de « société écran » n’a pas de signification juridique précise, elle est employée pour désigner, en substance, une entité interposée, créée pour masquer l’identité de l’auteur de certains comportements. Or, afin de pouvoir servir de « société écran » en ce sens, l’entité interposée doit nécessairement être contrôlée ou détenue, directement ou indirectement, par l’entité dont les comportements doivent être masqués. Partant, la qualification de « société écran » n’apporte pas de précisions supplémentaires quant aux motifs concrets qui ont amené le Conseil à adopter des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

40      Dans ce contexte, c’est à tort que le Conseil soutient que la motivation des actes attaqués permet à la requérante de comprendre qu’elle était visée par des mesures restrictives soit parce qu’elle aurait été utilisée par IRISL pour effectuer des paiements à P., ainsi que l’a indiqué le Conseil dans la lettre du 23 mars 2012, soit parce qu’elle aurait reçu ou réalisé des paiements impliquant I., K., O. et C., ainsi que le Conseil l’a allégué dans ses observations du 16 mai 2012.

41      En effet, outre que ces deux justifications sont a priori contradictoires en ce qu’elles ne reposent pas sur les mêmes circonstances factuelles, d’une part, il y a lieu de relever que la motivation des actes attaqués ne mentionne pas P., I., K., O. ou C., ni même le fait que la requérante aurait été utilisée par IRISL pour recevoir ou effectuer des paiements.

42      D’autre part, les circonstances invoquées par le Conseil dans la lettre du 23 mars 2012 et dans les observations du 16 mai 2012, à les supposer établies, ne tendent pas à démontrer que la requérante est détenue ou contrôlée par IRISL, en tant que « société écran », mais plutôt qu’elle a aidé IRISL ou des entités qui lui sont proches à se soustraire aux effets des mesures restrictives les visant.

43      Ainsi, contrairement à ce que soutient le Conseil, la motivation des actes attaqués ne permet pas de comprendre que ce dernier se serait appuyé sur les circonstances exposées dans sa lettre du 23 mars 2012 ou dans ses observations du 16 mai 2012.

44      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas motivé les actes attaqués à suffisance de droit.

45      Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen et d’annuler, d’une part, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 961/2010 pour autant que l’inscription de la requérante sur la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 est concernée et, d’autre part, le règlement no 267/2012 pour autant que l’inscription de la requérante sur la liste de l’annexe IX de ce dernier règlement est concernée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les premier et troisième moyens.

46      La requérante demande encore que les actes attaqués soient annulés avec effet immédiat.

47      À cet égard, d’une part, il y a lieu de remarquer que le règlement no 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution no 1245/2011, a été abrogé par le règlement no 267/2012. Par conséquent, ces actes ne produisent plus d’effets juridiques, de sorte que la requérante n’a plus d’intérêt à demander leur annulation avec effet immédiat. Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de statuer sur sa demande pour autant que le règlement no 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution no 1245/2011, est concerné.

48      D’autre part, quant au règlement no 267/2012, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

49      Or, le règlement no 267/2012, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec p. I‑11433, point 45).

50      Dans ces circonstances, la demande de la requérante doit être rejetée en ce qui concerne les effets de l’annulation du règlement no 267/2012.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu, le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, le Conseil ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007, et le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n961/2010, sont annulés pour autant que l’inscription de CF Sharp Shipping Agencies Pte Ltd sur la liste de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 est concernée.

2)      Le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010, est annulé pour autant que l’inscription de CF Sharp Shipping Agencies sur la liste de l’annexe IX est concernée.

3)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de CF Sharp Shipping Agencies tendant à ce que le règlement no 961/2010 et le règlement d’exécution no 1245/2011 soient annulés avec effet immédiat.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.