Language of document : ECLI:EU:T:2014:855

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 octobre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative T – Marque communautaire figurative antérieure T – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑531/12,

Tifosi Optics, Inc., établie à Watkinsville (États-Unis), représentée initialement par Mes A. Tornato et D. Hazan, puis par Me R. Gilbey, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Tom Tailor GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes O. Gillert, K. Vanden Bossche et B. Köhn-Gerdes, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 17 septembre 2012 (affaire R 729/2011‑2), relative à une procédure d’opposition entre Tom Tailor GmbH et Tifosi Optics, Inc.,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 19 février 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2013,

à la suite de l’audience du 6 mai 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 septembre 2009, la requérante, Tifosi Optics, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement est demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil ; cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires ; visières ; jumelles ; masques de ski ; casques et lunettes de protection, leurs pièces et accessoires ; lentilles de contact et leurs boîtiers » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 43/2009, du 9 novembre 2009.

5        Le 5 février 2010, l’intervenante, Tom Tailor GmbH, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque communautaire figurative antérieure, enregistrée sous le numéro 1368232, reproduite ci-après :

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7        Les produits désignés par la marque antérieure relevaient notamment des classes 9 et 25 et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments optiques ; articles pour la vue ; lunettes ; lunettes de soleil ; lentilles ; étuis à lunettes et étuis à lunettes de soleil ; pièces et parties constitutives pour tous les produits précités » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour hommes et dames ; t-shirts, chemises, jeans, pantalons, shorts, pantalons en cuir, jambières, chandails, vestes, vestons, jupes, robes et chaussures ; articles d’habillement de dessus ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 3 février 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 31 mars 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 17 septembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), prise uniquement sur la base de la marque communautaire antérieure enregistrée sous le numéro 1368232, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté la demande de marque communautaire pour l’ensemble des produits concernés. En particulier, elle a considéré que, en l’absence d’identité des signes en conflit, l’opposition formée en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, ne pouvait être accueillie. Par ailleurs, les produits désignés par la marque demandée et les produits désignés par la marque antérieure seraient soit identiques, soit similaires, les marques seraient similaires sur le plan visuel et identiques sur les plans phonétique et conceptuel et la marque antérieure posséderait un caractère distinctif intrinsèque moyen. La chambre de recours en a conclu que l’identité et la similitude des produits en cause et le degré de similitude entre les marques, considérés ensemble, étaient suffisamment élevés pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2012, la requérante a introduit le présent recours.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité des annexes A 10 à A 13 de la requête

15      L’OHMI soutient que les annexes A 10 à A 13 de la requête ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal, et non pendant la procédure devant l’OHMI, et doivent dès lors être déclarées irrecevables. Ces annexes contiennent les résultats de recherches effectuées dans les registres de l’OHMI et des offices des brevets et des marques de certains États membres en ce qui concerne des enregistrements de marques constituées de, ou comportant, la lettre « t ».

16      La requérante fait valoir que les annexes concernées ne modifient en rien l’objet du litige, car elles portent sur un argument avancé par la requérante tout au long de la procédure, à savoir la faiblesse générale des marques alphabétiques.

17      À ce titre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dès lors que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de telles preuves est contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 18 ; du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, Rec. p. II‑2097, point 11, et du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, Rec. p. II‑1535, points 17 et 18].

18      En l’espèce, il n’est pas contesté que les annexes A 10 à A 13 de la requête ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Par conséquent, même en admettant que les faits auxquels elles se rapportent aient fait l’objet du débat lors de la procédure devant l’OHMI, il convient d’écarter lesdits documents comme irrecevables.

 Sur la recevabilité des annexes A 3 et A 4 de la requête

19      L’intervenante observe que les annexes A 3 et A 4 de la requête, contenant les attestations d’inscription au barreau des avocats de la requérante, ne sont pas traduites dans la langue de procédure, à savoir, l’anglais. Par conséquent, ces annexes ne respecteraient pas les exigences de forme imposées par le règlement de procédure et ne pourraient pas être prises en considération.

20      La requérante et l’OHMI contestent l’irrecevabilité de ces annexes.

21      Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 44, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’avocat représentant une partie est tenu de déposer au greffe du Tribunal un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). Une traduction d’une telle légitimation vers la langue de procédure n’est pas exigée par cette disposition.

22      S’il est vrai que l’article 35, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit l’emploi de la langue de procédure, notamment, dans les pièces et documents annexés aux mémoires et lors des plaidoiries des parties, il convient de relever que les certificats d’inscription au barreau des représentants des parties ne sont pas des annexes aux mémoires, au sens de cette disposition. En effet, ces attestations sont avant tout destinées au Tribunal, afin que celui-ci puisse s’assurer de la représentation en bonne et due forme des parties, qui est un critère de recevabilité d’ordre public, devant être vérifié d’office par le Tribunal. Or, à ces fins, une traduction vers la langue de procédure n’est pas nécessaire.

23      Il en découle qu’il convient de rejeter l’argument de l’intervenante et de déclarer recevables les annexes A 3 et A 4 de la requête, ainsi que l’attestation produite par le nouveau représentant de la requérante, en annexe au courrier déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2014.

 Sur la recevabilité des arguments de la requérante relatifs à la comparaison des produits

24      L’OHMI fait valoir, en substance, que l’argumentation de la requérante concernant la similitude des produits n’est pas conforme à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, qui impose à la partie requérante de présenter un exposé sommaire des moyens invoqués.

25      À l’appui de son argument, l’OHMI invoque une jurisprudence constante selon laquelle le Tribunal doit rejeter comme irrecevable un chef de conclusions ou un argument de la requête qui lui est présentée dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef des conclusions ou cet argument est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 37).

26      La requérante réfute l’argumentation de l’OHMI et remet en cause, notamment, l’interprétation de la jurisprudence opérée par l’OHMI.

27      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans les limites des dispositions de l’article 65 du règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par la Cour, le Tribunal peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (arrêt de la Cour du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 39).

28      Ainsi, dès lors que le Tribunal est saisi d’une contestation relative à l’appréciation, par la chambre de recours, du risque de confusion entre deux signes, il est compétent pour examiner l’appréciation que la chambre de recours a portée sur la similitude des produits en cause, même en l’absence de contestation spécifique de ce point par la requérante, puisqu’il ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits par la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt Les Éditions Albert René/OHMI, précité, points 47 et 48, et arrêt du Tribunal du 2 juin 2010, Procaps/OHMI – Biofarma (PROCAPS), T‑35/09, non publié au Recueil, point 59].

29      D’autre part, il convient de considérer que, comme la requérante l’a relevé à juste titre, le principe défini par la jurisprudence invoquée par l’OHMI prend en compte l’intégralité de la requête, et non seulement l’exposé sommaire des moyens en tant que document distinct que les instructions pratiques aux parties demandent au requérant d’inclure dans la requête. Dès lors, les exigences formulées tant par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure que par la jurisprudence susmentionnée ont, en l’espèce, été respectées par la requérante. En effet, il convient de constater, d’une part, que la requête contient, aux points 15 et 16, un exposé sommaire de l’unique moyen invoqué, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. D’autre part, les arguments relatifs à la comparaison des produits sont fondés sur des éléments de fait et de droit qui ressortent de manière cohérente et compréhensible du texte de la requête.

30      Par conséquent, il convient de constater que les arguments de la requérante relatifs à la comparaison des produits sont recevables et que, en tout état de cause, le Tribunal devait procéder à un examen de ladite comparaison, telle qu’effectuée par la chambre de recours.

 Sur le fond

31      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a conclu, dans un premier temps, au caractère similaire ou identique des produits en cause, dans un deuxième temps, au caractère similaire des signes en conflit des points de vue visuel, phonétique et conceptuel et, enfin, à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

32      L’OHMI et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

33      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

34      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

35      Par ailleurs, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

36      Enfin, il a été jugé que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

37      Il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 20 à 23 de la décision attaquée, que, en l’espèce, le public pertinent se compose à la fois de professionnels et du grand public, la fraction professionnelle du public ayant un degré d’attention plus élevé que celui du consommateur moyen. En outre, ainsi que les parties s’accordent à le soutenir, si le degré d’attention est moyen en ce qui concerne la plupart des produits concernés, il est supérieur à la moyenne pour une partie des produits relevant de la classe 9. En effet, le caractère sophistiqué ou technique de certains de ces produits, tels que les appareils optiques, a pour conséquence une réflexion plus approfondie de la part du consommateur.

 Sur la comparaison des produits

38      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

39      Par ailleurs, il a été jugé que, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits sont considérés comme identiques [voir arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 34, et la jurisprudence citée].

–       Sur les « vêtements, chaussures, chapellerie » (classe 25)

40      Il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que ces produits étaient identiques aux produits relevant de la classe 25 désignés par la marque antérieure. En effet, ainsi qu’elle le souligne au point 28 de la décision attaquée, tous les produits relevant de la classe 25 désignés par la marque antérieure font partie de la catégorie plus générale des « vêtements, chaussures, chapellerie », désignée par la marque demandée. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas la comparaison des produits opérée par la chambre de recours sur ce point.

–       Sur les « lentilles de contact et leurs boîtiers » (classe 9)

41      Si la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, en raison de leur objectif, les « lentilles de contact », désignées par la marque demandée, et les « lunettes », désignées par la marque antérieure, étaient similaires, il convient de préciser que la marque antérieure désigne également les « lentilles » et qu’il y a donc même identité à l’égard de ces produits. Quant aux « boîtiers », désignés par la marque demandée, ces derniers sont indissociables des lentilles et ont, par ailleurs, la même fonction que les « étuis pour lunettes », désignés par la marque antérieure, à savoir assurer la protection d’un article pour la vue. Qui plus est, ces produits peuvent être fabriqués par les mêmes sociétés et ensuite commercialisés via les mêmes circuits de distribution. La requérante n’a d’ailleurs pas contesté les constatations de la chambre de recours à cet égard.

–       Sur les « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil ; cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires ; jumelles ; lunettes de protection » (classe 9)

42      La chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que ces produits étaient identiques aux produits relevant de la classe 9, désignés par la marque antérieure. Elle a relevé, en ce sens, que, pour certains des produits désignés par la marque demandée, tels que les « cadres ; charnières et branches pour lunettes et lunettes de soleil », l’identité découlait du constat selon lequel ceux-ci étaient compris dans la catégorie plus générale des « pièces et parties constitutives pour lunettes et lunettes de soleil », produits relevant de la classe 9, désignés par la marque antérieure. De même, en ce qui concerne les « jumelles » et les « lunettes de protection », désignées par la marque demandée, ces produits sont, selon la chambre de recours, identiques aux « appareils et instruments optiques », qui constituent une catégorie plus générale de produits désignés par la marque antérieure. Enfin, la chambre de recours conclut, de manière implicite, à l’identité des produits en ce qui concerne les « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil », désignés par la marque demandée, dès lors que le libellé de ces produits, d’une part, et le libellé de certains produits désignés par la marque antérieure, d’autre part, sont identiques.

43      La requérante ne conteste pas l’identité ou la similitude des « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil ; cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires », désignés par la marque demandée, par rapport aux produits relevant de la classe 9, désignés par la marque antérieure. En revanche, elle nie toute similitude en ce qui concerne les « jumelles » et les « lunettes de protection », désignées par la marque demandée. Elle fait valoir, en substance, que ces produits ne sont pas destinés aux mêmes consommateurs finaux que les produits désignés par la marque antérieure et que leur fabrication ainsi que leurs canaux de distribution sont différents.

44      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les arguments des parties qui se réfèrent au degré d’identité ou de similitude en ce qui concerne les « jumelles » et les « lunettes de protection » procèdent d’une confusion tant de la part de la requérante que de la part de l’OHMI.

45      D’une part, la requérante conteste, au point 39 de sa requête, que les « visières ; masques de ski ; casques et lunettes de protection », désignés par la marque demandée, et les « articles pour la vue », désignés par la marque antérieure, soient similaires. Or, en ce qui concerne les « lunettes de protection », l’appréciation du caractère identique effectuée par la chambre de recours s’opère par comparaison aux « appareils et instruments optiques », alors que, pour ce qui est des « visières, masques de ski ; casques de protection, leurs pièces et accessoires », désignés par la marque demandée, la comparaison de la chambre de recours porte sur les « articles d’habillement de dessus », relevant de la classe 25, désignés par la marque antérieure.

46      D’autre part, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient l’OHMI, la chambre de recours n’a pas jugé que les « jumelles » et les « lunettes de protection » présentaient des similitudes avec les « articles d’habillement de dessus », mais avec les « appareils et instruments optiques ».

47      Le Tribunal considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au caractère identique des « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil ; cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires ; jumelles », désignés par la marque demandée, et des produits désignés par la marque antérieure. La description de ces produits soit correspond à celle des produits relevant de la marque antérieure, pour ce qui est des « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil », soit fait partie d’une description plus générale des produits désignés par la marque antérieure, à l’instar de la catégorie des « appareils et instruments optiques », qui englobe les « jumelles », désignées par la marque demandée, ou encore de la catégorie des « pièces et parties constitutives pour tous les produits précités », qui englobe les « cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires », désignés par la marque demandée.

48      Toutefois, il y a lieu de relever que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les « lunettes de protection », désignées par la marque demandée, étaient identiques aux « appareils et instruments optiques », désignés par la marque antérieure. En effet, cette dernière catégorie comprend des produits d’une plus grande complexité technique que des lunettes, tels que les microscopes, des télescopes ou des appareils de photo. En revanche, les « lunettes de protection », désignées par la marque demandée, se présentent plutôt comme des produits ayant des similitudes avec les « lunettes de soleil », relevant de la classe 9, désignées par la marque antérieure, notamment en raison de l’utilisation et de la destination des deux catégories de produits. Si la catégorie des « lunettes de protection » comprend, notamment, des lunettes protégeant les yeux contre les impacts physiques ou contre le contact avec des substances nuisibles lors de travaux en bâtiment, en industrie ou en chimie, elle inclut également des modèles protégeant contre la lumière intense, présentant une finalité proche ou identique à celle des « lunettes de soleil », désignées par la marque antérieure. Dès lors, il existe un degré de similitude moyen entre les « lunettes de protection », désignées par la marque demandée, et les « lunettes de soleil », désignées par la marque antérieure.

–       Sur les « visières ; masques de ski ; casques de protection, leurs pièces et accessoires » (classe 9)

49      La chambre de recours a conclu, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, que ces produits présentaient un certain degré de similitude avec les « articles d’habillement de dessus », produits relevant de la classe 25, désignés par la marque antérieure.

50      La requérante conteste la similitude de ces produits. Toutefois, en raison de la confusion faite par la requérante (voir point 44 ci-dessus), son argument doit être rejeté comme inopérant.

51      Le Tribunal considère que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à une similitude des « visières ; masques de ski ; casques de protection, leurs pièces et accessoires », relevant de la classe 9, désignés par la marque demandée, avec les « articles d’habillement de dessus », relevant de la classe 25, désignés par la marque antérieure.

52      Il convient de rappeler, tout d’abord, que la classification des produits et des services résultant de l’arrangement de Nice est établie à des fins exclusivement administratives. Des produits ne peuvent, par conséquent, être considérés comme étant différents au seul motif qu’ils figurent dans des classes différentes. En effet, l’élément de référence consiste à savoir si, dans l’esprit du public pertinent, les produits en cause peuvent avoir une origine commerciale commune (voir, en ce sens, arrêt PiraÑAM diseño original Juan Bolaños, précité, points 37 et 38).

53      En outre, de par leurs producteurs, leurs points de vente et leur finalité, ces deux catégories d’articles présentent des liens étroits. Ainsi que la chambre de recours l’a souligné à juste titre, ils sont souvent produits par les mêmes entreprises, notamment par des entreprises spécialisées dans les vêtements et équipements de sport. De même, ils sont souvent vendus ensemble dans des magasins de sport. Enfin, s’agissant de leur finalité, s’il est vrai que les « visières ; masques de ski ; casques de protection » revêtent un caractère protecteur, cela est également vrai pour les « articles d’habillement de dessus », qui servent, comme la chambre de recours l’a relevé, à couvrir le corps pour se protéger contre les éléments. Par ailleurs, tout comme les « articles d’habillement de dessus », les « visières ; masques de ski ; casques de protection » peuvent remplir des fonctions d’articles de mode, en servant à exprimer un goût ou un style personnel.

54      Il convient donc de conclure qu’il existe un degré moyen de similitude entre les « visières ; masques de ski ; casques de protection, leurs pièces et accessoires », relevant de la classe 9, désignés par la marque demandée, et les « articles d’habillement de dessus », relevant de la classe 25, désignés par la marque antérieure.

–       Conclusion sur la comparaison des produits

55      En conclusion, les produits désignés par les marques en conflit sont pour une grande partie identiques et, pour le reste, similaires.

 Sur la comparaison des signes

56      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

57      Par ailleurs, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

–       Sur la similitude visuelle

58      Aux points 37 et 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient, dans l’ensemble, visuellement similaires. En effet, l’impression d’ensemble des deux marques serait déterminée par la lettre majuscule « T » entourée d’un ovale, grâce à laquelle elles seraient toutes deux reconnues. Or, en dépit de quelques légères différences entre les signes, les similitudes prévaudraient, tant en ce qui concerne la lettre majuscule « T » et l’ovale qu’en ce qui concerne la représentation graphique de ces deux éléments.

59      La requérante conteste la similitude des signes en conflit et souligne que l’impression produite par les signes est déterminée par la stylisation distinctive des marques et non par les éléments dépourvus de caractère distinctif, à savoir la lettre majuscule « T » ou l’ovale. La requérante considère, en effet, que les signes en conflit se composent, en plus de la lettre majuscule « T » et de l’ovale, d’éléments de stylisation graphique.

60      L’OHMI et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

61      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que la marque demandée se compose d’une lettre majuscule « T » épaisse, reproduite en blanc à l’intérieur d’un ovale à fond noir, avec une fine demi-lune blanche sur les côtés latéraux de l’ovale allongé. La marque antérieure consiste en une lettre majuscule « T » épaisse, reproduite en noir à l’intérieur d’un ovale blanc dont le bord est délimité par une ligne noire.

62      Selon la jurisprudence, l’appréciation de la similitude entre les signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci (arrêt OHMI/Shaker, précité, point 35). Or, en l’espèce, cette impression d’ensemble est déterminée, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre, par la lettre majuscule « T » et l’ovale qui l’entoure. En effet, il s’agit là de deux éléments, perçus comme un tout, que le consommateur est susceptible de reconnaître et de garder en mémoire. Rien ne permet, par ailleurs, de considérer que l’un de ces deux éléments serait dominant dans l’un des signes en conflit. En revanche, la stylisation graphique des signes apparaît comme clairement secondaire, et suppose un examen minutieux de la part du consommateur, qui n’adopte pas une approche particulièrement attentive lorsqu’il est en présence de signes à lettre unique. À plus forte raison la stylisation graphique des signes ne peut être considérée comme l’élément distinctif, voire dominant, des deux signes. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’impression d’ensemble des signes en conflit n’est donc pas fondée sur la seule stylisation graphique des marques.

63      À titre complémentaire, il convient de relever que les documents déposés par l’intervenante à l’appui de son argumentation permettent de constater que, pour la plupart des produits désignés par la marque antérieure, tels que les vêtements ou les lunettes, ladite marque, lorsqu’elle est apposée sur le produit, est de petite taille par rapport à l’article. Qui plus est, la marque semble souvent imprimée ou brodée dans la même couleur que le produit lui-même, ou dans une couleur très similaire. En d’autres termes, afin de distinguer la stylisation graphique de la marque antérieure, le consommateur devrait se livrer à un examen très détaillé de ladite marque, ce qui est peu probable.

64      Il convient en outre de souligner que, contrairement à ce que prétend la requérante, il n’est pas exclu que la lettre majuscule « T » et l’ovale puissent constituer des éléments dotés de caractère distinctif. Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument selon lequel, en raison de l’utilisation fréquente de lettres uniques pour représenter des marques, les consommateurs seraient conditionnés à se faire une impression qui est davantage fondée sur la stylisation distinctive des marques. Par ailleurs, il convient de rappeler que le caractère distinctif faible d’un élément n’implique pas nécessairement que ce dernier ne sera pas pris en considération par le public pertinent [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54, et la jurisprudence citée].

65      En l’espèce, c’est en effet la lettre majuscule « T » entourée d’un ovale qui sera conservée en mémoire par le consommateur, au détriment de la stylisation graphique. Le consommateur est certes, comme le fait valoir la requérante, en mesure de percevoir les différences dans la stylisation des signes. Toutefois, la question déterminante est celle de la perception globale et normale des signes en conflit, et non celle d’une éventuelle perception des différences stylistiques entre les signes, dans l’hypothèse où un consommateur particulièrement minutieux en viendrait à examiner les stylisations graphiques et à les comparer entre elles.

66      Au vu de ce qui précède, force est de constater que les deux signes sont similaires et que, comme l’OHMI l’a observé, cette similitude ne se limite pas à la coïncidence des lettres majuscules « T » entourées d’ovales, mais s’étend aux caractéristiques stylistiques données à cette lettre dans chacun des signes. De même, loin de passer outre à l’examen de la stylisation graphique des signes en conflit, la chambre de recours a tenu compte des représentations graphiques des lettres majuscules « T », en considérant qu’elles étaient similaires.

67      Il importe de souligner que ni la chambre de recours, ni l’OHMI, ni l’intervenante ne contestent l’existence de différences visuelles entre les signes. En ce sens, il est certes vrai que le contraste de couleurs dans la marque demandée est inversé dans la marque antérieure, que l’ovale est légèrement plus allongé en ce qui concerne la marque demandée et que les demi-lunes figurant aux bords de l’ovale dans la marque demandée font défaut dans la marque antérieure. Néanmoins, il s’agit là de différences légères, voire peu perceptibles, de sorte qu’elles ne suffisent pas à contrebalancer les similitudes nombreuses et prononcées qui existent entre les signes.

68      Partant, il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à la similitude visuelle entre les signes en conflit.

–       Sur la similitude phonétique

69      Au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, au niveau phonétique, le seul élément des signes en conflit qui soit prononçable est la lettre « T », qu’ils ont en commun. Elle a dès lors conclu au caractère identique des signes.

70      La requérante conteste, en premier lieu, la pertinence de l’impression phonétique. Elle souligne, toutefois, que, à supposer même qu’une impression phonétique se produise, les consommateurs feront nécessairement le lien entre le signe et le nom de la société titulaire, qui figure, en ce qui la concerne, sur la plupart des produits qu’elle commercialise.

71      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

72      Il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit seront prononcés en tant que lettre « T ». En ce sens, la chambre de recours a souligné, à juste titre, qu’elle devait apprécier les signes tels qu’ils ont été enregistrés ou déposés et que, quel que soit l’usage concret des signes, les noms des sociétés respectives ne faisaient pas partie des marques en conflit. Cette constatation ne saurait, par ailleurs, être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les produits désignés par la marque demandée sont des lunettes techniques et que, par conséquent, ils sont recherchés, choisis et achetés après un examen minutieux de la part du consommateur. Dans ce contexte, il convient de rejeter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel les consommateurs feront nécessairement le lien entre le signe et le nom de la société titulaire de la marque. En effet, mis à part le fait que l’établissement de ce lien présupposerait, de la part des consommateurs, une connaissance préalable des deux marques qui n’est pas démontrée, il est de plus un élément étranger à l’impression phonétique produite par les marques, telles que déposées.

73      En l’espèce, force est donc de constater que les signes en conflit seront prononcés de manière identique, à savoir comme la lettre « T ». Par conséquent, les marques sont phonétiquement identiques.

–        Sur la similitude conceptuelle

74      Aux points 40 et 41 de la décision attaquée, d’une part, la chambre de recours expose que des lettres d’alphabet seules peuvent disposer d’un contenu conceptuel propre. D’autre part, elle considère que, en l’espèce, le même concept, à savoir la lettre majuscule « T », s’impose au public pertinent. Partant, la chambre de recours conclut à l’identité des signes sur le plan conceptuel.

75      La requérante insiste sur l’importance particulière de la signification conceptuelle d’une marque, notamment par comparaison à l’impression visuelle. Elle souligne que la lettre majuscule « T » n’a aucune signification conceptuelle en soi et constitue uniquement la dénotation des marques, contrairement à la représentation graphique des signes, qui renvoie à leurs concepts respectifs. En l’espèce, les signes en conflit seraient profondément différents sur le plan conceptuel, l’un ayant un aspect statique, l’autre un aspect dynamique.

76      L’OHMI et l’intervenante s’opposent aux arguments de la requérante.

77      Il y a lieu de considérer que, dans le contexte de la comparaison de signes aux fins de l’appréciation du risque de confusion entre deux marques, le terme « concept » désigne toute signification qui est susceptible d’être associée, par le public pertinent, à un signe ou à un de ses éléments.

78      Il convient de relever, à cet égard, que le Tribunal n’a pas répondu de manière univoque à la question de savoir si une lettre isolée de l’alphabet pouvait véhiculer un concept.

79      Ainsi, d’une part, il a été jugé qu’aucun concept ne pouvait être associé respectivement aux lettres « S », « P » et « R » [arrêts du Tribunal du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec. p. II‑2217, point 42 ; du 20 octobre 2011, Poloplast/OHMI – Polypipe (P), T‑189/09, non publié au Recueil, point 83 ; et, en ce sens, du 27 juin 2013, Repsol YPF/OHMI – Ajuntament de Roses (R), T‑89/12, non publié au Recueil, point 42]. Dans ce dernier arrêt, le Tribunal a même affirmé, de manière générale, que, sur le plan conceptuel, il y avait lieu de considérer que les lettres de l’alphabet n’ont pas de signification sémantique et qu’une comparaison sur le plan conceptuel n’est donc pas possible.

80      D’autre part, le Tribunal a jugé qu’un concept clair pouvait être associé à la lettre « x », en raison de la signification mathématique et informatique de cette dernière [arrêt du Tribunal du 5 novembre 2013, Capitalizaciones Mercantiles/OHMI – Leineweber (X), T‑378/12, non publié au Recueil].

81      Indépendamment de la question de savoir si ce problème est susceptible de recevoir une réponse générale, il convient de constater que, en l’espèce, la perception des signes en conflit sur un plan conceptuel n’est pas pertinente aux fins de leur comparaison. En effet, c’est à tort que la chambre de recours a identifié la lettre majuscule « T » en tant que concept propre aux signes en conflit. Il n’a pas été démontré que la lettre majuscule « T » avait une signification particulière dans l’une des langues de l’Union européenne et la chambre de recours n’a d’ailleurs pas indiqué quel serait, en l’espèce, le concept véhiculé par la lettre majuscule « T ». Par conséquent, il n’était pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle des signes.

82      Par ailleurs, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la perception des signes en conflit sur un plan conceptuel découle des représentations graphiques de ces derniers. En ce sens, il a déjà été relevé, au point 61 ci-dessus, que la stylisation graphique ne joue, en l’espèce, qu’un rôle secondaire et n’est pas déterminante dans la perception qu’aura le consommateur des signes en conflit. À titre surabondant, il convient de noter que les prétendues différences de stylisation avancées par la requérante, à savoir le caractère épais, statique et simple du signe antérieur, d’une part, et le caractère épuré, dynamique et complexe du signe demandé, d’autre part, ne suffisent pas à identifier des contenus conceptuels différents.

83      Par conséquent, la chambre de recours a commis une erreur en concluant que les signes en cause étaient identiques conceptuellement.

–       Conclusion sur la comparaison des signes

84      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, les marques en conflit ne présentent une similitude ou une identité que sur les plans visuel et phonétique, une comparaison conceptuelle n’étant pas possible. Il n’en demeure pas moins que, appréciées globalement, et compte tenu du fait qu’une comparaison conceptuelle de ces marques est dénuée de pertinence, il y a lieu de conclure que les marques sont hautement similaires au regard du public pertinent. Étant donné que les signes présentent un degré élevé de similitude sur le plan visuel, cette conclusion vaut même si l’argument de la requérante selon lequel la comparaison phonétique est moins pertinente que la comparaison visuelle est pris en compte. Dès lors, même pour les produits peu techniques, dont l’achat peut s’effectuer sans l’assistance d’un vendeur, il convient de conclure à une similitude globale des signes.

 Sur le risque de confusion

85      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

86      Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 38].

87      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits couverts par les marques en conflit, ainsi que de la similitude visuelle et de l’identité sur les plans phonétique et conceptuel des signes en conflit et du principe du souvenir imparfait, il existait un risque de confusion, même si le public pertinent faisait preuve d’un degré d’attention plus élevé pour certains des produits concernés.

88      Il convient tout d’abord de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il a été exposé au point 54 ci-dessus, la totalité des produits désignés par les marques en conflit sont similaires, voire identiques.

89      Ensuite, ainsi qu’il a été exposé au point 83 ci-dessus, les signes en conflit sont phonétiquement identiques et hautement similaires dans leur ensemble, malgré le fait que, contrairement aux constatations de la chambre de recours, la comparaison conceptuelle n’est pas possible.

90      Enfin, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’impression des marques en conflit retenue par le public pertinent serait déterminée dans une large mesure par le souvenir d’une lettre majuscule « T » à l’intérieur d’un ovale. Cette constatation vaut également pour la fraction professionnelle des consommateurs, ainsi que pour les consommateurs plus attentifs en raison de la technicité de certains produits. En effet, les similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit sont telles que la mémorisation effective des différences visuelles qui existent, certes, entre les marques, suppose un degré de minutie et d’effort qui semble improbable même chez les consommateurs professionnels ou avisés.

91      Dans ces circonstances et compte tenu du souvenir imparfait que le consommateur pertinent gardera en mémoire des marques en conflit, il convient d’approuver la chambre de recours en ce qu’elle a constaté un risque de confusion entre les marques en conflit pour tous les produits désignés par la marque demandée.

92      C’est également à bon droit que la chambre de recours a constaté que le fait que le niveau d’attention du public pertinent soit plus élevé pour certains des produits concernés ne suffit pas à exclure que ce public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. En effet, le degré de similitude existant entre les signes et le degré d’identité ou de similitude des produits concernés sont tels qu’un risque de confusion existe même dans l’hypothèse où le niveau d’attention du public pertinent est élevé.

93      Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

94      D’une part, la requérante soutient que le raisonnement de la chambre de recours conduit à la conclusion aberrante qu’il y aurait un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs pour tout logo composé d’une lettre majuscule « T ». Il suffit d’observer, à cet égard, que, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les constatations, par la chambre de recours, d’une similitude et d’un risque de confusion entre les marques en conflit, reposent sur la prise en compte de plusieurs facteurs et non sur la seule présence de la lettre majuscule « T » dans les deux marques.

95      D’autre part, la requérante soutient que, en l’espèce, le faible caractère distinctif de la marque antérieure, combiné aux différences des graphismes des marques en conflit, doit conduire à écarter tout risque de confusion.

96      Il convient d’observer, à cet égard, que les constatations faites aux points 90 et 91 ci-dessus ne sont pas remises en cause, même en admettant que la marque antérieure présente un faible caractère distinctif. En effet, il convient d’approuver l’avis de la chambre de recours selon lequel, même dans de telles circonstances, les degrés d’identité et de similitude des produits en cause et le degré de similitude entre les marques, considérés ensemble, seraient suffisamment élevés pour conclure à un risque de confusion.

97      Par conséquent, il convient de rejeter cet argument de la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner ses allégations relatives au faible degré de caractère distinctif de la marque antérieure.

98      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique invoqué par la requérante et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tifosi Optics, Inc. supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et par Tom Tailor GmbH.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité des annexes A 10 à A 13 de la requête

Sur la recevabilité des annexes A 3 et A 4 de la requête

Sur la recevabilité des arguments de la requérante relatifs à la comparaison des produits

Sur le fond

Sur le public pertinent

Sur la comparaison des produits

– Sur les « vêtements, chaussures, chapellerie » (classe 25)

– Sur les « lentilles de contact et leurs boîtiers » (classe 9)

– Sur les « appareils et instruments optiques ; lunettes ; lunettes de soleil ; cadres ; étuis ; charnières ; branches et verres pour lunettes et lunettes de soleil, leurs pièces et accessoires ; jumelles ; lunettes de protection » (classe 9)

– Sur les « visières ; masques de ski ; casques de protection, leurs pièces et accessoires » (classe 9)

– Conclusion sur la comparaison des produits

Sur la comparaison des signes

– Sur la similitude visuelle

– Sur la similitude phonétique

– Sur la similitude conceptuelle

– Conclusion sur la comparaison des signes

Sur le risque de confusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.