Language of document : ECLI:EU:T:2008:79

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

14 mars 2008 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Recevabilité – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑1/08 R,

Buczek Automotive sp. z o.o., établie à Sosnowiec (Pologne), représentée initialement par Me T. Gackowski, puis par Me D. Szlachetko-Reiter, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K. Gross, M. Kaduczak et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2007) 5087 final de la Commission, du 23 octobre 2007, relative à l’aide d’État C 23/2006 (ex NN 35/2006) octroyée par la République de Pologne au producteur d’acier Grupa Technologie Buczek,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        La société Technologie Buczek (ci-après « TB ») est un fabricant de tubes polonais implanté en Silésie (Pologne). En 2002, à la suite de difficultés financières, TB a été amenée à élaborer un plan de restructuration. Sur la base de ce plan, TB est devenue admissible au bénéfice d’une aide d’État au titre du programme national de restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise jusqu’en 2006.

2        TB, qui fait partie d’un groupe d’entreprises, était la société mère de plusieurs filiales, dont Huta Buczek et la requérante. En août 2006, TB a été déclarée en faillite, avec la permission de continuer son activité économique.

3        L’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), comporte des protocoles qui, en vertu de son article 60, en font partie intégrante et parmi lesquels figure le protocole n° 8 sur la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise (JO 2003, L 236, p. 948, ci-après le « protocole n° 8 »).

4        Le protocole n° 8 énonce, au point 1, les conditions dans lesquelles les aides d’État octroyées par la République de Pologne pour la restructuration de secteurs spécifiques de l’industrie sidérurgique polonaise sont reconnues compatibles avec le marché commun. Ce protocole a autorisé, notamment, l’octroi, jusqu’en 2003, d’une aide d’État au groupe TB, sur la base de la mise en œuvre correcte d’un plan de restructuration, en vue de rétablir la viabilité de l’entreprise. Par ailleurs, dans le protocole n° 8, l’octroi de toute aide à la restructuration entre la fin de 2003 et la fin de 2006 est expressément interdit. Selon le point 18 du protocole n° 8, la Commission prend les mesures appropriées en vue d’exiger que les entreprises concernées remboursent toute aide accordée en violation des conditions prévues dans ce protocole.

5        Au terme de la procédure d’examen formelle engagée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission a, le 23 octobre 2007, adopté la décision C (2007) 5087 final, relative à l’aide d’État C 23/2006 (ex NN 35/2006) octroyée par la République de Pologne au producteur sidérurgique Grupa Technologie Buczek (ci-après la « décision attaquée »).

6        Dans cette décision, la Commission a estimé que TB avait obtenu une aide d’État consistant en ce que certains organismes publics polonais n’avaient pas recouvré leurs créances (cotisations sociales et impôts) auprès d’elle. Selon la Commission, ce soutien a été octroyé à des conditions que n’aurait pas acceptées un créancier privé agissant dans les conditions du marché, les créanciers publics ayant, malgré la situation difficile de TB, différé le recouvrement de créances à hauteur de 20 761 643 zlotys polonais (PLN), soit environ 5,8 millions d’euros. Puisque ces créanciers détenaient des sûretés sur le patrimoine de TB qui auraient pu être exécutées, que les tentatives antérieures de restructuration avaient échoué et que les perspectives d’amélioration de la situation de TB étaient réduites, un créancier privé aurait, de l’avis de la Commission, exigé le remboursement de la dette en pareille situation.

7        Rappelant que TB s’était séparée, avant l’annonce de sa mise en faillite, de toutes ses activités rentables en les transférant à des filiales, la Commission a exigé notamment de celles-ci le remboursement de la partie correspondante de l’aide d’État en cause du fait qu’elles en avaient tiré des avantages. Selon la Commission, TB avait pu procéder à d’importantes injections de capitaux dans la requérante, puisque, à partir au moins du début de 2005, il n’y avait pas eu de recouvrement effectif de créances publiques auprès de TB, alors même qu’un tel recouvrement aurait conduit à prononcer plus tôt sa faillite.

8        La Commission a ajouté que la requérante avait repris l’activité de TB dans le secteur des tubes d’aluminium et chromés. À cette fin, les travailleurs de TB auraient été affectés à la requérante et l’entreprise aurait bénéficié d’une injection de capital de 1,55 million de PLN. De plus, la requérante aurait loué à TB, sur la base d’un bail à durée indéterminée, des actifs de production utilisés dans la production de dispositifs d’échappement en fonction des besoins industriels. Sur cette base, la Commission a considéré que la requérante bénéficiait évidemment des investissements réalisés par TB grâce aux aides d’État concernant ces actifs.

9        L’article 1er de la décision attaquée déclare incompatible avec le marché commun l’aide d’État à hauteur de 20 761 643 PLN illégalement accordée par la République de Pologne en faveur du groupe TB.

10      L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée ordonne à la République de Pologne la récupération de cette somme, majorée d’intérêts de retard, en précisant que cette récupération doit être exécutée, notamment, auprès des filiales en proportion de l’aide qu’elles ont effectivement reçue, c’est-à-dire auprès de Huta Buczek pour un montant de 13 578 115 PLN (environ 3,8 millions d’euros) et auprès de la requérante pour un montant de 7 183 528 PLN (environ 2 millions d’euros).

11      Selon les articles 4 et 5 de la décision attaquée, la République de Pologne est tenue de mettre en œuvre cette décision au cours des quatre mois suivant sa notification et d’informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, des mesures qu’elle a prises pour s’y conformer.

12      Aux termes de son article 6, la décision attaquée est adressée à la République de Pologne.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2008, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle déclare incompatible avec le marché commun l’aide d’État qui lui a été octroyée et qu’elle ordonne à la République de Pologne de procéder à la récupération d’une partie de cette aide auprès d’elle.

14      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal suspendre l’exécution de la décision attaquée jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal sur le recours en annulation formé contre celle-ci.

15      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 24 janvier 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        à titre principal, rejeter la demande en référé comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, la rejeter comme non fondée dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a été autorisée à présenter ses observations sur certains points, ce qu’elle a fait par mémoire du 6 février 2008. En réponse, la Commission a pris position sur ces observations par mémoire du 13 février 2008.

17      Par ordonnance du 13 février 2008, adoptée au titre de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, il a été sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

18      Le 28 février 2008, les parties ont été entendues en leurs observations orales.

 En droit

19      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe l, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

20      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi des mesures provisoires auxquelles elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

21      Dans le cadre de son examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23].

22      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de procéder, d’abord, à l’examen des conditions de recevabilité.

 Sur la recevabilité

23      Soulignant que la requérante a présenté une demande en référé non en son nom propre, mais au nom de TB, la Commission est d’avis que cette demande doit être déclarée irrecevable, la requérante n’ayant aucun intérêt légitime à invoquer la menace d’un intérêt qui ne revêt pas pour elle un caractère personnel. Par ailleurs, la requérante n’aurait avancé aucun élément de nature à établir l’urgence en ce qui concerne TB.

24      À cet égard, il convient de rappeler qu’une mesure provisoire ne peut être accordée qu’en cas d’urgence, cette dernière devant s’apprécier par rapport à la nécessité d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 8 mai 1991, Belgique/Commission, C‑356/90 R, Rec. p. I‑2423, point 20). Cette partie est tenue d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir personnellement un préjudice qui entraînerait des conséquences graves et irréparables pour elle (ordonnances du président de la Cour du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142/87 R, Rec. p. 2589, point 23, et du 8 mai 1991, Belgique/Commission, précitée, point 23).

25      Il s’ensuit que le préjudice grave et irréparable allégué dans une demande en référé ne peut être pris en compte par le juge des référés, dans le cadre de son examen de la condition relative à l’urgence, que dans la mesure où il est susceptible d’être occasionné aux intérêts de la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président du Tribunal du 1er février 2006, Endesa/Commission, T‑417/05 R, non publiée au Recueil, point 37). Une demande de sursis à exécution n’est donc recevable que si, et dans la mesure où, la partie requérante indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision dont elle demande le sursis à exécution est susceptible de lui causer, à titre personnel, un préjudice grave et irréparable dans l’hypothèse où aucun sursis ne serait accordé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 28).

26      Dans ces conditions, les conclusions visant au sursis à l’exécution de la décision attaquée tout entière doivent être déclarées irrecevables dans la mesure où elles portent sur des sommes d’argent à payer par des sociétés autres que la requérante, cette dernière s’étant d’ailleurs limitée à avancer des éléments tendant à établir l’urgence en ce qui la concerne.

27      Par conséquent, la présente demande en référé n’est recevable qu’en ce qui concerne les conclusions relatives à la suspension de la récupération d’une partie de l’aide d’État litigieuse auprès de la seule requérante.

 Sur le fond

 Sur l’urgence

–       Arguments des parties

28      Dans sa demande en référé, la requérante déclare qu’elle ne possède pas les moyens financiers lui permettant de rembourser le montant de 7 183 528 PLN, majoré d’intérêts. Elle en conclut que, dans l’hypothèse où le sursis à exécution sollicité ne serait pas accordé, elle serait obligée de vendre une partie considérable de ses actifs immobilisés, ce qui entraînerait sa mise en faillite avant que ne soit tranché le litige au principal.

29      Dans son mémoire du 6 février 2008, elle souligne que, lors d’une assemblée générale du 5 février 2008, les détenteurs du capital de la requérante – à savoir les sociétés Severstallat (un peu plus de 50 %), Eurofaktor (environ 27 %) et Centrala Zaopatrzenia Hutnictwa (environ 22 %) – ont adopté une résolution en vue de la cessation de l’existence de la société, compte tenu de sa situation financière d’ensemble, et ont chargé la direction de vérifier l’état de la société sous l’angle d’une éventuelle demande tendant à voir constater son insolvabilité.

30      S’agissant de la probabilité d’une faillite, la Commission soutient que l’évaluation de l’intérêt à la poursuite des activités de la requérante doit prendre en considération la situation financière effective du groupe auquel elle appartient afin de déterminer s’il existe pour elle un risque de préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission, T‑69/06 R, non publiée au Recueil, point 69, et la jurisprudence citée). Or, la requérante ne se prononcerait pas sur la situation financière du groupe dont elle fait partie.

31      Fondée sur des informations accessibles au public, la Commission affirme que la situation financière de Severstallat qui, depuis le 7 janvier 2008, détient un peu plus de 50 % du capital de la requérante, est très bonne. Elle précise, à cet égard, que Severstallat est une société lettone qui fait partie du consortium russe Severstal, intervenant dans le secteur de l’acier. Ce consortium extrêmement prospère aurait payé au syndic de la faillite de TB la somme de 54 millions de PLN (environ 15,5 millions d’euros) pour acquérir des parts de TB. Quant à la société Centrala Zaopatrzenia Hutnictwa qui détient environ 22 % du capital de la requérante, elle serait également en très bonne condition financière.

–       Appréciation du juge des référés

32      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, non encore publiée au Recueil, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86].

33      Il est également de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Dans une telle hypothèse, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 84, et la jurisprudence citée).

34      En ce qui concerne plus particulièrement l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise, il a cependant été jugé qu’elle n’impliquait pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie. En effet, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière d’une entreprise, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de l’entreprise [ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C-232/02 P(R), Rec. p. I-8977, point 56, et la jurisprudence citée].

35      En l’espèce, il y a lieu de prendre acte que l’avocat de la requérante, qui représente également Huta Buczek devant le juge des référés, a déclaré, dans un courrier du 22 février 2008, que la requérante avait, le 8 février 2008, déposé auprès du tribunal compétent une demande visant à la déclaration de son insolvabilité.

36      Lors de l’audition du 28 février 2008, ce même avocat a confirmé cette information, en précisant que la requérante avait perdu sa clientèle et que cette évolution considérée comme irréversible l’avait amenée à demander la constatation de son insolvabilité. En réponse à une question du juge des référés, l’avocat a indiqué que l’ordonnance du 13 février 2008, rendue au titre de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure et ayant sursis à l’exécution de la décision attaquée, n’avait aucune incidence sur cette demande d’insolvabilité, celle-ci n’ayant pas été retirée à la suite de ladite ordonnance.

37      Dans ces circonstances, force est de constater que les conditions de l’urgence, établies par la jurisprudence rappelée aux points 32 à 34 ci-dessus, ne sont pas réunies. En effet, la requérante ayant maintenu la demande de constatation de son insolvabilité malgré l’adoption de l’ordonnance de sursis à exécution susmentionnée, il ne saurait être question d’une nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter à la requérante la survenance d’un préjudice grave et irréparable. La requérante ayant elle-même entamé une procédure mettant en péril son existence, l’adoption de la mesure provisoire sollicitée ne serait pas susceptible de faire disparaître ce péril.

38      En tout état de cause, s’agissant des données présentées par la requérante afin d’établir l’existence d’un préjudice grave, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les conditions prévues à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure exigent que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la demande en référé se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de cette demande (ordonnances du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52 ; du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, RecFP p. I‑A‑175 et II‑883, point 18, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37). À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la présente demande en référé, la requérante n’a fourni aucun élément permettant d’apprécier les caractéristiques financières du groupe auquel elle appartenait à cette époque.

39      Lors de l’audition du 28 février 2008, la requérante s’est encore abstenue de fournir des précisions, notamment financières, concernant son appartenance au groupe de sociétés qui la contrôlent désormais, notamment celles relatives à Severstallat qui détient la majorité de son capital.

40      Or, de telles précisions auraient dû être exposées immédiatement après l’acquisition par Severstallat de plus de 50 % du capital de la requérante, d’autant plus que la Commission a affirmé que le consortium auquel appartenait Severstallat apparaissait très prospère. Par conséquent, l’argumentation présentée par la requérante ne permet pas au juge des référés d’apprécier la gravité du préjudice qu’elle invoque (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 26 février 2007, Sumitomo Chemical Agro Europe/Commission, T‑416/06 R, non publiée au Recueil, points 71 et 72).

41      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne démontre pas, en l’état actuel, qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

42      En conséquence, la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi du sursis à exécution sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 14 mars 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le polonais.