Language of document : ECLI:EU:T:2014:844

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 septembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire verbale LAMBRETTA – Usage sérieux de la marque – Déchéance partielle – Article 51, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑51/12,

Scooters India Ltd, établie à Lucknow (Inde), représentée par M. B. Brandreth, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Brandconcern BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes G. Casucci, N. Ferreti et C. Galli, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 1er décembre 2011 (affaire R 2312/2010‑1), relative à une procédure de déchéance entre Brandconcern BV et Scooters India Ltd,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2012,

vu le mémoire en duplique de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2013,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2013,

à la suite de l’audience du 4 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Scooters India Ltd, est titulaire de la marque communautaire verbale LAMBRETTA, demandée le 7 février 2000 et enregistrée le 6 août 2002 sous le numéro 1495100 par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels la marque communautaire a été enregistrée relèvent des classes 3, 12, 14, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

3        Le 19 novembre 2007, l’intervenante, Brandconcern BV, a introduit une demande en déchéance partielle de la marque LAMBRETTA sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenu article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009], pour les produits relevant des classes 3, 12 et 18 visés au point 2 ci-dessus, en invoquant l’absence d’usage sérieux de ladite marque pendant une période ininterrompue de cinq ans.

4        Le 24 septembre 2010, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque LAMBRETTA, avec effet au 19 novembre 2007, pour les produits relevant des classes 3, 12 et 18, à l’exception des « parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux », relevant de la classe 3.

5        Le 23 novembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où elle avait fait droit à la demande en déchéance pour les produits relevant de la classe 12, ainsi que pour certains produits relevant des classes 3 et 18.

6        Par décision du 1er décembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où la déchéance de la marque LAMBRETTA avait été prononcée pour les « savons » relevant de la classe 3. La chambre de recours a rejeté le recours pour le surplus, ainsi que le « recours subsidiaire » de l’intervenante. En particulier, elle a considéré que les éléments de preuve apportés par la requérante n’étaient pas suffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque LAMBRETTA pour les produits relevant de la classe 12, ainsi que pour certains produits relevant des classes 3 et 18.

 Conclusions des parties

7        À la suite d’un désistement partiel lors de l’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a rejeté son recours pour les produits relevant de la classe 12 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens exposés par elle devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir deux griefs à cet égard.

 Sur le premier grief, tiré de ce que la chambre de recours a erronément limité son examen à certains des produits relevant de la classe 12 et désignés par la marque LAMBRETTA

11      La requérante fait valoir que, à la date de la présentation de sa demande d’enregistrement de la marque LAMBRETTA, le 7 février 2000, l’OHMI avait pour pratique de comprendre la mention de l’intitulé complet d’une classe dans une demande d’enregistrement comme désignant tous les produits répertoriés dans cette classe et non seulement les produits correspondant au sens littéral dudit intitulé. La requérante soutient qu’elle devait pouvoir se fier à ce que sa demande soit interprétée de la même manière, nonobstant l’arrêt de la Cour du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, non encore publié au Recueil), et la pratique modifiée en conséquence de l’OHMI. Or, la chambre de recours aurait reconnu qu’un usage sérieux de la marque LAMBRETTA avait été démontré pour les pièces de rechange pour scooters.

12      L’OHMI soutient que la requérante n’avait reçu aucune assurance de sa part quant au fait que l’enregistrement couvrirait tous les produits de la classe 12 et que la chambre de recours, en tant qu’autorité compétente pour déterminer si les indications dans la spécification des produits répondent aux exigences de clarté et de précision, a pu à bon droit interpréter la demande d’enregistrement comme couvrant uniquement l’intitulé de la classe 12 au sens littéral.

13      L’intervenante fait valoir qu’il y a en tout état de cause défaut d’usage sérieux de la marque LAMBRETTA, que les produits qu’elle désigne se limitent ou non à l’intitulé au sens strict de la classe 12.

14      Il convient de constater qu’il découle des points 35 à 50 de la décision attaquée que, s’agissant des produits relevant de la classe 12, la chambre de recours a limité son examen aux seuls « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », au sens littéral du terme. Par conséquent, après avoir constaté, au point 36 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par la requérante se limitaient à la vente de pièces de rechange pour scooters et ne comprenaient aucun élément concernant la vente de « véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que l’« on ne saurait déduire de la vente de pièces de rechange que la [requérante] a également fabriqué et vendu un quelconque véhicule ».

 Sur la portée de l’examen effectué par la chambre de recours

15      Tout d’abord, il y a lieu de relever que le grief soulevé par la requérante manque partiellement en fait. En effet, ainsi que l’OHMI le fait valoir à juste titre, la constatation de la chambre de recours, au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle « les éléments de preuve [présentés par la requérante] se limitent à la vente de pièces de rechange pour scooters » ne permet pas de conclure que ladite chambre a reconnu un usage sérieux de la marque LAMBRETTA à l’égard de ces produits.

16      Au contraire, il ressort d’une lecture du point 36 de la décision attaquée, placé dans son contexte, que la chambre de recours a exclusivement examiné si ladite marque avait été utilisée pour la vente de « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » et que l’observation en cause ne lui a servi qu’à souligner que les éléments de preuve concernant les pièces de rechange n’étaient pas susceptibles de démontrer un usage sérieux de la marque pour les véhicules ou appareils de locomotion. En d’autres termes, lesdits éléments, énumérés au point 35 de la décision attaquée, ont été écartés pour la seule raison qu’ils se référaient à la vente de pièces de rechange pour scooters et non à la vente de scooters en tant que tels, et ce sans que la chambre de recours ait examiné s’ils démontraient, à suffisance de droit, un usage sérieux de la marque LAMBRETTA pour les pièces de rechange.

17      Toutefois, cette constatation ne suffit pas pour rejeter comme non fondé le premier grief soulevé par la requérante. Puisqu’elle reproche notamment à la chambre de recours de ne pas avoir limité la déclaration de déchéance aux produits autres que les pièces de rechange pour scooters, il convient de considérer que le premier grief implique nécessairement de déterminer si l’usage sérieux de la marque doit être examiné pour les pièces de rechange. Il ne saurait en effet être accepté que, pour répondre à la contestation selon laquelle la chambre de recours n’aurait pas tiré les conséquences de l’existence d’un usage sérieux de la marque pour les pièces de rechange, l’OHMI se borne à relever que cet usage n’a pas été examiné, si un tel examen était pourtant requis.

18      Par conséquent, il convient d’examiner si les pièces de rechange pour scooters doivent être considérées comme étant incluses dans les produits relevant de la classe 12, désignés par la marque LAMBRETTA, de sorte que la chambre de recours était tenue de procéder à un examen à cet égard.

 Sur l’interprétation de la liste des produits telle que figurant dans la demande de la marque LAMBRETTA

19      Il convient de constater, tout d’abord, que la mention « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » correspond à la liste des produits relevant de la classe 12, désignés par la marque LAMBRETTA, telle que figurant dans la demande de marque présentée par la requérante le 7 février 2000, et reprend fidèlement l’intitulé de la classe 12, tel que défini par l’arrangement de Nice.

20      Dans ces conditions, se pose la question de savoir si ladite indication devait être comprise, par l’OHMI, comme visant uniquement les « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », au sens strict du terme, ou, de manière plus générale, la totalité des produits relevant de la classe 12.

21      Dans le domaine d’application de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), la question de l’interprétation de la référence aux indications générales des intitulés de classes de la classification selon l’arrangement de Nice a fait l’objet de l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, précité. Au point 56 de cet arrêt, la Cour a constaté que de telles indications générales pouvaient être utilisées afin d’identifier les produits et les services désignés par la demande de marque, pour autant qu’une telle identification fût suffisamment claire et précise.

22      La Cour a par ailleurs jugé, à cet égard, que le demandeur d’une marque nationale qui utilisait toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe particulière de la classification de Nice pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque était demandée devait préciser si la demande visait l’ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services et que, au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur était obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe étaient visés (arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, précité, point 61).

23      Or, cet arrêt étant intervenu après les faits litigieux en l’espèce, se pose la question de savoir quelle est son incidence sur la présente affaire.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’interprétation que, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, la Cour donne d’une disposition de droit de l’Union européenne éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies. Eu égard à ces principes, une limitation des effets de l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation apparaît tout à fait exceptionnelle (arrêt de la Cour du 11 août 1995, Roders e.a., C‑367/93 à C‑377/93, Rec. p. I‑2229, points 42 et 43). Or, dans l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, précité, la Cour n’a pas prononcé une limitation des effets dudit arrêt.

25      Dans ces circonstances, l’OHMI, auquel se posait également la question de savoir quelle était l’incidence de l’arrêt Chartered Institute of Patent Attorneys, précité, sur les demandes de marque présentées antérieurement à son prononcé, a publié, le 20 juin 2012, au lendemain du prononcé de cet arrêt, la communication n° 2/12 du président concernant l’utilisation des intitulés de classe dans des listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire. Il ressort du point V de cette communication que l’OHMI a considéré que, en ce qui concerne les marques communautaires enregistrées avant la date du 21 juin 2012, l’utilisation de toutes les indications générales énumérées dans l’intitulé d’une classe particulière traduisait l’intention du demandeur de couvrir, par sa demande, la totalité des produits ou services répertoriés dans la liste alphabétique relative à cette classe. Le président de l’OHMI a justifié cette approche par référence au contenu de la communication n° 4/03 du 16 juin 2003, concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire.

26      Dans la communication n° 4/03, le président de l’OHMI avait en effet souligné que le fait d’utiliser les indications générales ou les intitulés des classes entiers prévus dans la classification de Nice constituait une spécification correcte des produits et services dans une demande de marque, permettant une classification et un groupement corrects, et que l’OHMI ne s’opposait donc pas à l’utilisation de ces indications générales ou intitulés, contrairement à certains offices nationaux. Il était ajouté que, étant donné que les 34 classes de produits et les 11 classes de services de la classification de Nice comprenaient la totalité des produits et services, l’utilisation de toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe particulière constituait une revendication à l’égard de tous les produits ou services relevant de cette classe.

27      Dans ces conditions, l’approche définie par le président de l’OHMI dans la communication n° 2/12 se présente comme une application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. En effet, une confiance légitime avait été créée par l’OHMI lui-même, puisqu’il avait donné des assurances quant au traitement des demandes de marque utilisant l’intitulé complet d’une classe particulière. De même, il importait que puisse être déterminée avec certitude l’étendue de la protection conférée par les marques communautaires, enregistrées avant la date du 21 juin 2012, qui faisaient référence aux intitulés des classes de la classification de Nice et ce, tant dans l’intérêt des titulaires de ces marques que dans celui des personnes consultant le registre des marques.

28      En l’espèce, l’OHMI fait valoir que la marque LAMBRETTA a été demandée le 7 février 2000 et enregistrée le 6 août 2002, à savoir avant la publication, le 16 juin 2003, de la communication n° 4/03. Par conséquent, la requérante n’aurait reçu aucune assurance de sa part quant à l’étendue de la protection conférée par la marque communautaire et la chambre de recours n’aurait pas nécessairement dû présumer que la requérante avait l’intention de couvrir tous les produits répertoriés dans la classe 12 ou, le cas échéant, dans la liste alphabétique qui y est afférente.

29      Or, un tel raisonnement ne saurait prospérer. En effet, premièrement, il ne saurait être pertinent qu’au regard du principe de protection de la confiance légitime, qui protège les demandeurs de marques communautaires sous certaines conditions subjectives (à savoir, l’existence effective d’une confiance légitime), et non au regard du principe de sécurité juridique, qui protège l’intérêt du public – et non seulement celui des titulaires – à ce que puisse être déterminée avec certitude l’étendue de la protection conférée par les enregistrements antérieurs.

30      Deuxièmement, il est certes vrai que le traitement, proposé dans la communication n° 2/12, des marques enregistrées avant le 21 juin 2012, est motivé par référence à la communication antérieure n° 4/03. Toutefois, il convient de relever que le libellé de la communication n° 2/12, et notamment de son point V, ne fait apparaître aucune limitation de la pratique que l’OHMI se propose d’adopter quant au traitement des marques enregistrées antérieurement. En particulier, l’OHMI ne fait aucune différence selon que les marques en cause ont été demandées ou enregistrées avant ou après la publication de la communication n° 4/03, alors qu’il devait être conscient du fait que l’approche décrite dans la communication n° 2/12 allait s’appliquer aux deux groupes. Ainsi, tout en motivant son approche par référence à la situation particulière d’une partie des marques enregistrées avant la date du 21 juin 2012, l’OHMI n’a pas indiqué vouloir limiter l’application de cette approche à ces seules marques.

31      Troisièmement, la communication n° 4/03 précise qu’elle « a pour but d’expliquer et de clarifier la pratique de l’[OHMI] », que les règles qui y sont définies « continueront à être appliquées dans les différentes procédures […] et, dans la mesure où il s’est produit des exceptions à ces règles, ce ne sera plus le cas » et, enfin, qu’« il n’y a pas de décisions des chambres de recours qui contrediraient les règles expliquées ». Dès lors, selon l’OHMI lui-même, la communication n° 4/03 ne visait pas à instaurer une pratique nouvelle mais à expliquer et à clarifier la pratique antérieure de l’OHMI.

32      Quatrièmement, la pratique antérieure de l’OHMI – ainsi que celle de certains offices de marques nationaux – a été avalisée et appliquée, à l’époque, dans la jurisprudence du Tribunal. Ainsi, au point 42 de l’arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT) (T‑186/02, Rec. p. II‑1887), il a été constaté que la partie intervenante s’étant référée, dans sa demande de marque en Italie, aux intitulés de toutes les classes, son enregistrement national couvrait tous les produits pouvant relever de ces classes. De même, le Tribunal a jugé que son enregistrement communautaire couvrait tous les produits pouvant relever des classes revendiquées au niveau communautaire, à savoir les classes 11, 19, 20 et 21, étant donné que la partie intervenante avait fait référence aux intitulés de ces classes dans sa demande.

33      Dès lors, et même s’il est tenu compte du fait qu’une pratique antérieure de l’OHMI ne lie ni celui-ci quant à ses décisions ultérieures, ni les juridictions de l’Union dans l’exercice de leur contrôle de ces décisions [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65, et arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 71], il convient de constater que des considérations tenant aux principes de protection de la confiance légitime et, à plus forte raison, de sécurité juridique justifiaient pleinement que l’OHMI étendît le champ d’application de sa communication n° 2/12 aux marques enregistrées avant la publication de sa communication antérieure n° 4/03.

34      Par ailleurs, une telle approche s’impose même s’il est fait abstraction de la communication n° 2/12. En effet, le Tribunal a déjà reconnu que le principe de sécurité juridique commandait de considérer que, en utilisant toutes les indications générales énumérées dans l’intitulé d’une classe, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée avant l’entrée en vigueur de la communication n° 2/12 avait l’intention de couvrir tous les produits ou services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 janvier 2013, Present-Service Ullrich/OHMI – Punt-Nou (babilu), T‑66/11, non publié au Recueil, point 50]. Or, ainsi qu’il a été souligné au point 29 ci-dessus, l’applicabilité du principe de sécurité juridique ne dépend pas, en l’espèce, de la question de savoir si la marque LAMBRETTA a été enregistrée avant ou après la publication de la communication n° 4/03.

35      Dans ces circonstances, il convient d’interpréter la mention « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau », figurant dans la demande de marque communautaire présentée le 7 février 2000 par la requérante devant l’OHMI, comme visant à protéger la marque LAMBRETTA pour la totalité des produits figurant dans la liste alphabétique de la classe 12. La requérante confirme d’ailleurs, dans ses écritures, que telle était bien son intention lorsqu’elle a présenté sa demande d’enregistrement.

36      Or, même si les « pièces de rechange pour scooters » ne figurent pas en tant que telles dans la liste alphabétique des produits de la classe 12, il convient de constater que, ainsi que la requérante le fait valoir, cette liste contient de nombreux accessoires et pièces pour véhicules, tels que, notamment, les « roues de véhicules » (n° 120053), les « pneumatiques » (n° 120157), les « pneumatiques pour véhicules (n° 120158) et les « carters pour organes de véhicules terrestres autres que pour moteurs » (n° 120058). Il convient de souligner que cette constatation ne préjuge pas de la question de savoir si les pièces de rechange que la requérante affirme avoir commercialisées relèvent effectivement de la classe 12 ou, ainsi que l’affirme l’intervenante, des classes 6 et 7.

37      Par conséquent, à tout le moins certaines pièces de rechange pour scooters étaient incluses dans la liste des produits désignés par la marque LAMBRETTA, de sorte que la chambre de recours était tenue d’examiner l’utilisation sérieuse de cette marque pour lesdites pièces de rechange.

38      Étant donné que la chambre de recours n’a pas procédé à un tel examen, il convient de faire droit au premier grief soulevé par la requérante et d’annuler la décision attaquée, pour violation de l’article 51, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

 Sur le second grief, tiré de ce que la chambre de recours s’est erronément abstenue de tenir compte de l’usage effectif de la marque pour des pièces détachées afin d’établir son usage sérieux pour les produits dont ils forment une partie intégrante

39      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’usage effectif de la marque pour des pièces détachées maintient les droits de son titulaire pour les produits dont ces pièces forment une partie intégrante.

40      L’OHMI soutient, d’une part, que la chambre de recours s’est à juste titre abstenue d’examiner les preuves relatives aux pièces de rechange et, d’autre part, qu’il existe de sérieux doutes quant au fait que ces produits ont été vendus sous la marque LAMBRETTA.

41      L’intervenante ajoute que les pièces présentées par la requérante ne prouvaient pas que des pièces de rechange, relevant de la classe 12, aient été vendues sous la marque LAMBRETTA.

42      Il convient de constater, à cet égard, que, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas examiné si les preuves relatives aux pièces de rechange établissaient l’usage sérieux de la marque à cet égard, le second grief manque en fait. Par ailleurs, il résulte de l’examen du premier grief que, à la suite de l’annulation de la décision attaquée, la chambre de recours devra examiner si la requérante a fait usage de la marque LAMBRETTA pour lesdites pièces de rechange.

43      Dans le cadre de cet examen, il appartiendra notamment à la chambre de recours de vérifier si ledit usage remplit les critères énoncés par la Cour dans son arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, Rec. p. I‑2439, points 40 à 43).

44      En particulier, il conviendra d’examiner, premièrement, si la requérante a effectivement commercialisé des scooters sous la marque LAMBRETTA, dans un passé non limité à la période comprise entre le 19 novembre 2002 et le 18 novembre 2007 et, deuxièmement, si la requérante a effectivement commercialisé sous la marque LAMBRETTA, entre le 19 novembre 2002 et le 18 novembre 2007, soit des pièces détachées qui entraient dans la composition ou la structure des scooters déjà commercialisés, soit des produits ou des services qui se rapportaient directement aux scooters et qui visaient à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante. Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

46      L’intervenante ayant succombé dans ses conclusions, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 1er décembre 2011 (affaire R 2312/2010‑1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens et ceux exposés par Scooters India Ltd, y compris aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

3)      Brandconcern BV supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.