Language of document : ECLI:EU:T:2024:466

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 juillet 2024 (*)

« Agriculture – Règlement d’exécution (UE) 2021/2325 – Importation dans l’Union des produits biologiques de pays tiers – Reconnaissance des pays tiers – Exécution des contrôles et certification des produits par des organismes de contrôle – Décision de retrait d’un établissement de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens figurant sur la liste des pays tiers reconnus – Compétence de la Commission – Droits de la défense – Proportionnalité – Égalité de traitement – Sécurité juridique – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑123/22,

Ecocert India Pte Ltd, établie à Gurugram (Inde), représentée par Mes Y. Martinet, D. Todorova et J. Sohm, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes et B. Hofstötter, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. E. Buttigieg et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 30 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ecocert India Pte Ltd, demande l’annulation de l’article 1er du règlement d’exécution (UE) 2021/2325 de la Commission, du 16 décembre 2021, établissant, conformément au règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil, la liste des pays tiers et la liste des autorités et organismes de contrôle reconnus en vertu de l’article 33, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil aux fins de l’importation de produits biologiques dans l’Union (JO 2021, L 465, p. 8, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »), dans la mesure où cette disposition, conjointement avec l’annexe I de ce règlement, retire la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus pour l’Inde par l’autorité compétente indienne, figurant sur la liste des pays tiers reconnus, pour effectuer des contrôles et délivrer des certificats d’inspection autorisant la mise sur le marché de l’Union européenne des produits biologiques importés de ce pays (ci-après la « liste des organismes de contrôle reconnus indiens »).

 Cadre juridique

 Règlement no 834/2007

2        Le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1), dispose en son article 33, intitulé « Importation de produits présentant des garanties équivalentes » et figurant dans son titre VI, intitulé « Échanges avec les pays tiers » :

« 1.      Un produit importé d’un pays tiers peut également être commercialisé sur le marché communautaire en tant que produit biologique, à condition :

[...]

c)      que, à tous les stades de la production, de la préparation et de la distribution dans le pays tiers, les opérateurs aient soumis leurs activités à un système de contrôle reconnu conformément au paragraphe 2 […] ;

d)      que le produit soit couvert par un certificat d’inspection qui a été délivré par les autorités compétentes, les autorités de contrôle ou les organismes de contrôle du pays tiers reconnus conformément au paragraphe 2 […] et qui confirme que le produit satisfait aux conditions énoncées dans le présent paragraphe.

[...]

2.      Conformément à la procédure visée à l’article 37, paragraphe 2, la Commission peut reconnaître les pays tiers dont le système de production répond à des principes et à des règles de production équivalents à ceux énoncés aux titres II, III et IV et dont les mesures de contrôles sont d’une efficacité équivalente à celles des mesures prévues au titre V et dresse une liste de ces pays. [...]

Lorsqu’elle examine une demande de reconnaissance, la Commission invite le pays tiers concerné à fournir tous les renseignements nécessaires. La Commission peut confier à des experts la tâche d’évaluer sur place les règles de production et les mesures de contrôle mises en place dans le pays tiers concerné.

Le 31 mars de chaque année au plus tard, les pays tiers reconnus envoient à la Commission un rapport annuel concis concernant la mise en œuvre et l’application des mesures de contrôle mises en place dans le pays tiers.

Sur la base des informations contenues dans ces rapports annuels, la Commission, assistée par les États membres, assure une supervision appropriée des pays tiers reconnus en réexaminant régulièrement leur reconnaissance. La nature de la supervision est fixée sur la base d’une évaluation des risques de cas d’irrégularités ou d’infractions aux dispositions prévues dans le présent règlement.

[...] »

 Règlement no 1235/2008

3        L’article 1er du règlement (CE) no 1235/2008 de la Commission du 8 décembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation de produits biologiques en provenance des pays tiers (JO 2008, L 334, p. 25), intitulé « Objet », dispose :

« Le présent règlement établit les modalités applicables à l’importation de produits conformes et à l’importation de produits présentant des garanties équivalentes, prévues aux articles 32 et 33 du règlement […] no 834/2007. »

4        L’article 7 du règlement no 1235/2008, intitulé « Établissement et contenu de la liste de pays tiers », dispose :

« 1.      La Commission établit une liste des pays tiers reconnus, conformément à l’article 33, paragraphe 2, du règlement […] no 834/2007. Cette liste figure à l’annexe III du présent règlement. Les procédures à suivre pour l’établissement et la modification de la liste sont définies aux articles 8 et 16 du présent règlement. Les modifications apportées à la liste sont publiées sur internet conformément aux dispositions de l’article 16, paragraphe 4, et de l’article 17 du présent règlement.

2.      La liste contient, pour chaque pays tiers, toutes les informations nécessaires en vue de vérifier si les produits commercialisés sur le marché communautaire ont été soumis au système de contrôle du pays tiers reconnu conformément à l’article 33, paragraphe 2, du règlement […] no 834/2007, et notamment :

a)      les catégories de produits concernées ;

b)      l’origine des produits ;

c)      l’indication des normes de production appliquées dans le pays tiers ;

d)      l’autorité compétente responsable dans le pays tiers du système de contrôle, ainsi que son adresse, y compris l’adresse de courrier électronique et l’adresse internet ;

e)      le nom, l’adresse, l’adresse de courrier électronique, l’adresse Internet et le numéro de code de l’autorité ou des autorités de contrôle ou de l’organisme ou des organismes de contrôle reconnus par l’autorité compétente visée au point d) pour l’exécution des contrôles ;

f)      le nom, l’adresse, l’adresse de courrier électronique, l’adresse Internet et le numéro de code de l’autorité ou des autorités ou de l’organisme ou des organismes de contrôle responsables dans le pays tiers de la délivrance des certificats d’inspection aux fins de l’importation dans l’Union ;

g)      la durée de l’inscription sur la liste. »

5        L’article 8 du règlement no 1235/2008, intitulé « Procédure d’introduction des demandes d’inscription sur la liste de pays tiers », dispose :

[…]

2.      La Commission n’est tenue d’examiner que les demandes d’inscription remplissant les conditions préalables décrites ci-après.

La demande d’inscription est accompagnée d’un dossier technique comprenant toutes les informations nécessaires pour permettre à la Commission de s’assurer que les conditions énoncées à l’article 33, paragraphe 1, du règlement […] no 834/2007 sont remplies pour les produits destinés à l’exportation vers la Communauté, à savoir :

[...]

f)      les informations que le pays tiers propose d’inclure dans la liste visée à l’article 7 ;

[...]

3.      Lorsqu’elle examine une demande d’inscription sur la liste des pays tiers reconnus, ainsi que pendant toute la période suivant l’inscription, la Commission peut demander tout complément d’information, y compris la présentation d’un ou de plusieurs rapports d’examen sur place établis par des experts indépendants. De plus, en cas d’irrégularités présumées, la Commission peut organiser, sur la base d’une évaluation des risques, la réalisation d’un examen sur place par des experts qu’elle désigne.

[...] »

6        L’article 9 du règlement no 1235/2008, intitulé « Gestion et révision de la liste de pays tiers », dispose :

« 1.      La Commission n’est tenue d’examiner une demande d’inscription que lorsque le pays tiers concerné s’engage à accepter les conditions suivantes :

[...]

c)      à la lumière des informations reçues, la Commission peut à tout moment modifier le cahier des charges applicable au pays tiers et peut suspendre l’inscription de ce pays tiers sur la liste visée à l’article 7 ; une décision de ce type peut aussi être prise lorsqu’un pays tiers n’a pas fourni les informations requises ou lorsqu’il a refusé de se soumettre à un examen sur place.

[...] »

7        L’annexe III du règlement no 1235/2008 contient la liste des pays tiers reconnus et leur cahier des charges, y compris la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

 Règlement 2018/848

8        Le considérant 96 du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil (JO 2018, L 150, p. 1) énonce :

« Les pays tiers reconnus aux fins de l’équivalence en vertu du règlement […] no 834/2007 devraient continuer à être reconnus en tant que tels au titre du présent règlement durant une période limitée nécessaire pour assurer une transition harmonieuse vers le régime de la reconnaissance au titre d’un accord international, pour autant qu’ils continuent à garantir l’équivalence entre leurs règles de production biologique et de contrôle et celles en vigueur dans l’Union et qu’ils répondent à toutes les exigences afférentes à la supervision de leur reconnaissance par la Commission. Il convient que cette supervision repose en particulier sur les rapports annuels adressés à la Commission par les pays tiers reconnus. »

9        L’article 45 du règlement 2018/848, intitulé « Importation de produits biologiques et en conversion », dispose :

« 1.      Un produit peut être importé d’un pays tiers pour être mis sur le marché dans l’Union en tant que produit biologique ou en tant que produit en conversion si les trois conditions ci-après sont remplies :

[...]

b)      l’une des conditions suivantes s’applique :

[…]

iii)      si le produit provient d’un pays tiers reconnu conformément à l’article 48, il satisfait aux règles équivalentes de ce pays tiers en matière de production et de contrôle et est importé accompagné d’un certificat d’inspection confirmant la conformité du produit délivré par les autorités compétentes, les autorités de contrôle ou les organismes de contrôle dudit pays tiers ;

[...] »

10      L’article 48 du règlement 2018/848, intitulé « Équivalence au titre du règlement […] no 834/2007 », dispose :

« 1.      Les pays tiers reconnus visés à l’article 45, paragraphe 1, point b) iii), du présent règlement sont les pays que l’Union a reconnus aux fins de l’équivalence au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement […] no 834/2007, y compris ceux reconnus au titre de la mesure transitoire prévue à l’article 58 du présent règlement.

Cette reconnaissance prend fin le 31 décembre 2026.

2.      Sur la base des rapports annuels que les pays tiers visés au paragraphe 1 doivent adresser à la Commission au plus tard le 31 mars de chaque année, et qui ont trait à la mise en œuvre et à l’exécution des mesures de contrôle qu’ils ont adoptées, et à la lumière de toute autre information reçue, la Commission assure une supervision appropriée des pays tiers reconnus en soumettant leur reconnaissance à un réexamen régulier. À cet effet, la Commission peut solliciter l’assistance des États membres. [...]

3.      La Commission, au moyen d’un acte d’exécution, dresse la liste des pays tiers visés au paragraphe 1 et elle peut modifier cette liste par voie d’actes d’exécution.

[...]

4.      La Commission est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 54 afin de compléter le présent règlement en ce qui concerne les informations que doivent communiquer les pays tiers figurant sur la liste visée au paragraphe 3 du présent article et qui sont nécessaires aux fins de la supervision de leur reconnaissance par la Commission et de l’exercice de cette supervision par la Commission, y compris au moyen d’examens sur place. 

[...] »

 Règlement délégué 2021/1342

11      Le considérant 5 du règlement délégué (UE) 2021/1342 de la Commission, du 27 mai 2021, complétant le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil par des règles relatives aux informations à transmettre par les pays tiers et par les autorités et organismes de contrôle aux fins de la supervision de leur reconnaissance au titre de l’article 33, paragraphes 2 et 3, du règlement […] no 834/2007 du Conseil en ce qui concerne les produits biologiques importés ainsi qu’aux mesures à prendre dans le cadre de cette supervision (JO 2021, L 292, p. 20), énonce :

« Afin d’assurer la supervision appropriée de ces pays tiers […], il est nécessaire d’établir des règles relatives aux procédures de réexamen régulier de leur reconnaissance au cours des périodes transitoires. À cette fin, le présent règlement devrait notamment préciser les informations que les pays tiers […] doivent fournir à la Commission aux fins de l’exercice de cette supervision, y compris au moyen d’examens sur place. De plus, le présent règlement devrait définir les mesures à prendre par la Commission dans l’exercice de cette supervision, y compris la suspension ou le retrait des pays tiers […] [de la liste établie] en application de l’article 48, paragraphe 3, […] du règlement […] 2018/848. »

12      L’article 3 du règlement délégué 2021/1342, intitulé « Réexamen de la reconnaissance des pays tiers », dispose :

« Dans le cadre de son réexamen régulier de la reconnaissance des pays tiers conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement […] 2018/848, la Commission applique les règles suivantes et modifie la liste des pays tiers conformément à l’article 48, paragraphe 3, de ce règlement :

a)      la Commission peut à tout moment modifier les spécifications dans la liste sur la base des informations reçues ;

[...] »

 Antécédents du litige

13      La requérante est un organisme privé établi en Inde, dont l’activité consiste à effectuer des contrôles et à délivrer des certificats d’inspection aux fins de l’importation dans l’Union de produits biologiques et en conversion en provenance de l’Inde. Elle est une filiale de la société française Ecocert SA.

14      Jusqu’à l’adoption du règlement d’exécution attaqué, la requérante était inscrite sur la liste des organismes de contrôle reconnus indiens qui figurait à l’annexe III du règlement no 1235/2008 sur la liste des pays tiers reconnus au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no°834/2007. Ainsi, elle était accréditée pour effectuer des contrôles et délivrer les certificats du National Programme for Organic Production (programme national pour la production biologique) aux fins de l’importation dans l’Union de produits de catégorie A, à savoir de produits végétaux non transformés.

15      En mai 2020, la requérante a pris en charge la supervision de la société Unjha Agro.

16      Le 15 mai 2020, la requérante a effectué d’abord un audit à distance, à savoir un audit documentaire, afin de vérifier la validité de la certification d’Unjha Agro. Sur la base de cet audit, elle a délivré un premier certificat d’inspection le 20 mai 2020.

17      Le 28 septembre 2020, la requérante a effectué une inspection sur le site d’Unjha Agro, lors de laquelle elle n’a pas constaté de manquements de la part de cette société.

18      Entre la prise en charge de la supervision d’Unjha Agro en mai 2020 et l’inspection sur place du 28 septembre 2020, la requérante a délivré à Unjha Agro huit certificats d’inspection distincts concernant des graines de sésame.

19      Les 10 novembre 2020 ainsi que 18 janvier et 2 février 2021, les États membres ont effectué trois notifications dans l’Organic Farming Information System (OFIS, base de données du système d’information sur l’agriculture biologique) concernant des lots de produits biologiques contaminés en provenance de l’Inde. Ces trois notifications concernaient, premièrement, le même produit, à savoir des graines de sésame, deuxièmement, le même mode de contamination, à savoir une fumigation à l’oxyde d’éthylène (ci-après « OET »), troisièmement, le même opérateur, à savoir Unjha Agro, et, quatrièmement, le même organisme de contrôle, à savoir la requérante.

20      S’agissant des trois lots contaminés, la requérante avait délivré des certificats d’inspection à Unjha Agro sur la seule base de preuves documentaires et sans avoir procédé à un contrôle physique de ces lots.

21      Le 20 novembre 2020, la requérante a réalisé un audit inopiné sur le site d’Unjha Agro, lors duquel il a été constaté que cette dernière avait accès à une chambre de fumigation par l’OET pour ses produits conventionnels et que les produits biologiques et conventionnels n’étaient pas identifiés et/ou étiquetés de manière appropriée. À la suite de cet audit, elle a décidé la suspension totale de l’activité de cette société le 1er décembre 2020, qui a été suivie du retrait de la certification le 11 février 2021.

22      Le 5 octobre 2021, un premier projet du règlement d’exécution attaqué a été publié dans le registre de comitologie et, ensuite, sur le site Internet de la Commission pour une consultation publique. Ledit projet visait à retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, laquelle figurait à l’annexe I de ce projet sur la liste des pays tiers reconnus au sens de l’article 48 du règlement 2018/848, lu en combinaison avec l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007.

23      Le 27 octobre 2021, la requérante a présenté une lettre contestant son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens. Le 11 novembre 2021, elle a participé à une réunion collective par vidéoconférence, au cours de laquelle elle a présenté oralement ses arguments devant les services de la Commission.

24      Le 24 novembre 2021, la Commission a publié un nouveau projet de règlement d’exécution attaqué, dans lequel les motifs du retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens étaient indiqués au considérant 6 et légèrement modifiés par rapport au premier projet.

25      Le règlement d’exécution attaqué a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 29 décembre 2021. En vertu de l’article 3 de ce règlement d’exécution, l’article 1er et l’annexe I sont entrés en vigueur le 1er janvier 2022.

26      Selon le considérant 3 du règlement d’exécution attaqué, « [l]a liste des pays tiers reconnus établie par le présent règlement se fonde sur la liste publiée à l’annexe III du règlement […] no 1235/2008 de la Commission […] Toutefois, à la lumière des nouvelles informations transmises à la Commission par certains pays tiers depuis la dernière modification de cette liste, il convient de prendre en considération certains changements et d’adapter la liste en conséquence. »

27      Ensuite, en vertu du considérant 6 du règlement d’exécution attaqué,

« [e]n ce qui concerne l’Inde, un grand nombre de lots totalisant des milliers de tonnes de graines de sésame prétendument biologiques contaminées par l’[OET] ont été importés de ce pays tiers, en particulier par des opérateurs contrôlés par des organismes de contrôle supervisés par l’Inde, ce qui a donné lieu à environ 90 notifications dans l’[OFIS]. La présence d’OET – qui est cancérigène pour l’homme – aurait été détectée dans des produits biologiques avant 2020. Au cours des trois dernières décennies, plusieurs méthodes fiables pour l’analyse de l’OET ont été mises au point et ont donc été disponibles pour détecter ces contaminations. En ce qui concerne ces notifications OFIS, les niveaux de contamination constatés dans les lots ont généralement dépassé de loin la limite maximale de résidus établie pour l’OET, les niveaux exacts de contamination variant en fonction du lot. Cela a à la fois induit les consommateurs en erreur et entraîné un risque sanitaire important. L’apparition de la contamination par l’OET et les fortes concentrations constatées, ainsi que l’absence de réaction aux causes profondes de la défaillance du système de contrôle de la part des organismes de contrôle impliqués dans ces contaminations, qui sont sous la supervision de l’autorité compétente indienne, et les mesures correctives inappropriées prises par ces organismes de contrôle et l’autorité compétente compromettent la solidité des contrôles et la supervision elle-même. En outre, sur la base des informations reçues par la Commission, il apparaît que certains des organismes de contrôle impliqués dans ces notifications OFIS n’ont pas respecté le champ d’application de la reconnaissance de l’Inde en ce qui concerne les produits qui peuvent être importés dans l’Union. Pour toutes ces raisons et conformément à l’article 3, point a), du règlement délégué […] 2021/1342, les organismes de contrôle suivants ne devraient pas figurer sur la liste des organismes de contrôle reconnus par l’autorité compétente indienne : “ […] Ecocert India […] ”. »

28      En outre, l’annexe I, du règlement d’exécution attaqué, contient la liste des pays tiers reconnus et leur cahier des charges. Cette liste comporte, s’agissant de l’Inde (point 5), la liste des organismes de contrôle reconnus indiens. La requérante ne figure pas dans cette dernière liste.

 Conclusions des parties

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er du règlement d’exécution attaqué, lu en combinaison avec l’annexe I (point 5 concernant la République de l’Inde) de ce règlement d’exécution, en ce qui concerne l’Inde, dans la mesure où cette disposition retire la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

31      À l’appui du recours, la requérante soulève, en substance, six moyens, tirés, le premier, de l’incompétence de la Commission pour la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, le deuxième, de la violation des droits de la défense, le troisième, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation, le quatrième, de la violation du principe de proportionnalité, le cinquième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination et, le sixième, de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens

32      La requérante fait valoir que, en la retirant de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens qui figure sur la liste des pays tiers reconnus à l’annexe I du règlement d’exécution attaqué, la Commission a outrepassé les limites de sa compétence et a violé tant les dispositions de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007, lu en combinaison avec l’article 7 du règlement no 1235/2008, que les dispositions de l’article 48 du règlement 2018/848, lu conjointement avec l’article 3 du règlement délégué 2021/1342, ces dernières étant applicables depuis le 1er janvier 2022.

33      En particulier, la requérante avance, premièrement, que la disposition sur laquelle la Commission a fondé le règlement d’exécution attaqué, à savoir l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342, n’est applicable qu’à partir du 1er janvier 2022. Selon elle, il en va de même concernant le règlement 2018/848, bien que le règlement no 834/2007 ait été abrogé par le règlement 2018/848 depuis le 17 juin 2018. Le règlement no 834/2007 continuerait à s’appliquer uniquement aux demandes des pays tiers qui seraient en instance. Cependant, les mesures transitoires n’auraient pas conféré à la Commission la compétence requise pour réexaminer la liste actuelle des pays tiers. Dès lors, la Commission devrait d’abord utiliser la liste telle qu’elle figurait à l’annexe III du règlement no 1235/2008, et elle n’aurait pu modifier cette liste par voie d’acte d’exécution qu’après que le règlement 2018/848 et ses actes d’exécution soient devenus applicables, à savoir après le 1er janvier 2022.

34      Deuxièmement, la requérante fait valoir, en substance, qu’il résulte notamment de l’article 7 du règlement no 1235/2008 et de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007, ainsi que de l’article 48 du règlement 2018/848 et de l’article 3 du règlement délégué 2021/1342, que la Commission pouvait seulement établir ou réexaminer une liste de pays tiers exportateurs reconnus, tels que la République de l’Inde, sans pouvoir réexaminer individuellement des organismes de contrôle qui y figurent. Selon elle, la Commission ne joue aucun rôle dans la procédure de vérification et d’approbation des organismes de contrôle indiens, seule l’Agricultural and Processed Food Products Export Development Authority (APEDA, Autorité de développement des exportations de produits agricoles et transformés, Inde) étant compétente pour inscrire ou retirer un établissement de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens. Une telle interprétation serait confirmée par le considérant 6 du règlement d’exécution attaqué selon lequel ces organismes de contrôle « sont sous la supervision de l’autorité compétente indienne ». La requérante estime que, si l’APEDA lui a imposé les sanctions jugées appropriées, elle est cependant restée accréditée par cette autorité compétente indienne. Ainsi, selon elle, la Commission pouvait retirer la République de l’Inde de la liste des pays tiers reconnus, mais non les organismes de contrôle.

35      Troisièmement, la requérante soutient que, si l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1235/2008 prévoit la possibilité pour la Commission de modifier, à tout moment, le cahier des charges, il n’en demeure pas moins que cet article prévoit également que la modification des informations relatives à un pays tiers visées à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, doit être effectuée à la lumière des informations reçues et précédée d’une demande notifiée à la Commission. Ainsi, la seule possibilité dont disposerait la Commission pour mettre à jour le contenu de la liste des pays tiers reposerait, en ce qui concerne le cahier des charges, sur des informations reçues du pays tiers lui-même.

36      Quatrièmement, la requérante relève que, selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1235/2008, les informations figurant sur la liste des pays tiers reconnus ne sont pas destinées à déterminer s’il faut ou non inscrire certains organismes de contrôle, mais à fournir toutes les informations pertinentes pour permettre de vérifier si les produits commercialisés ont été soumis au système de contrôle du pays tiers reconnu. En outre, elle observe que la notion de « cahier des charges » n’est définie ni dans le règlement 2018/848, ni dans le règlement délégué 2021/1342, ni dans le règlement d’exécution attaqué, comme c’était le cas auparavant à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1235/2008. Ainsi, il ne serait pas exigé que le nom des organismes de contrôle figure sur la liste des pays tiers reconnus. Leur présence sur la liste ne constitue donc pas une condition pour qu’un organisme de contrôle puisse continuer à opérer en Inde.

37      La Commission conteste les arguments de la requérante.

38      À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement d’exécution attaqué a été adopté sur la base du règlement 2018/848, notamment de l’article 48, paragraphe 3, dudit règlement. Le considérant 6 dudit règlement d’exécution qui expose, entre autres, les motifs du retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, se réfère à l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342.

39      En premier lieu, il importe donc tout d’abord d’examiner l’argument de la requérante tiré de ce que, en substance, la Commission ne pouvait modifier la liste de pays tiers reconnus qui figurait à l’annexe III du règlement no 1235/2008 par voie d’acte d’exécution qu’après que le règlement 2018/848 et ces actes d’exécution sont devenus applicables, à savoir après le 1er janvier 2022.

40      Le règlement 2018/848 et le règlement délégué 2021/1342 sont entrés en vigueur, respectivement, le 17 juin 2018 et le 5 septembre 2021, soit avant l’entrée en vigueur du règlement d’exécution attaqué le 1er janvier 2022, et ces trois règlements sont devenus applicables à partir du même jour, à savoir du 1er janvier 2022. Ainsi, la Commission n’était pas tenue d’attendre l’applicabilité du règlement 2018/848 et du règlement délégué 2021/1342 avant de réexaminer la situation des pays tiers figurant sur la liste de pays tiers reconnus étant donné que ces deux règlements étaient déjà en vigueur au moment de l’adoption du règlement d’exécution attaqué et sont devenus applicables à la même date que ce dernier.

41      En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante relatif à l’incompétence de la Commission pour réexaminer la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

42      En l’espèce, l’importation de produits biologiques indiens relève du système d’équivalence régi par l’article 45, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement 2018/848, lu en combinaison avec l’article 48 de ce règlement et avec l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007.

43      En particulier, selon l’article 48, paragraphe 2, du règlement 2018/848, la Commission assure une supervision appropriée des pays tiers reconnus en soumettant leur reconnaissance à un réexamen régulier sur la base des rapports annuels fournis par les pays tiers et à la lumière de toute autre information reçue. En outre, le paragraphe 3 dudit article prévoit que la Commission dresse la liste des pays tiers reconnus et qu’elle peut la modifier par voie d’actes d’exécution.

44      Par ailleurs, sur le fondement des paragraphes 2 et 3 de l’article 48 du règlement 2018/848, le règlement délégué 2021/1342, qui complète ce règlement par des règles relatives, notamment, aux informations à transmettre par les pays tiers aux fins de la supervision de leur reconnaissance au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007 ainsi qu’aux mesures à prendre dans le cadre de cette supervision, précise, dans son article 3, sous a), que, dans le cadre de son réexamen régulier de la reconnaissance des pays tiers, la Commission peut à tout moment modifier les spécifications dans la liste sur la base des informations reçues. De plus, les dispositions de l’article 3, sous b) à d), du règlement délégué 2021/1342 prévoient les conditions dans lesquelles la Commission peut suspendre l’inscription d’un pays tiers sur la liste ou retirer l’inscription d’un pays tiers de la liste.

45      Ainsi, dès lors que, dans le cadre de sa supervision, la Commission peut non seulement suspendre l’inscription d’un pays tiers reconnu sur la liste de tels pays ou le retirer de la liste, mais également modifier les spécifications dans cette liste, il y a lieu de considérer que cela implique également qu’elle puisse retirer un établissement de la liste des organismes de contrôle reconnus pour un tel pays tiers.

46      En effet, bien que le règlement délégué 2021/1342 ne définisse pas la notion de « spécifications », force est de considérer que cette notion doit être interprétée à la lumière des dispositions du règlement no 834/2007 ainsi que des dispositions et de l’annexe III du règlement no 1235/2008.

47      À cet égard, d’une part, l’article 45, paragraphe 1, sous b), iii), et l’article 48, du règlement 2018/848 ont pour vocation de régler les conditions de continuation du système des pays tiers reconnus aux fins de l’équivalence établie par l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007 pour une période limitée, à savoir jusqu’au 31 décembre 2026, qui est nécessaire, selon le considérant 96 du règlement 2018/848, afin d’assurer une transition harmonieuse vers le régime de la reconnaissance au titre d’un accord international. Ainsi, ces dispositions ne doivent pas être interprétées de manière isolée, mais il est nécessaire, à ce propos, de prendre en compte, pendant cette période transitoire, la réglementation établissant ce système des pays tiers reconnus aux fins de l’équivalence, à savoir tant les dispositions du règlement no 834/2007, notamment son article 33, paragraphe 2, que celles du règlement no 1235/2008 qui a mis en œuvre ce dernier article.

48      D’autre part, il découle des considérants 3 et 6 du règlement d’exécution attaqué que la liste des pays tiers reconnus établie par ce règlement d’exécution et comportant pour chaque pays tiers un cahier des charges spécifique, y compris une liste des organismes de contrôle reconnus, se fonde sur la liste des pays tiers reconnus publiée à l’annexe III du règlement no 1235/2008.

49      Or, il importe de relever que l’annexe III du règlement no 1235/2008 comportait également un cahier des charges spécifique visé à l’article 7 et à l’article 9, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, à savoir les informations nécessaires en vue de vérifier si les produits commercialisés sur le marché intérieur ont été soumis au système de contrôle du pays tiers reconnu. En particulier, ce cahier des charges contenait les informations énumérées à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, y compris des informations concernant des organismes de contrôle reconnus pour les pays tiers concrets.

50      Par conséquent, il résulte de la lecture combinée des dispositions mentionnées aux points 47 à 49 ci-dessus, que le terme « spécifications » retenu à l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342 trouve son origine notamment, d’une part, dans l’article 7 du règlement no 1235/2008, qui spécifie et énumère les informations relevant du cahier des charges des pays tiers reconnus, et, d’autre part, dans l’annexe III de ce règlement qui contient les informations faisant partie intégrante de la liste de pays tiers reconnus aux fins de l’équivalence au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007, dont également les informations concernant les organismes de contrôle reconnus pour les pays tiers concrets.

51      Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que le droit de la Commission, prévu à l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342, de modifier les spécifications dans la liste de pays tiers reconnus englobe forcément la possibilité de retirer un établissement de la liste des organismes de contrôle reconnus pour le pays tiers concret.

52      Pour les mêmes motifs que ceux relevés aux points 46 à 51 ci-dessus, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel il n’est pas exigé que le nom des organismes de contrôle figure sur la liste des pays tiers reconnus, dans la mesure où la notion de « cahier des charges » n’est définie ni dans le règlement 2018/848, ni dans le règlement délégué 2021/1342, ni dans le règlement d’exécution attaqué.

53      En troisième lieu, dans la mesure où la requérante fait valoir que la Commission peut mettre à jour le contenu de la liste des pays tiers en ce qui concerne le cahier des charges uniquement sur la base des informations reçues du pays tiers lui-même, il y a lieu de considérer que cet argument ne peut pas prospérer.

54      En effet, il convient d’observer que l’article 48, paragraphe 2, du règlement 2018/848 précise que la Commission assure une supervision appropriée des pays tiers reconnus sur la base des rapports annuels que les pays tiers doivent lui adresser et « à la lumière de toute autre information reçue ». Par ailleurs, l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342 énonce, en substance, que la Commission peut à tout moment modifier les spécifications dans la liste « sur la base des informations reçues ». Ces dispositions ne sont pas susceptibles d’une interprétation autre que celle selon laquelle la Commission dispose d’une certaine liberté dans le choix des informations qu’elle peut prendre en considération dans le cadre du réexamen de la reconnaissance des pays tiers. En tout état de cause, il ne saurait être considéré que, dans le cadre de l’exécution de son obligation de réexaminer la reconnaissance de pays tiers, la Commission serait dépendante uniquement des informations fournies par les pays tiers concernés.

55      De plus, en l’absence de liberté dans le choix des informations que la Commission peut prendre en considération aux fins de la modification des spécifications dans la liste de pays tiers reconnus, elle ne serait pas en mesure d’assurer une supervision appropriée.

56      Ainsi, l’article 48, paragraphes 2 et 3, du règlement 2018/848 et l’article 3, sous a), du règlement délégué 2021/1342 doivent être interprétés en ce sens qu’ils offrent à la Commission la possibilité de modifier, à la lumière de toute information reçue, les spécifications dans la liste des pays tiers reconnus, y compris les listes des organismes de contrôle reconnus pour les pays tiers concrets.

57      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante se réfère, dans ce contexte, à l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1235/2008, il ne ressort aucunement du libellé de cette disposition que l’expression « à la lumière des informations reçues » se réfère spécifiquement et uniquement aux informations reçues du pays tiers au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement.

58      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission était compétente pour le retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens figurant sur la liste des pays tiers reconnus à l’annexe I du règlement d’exécution attaqué.

59      Les autres arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

60      Premièrement, dans la mesure où la requérante soutient qu’il découle du considérant 6 du règlement d’exécution attaqué que les organismes de contrôle sont sous la supervision de l’autorité compétente indienne et que, dès lors, seule l’APEDA est compétente pour l’inscrire ou la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, il suffit de constater que la compétence de cette autorité indienne pour reconnaître les organismes de contrôles indiens n’exclut pas l’existence de la compétence de la Commission pour retirer la requérante de ladite liste dans le cadre de son exercice de supervision sur le fondement du règlement 2018/848 et du règlement délégué 2021/1342.

61      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que les informations contenues dans la liste des pays tiers ne sont pas destinées à déterminer s’il faut ou non inscrire certains organismes de contrôle, mais à fournir toutes les informations pertinentes pour permettre de vérifier si les produits commercialisés ont été soumis au système de contrôle du pays tiers reconnu, il suffit de constater que, au regard des considérations énoncées aux points 42 à 58 ci-dessus, cet argument est inopérant. En effet, quelle que soit l’utilisation des informations contenues dans la liste des pays tiers reconnus, cette utilisation n’a aucun impact sur la question de savoir si la Commission était compétente en l’espèce pour retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

62      Troisièmement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle les mesures transitoires du règlement 2018/848, notamment son article 58, n’ont pas conféré à la Commission la compétence requise pour réexaminer la liste actuelle des pays tiers reconnus, il suffit de rappeler que ce sont les dispositions de l’article 48, paragraphe 2 et 3, de ce règlement qui confèrent à la Commission une telle compétence.

63      En conséquence, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de la violation des droits de la défense

64      La requérante soutient que, en la retirant de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, la Commission a outrepassé ses compétences et l’a privée de toute garantie procédurale, dans la mesure où la base juridique utilisée pour ce retrait ne prévoyait pas la possibilité pour les entités individuelles d’être entendues. Dans la réplique, elle précise que la violation de ses droits de la défense résulte de la base juridique et de la procédure illégales choisies pour l’adoption du règlement d’exécution attaqué.

65      En particulier, la requérante fait valoir que, dans la mesure où la Commission ne l’a pas informée au préalable de l’adoption de la décision négative qui serait prise contre elle et en la privant de ses droits procéduraux d’accès au dossier et d’être entendue, celle-ci a violé l’article 263, deuxième alinéa, TFUE.

66      En outre, la requérante soutient que, étant donné que le règlement d’exécution attaqué a été adopté sans qu’elle en soit informée au préalable et sans lui donner le droit de justifier ses actes avant la publication du projet de ce règlement d’exécution, les informations figurant notamment au considérant 6 dudit règlement d’exécution circulent dans le domaine public et que, donc, il est très probable qu’elle puisse s’attendre à un préjudice pour sa réputation et à des pertes de clients.

67      La Commission conteste les arguments de la requérante.

68      À titre liminaire, dans la mesure où la requérante cherche, à nouveau, à remettre en cause la compétence de la Commission pour la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, il y a lieu de renvoyer à la réponse apportée au premier moyen.

69      Ensuite, il convient de rappeler que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. De plus, il est de jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte contre une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute disposition de la réglementation portant sur cette procédure prévoyant expressément le respect de ces droits. Ce dernier implique que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder ces décisions (voir arrêt du 22 juin 2023, Arysta LifeScience Great Britain/Commission, C‑259/22 P, non publié, EU:C:2023:513, point 47 et jurisprudence citée).

70      Or, le droit de toute personne d’être entendue n’a pas vocation à s’appliquer dans l’hypothèse où une personne s’estimerait affectée par un acte de portée générale (arrêt du 22 juin 2023, Arysta LifeScience Great Britain/Commission, C‑259/22 P, non publié, EU:C:2023:513, point 50).

71      En effet, s’agissant d’actes de portée générale, sauf disposition expresse contraire, ni le processus de leur élaboration ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, consulté ou informé, la participation des personnes affectées (voir arrêt du 8 juillet 2020, BRF et SHB Comércio e Indústria de Alimentos/Commission, T‑429/18, EU:T:2020:322, point 94 et jurisprudence citée).

72      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 6 du règlement d’exécution attaqué, tel qu’il est exposé au point 27 ci-dessus, la Commission a retiré certains établissements de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens sur la base des constatations relatives à l’importation de graines de sésame contaminées par l’OET en provenance de l’Inde.

73      À cet égard, il ressort de l’article 45, paragraphe 1, sous b), iii), et de l’article 48, paragraphes 1 à 3, du règlement 2018/848, lu conjointement avec l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007 et avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1235/2008, que la possibilité pour les établissements situés dans un pays tiers de certifier des produits biologiques et en conversion à destination du marché de l’Union nécessite, d’une part, l’inscription du pays tiers en question sur la liste des pays tiers reconnus et, d’autre part, l’inscription de l’établissement concerné sur la liste des organismes de contrôle reconnus par les autorités compétentes desdits pays tiers prévue dans ces dispositions. Or, le législateur de l’Union ne réserve aux organismes de contrôle, situés dans un pays tiers, aucun rôle dans le déclenchement des procédures s’y rapportant ni ne leur accorde la possibilité de saisir la Commission au cas où l’autorité compétente d’un pays tiers reconnu refuserait de les inscrire sur la liste des organismes de contrôle reconnus.

74      Ainsi, les organismes de contrôle qui figurent sur la liste des organismes de contrôle reconnus par les autorités compétentes des pays tiers reconnus, figurant sur la liste desdits pays tiers, ne sont pas des bénéficiaires d’un droit individuel qui leur aurait été conféré en vertu d’un acte du droit de l’Union et qui aurait pour objet l’exécution des contrôles et la certification des produits destinés à l’exportation pour le marché de l’Union. En effet, il ressort de l’article 45, paragraphe 1, sous b), iii) du règlement 2018/848 ainsi que de l’article 33, paragraphe 1, sous c) du règlement no 834/2007 que l’inscription d’un organisme de contrôle sur la liste susmentionnée est effectuée notamment aux fins du fonctionnement du système du contrôle prévu au niveau des pays tiers reconnus (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, BRF et SHB Comércio e Indústria de Alimentos/Commission, T‑429/18, EU:T:2020:322, points 37 et 79).

75      Ainsi, un acte d’exécution, tel que le règlement d’exécution attaqué, en vertu duquel la Commission procède au retrait de certains établissements de la liste des organismes de contrôle reconnus pour les pays tiers concrets ne constitue pas un faisceau d’actes individuels ayant pour objet la révocation d’un droit prétendument conféré à ces établissements. L’acte d’exécution en cause modifie, en effet, la seconde des deux conditions qui doit être remplie, ainsi qu’il a été exposé au point 73 ci-dessus, pour qu’un établissement situé dans un pays tiers puisse effectuer des contrôles et certifier des produits biologiques à destination du marché de l’Union. Il s’ensuit que le règlement d’exécution attaqué signifie que l’importation dans ce marché des produits en provenance de l’Inde qui seraient accompagnés d’un certificat d’inspection délivré par les organismes de contrôle retirés de la liste n’est plus permise. Cette règle s’applique à la généralité des opérateurs économiques qui pourraient être intéressés par l’importation des produits certifiés par ces organismes, mais aussi aux autorités douanières des États membres de l’Union, si bien que le règlement d’exécution attaqué revêt une portée générale (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, BRF et SHB Comércio e Indústria de Alimentos/Commission, T‑429/18, EU:T:2020:322, point 38).

76      De plus, concernant la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement d’exécution attaqué, il importe de souligner que, en vertu de l’article 48, paragraphe 3, du règlement 2018/848, lu conjointement avec l’article 55, paragraphe 2, du même règlement, la Commission dresse et modifie la liste des pays tiers reconnus par voie d’actes d’exécution en suivant la procédure d’examen prévue à l’article 5 du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13). Aucun de ces règlements ni le règlement délégué 2021/1342 ne contiennent de dispositions consacrant le droit de la requérante d’être entendue ou d’avoir accès au dossier avant que la Commission ne décide de la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

77      Il s’ensuit que la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement d’exécution attaqué n’exige pas que la Commission mette en mesure la requérante, qu’elle retire de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, de faire connaître utilement son point de vue et d’avoir accès au dossier avant une telle adoption, dans la mesure où cette procédure n’a pas été ouverte à l’encontre de la requérante et n’a pas eu pour effet l’adoption d’une mesure individuelle dont cette dernière aurait été destinataire.

78      En tout état de cause, la Commission a accordé un délai de plus de six semaines aux « parties intéressées », pour faire connaître leur point de vue sur le premier projet de règlement d’exécution attaqué qui était publié sur son site Internet. Le 27 octobre 2021, la requérante a adressé une lettre à la Commission pour exprimer sa position relative à ce projet et, le 11 novembre 2021, elle a participé à une vidéoconférence avec la Commission à cet égard.

79      Au vu de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas suivi les exigences procédurales requises et l’a privée de ses droits de la défense doit être écarté.

80      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, en substance, elle peut s’attendre à un préjudice pour sa réputation et à des pertes de clients en raison de la circulation, dans le domaine public, des informations figurant notamment au considérant 6 du règlement d’exécution attaqué, il importe de relever que cet argument n’est ni assorti de précisions, ni étayé par des éléments de preuve. Partant, à supposer même qu’un tel argument soit opérant, il ne pourrait qu’être écarté.

81      Eu égard de ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation

82      Dans le cadre du présent moyen, la requérante invoque plusieurs erreurs manifestes d’appréciation de la Commission. Elle lui reproche, premièrement, de n’avoir pas tenu compte du fait qu’elle n’a pas eu connaissance de l’utilisation d’OET comme fumigant pour lutter contre les salmonelles au moment où les premières notifications ont été effectuées, à savoir en septembre 2020, deuxièmement, de n’avoir pas tiré les conclusions appropriées du fait qu’elle avait pris toutes les mesures correctives nécessaires et, troisièmement, de n’avoir pas tenu compte des sanctions adoptées par l’APEDA. Quatrièmement, concernant la considération de la Commission selon laquelle la requérante n’a pas respecté le champ d’application de la reconnaissance de l’Inde en ce qui concerne les produits qui peuvent être importés dans l’Union, la requérante soutient que la qualification des graines de sésame en tant que produits transformés relevant de la catégorie D est incorrecte au regard de l’incertitude entourant la notion de « produits transformés » et son application dans le cas d’espèce.

83      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la politique agricole commune, les colégislateurs peuvent être amenés à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’exécution, cette dernière étant la seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation. Les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées, notamment, en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché concerné (voir arrêts du 27 novembre 1997, Somalfruit et Camar, C‑369/95, EU:C:1997:562, point 62 et jurisprudence citée, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, EU:C:2005:413, point 74 et jurisprudence citée). Ainsi, en matière agricole, la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre de la réglementation de base, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celle-ci ou à la réglementation d’application du Conseil (voir arrêt du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, EU:C:2005:413, point 75 et jurisprudence citée).

84      La jurisprudence précise également que la Commission dispose, en matière de politique agricole commune, d’un large pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 9 mars 2017, Pologne/Commission, C-105/16 P, non publié, EU:C:2017:191, point 48).

85      À cet égard, compte tenu de la large marge d’appréciation dont jouit la Commission dans l’exercice de la supervision des pays tiers reconnus au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement 2018/848, il n’incombe pas au juge de l’Union, dans le cadre du contrôle de légalité dont celui-ci est investi en vertu de l’article 263, premier alinéa, TFUE, de substituer son appréciation à celle de la Commission en ce qui concerne les mesures à prendre (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, BRF et SHB Comércio e Indústria de Alimentos/Commission, T‑429/18, EU:T:2020:322, point 109). Par conséquent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si la Commission n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêts du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑304/01, EU:C:2004:495, point 23, et du 23 mars 2006, Unitymark et North Sea Fishermen’s Organisation, C‑535/03, EU:C:2006:193, point 55).

86      En l’espèce, il résulte du considérant 6 du règlement d’exécution attaqué reproduit au point 27 ci-dessus, que le retrait de certains établissements de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, parmi lesquels la requérante, était justifié, en substance, par deux motifs. Le premier motif concerne, d’une part, malgré l’apparition de la contamination par l’OET et les fortes concentrations constatées, l’absence de réaction aux causes de la défaillance du système de contrôle de la part des organismes de contrôle et, d’autre part, les mesures correctives inappropriées prises par ces derniers et par l’autorité compétente indienne. Le second motif porte sur le fait que certains des organismes de contrôle impliqués dans ces notifications OFIS n’ont pas respecté le champ d’application de la reconnaissance de l’Inde en ce qui concerne les produits qui peuvent être importés dans l’Union.

87      La Commission fait valoir que le présent moyen est inopérant, car la requérante ne conteste pas certaines raisons résumées au considérant 6 du règlement d’exécution attaqué qui suffisent, à elles seules, à justifier le retrait de celle-ci de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, dont notamment le second motif concernant le non-respect du champ d’application de la reconnaissance de l’Inde. Toutefois, il importe de relever qu’il ressort dudit considérant, et notamment de la formulation « pour toutes ces raisons », que, pour décider d’un tel retrait, la Commission s’est fondée sur toutes les raisons invoquées dans ce considérant prises globalement. Partant, le troisième moyen est opérant et il y a lieu d’examiner son bien-fondé.

 Sur le premier motif du retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens

88      La requérante conteste le premier motif de son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens en ce que, notamment, la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elle n’avait pas eu connaissance de l’utilisation d’OET comme fumigant pour lutter contre les salmonelles au moment où les premières notifications ont été effectuées (première branche), que la Commission n’a pas tiré les bonnes conséquences du fait qu’elle avait pris toutes les mesures correctives nécessaires (deuxième branche) et que la Commission n’a pas tenu compte des sanctions adoptées par l’APEDA à son égard (troisième branche).

–       Sur la première branche

89      La requérante reproche, en substance, à la Commission de n’avoir pas tenu compte du fait qu’elle n’a pas eu connaissance de l’utilisation d’OET comme fumigant pour lutter contre les salmonelles au moment où les premières notifications ont été effectuées. En particulier, elle fait valoir, premièrement, que, avant la crise de l’OET de septembre 2020, la Commission elle-même ne jugeait pas utile de renforcer les contrôles sur les graines de sésame en provenance de l’Inde à l’égard de l’utilisation éventuelle de l’OET, deuxièmement, que, en 2014 et en 2018, l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV) de la Commission a effectué une mission en Inde, mais les fumigations à l’OET n’ont pas été mentionnées dans les rapports de cet office, et, troisièmement, que, au moment où les premières notifications OFIS ont été effectuées, en septembre 2020, l’utilisation de l’OET comme fumigant contre la salmonelle dans l’industrie alimentaire était faiblement connue par l’ensemble des intéressés, y compris les autorités, les organismes de contrôle et les laboratoires d’analyse. De plus, la requérante soutient que, quatrièmement, les laboratoires de référence de l’Union (ci-après les « LRUE ») n’ont publié la méthode de référence pour analyser l’OET qu’en décembre 2020, cinquièmement, que, en septembre 2020, il n’existait aucun laboratoire accrédité ni en Inde ni en France pour analyser l’OET et, sixièmement, que toutes les autorités de contrôle et tous les organismes de contrôle procèdent à une analyse des risques afin de cibler les substances non autorisées les plus pertinentes dans leurs contrôles, étant donné qu’il est pratiquement impossible de rechercher et d’analyser toutes les substances interdites dans l’Union.

90      Afin de démontrer lesdites allégations, la requérante fournit plusieurs éléments de preuve, à savoir :

–        un rapport d’information du Sénat français du 17 février 2021, confirmant, selon la requérante, que, au début de l’alerte, seuls sept laboratoires étaient en mesure d’analyser l’OET pour tout le territoire de l’Union et que cette substance n’était pas incluse dans les plans de contrôle et de surveillance, que ce soit au niveau de l’Union ou au niveau national, et que ladite substance n’était donc pas systématiquement recherchée, en contrôles officiels ou en autocontrôles,

–        un rapport d’observations analytiques des LRUE du décembre 2020 relatif à la méthode de référence pour analyser l’OET,

–        le rapport annuel 2020 du plan national de contrôles officiels pluriannuel 2016-2020 confirmant, selon la requérante, que l’OET n’était pas inclus dans ces contrôles,

–        les réponses de huit laboratoires sur onze interrogés dont seulement quatre auraient répondu que les essais ou les tests étaient réalisables mais pas accrédités,

–        les liens Internet vers les rapports de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur les résidus de pesticides détectés dans les aliments, publiés en 2018, en 2019 et en 2020, démontrant, en substance, selon la requérante, qu’aucune des autorités n’avait réalisé d’analyse de l’OET avant 2020 du fait qu’il n’avait pas été constaté que cette substance présentait un risque,

–        le lien Internet vers une étude intitulée « Food Safety Governance and Guardianship : The Role of the Private Sector in Addressing the EU Ethylene Oxide Incident » (gouvernance et tutelle de la sécurité alimentaire : le rôle du secteur privé dans la résolution de l’incident de l’oxyde d’éthylène dans l’Union), publiée le 12 janvier 2022 et démontrant, selon la requérante, que l’OET n’avait pas été détecté comme « substance/danger » à propos de l’Inde avant 2020.

91      La Commission conteste les arguments de la requérante.

92      Il convient d’emblée de relever que, ainsi qu’il ressort de l’analyse aux points 54 à 57 ci-dessus et de la jurisprudence citée aux points 83 et 84 ci-dessus, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la supervision des pays tiers reconnus au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement 2018/848.

93      En l’espèce, en premier lieu, il a été démontré que l’emploi de l’OET comme fumigant était connu tant par la société mère de la requérante que par les autorités de contrôle dans les États membres de l’Union.

94      En particulier, la société mère de la requérante avait connaissance des cas de contamination de produits biologiques dus à la fumigation à l’OET depuis août 2017 au regard d’une notification OFIS 270/2017 concernant le romarin fournie par la Commission à l’annexe B.8 du mémoire en défense. Il ressort des observations de ladite société mère relatives à cette notification figurant à l’annexe D.2 de la duplique que cette société mère considérait l’OET comme un risque plus général nécessitant un suivi. Ensuite, ainsi qu’il découle des annexes D.3 et D.4 de la duplique, le 8 septembre 2015 et le 22 novembre 2017, l’OET avait été détecté dans deux autres lots faisant l’objet de notifications OFIS pour lesquels la même société mère était l’organisme de contrôle responsable. Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l’absence de connaissance, en septembre 2020, de l’utilisation de l’OET comme fumigant pour les produits biologiques.

95      En outre, dans son rapport 2016 sur les résidus de pesticides présents dans les denrées alimentaires figurant à l’annexe D.5 de la duplique, l’EFSA indiquait que l’OET avait été détecté dans quinze des seize échantillons dans un État membre.

96      Par ailleurs, il ressort du rapport d’observations analytiques des LRUE de décembre 2020 figurant à l’annexe A.11 de la requête que, sur le portail du système d’alerte rapide de l’Union pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF), des notifications concernant l’OET dans le sésame en provenance de l’Inde ont été effectuées en septembre 2020.

97      Ainsi, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause le fait que, en septembre 2020, l’emploi de l’OET comme fumigant était connu par des autorités compétentes et des organismes de contrôle.

98      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante relative à l’absence en Inde et en France des laboratoires accrédités pour analyser l’OET, il y a lieu de relever que la notification OFIS INTC 129/2015, du 8 septembre 2015, figurant à l’annexe D.3 de la duplique, dans le cadre de laquelle la société mère de la requérante était une personne de contact concernant la contamination, a fait référence à une analyse réalisée par le laboratoire Eurofins Analytics France établi en France.

99      En outre, en ce qui concerne les laboratoires dans l’Union, la requérante admet elle-même que, selon le rapport d’information du Sénat français du 17 février 2021, au début de l’alerte, sept laboratoires étaient en mesure d’analyser l’OET pour tout le territoire de l’Union. En outre, il résulte des considérations énoncées aux points 94 à 96 ci-dessus que l’OET était analysé et contrôlé sur ce territoire en septembre 2020 et auparavant.

100    Concernant les éléments de preuve relatifs aux onze laboratoires interrogés en Inde, figurant à l’annexe C.14 de la réplique, il convient de considérer que la présentation, conjointement avec la réplique, de ces éléments de preuve qui portent une date antérieure à celle du dépôt de la requête, est intervenue tardivement au sens de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante ayant omis d’avancer une justification pour cette présentation tardive, il convient de les écarter comme irrecevables en vertu de ces dispositions. En tout état de cause, ces éléments ne sont pas convaincants aux fins de démontrer le bien-fondé de l’allégation en cause.

101    En effet, d’une part, le 11 décembre 2020, une société a informé la requérante qu’elle avait des laboratoires accrédités pour tester l’OET en Inde selon la méthode recommandée par l’Union et a annexé un document contenant la liste des laboratoires accrédités au 9 septembre 2020 pour l’analyse des produits biologiques. D’autre part, une autre société a informé la requérante qu’elle avait l’accréditation pour tester l’OET entre 2018 et décembre 2020. De plus, la requérante n’explique pas comment ces réponses sont cohérentes avec son affirmation selon laquelle il n’y avait pas de laboratoire accrédité pour analyser l’OET en Inde en septembre 2020.

102    En troisième lieu, la requérante ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles les lots qu’elle a certifiés et qui ont donné lieu à une notification OFIS étaient dûment accompagnés, avant l’exportation, d’un certificat phytosanitaire délivré par le ministère de l’Agriculture indien stipulant que le lot était exempt de toute fumigation.

103    En quatrième lieu, la requérante fait valoir qu’il découle du règlement d’exécution (UE) 2020/1540 de la Commission, du 22 octobre 2020, modifiant le règlement d’exécution (UE) 2019/1793, en ce qui concerne les graines de sésame originaires de l’Inde (JO 2020, L 353, p. 4), qui a fixé à 50 % la fréquence des contrôles physiques et des contrôles d’identité à effectuer aux frontières de l’Union pour détecter la présence de résidus de pesticides sur les graines de sésame originaires de l’Inde, que la Commission elle-même ne jugeait pas utile, avant la crise de l’OET en septembre 2020, de considérer que les graines de sésame en provenance de l’Inde exigeaient un renforcement des contrôles aux frontières de l’Union. Elle ajoute que, à ce moment-là, l’OET ne relevait d’aucun plan de contrôle des « autorités européennes ». À cet égard, il suffit de constater que le simple fait que la Commission n’ait pas encore exigé un renforcement des contrôles ne dispensait pas les organismes de contrôle reconnus indiens, et notamment la requérante, d’effectuer les contrôles avec toutes les diligences nécessaires afin de détecter la présence de résidus de pesticides sur les graines de sésame originaires de l’Inde, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 94 à 99 ci-dessus, l’utilisation de l’OET comme fumigant était connue et contrôlée dans l’Union.

104    En cinquième lieu, d’une part, concernant les rapports de l’EFSA publiés en 2018, en 2019 et en 2020 sur Internet, il convient de constater que la circonstance ressortant, selon la requérante, de ces rapports, qu’il y avait une quantité négligeable ou l’absence des analyses d’OET en 2018 et en 2019 et que c’est uniquement en 2020 que l’EFSA a indiqué dans le rapport une quantité non négligeable de telles analyses, n’est pas susceptible de démontrer que l’OET ne présentait pas de risque avant 2020. En effet, comme il ressort du point 95 ci-dessus, selon le rapport de l’EFSA de 2016, des analyses pour détecter la présence d’OET avaient été effectuées sur seize échantillons et la présence d’OET avait été détecté dans quinze échantillons. D’autre part, concernant l’étude intitulée « Food Safety Governance and Guardianship : The Role of the Private Sector in Addressing the EU Ethylene Oxide Incident » (gouvernance et tutelle de la sécurité alimentaire : le rôle du secteur privé dans la résolution de l’incident de l’oxyde d’éthylène dans l’Union), publiée le 12 janvier 2022 sur Internet, démontrant, selon la requérante, que l’OET n’avait pas été détecté comme substance ou danger à propos de l’Inde avant 2020, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que, à supposer même que cette allégation soit vraie, cela n’avait aucun impact sur l’obligation de la requérante de contrôler avec la diligence requise la présence de résidus de pesticides sur les graines de sésame originaires de l’Inde.

105    Au vu de ce qui précède, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas de considérer que, en septembre 2020, d’une part, elle n’avait pas connaissance de l’utilisation de l’OET comme fumigant et, d’autre part, qu’il n’y avait pas de laboratoire accrédité pour analyser l’OET en Inde ou que l’OET n’était pas connu, contrôlé et analysé dans l’Union. De plus, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les LRUE n’ont publié la méthode de référence pour analyser l’OET qu’en décembre 2020, il suffit de relever que la requérante précise dans la réplique qu’elle n’invoque pas l’absence de méthodes disponibles pour détecter l’OET. Ainsi, par ces arguments, la requérante n’est pas parvenue à établir que l’appréciation de la Commission selon laquelle, malgré l’apparition de la contamination par l’OET et les fortes concentrations constatées, il n’y a pas eu de réaction de sa part aux causes de la défaillance du système de contrôle est entachée d’une erreur manifeste et partant, que le premier motif du règlement d’exécution attaqué ne justifie pas son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

106    Par ailleurs, par ses autres arguments, la requérante ne parvient pas davantage à établir que l’appréciation en cause est entachée d’une erreur manifeste. En effet, d’une part, l’absence de mention des fumigations à l’OET dans les rapports de l’OAV, après ses missions en Inde en 2014 et en 2018, ne change rien au fait que la requérante aurait dû avoir connaissance avant 2020 du risque de la fumigation à l’OET pour les produits biologiques en Inde. D’autre part, la requérante ne saurait s’exonérer de la responsabilité qui lui incombait d’assurer le contrôle des substances interdites dans l’Union par l’affirmation de l’impossibilité pour les organismes de contrôle de rechercher et d’analyser toutes ces substances.

107    Partant, il convient de rejeter la première branche comme non fondée.

–       Sur les deuxième et troisième branches

108    Par la deuxième branche, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait pris en temps utile toutes les mesures correctives appropriées allant même au-delà de ce qui était nécessaire pour simplement rectifier la situation.

109    D’une part, concernant les mesures adoptées avant de recevoir les notifications OFIS relatives à Unjha Agro, la requérante allègue que, le 6 octobre 2020, elle avait appris la découverte des premiers cas d’OET sur du sésame en provenance de l’Inde et avait commencé à collecter des informations détaillées sur la molécule, ses utilisations et les moyens de la détecter. Elle affirme que, à la suite de la mise en œuvre d’une obligation générale instaurée le 16 octobre 2020 par l’Indian Oilseeds and Produce Export Promotion Council (Conseil indien de promotion des exportations de graines et produits oléagineux) de tester la présence d’OET sur le sésame avant toute vente en dehors de l’Inde à partir du 21 octobre 2020, elle a renforcé ses contrôles et informé tous ses opérateurs, par courriel, que des tests OET seraient exigés avant toute délivrance de certificats d’inspection pour les produits à base de sésame.

110    D’autre part, la requérante soutient que, après avoir reçu, le 9 novembre 2020, l’information de la part d’un organisme international de certification, notifiée plus tard officiellement par l’APEDA le 16 novembre 2020, relative à la présence d’OET dans des graines de sésame exportées par Unjha Agro, elle a adopté les mesures correctives. Le 11 novembre 2020, l’opérateur concerné aurait été informé et les lots contaminés auraient été bloqués.

111    La requérante précise que, le 20 novembre 2020, elle a effectué un audit inopiné sur place dans un délai de dix jours (week-end compris) à compter de la notification, qui, dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et compte tenu des contraintes logistiques liées à l’organisation d’un tel audit, était raisonnable. Lors de cet audit, il aurait été constaté que les produits biologiques et conventionnels n’étaient pas identifiés et/ou étiquetés de manière appropriée et que le client avait accès à une chambre de fumigation par l’OET pour ses produits conventionnels.

112    La requérante indique également que, le 1er décembre 2020, elle a prononcé une suspension totale de l’opérateur concerné et que, le 30 décembre 2020, à la suite d’une publication de la circulaire de l’APEDA du 24 décembre 2020, interdisant l’exportation de sésame biologique, elle a renforcé ses contrôles et étendu les tests OET obligatoires à une liste de 11 produits à risque. Cette liste aurait fréquemment été mise à jour depuis et comprendrait actuellement 25 produits à risque.

113    La requérante ajoute que, le 11 février 2021, à l’issue de son enquête, elle a retiré la certification de l’opérateur concerné et que, en 2021, elle a décidé, notamment, d’augmenter le nombre d’inspections inopinées et a renforcé les contrôles précédant la délivrance du certificat d’inspection.

114    Par la troisième branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des sanctions adoptées par l’APEDA à son égard malgré le fait que celle-ci était la seule autorité compétente pour agir.

115    La Commission conteste les arguments de la requérante.

116    Il y a lieu d’examiner, si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les mesures correctives prises par la requérante étaient inappropriées.

117    En premier lieu, si le premier audit de la requérante pouvait être effectué à distance, à savoir sur la base de documents, notamment en raison des restrictions liées au COVID-19, le fait de ne pas avoir décelé les déficiences lors de l’inspection annoncée sur le site d’Unjha Agro, le 28 septembre 2020, est une erreur à imputer à la requérante, d’autant plus que, selon cette dernière, l’auditeur a vérifié le risque de fumigation avec des substances interdites.

118    En deuxième lieu, il convient de remarquer, à l’instar de la Commission, que, dans ses rapports annuels de 2020 et de 2021 figurant aux annexes B.14 et B.15 du mémoire en défense, l’APEDA a attiré l’attention sur le manque d’expérience des inspecteurs de la requérante. Il est vrai que, en 2021, comme il ressort de l’annexe B.15 dudit mémoire, l’APEDA a décidé de renouveler l’accréditation de la requérante. Toutefois, cette circonstance n’est pas susceptible, à elle seule, de dissiper les doutes concernant l’expérience des inspecteurs en 2020, exprimés par l’APEDA dans lesdits rapports annuels.

119    Cette constatation ne saurait être remise en cause par la liste des auditeurs qui ont effectué les inspections d’Unjha Agro en 2020 figurant à l’annexe C.13 de la réplique, avancée afin de démontrer que les inspecteurs de la requérante avaient une expérience comprise entre 5 ans et demi et 10 ans, étant donné qu’il s’agit d’un tableau simple non étayé par des éléments de preuve. Elle n’est pas non plus remise en cause par les explications non étayées fournies par la requérante lors de l’audience.

120    En troisième lieu, ainsi qu’il découle du rapport annuel de l’APEDA de 2021 figurant à l’annexe B.15 du mémoire en défense, celle-ci a constaté que la requérante n’avait pas effectué d’inspections inopinées et supplémentaires conformément aux exigences. De même, il ressort du document comportant une évaluation des actions correctives soumises par la requérante pour les non-conformités datées de 2021, figurant à l’annexe C.12 de la réplique, que l’APEDA a reproché à la requérante qu’elle n’avait pas effectué suffisamment d’inspections inopinées. Ces circonstances ne font que confirmer que l’approche de la requérante lors de l’exécution de ses tâches n’était pas suffisamment vigilante, et ce même pendant l’année 2021, soit après la mauvaise expérience avec Unjha Agro.

121    En quatrième lieu, bien que la requérante ait appris la découverte des premiers cas d’OET sur du sésame en provenance de l’Inde le 6 octobre 2020, il découle du rapport d’évaluation du comité français d’accréditation figurant à l’annexe A.14 de la requête que ce n’est qu’à partir du 20 octobre 2020 qu’elle a commencé à informer ses clients en Inde des dangers liés aux produits biologiques contaminés à la suite d’une fumigation à l’OET et de la nécessité de tester les produits biologiques afin de détecter ces contaminations.

122    De même, la requérante n’apporte pas d’explications convaincantes concernant le décalage de dix jours entre la première des trois notifications OFIS et l’inspection inopinée d’Unjha Agro. En effet, elle se borne à invoquer les contraintes logistiques liées à l’organisation d’un audit inopiné et à la pandémie de COVID-19.

123    Dans ce contexte, l’argument de la requérante selon lequel l’APEDA lui a imposé des sanctions sans retirer son accréditation en tant qu’organisme de contrôle reconnu indien ne saurait prospérer. En effet, les sanctions de l’APEDA confirment que la requérante n’a pas été irréprochable dans l’exécution des contrôles lors de la crise de l’OET. Le fait que son accréditation a été renouvelée en Inde n’a aucun impact sur l’appréciation de la mesure adoptée par la Commission en l’espèce.

124    À cet égard, la Commission est libre d’établir les exigences plus strictes par rapport à celles établies dans un pays tiers quant au respect des règles d’importation, pouvant ainsi aller jusqu’à exiger, au regard de la protection de la santé humaine faisant l’objectif de la réglementation concernée, des performances pratiquement irréprochables de la part des organismes compétents des pays tiers (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, BRF et SHB Comércio e Indústria de Alimentos/Commission, T‑429/18, EU:T:2020:322, point 80).

125    Au vu de ces considérations et au regard de la large marge d’appréciation dont dispose la Commission concernant la supervision des pays tiers reconnus au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement 2018/848 (voir points 54 à 57, 83 et 84 ci-dessus), les arguments de la requérante examinés aux points 117 à 124 ci-dessus ne permettent pas de considérer que la Commission avait commis une erreur manifeste en considérant que les mesures correctives prises par la requérante étaient inappropriées.

126    Par ailleurs, par ses autres arguments tirés de ce que, à la suite d’une publication de la circulaire de l’APEDA du 24 décembre 2020, elle a, d’une part, renforcé ses contrôles et étendu les tests OET obligatoires à une liste de 11, et plus tard à une liste de 25 produits à risque, et, d’autre part, augmenté, en 2021, le nombre d’inspections inopinées et renforcé les contrôles précédant la délivrance du certificat d’inspection, la requérante ne parvient pas davantage à établir que l’appréciation en cause est entachée d’une erreur manifeste. En effet, les déficiences concernant les mesures correctives prises par la requérante concernant des lots de produits biologiques contaminés en provenance de l’Inde, ne saurait être remises en cause par l’adoption ultérieure d’autres mesures visant à améliorer son processus de contrôle.

127    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter les deuxième et troisième branches comme non fondées.

 Sur le second motif du retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens

128    À titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que selon l’annexe III du règlement no 1235/2008, la Commission a reconnu que la République de l’Inde respectait des principes et des règles de production et de contrôles équivalents à ceux de l’Union uniquement pour les produits végétaux non transformés relevant de la catégorie A et pour le matériel de reproduction végétative et les semences utilisés à des fins de culture de la catégorie F. Ce fait n’est pas contesté par la requérante. D’autre part, la Commission considère que la requérante a délivré les certificats d’inspection pour les produits transformés, à savoir les produits qui se situent hors du champ d’application de la reconnaissance de l’Inde.

129    Afin de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elle n’avait pas respecté le champ d’application de la reconnaissance de l’Inde en ce qui concerne les produits qui peuvent être importés dans l’Union, la requérante se borne à soutenir que la qualification des graines de sésame de produits transformés relevant de la catégorie D est incorrecte au regard de l’incertitude entourant la notion de « produits transformés » et son application dans le cas d’espèce.

130    À cet égard, il importe de relever que la requérante a soulevé cet argument pour la première fois dans sa demande d’audience de plaidoiries, alors même que la Commission avait souligné dans le mémoire en défense que la requérante n’avait pas contesté plusieurs raisons figurant au considérant 6 du règlement d’exécution attaqué. Il y a également lieu de constater que, dans la réplique, la requérante s’est limitée à soutenir qu’elle n’avait pas besoin de répondre à l’ensemble des conclusions dudit considérant.

131    Or, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Au contraire, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 11 novembre 2020, AV et AW/Parlement, T‑173/19, non publié, EU:T:2020:535, point 52 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 8 juillet 2020, VQ/BCE, T‑203/18, EU:T:2020:313, point 56 et jurisprudence citée).

132    En l’espèce, l’argument pris de la qualification incorrecte des graines de sésame de produits transformés ne peut néanmoins pas être considéré comme l’ampliation d’un quelconque des moyens du recours, puisque, dans la requête, la requérante n’a pas contesté le second motif de son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens.

133    Dans ces conditions, il convient de considérer que l’argument en cause est nouveau et, dans la mesure où il ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, de le rejeter comme irrecevable.

134    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

135    La requérante fait valoir que son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens est disproportionné par rapport aux irrégularités constatées, dans la mesure où, premièrement, le retrait de cinq organismes de contrôle de ladite liste a un impact considérable sur les exportations de l’Inde vers l’Union, étant donné que les produits certifiés par ces organismes représentent 80 % des exportations, deuxièmement, elle a pris des mesures correctives et, troisièmement, parmi les 520 opérateurs certifiés par la requérante dans la catégorie A, un seul était concerné par la présence d’OET dans ses exportations. En outre, elle estime qu’une surveillance ou une suspension auraient pu aboutir au même résultat sans la retirer de cette liste.

136    Par ailleurs, la requérante soutient que la Commission aurait dû effectuer une étude approfondie des effets et des différentes mesures possibles avant d’adopter le règlement d’exécution attaqué et de prendre en compte les sanctions qui lui avaient déjà imposées par l’APEDA.

137    La Commission conteste les arguments de la requérante.

138    En premier lieu, étant donné le large pouvoir d’appréciation de la Commission en l’espèce (voir points 54 à 57, 83 et 84 ci-dessus), seul le caractère manifestement inapproprié du retrait de la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens par rapport à l’objectif que la Commission entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, EU:C:2012:385, point 71 et jurisprudence citée).

139    En deuxième lieu, la requérante n’a produit aucun élément afin de démontrer l’impact allégué du règlement d’exécution attaqué sur l’exportation de l’Inde vers l’Union. En outre, comme le soutient à juste titre la Commission, il reste encore 24 organismes de contrôle sur la liste des organismes de contrôle reconnus indiens sachant que le cadre réglementaire permet la certification par un nouvel organisme de contrôle de produits qui ont fait l’objet de contrôles effectués par celui dont la reconnaissance a été retirée (voir, par analogie, ordonnance du 24 mars 2021, Graanhandel P. van Schelven/Commission, T‑306/19, non publiée, EU:T:2021:166, point 55).

140    En troisième lieu, s’agissant des mesures correctives prises par la requérante, il ressort de l’examen du troisième moyen que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission avait entaché son analyse d’une erreur manifeste d’appréciation.

141    En quatrième lieu, au regard du fait que, ainsi qu’il ressort des points 54 à 57, 72 à 77 et 83 et 84 ci-dessus, la Commission dispose, d’un côté, d’une large marge d’appréciation relative à la supervision des pays tiers reconnus et que, de l’autre côté, la requérante ne dispose pas d’un droit individuel concernant l’exécution des contrôles et la certification des produits destinés à l’exportation vers l’Union, le fait qu’uniquement un seul opérateur certifié par la requérante dans la catégorie A était concerné par la présence d’OET ne suffit pas à démontrer le caractère manifestement disproportionné de la mesure prise par la Commission. Pour les mêmes raisons, la Commission n’était pas obligée d’effectuer une étude des différentes mesures possibles avant adopter le règlement d’exécution attaqué.

142    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû prendre en compte les sanctions qui lui avaient déjà été imposées par l’APEDA, il suffit de renvoyer à l’analyse de cet argument figurant au point 124 ci-dessus.

143    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas démontré que la Commission, en décidant de retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, a violé le principe de proportionnalité.

144    Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de de la violation des principes d’égalité de traitement et de nondiscrimination

145    La requérante fait notamment valoir que son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens est discriminatoire étant donné que la décision de ne retirer que certains organismes de contrôle de ladite liste est discrétionnaire et n’est pas justifiée par des facteurs objectifs ou par des différences. Elle soutient que seuls cinq organismes de contrôle sont visés par le règlement d’exécution attaqué, tandis qu’au moins neuf organismes étaient directement ou indirectement concernés par les notifications OFIS relatives à l’OET pour les produits de catégorie A. Elle avance que, alors que d’autres cas de dysfonctionnement généralisé ont conduit à l’imposition de sanctions à tous les acteurs, la Commission a décidé, de manière discriminatoire, de supprimer la certification de certains organismes de contrôle sur la base des seules notifications OFIS et a ainsi créé une concurrence déloyale entre les organismes de contrôle étrangers.

146    La Commission conteste les arguments de la requérante.

147    Il convient de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 58 et jurisprudence citée).

148    Il ressort de l’examen du troisième moyen que, en l’espèce, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause le bien-fondé des motifs pour lesquels elle a été retirée de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens. À cet égard, à supposer même que la Commission ait dû retirer d’autres organismes de contrôle de cette liste, ce fait ne saurait avoir d’incidence sur la légalité de l’article 1er du règlement d’exécution attaqué, lu en combinaison avec l’annexe I de ce règlement d’exécution, en ce qui concerne l’Inde (point 5), dans la mesure où la requérante est retirée de ladite liste.

149    En outre, concernant l’argument tiré de ce que la Commission n’a pas de pouvoir de supervision directe sur les organismes de contrôle en vertu de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007, ou que les informations reçues sur la base desquelles la Commission peut modifier le cahier des charges doivent être comprises comme des informations transmises par le pays tiers et non comme le résultat des enquêtes réalisées par la Commission, il importe de constater que la requérante n’explique pas comment ces arguments ont un quelconque lien avec la violation des principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination qu’elle invoque. En tout état de cause, ces arguments doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l’examen du premier moyen.

150    Enfin, l’argument de la requérante tiré de ce que, dans de nombreux cas, d’autres organismes de contrôle des fournisseurs en aval de la chaîne participent également, à une autre échelle, à la détection de la source de la contamination et de ce que les notifications OFIS ne reflètent donc pas la réalité, n’est pas non plus susceptible de remettre en cause la conclusion figurant au point 148 ci-dessus. Un tel argument concernant le comportement ou la responsabilité éventuelle d’autres organismes de contrôle ne peut pas remettre en cause le comportement et la responsabilité de la requérante.

151    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que la Commission, en décidant de retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, a violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, de sorte que le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

152    La requérante soutient que, en adoptant le règlement d’exécution attaqué, la Commission a violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Selon elle, la disposition légale sur la base de laquelle la Commission a décidé de la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens n’est pas claire ni d’application prévisible. En outre, elle fait valoir que le maintien de son inscription sur cette liste depuis 2006 a engendré une confiance légitime. De même, elle affirme que l’article 48 du règlement 2018/848, prévoyant que la reconnaissance des pays tiers au titre de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007 prend fin le 31 décembre 2026, a engendré une confiance légitime dans le fait que la reconnaissance de l’Inde, ainsi que des organismes de contrôle indiens, ne serait pas, en principe, modifiée avant 2026. Selon elle, la présente affaire ne relève pas du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, étant donné que la Commission ne dispose pas d’un pouvoir de supervision directe sur les organismes de contrôle en vertu de l’article 33, paragraphe 2, du règlement no 834/2007. Ainsi, elle estime que son retrait de la liste susvisée est une décision arbitraire que ni les États membres, ni les pays tiers, ni les organismes de contrôle n’auraient pu anticiper.

153    De plus, la requérante souligne, de nouveau, qu’elle a appris son retrait de la liste lors de la publication du projet de règlement attaqué le 5 octobre 2021, sans aucun préavis.

154    La Commission conteste les arguments de la requérante.

155    En ce qui concerne le principe de la confiance légitime, il convient tout d’abord de rappeler que, dans le domaine de la politique agricole commune, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes (voir arrêt du 22 octobre 2009, Elbertsen, C‑449/08, EU:C:2009:652, point 45 et jurisprudence citée).

156    En l’espèce, en premier lieu, il résulte, implicitement mais nécessairement, de l’examen des premier et deuxième moyens, que les dispositions légales sur la base desquelles la Commission a décidé de retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens étaient suffisamment claires, de sorte que leur application était prévisible pour la requérante.

157    En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante cherche, à nouveau, à remettre en cause la compétence de la Commission pour la retirer de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, il y a lieu de renvoyer à l’examen du premier moyen, dont il résulte que la Commission disposait d’une telle compétence. Partant, ni le maintien de l’inscription de la requérante sur cette liste depuis 2006, ni l’article 48 du règlement 2018/848 ne pouvaient engendrer la confiance légitime de la requérante dans le fait que la liste des organismes de contrôle indiens ne serait pas modifiée avant le 31 décembre 2026.

158    En troisième lieu, pour répondre à l’argument de la requérante tiré de ce qu’elle a appris son retrait de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens lors de la publication du projet de règlement attaqué sans bénéficier du moindre préavis, ni avoir la possibilité d’exprimer son avis avant cette publication, il suffit de renvoyer à l’examen du deuxième moyen.

159    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que la Commission, en décidant de retirer la requérante de la liste des organismes de contrôle reconnus indiens, a violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

160    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le sixième moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

161    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ecocert India Pte Ltd est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.