Language of document : ECLI:EU:T:2016:145

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 mars 2016 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative E – Marque communautaire figurative antérieure E – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑645/13,

Evcharis Nezi, demeurant à Mykonos (Grèce), représentée par Me A. Salkitzoglou, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. P. Geroulakos, puis par M. D. Botis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Etam SAS, établie à Clichy (France), représentée par Mes G. Barbaut et A. Champanhet, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 octobre 2013 (affaire R 329/2013-4), relative à une procédure d’opposition entre Etam SAS et Mme Evcharis Nezi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 avril 2014,

à la suite de l’audience du 18 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 novembre 2009, la requérante, Mme Evcharis Nezi, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 14, 16, 18, 25, 26, 35 et 40 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages ; produits en métaux précieux ou en plaqué non compris dans d’autres classes, pierres précieuses et semi-précieuses, joaillerie, ornements, imitations de bijoux et lunettes (ornements, boucles d’oreilles, médailles, pendentifs, fermoirs, bracelets, bagues, imitations de bijoux) ;

–        classe 16 : « Papiers pour la décoration, articles d’artisanat en corde, matériel artistique » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir pour la décoration, malle » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures et leurs décorations » ;

–        classe 26 : « Dentelle et broderie ; rubans ; épinglerie ; fleurs artificielles » ;

–        classe 35 : « Manifestations festives à but commercial et publicitaire » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux pour la fabrication de bijoux, les ornements et décorations ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 34/2010, du 22 février 2010.

5        Le 21 mai 2010, l’intervenante, Etam SAS, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire figurative antérieure suivante :

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désignant les produits relevant des classes 3, 18 et 25 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits cosmétiques, à savoir crèmes, poudres, lotions, laits, laits et lotions démaquillants, fond de teint, rouge à lèvres, vernis à ongles, dissolvants pour les ongles, mascara, crayons pour les yeux ; produits cosmétiques pour la toilette et le bain, à savoir gels, gels douche, bains moussants, lait, huile et lotions pour le soin du corps, gel de gommage pour le corps, fluide scintillant pour le corps, déodorants à usage personnel, eau de toilette, parfums, eau parfumée » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; portefeuilles ; porte-monnaie non en métaux précieux ; sacs à main, sacs à dos, à roulettes, sacs de voyage, de plage, d’écoliers ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette, trousses de toilette et de maquillage, sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l’emballage (en cuir) » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ; chemises, vêtements en cuir ou imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards, cravates, bonneterie ; chaussettes ; chaussons, chaussures de plage ou de sport ; sous-vêtements ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 13 décembre 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a estimé que les produits visés par la marque demandée et la marque antérieure compris dans les classes 18 et 25 étaient identiques et que ceux de la marque demandée compris dans les classes 14, 16 et 26, ainsi que les services visés par la marque demandée compris dans les classes 35 et 40 étaient différents des produits couverts par la marque antérieure compris dans les classes 3, 18 et 25. La division d’opposition a estimé que, s’agissant de la comparaison des signes, ceux-ci étaient similaires sur le plan visuel, représentaient la lettre E, se prononçaient de manière identique et étaient similaires sur le plan conceptuel. La division d’opposition a considéré que la marque antérieure présentait un degré normal de caractère distinctif et qu’il n’existait pas de risque de confusion, au motif que les signes en cause présentaient des différences visuelles suffisantes qui l’emportaient sur leur identité phonétique et conceptuelle.

9        Le 13 février 2012, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 3 octobre 2013 (R 329/2013-4) (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition pour les produits relevant des classes 18 et 25 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir pour la décoration, malle » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures et leurs décorations ».

11      La chambre de recours a accueilli l’opposition et, en conséquence, a rejeté la marque demandée pour lesdits produits et a rejeté le recours pour le surplus.

12      En particulier, la chambre de recours a considéré, en ce qui concerne le moyen tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que le public pertinent en l’espèce était composé du grand public de toute l’Union européenne, mais qu’il suffisait que le risque de confusion existe dans au moins un État membre. Elle a indiqué débuter son analyse en prenant en considération tous les États membres dans lesquels le grec n’était pas une langue officielle et où les lettres grecques n’étaient pas reconnues, en particulier si elles ressemblent à des lettres de l’alphabet latin. S’agissant des produits et des services concernés, elle a estimé que les produits relevant des classes 18 et 25 couverts par la marque demandée étaient identiques à certains des produits relevant des mêmes classes couverts par la marque antérieure. Pour les services relevant de la classe 35 couverts par la marque demandée, elle a considéré qu’il existait un faible degré de similitude entre ceux-ci et certains des produits couverts par la marque antérieure. Pour les produits relevant de la classe 26, à l’exception des fleurs artificielles, la chambre de recours a également conclu à un faible degré de similitude avec certains des produits couverts par la marque antérieure. Pour tous les autres produits et services visés par la marque demandée, elle a estimé qu’ils étaient différents des produits couverts par la marque antérieure.

13      S’agissant de la comparaison des signes, la chambre de recours a indiqué que, sur le plan conceptuel, il n’était pas possible d’effectuer une comparaison entre les deux signes en cause, sur le plan visuel, ils avaient un degré moyen de similitude et, sur le plan phonétique, ils étaient identiques.

14      S’agissant de l’appréciation globale, la chambre de recours a conclu à un risque de confusion pour les produits relevant des classes 18 et 25 couverts par les deux marques en cause et à l’absence de risque de confusion pour les autres produits et services.

15      En ce qui concerne le moyen tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a considéré que la renommée de la marque antérieure n’était pas établie.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée pour que la marque demandée soit enregistrée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux de l’intervenante.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        réformer la décision attaquée en ce qu’elle a refusé l’existence d’un risque de confusion pour les produits relevant des classes 14, 16, 26, 35 et 40 ;

–        réformer la décision attaquée en ce qui concerne l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

18      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et le mémoire en réponse de l’intervenante ;

–        condamner la requérante et l’intervenante aux dépens.

 En droit

 Observation liminaire

19      L’intervenante a, dans le cadre de son mémoire en réponse, introduit un recours incident. À ce titre, elle a conclu à la réformation de la décision attaquée. Toutefois, il convient de relever que, dans le cadre de ce même mémoire et ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience, elle entend demander, par cette conclusion, l’annulation de la décision attaquée sur les points précisés par elle. Il convient donc de comprendre les conclusions de l’intervenante tendant à la réformation de la décision attaquée comme des conclusions visant à l’annulation de cette dernière.

 Sur le fond

20      La requérante invoque six moyens tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 24 TFUE ;

–        le deuxième, d’une violation de l’article 4 du règlement n° 207/2009 ;

–        le troisième, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du même règlement ;

–        le quatrième, d’une violation de l’article 76 dudit règlement ;

–        le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation ;

–        le sixième, d’une violation des articles 15 et 42 du règlement n° 207/2009.

21      L’intervenante invoque, à titre de recours incident, deux moyens tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ;

–        le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

22      Pour les besoins du présent arrêt, le Tribunal abordera, d’abord et successivement, les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens de la requérante, puis ensemble le troisième moyen de la requérante et le premier moyen de l’intervenante, en ce qu’ils visent l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et enfin ensemble le troisième moyen de la requérante et le second moyen de l’intervenante, en ce qu’ils visent l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, avec le quatrième moyen de la requérante qui y est en substance relatif.

 Sur le premier moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 24 TFUE

23      La requérante soutient que la chambre de recours a méconnu le statut réservé à chaque langue officielle de l’Union. Elle aurait retenu que le grec n’est pas une langue officielle et que les lettres grecques ne sont pas reconnues, en particulier si elles ressemblent à une lettre de l’alphabet latin.

24      L’OHMI conteste cette argumentation.

25      À cet égard, comme le souligne à juste titre l’OHMI, il suffit de relever que, aux termes de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas retenu que le grec n’était pas une langue officielle, contrairement à ce que prétend la requérante. Au point 16 de cette décision, la chambre de recours a indiqué « débute[r] son analyse en prenant en considération tous les États membres dans lesquels le grec n’est pas une langue officielle et où les lettres grecques ne sont pas reconnues, en particulier si elles ressemblent à des lettres de l’alphabet latin ».

26      Le moyen invoqué par la requérante repose sur une dénaturation de la décision attaquée. Il convient donc de le rejeter comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 4 du règlement n° 207/2009

27      La requérante invoque une violation de l’article 4 du règlement n° 207/2009, au motif que la chambre de recours a omis de se prononcer sur le caractère distinctif élevé de la marque demandée. La constatation d’un tel caractère aurait dû conduire à mettre en évidence une nette différenciation entre ladite marque et la marque antérieure. Aucun risque de confusion ne serait possible. La chambre de recours aurait négligé d’opposer le caractère distinctif faible de la marque antérieure et le caractère distinctif élevé de la marque demandée.

28      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

29      D’une part, il convient de relever que le moyen invoqué vise davantage la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

30      En effet, à la lecture des points 10 à 12 de la requête, la requérante conteste l’appréciation qui a été portée par la chambre de recours sur le risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure. Auxdits points, elle développe une argumentation tendant à démontrer le caractère distinctif faible de la marque antérieure, qu’elle oppose au caractère distinctif élevé de la marque demandée. Elle compare la lettre grecque « ɛ » de la marque antérieure à la lettre de la marque demandée, qui serait plus stylisée et qui aurait une couleur spécifique bleu-gris ainsi que des proportions et des dimensions différentes aux extrémités.

31      Il convient donc d’analyser ces arguments dans le cadre de l’analyse ci-après des moyens tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

32      D’autre part et en tout état de cause, comme le relève l’OHMI, l’article 4 du règlement n° 207/2009 contient en substance la définition de la marque communautaire. Il découle de cette disposition que peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots et les lettres, à condition qu’ils soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. Il s’ensuit que le législateur a explicitement inclus les signes composés d’une lettre ou d’une combinaison de lettres dans la liste d’exemples, figurant à ladite disposition, de signes qui peuvent constituer une marque communautaire, sous réserve des motifs absolus ou relatifs de refus susceptibles de s’opposer à l’enregistrement [arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec, EU:T:2004:293, point 47].

33      Il importe d’ajouter que les articles 7 et 8 du règlement n° 207/2009 ne prévoient pas de règles spécifiques pour les signes composés d’une lettre ou d’une combinaison de lettres qui ne forment pas un mot. L’appréciation globale du risque de confusion, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre de tels signes suit, en principe, les mêmes règles que celles concernant d’autres signes verbaux.

34      Nonobstant les arguments relatifs à l’appréciation faite par la chambre de recours du risque de confusion de la marque antérieure et de la marque demandée, qui seront examinés avec les moyens tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, les arguments de la requérante qui pourraient être, le cas échéant, liés exclusivement à la violation de l’article 4 du règlement n° 207/2009 ne peuvent prospérer. En effet, il convient de relever que la chambre de recours, chargée en l’espèce de se prononcer dans le cadre d’une procédure d’opposition, n’a pas constaté que le signe composé d’une seule lettre ne pourrait pas, par lui-même, constituer une marque et n’a pas davantage appliqué des règles qui seraient différentes pour son appréciation du risque de confusion de celles qu’elle applique pour d’autres signes verbaux dans le cadre d’une telle appréciation.

35      Le moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen de la requérante, tiré de l’absence de motivation

36      Tout d’abord, il y a lieu de constater que, dans le cadre de son moyen, la requérante soulève des arguments visant à démontrer le caractère erroné de l’appréciation de la chambre de recours.

37      Par ces arguments, la requérante n’invoque pas un défaut de motivation. Elle vise plutôt à contester l’appréciation de la chambre de recours du risque de confusion. Ces arguments seront donc examinés dans le cadre de l’analyse, ci-après, des moyens tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

38      Ensuite, la requérante invoque un défaut de motivation en ce que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’aurait pas motivé de manière suffisante l’existence du risque de confusion. Elle n’aurait pas expliqué son appréciation d’un tel risque pour les produits relevant des classes 18 et 25.

39      À cet égard, il suffit de relever que, aux fins d’apprécier le motif d’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a procédé, aux points 7 à 33 de la décision attaquée, à une comparaison de tous les produits et services en cause, y compris les produits relevant des classes 18 et 25, puis a effectué, aux points 34 à 39 de la même décision, une comparaison des signes en cause, et enfin a procédé, aux points 40 à 48 de ladite décision, à une appréciation globale du risque de confusion. Dans ces conditions, les arguments tirés d’un défaut de motivation ne sauraient prospérer.

40      Enfin, la requérante invoque, dans le cadre de son moyen, une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, en affirmant que certaines marques comportant la lettre « e » ou « ɛ » auraient été enregistrées pour des produits similaires.

41      Toutefois, cet argument ne saurait être retenu, dès lors qu’il n’est pas suffisamment étayé. La requérante ne fait au demeurant état d’aucune décision précise de l’OHMI pouvant venir au soutien de son argument, comme le relève à juste titre l’OHMI.

42      En outre et en tout état de cause, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 73 à 75, et du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, EU:C:2014:2089, point 45).

43      Pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêts Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 42 supra, EU:C:2011:139, point 77, et du 21 janvier 2015, Grundig Multimedia/OHMI (GentleCare), T‑188/14, EU:T:2015:34, point 43].

44      La requérante n’apporte aucun élément précis de nature à démontrer que l’examen opéré, en l’espèce, par la chambre de recours dans le cadre de la procédure d’opposition n’aurait pas été strict et complet.

45      Le moyen doit donc être rejeté.

 Sur le sixième moyen de la requérante, tiré de la violation des articles 15 et 42 du règlement n° 207/2009

46      Selon la requérante, les pièces produites devant la chambre de recours par l’intervenante montrent que cette dernière a, pendant cinq années au moins, utilisé la marque antérieure sous de nombreuses formes différentes et que cette utilisation a affaibli progressivement le caractère distinctif de ladite marque. La décision attaquée aurait été adoptée en violation des articles 15 et 42 du règlement n° 207/2009.

47      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

48      À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 15 du règlement n° 207/2009, « [s]i, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

49      Par ailleurs, l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 prévoit que, « [s]ur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins ».

50      Il convient de rappeler que la décision attaquée a été adoptée dans le cadre d’une procédure d’opposition. Par ailleurs, ainsi que l’observe l’OHMI, il apparaît que la requérante n’a pas demandé, au titre de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, que le titulaire de la marque antérieure apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de sa demande de marque, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée.

51      À défaut d’une telle demande, la chambre de recours n’avait donc pas à procéder à l’examen de l’usage sérieux en application de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas pu commettre une quelconque violation de ladite disposition.

52      Par ailleurs, il y a lieu de relever que les pièces en question ont été produites par l’intervenante pour démontrer le risque de confusion, dans le cadre de sa procédure d’opposition, et la renommée de la marque antérieure. Tout au plus convient-il donc de vérifier l’appréciation portée à cet égard par la chambre de recours dans le cadre des moyens tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

53      Le moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen de la requérante et le premier moyen de l’intervenante, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

54      La requérante et l’intervenante invoquent une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

55      La requérante conteste la comparaison des produits en cause. Elle conteste également la comparaison phonétique, visuelle et conceptuelle des signes en cause et plus généralement l’impression d’ensemble de ces signes, ainsi que leurs éléments dominants. L’appréciation du risque de confusion desdits signes s’en trouverait erronée.

56      L’intervenante considère que les produits relevant des classes 14, 16, 26, 35 et 40 couverts par la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure sont similaires. Selon elle, l’appréciation portée par la chambre de recours en ce qui concerne les produits relevant des classes 14, 16 et 40 et certains produits relevant de la classe 26 serait erronée. Elle soutient que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence d’un risque de confusion pour les produits autres que ceux relevant des classes 18 et 25.

57      L’OHMI conteste les arguments tant de la requérante que de l’intervenante.

58      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

59      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celles des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

60      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

–       Sur le public pertinent

61      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

62      Aux points 15 et 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que le public pertinent était composé du grand public de toute l’Union. Elle a estimé que, dès lors qu’il suffisait que le risque de confusion existe dans au moins un État membre, elle pouvait débuter son analyse en prenant en considération tous les États membres dans lesquels le grec n’était pas une langue officielle et où les lettres grecques n’étaient pas reconnues, en particulier si elles ressemblaient à des lettres de l’alphabet latin.

63      Aux points 42, 43 et 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que les produits et services en cause, qui ont été jugés à tout le moins similaires, visaient le grand public et les spécialistes, comme pour les services compris dans la classe 35, et que les spécialistes étaient réputés présenter un niveau d’attention plus élevé. Il en irait de même pour le grand public en ce qui concerne les services compris dans la classe 35.

64      À cet égard, il convient de relever que c’est la requérante qui conteste la décision attaquée en ce qui concerne le public pertinent. Elle a soutenu que le consommateur moyen portait une attention particulièrement élevée dans son choix des différents produits qui relevaient d’une classe particulière.

65      À l’audience, l’intervenante a précisé que, si le niveau d’attention des consommateurs était éventuellement accru pour les services en cause relevant de la classe 35, il ne le serait certainement pas pour les autres produits couverts par la marque demandée. Elle a reconnu ne pas contester la décision attaquée sur l’appréciation portée par la chambre de recours en ce qui concernait le public pertinent.

66      D’une part, il importe de souligner que les parties n’ont pas contesté que le public pertinent était composé du grand public et des spécialistes de toute l’Union, ni que la chambre de recours pouvait prendre en considération tous les États membres dans lesquels le grec n’était pas une langue officielle et où les lettres grecques n’étaient pas reconnues, en particulier si elles ressemblaient à des lettres de l’alphabet latin.

67      Les parties n’ont pas davantage contesté que, pour les services compris dans la classe 35, à savoir les « [m]anifestations festives à but commercial ou publicitaire », les spécialistes, mais aussi le grand public, présenteraient un niveau d’attention plus élevé.

68      La chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation sur ces points.

69      D’autre part, quant aux produits concernés, dont plusieurs sont de consommation courante, il convient de considérer que le niveau d’attention des consommateurs n’est pas forcément particulièrement accru, comme le reconnaît d’ailleurs l’intervenante. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation sur ce point.

70      Les arguments de la requérante relatifs au public pertinent doivent donc être rejetés.

–       Sur la comparaison des produits et des services

71      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

72      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que :

–        pour les produits « Cuir et imitations du cuir pour la décoration, malle » et « Vêtements, chaussures et leurs décorations » relevant respectivement des classes 18 et 25, ils étaient identiques à certains des produits de la marque antérieure ;

–        pour les produits « Dentelle et broderie ; rubans ; épinglerie » et les services « Manifestations festives à but commercial ou publicitaire » relevant respectivement des classes 26 et 35, ils présentaient un faible degré de similitude avec certains des produits de la marque antérieure ;

–        pour les produits et services « Métaux précieux et leurs alliages ; produits en métaux précieux ou en plaqué non compris dans d’autres classes, pierres précieuses et semi-précieuses, joaillerie, ornements, imitations de bijoux et lunettes (ornements, boucles d’oreilles, médailles, pendentifs, fermoirs, bracelets, bagues, imitations de bijoux) », « Papier pour la décoration, articles d’artisanat en corde, matériel artistique », « Fleurs artificielles » et « Traitement de matériaux pour la fabrication de bijoux, les ornements et décorations » relevant respectivement des classes 14, 16, 26 et 40, ceux-ci et les produits pour lesquels la marque antérieure bénéficiait d’une protection n’étaient pas similaires.

73      En premier lieu, s’agissant des produits relevant des classes 18 et 25, il importe de rappeler que la marque demandée et la marque antérieure désignent respectivement les produits suivants :

–        pour la première, « Cuir et imitations du cuir pour la décoration, malle » et « Vêtements, chaussures et leurs décorations » ;

–        pour la seconde, « Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; malles et valises : parapluies, parasols et cannes ; portefeuilles ; porte-monnaie non en métaux précieux ; sacs à main, sacs à dos, à roulettes, sacs de voyage, de plage, d’écoliers ; coffrets destinés à contenir des affaires de toilette, trousses de toilette et de maquillage, sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l’emballage (en cuir) » et « Vêtements, chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ; chemises, vêtements en cuir ou imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards, cravates, bonneterie ; chaussettes ; chaussons, chaussures de plage ou de sport ; sous-vêtements ».

74      Dans le cadre de son recours, la requérante soutient que les produits desdites classes visés par la marque demandée ne sont pas identiques à ceux visés par la marque antérieure. Elle considère que la chambre de recours n’a pas pris en compte de manière adéquate les termes respectifs « pour la décoration » et « leurs décorations ». Ces termes indiqueraient l’intention de la requérante de fabriquer des œuvres artistiques uniques revêtues d’objets décoratifs et non des produits de série.

75      L’OHMI et l’intervenante contestent cette argumentation.

76      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, lorsque les produits ou services visés par la marque antérieure incluent les produits ou services visés par la demande de marque, ces produits ou services sont considérés comme identiques [voir arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 34 et jurisprudence citée]. Dès lors que, en l’espèce, les produits « Cuir et imitations du cuir, malle » et « Vêtements, chaussures » relevant respectivement des classes 18 et 25 et visés par la marque antérieure incluent les produits relevant des mêmes classes visés par la marque demandée, ils doivent être considérés comme étant identiques à ces produits.

77      Ensuite, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits, telle qu’elle figure dans la demande de marque concernée, sous la seule réserve des éventuelles modifications de cette dernière, conformément à l’article 43 du règlement n° 207/2009. Par conséquent, la requérante n’ayant pas modifié la liste des produits visés par sa demande de marque, ses affirmations afférentes aux produits spécifiques pour lesquels elle a l’intention d’utiliser la marque demandée sont dépourvues de pertinence en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Yordanov/OHMI – Distribuidora comercial del frio (DISCO DESIGNER), T‑189/11, EU:T:2013:34, point 43 et jurisprudence citée].

78      C’est donc à juste titre que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a pris en considération, aux fins de la comparaison des produits concernés, tous les produits sur lesquels portait la demande d’enregistrement de marque de la requérante et tous ceux pour lesquels la marque antérieure avait été enregistrée sans se limiter, comme tente de le soutenir la requérante, aux termes « pour la décoration » et « leurs décorations », ni à l’intention de la requérante pour les produits visés par la marque demandée.

79      Enfin, la chambre de recours n’a pas commis une quelconque erreur d’appréciation, en estimant, au point 19 de la décision attaquée, que les décorations devaient être considérées comme faisant partie intégrante des produits visés et leur étaient, en conséquence, identiques. Les décorations peuvent en effet correspondre à des produits qui ne sont pas autonomes de ceux sur lesquels ils sont accrochés ou intégrés.

80      En second lieu, s’agissant des autres produits, il convient de rappeler que la marque demandée couvre les produits et les services suivants :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages ; produits en métaux précieux ou en plaqué non compris dans d’autres classes, pierres précieuses et semi-précieuses, joaillerie, ornements, imitations de bijoux et lunettes (ornements, boucles d’oreilles, médailles, pendentifs, fermoirs, bracelets, bagues, imitations de bijoux) ;

–        classe 16 : « Papier pour la décoration, articles d’artisanat en corde, matériel artistique » ;

–        classe 26 : « Dentelle et broderie ; rubans ; épinglerie ; fleurs artificielles » ;

–        classe 35 : « Manifestations festives à but commercial ou publicitaire » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux pour la fabrication de bijoux, les ornements et décorations ».

81      Dans le cadre de son recours incident, l’intervenante indique que lesdits produits et services sont analogues aux produits visés par la marque antérieure. Ils appartiendraient au secteur de la mode, qui couvrirait les domaines de la bijouterie, des accessoires de mode et des manifestations à but commercial ou publicitaire. Ces domaines seraient ceux dans lesquels est exploitée la marque antérieure, laquelle bénéficierait d’une renommée certaine. Il serait usuel que les industries de la mode diversifient leurs activités et étendent leurs produits à des secteurs connexes, tels que la bijouterie ou les accessoires. La chambre de recours aurait conclu à juste titre à la similitude des produits « Dentelle et broderie ; rubans ; épinglerie » (relevant de la classe 26) et des services « Manifestations festives à but commercial ou publicitaire » (relevant de la classe 35) avec les produits de la marque antérieure. Elle aurait commis une erreur en écartant la similitude des autres produits et services avec ceux de la marque antérieure, dès lors qu’il existerait un lien entre ces produits et services, qui sont tous connexes au domaine de la mode.

82      L’OHMI soutient que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur sur ce point.

83      À cet égard, il importe de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits ou des services adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire (voir arrêt easyHotel, point 60 supra, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée).

84      En outre, selon la jurisprudence et comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 22 de la décision attaquée, une complémentarité d’ordre esthétique entre des produits peut faire naître un degré de similitude au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Une telle complémentarité esthétique doit consister en un véritable besoin esthétique, en ce sens qu’un produit est indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre et que les consommateurs jugent habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble. Cette complémentarité esthétique est subjective et elle est définie par les habitudes ou les préférences des consommateurs, telles qu’elles peuvent résulter des efforts de marketing des producteurs, voire de simples phénomènes de mode [voir arrêt du 27 septembre 2012, El Corte Inglés/OHMI – Pucci International (Emidio Tucci), T‑373/09, EU:T:2012:500, point 51 et jurisprudence citée].

85      Cependant, il convient de souligner que l’existence d’une complémentarité esthétique entre les produits n’est pas suffisante, à elle seule, pour conclure à une similitude entre eux. Pour cela, il est nécessaire que les consommateurs considèrent comme courant que ces produits soient commercialisés sous la même marque, ce qui implique, normalement, qu’une grande partie des fabricants ou des distributeurs respectifs de ces produits soient les mêmes (voir arrêt Emidio Tucci, point 84 supra, EU:T:2012:500, point 52 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que la chambre de recours a correctement estimé, au point 23 de la décision attaquée, que les produits « Dentelle et broderie ; rubans ; épinglerie » relevant de la classe 26 étaient nécessaires pour fabriquer des vêtements et qu’ils avaient un caractère concurrent et complémentaire avec ceux-ci, leur conférant une certaine similitude.

87      Comme la chambre de recours l’indique, les consommateurs intéressés par la couture peuvent réaliser des vêtements et utiliser pour cela des produits tels que la dentelle, la broderie, les rubans et des épingles.

88      Ensuite, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 28 de la décision attaquée, que les services « Manifestations festives à but commercial ou publicitaire » (relevant de la classe 35) pouvaient avoir un lien avec les produits couverts par la marque antérieure.

89      Il a déjà été jugé pour des services fournis dans le cadre du commerce de détail, visés par une demande de marque, et les produits visés par une marque antérieure qu’il y avait un lien étroit entre eux dès lors que les produits étaient indispensables ou, à tout le moins, importants pour le déploiement desdits services, ces derniers étant précisément fournis à l’occasion de la vente desdits produits [voir arrêt du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, Rec, EU:T:2008:399, point 54 et jurisprudence citée]. En l’espèce, il n’est certes pas indiqué que les services en cause visent la commercialisation ou la publicité des produits couverts par la marque antérieure. Toutefois, les produits restent importants, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, pour la fourniture des services en cause, à savoir les manifestations festives à but commercial ou publicitaire, dès lors que cette fourniture peut intervenir en amont ou à l’occasion de la mise sur le marché des produits qui apparaissent ainsi indispensables ou, à tout le moins, importants pour le déploiement desdits services. Ces derniers sont en général fournis à l’occasion de la vente de produits et, comme l’a estimé la chambre de recours, ils sont dépourvus de sens en l’absence de ces produits, ce qui conduit à considérer qu’il y a un lien entre eux.

90      Pour les autres produits, mentionnés au point 80 ci-dessus, la chambre de recours a souligné, au point 26 de la décision attaquée, qu’ils pouvaient être utilisés indépendamment les uns des autres et qu’aucun consommateur ne croirait qu’il est nécessaire, pour utiliser une ligne spécifique de vêtements, d’utiliser une ligne spécifique de produits cosmétiques ou de bijoux. En outre, elle a ajouté, au point 27 de la même décision, que les « papier pour la décoration, articles d’artisanat en corde, matériel artistique » (relevant de la classe 16) et les « fleurs artificielles » (relevant de la classe 26) étaient différents des produits couverts par la marque antérieure. Elle a précisé que le fait que les produits de l’intervenante pourraient être promus, exposés ou vendus décorés de papier, de cordes ou de matériel artistique ne conférerait pas à ces produits, dont la nature de l’utilisation est totalement différente, un caractère similaire.

91      Il y a lieu de considérer que les produits et services couverts par la marque demandée suivants, « Métaux précieux et leurs alliages ; produits en métaux précieux ou en plaqué non compris dans d’autres classes, pierres précieuses et semi-précieuses, joaillerie, ornements, imitations de bijoux et lunettes (ornements, boucles d’oreilles, médailles, pendentifs, fermoirs, bracelets, bagues, imitations de bijoux) » (relevant de la classe 14), « Papier pour la décoration, articles d’artisanat en corde, matériel artistique » (relevant de la classe 16), « Fleurs artificielles » (relevant de la classe 26) et « Traitement de matériaux pour la fabrication de bijoux, les ornements et décorations » (relevant de la classe 40) diffèrent des produits couverts par la marque antérieure par leur nature, leur destination, leur origine et leurs canaux de distribution. En effet, il n’a pas été démontré qu’il n’y aurait pas d’importantes différences dans la nature des produits et des services comparés, dans les procédés de leur fabrication ou fourniture, ainsi que quant au savoir-faire nécessaire pour la création d’un produit ou d’un service de qualité dans chacune des branches en question. Dans ces circonstances, même à considérer que certains produits ou services puissent relever du secteur de la mode, il n’a pas été apporté la preuve que les consommateurs s’attendaient, de manière habituelle, à ce que la responsabilité de la fabrication ou de la fourniture des produits et services en cause, à première vue non apparentés et ne relevant pas non plus de la même famille de produits ou de services, puisse incomber à une même entreprise [voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Cheng (B), T‑505/12, Rec, EU:T:2015:95, points 72 et 73].

92      Les arguments invoqués par la requérante et l’intervenante à l’encontre de la décision attaquée et relatifs à la comparaison des produits et des services doivent en conséquence être rejetés.

–       Sur la comparaison des signes

93      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

94      La chambre de recours a considéré que, sur le plan conceptuel, pour des consommateurs qui ne maîtrisaient pas le grec et n’étaient pas familiarisés avec les lettres grecques, ils percevraient les signes en cause comme une représentation fantaisiste de la lettre majuscule « E » qui n’est pas un concept. La chambre de recours a ajouté que, sur le plan visuel, les signes présentaient un degré moyen de similitude, étant donné qu’ils représentaient la même lettre écrite plus ou moins de la même manière. La chambre de recours a considéré que, sur le plan phonétique, les deux signes se prononceraient comme la lettre « e » et étaient, en conséquence, identiques.

95      Sur ce point, la requérante a présenté en substance les arguments suivants. Elle conteste la comparaison phonétique, en ce qu’il serait inexact que les signes en cause soient susceptibles de se prononcer oralement, le signe de la marque demandée étant, selon la requérante, constitué du groupe des lettres « ɛʋ » réunies, représentant un signe de calligraphie tracé dans un geste artistique non verbalisé, impossible à prononcer. La requérante conteste également la comparaison conceptuelle des signes, au motif que les deux signes ne représenteraient pas la lettre grecque « ɛ » écrite en minuscule, le signe de la marque demandée étant la signature authentique de la requérante, selon cette dernière. Ledit signe comporterait le groupe de lettres « ɛʋ » qui composent le début du nom de la requérante. La requérante conteste la comparaison sur le plan visuel, au motif que les deux signes sont très différents, le signe de la marque antérieure étant composé seulement de la lettre grecque « ɛ », écrite en noir, alors que le signe de la marque demandée présenterait une graphie d’un seul tenant, recherchée sur le plan du dessin et du style et composée du groupe de lettres étirées « ɛʋ », comportant de nets éléments de calligraphie, de couleur bleu-gris et avec des proportions et des dimensions différentes entre les extrémités.

96      L’OHMI conteste cette argumentation.

97      L’intervenante considère que, sur le plan phonétique, les deux signes sont identiques, pour les mêmes raisons que celles retenues par la chambre de recours. Elle indique que, sur le plan conceptuel, les deux signes sont identiques en ce qu’ils sont tous les deux constitués de la lettre « e » écrite en majuscule. Elle soutient que, sur le plan visuel, les signes sont très fortement similaires, dès lors qu’ils sont tous les deux constitués par la représentation de la lettre « e » écrite en majuscule et avec une calligraphie stylisée. Les deux signes ne posséderaient pas d’éléments qui pourraient être considérés comme dominants ou plus distinctifs. Ils seraient similaires.

98      À titre liminaire, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas considéré, contrairement à ce que prétend la requérante, que les signes en cause étaient identiques pour les produits relevant des classes 18 et 25. L’argument de la requérante à cet égard repose sur une dénaturation de la décision attaquée.

99      S’agissant de la comparaison visuelle, il y a lieu de relever d’emblée que les arguments tirés d’une comparaison des signes composés, d’une part, du groupe des deux lettres étirées « ɛʋ » et, d’autre part, de la seule lettre grecque « ɛ » sont inopérants, dès lors que la chambre de recours a pris en considération les États membres où les lettres grecques ne sont pas reconnues. Par ailleurs, la couleur, la calligraphie, les proportions et les dimensions des extrémités du signe de la marque demandée ne sont pas particulièrement remarquables visuellement au point d’attirer l’attention du consommateur et de le différencier suffisamment du signe de la marque antérieure. La chambre de recours n’a pas commis d’erreur, en considérant que les signes présentaient un degré moyen de similitude, comme l’a reconnu au demeurant la requérante au point 15 de sa requête. Par conséquent, il n’y a pas non plus lieu de retenir l’argument de l’intervenante, selon lequel les deux signes seraient très fortement similaires.

100    S’agissant de la comparaison phonétique, les deux signes figuratifs peuvent être perçus par le consommateur comme des lettres qui seront prononcées comme la lettre « e ». Ils peuvent ainsi être considérés comme identiques, ainsi que l’a retenu à juste titre la chambre de recours.

101    S’agissant de la comparaison conceptuelle, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas non plus commis une quelconque erreur. La requérante n’apporte pas d’éléments de nature à contredire le fait que les signes apparaissent, pour les consommateurs qui ne maîtrisent pas le grec, comme une représentation fantaisiste de la lettre majuscule « E ». Une lettre n’est pas un concept et c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que cela empêchait toute comparaison conceptuelle.

102    Il y a donc lieu de rejeter les arguments de la requérante et de l’intervenante, qui contestent la décision attaquée en ce qui concerne la comparaison des signes en cause.

–       Sur le risque de confusion

103    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celles des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

104    La chambre de recours a considéré que les produits et services qui ont été jugés à tout le moins similaires visaient le grand public et les spécialistes, notamment pour les « manifestations festives à but commercial ou publicitaire » qui relèvent de la classe 35 et qui feraient l’objet d’un niveau d’attention plus élevé. Après avoir refusé de prendre en compte les documents produits devant elle par l’intervenante, au motif que cette dernière n’avait pas expliqué la raison pour laquelle il n’avait été possible de produire aucun élément de preuve dans le cadre de la procédure d’opposition, la chambre de recours a conclu que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être considéré comme inférieur à la moyenne. Selon elle, les lettres seules ne présentaient pas le même caractère distinctif intrinsèque que des combinaisons de lettres ou des mots. La chambre de recours a ajouté que l’aspect visuel des signes était plus important, dès lors que les consommateurs pouvaient vérifier les produits et services visuellement, avant de les acquérir. Elle a conclu que la distance entre les signes n’était pas suffisante pour permettre de distinguer les marques avec certitude en ce qui concernait les produits relevant des classes 18 et 25. En revanche, pour les produits considérés comme faiblement similaires, il n’y aurait pas de risque de confusion, au motif que la distance entre les signes était suffisante et que, en ce qui concernait les services, qui étaient destinés en particulier aux spécialistes, le niveau d’attention de ces derniers était supérieur à la moyenne.

105    La requérante considère que, dans l’appréciation globale, il n’y a pas de risque de confusion compte tenu de la différence considérable des marques en cause. Celles-ci ne se ressembleraient pas visuellement ni phonétiquement et les produits de certaines classes seraient différents. La chambre de recours n’aurait pas non plus pris en compte l’importance du sens du terme « décorations » indiqué dans la liste des produits relevant des classes 18 et 25 et couverts par la marque demandée. La requérante invoque, par ailleurs, l’arrêt du 14 novembre 2013, Environmental Manufacturing/OHMI (C‑383/12 P, Rec, EU:C:2013:741), pour contester l’appréciation du risque de confusion opérée par la chambre de recours.

106    L’intervenante estime que, dans l’appréciation globale, il y a un risque de confusion pour tous les produits concernés. Les signes présenteraient des similitudes visuelles, phonétiques ainsi que conceptuelles et le fait qu’ils soient composés de la lettre majuscule « E » en caractère stylisé ou du chiffre « 3 » en effet miroir conduirait les consommateurs à porter leur attention directement sur cet élément dominant. Les similitudes visuelles seraient déterminantes, en ce que les consommateurs procéderaient à une analyse visuelle des produits et des services avant de procéder à leur acquisition. En outre, la marque antérieure aurait un caractère distinctif élevé du fait de sa notoriété et le consommateur moyen serait fondé à croire que les produits et services proviennent de la même entreprise, d’autant que tous relèvent du secteur de la mode. Si le niveau d’attention des consommateurs peut, selon l’intervenante, être accru pour les services « Manifestations festives à but commercial ou publicitaire », il n’en serait pas de même pour les autres produits qui constitueraient des produits d’usage courant, destinés à des consommateurs moyens.

107    L’OHMI conteste les argumentations de la requérante et de l’intervenante.

108    D’emblée, il y a lieu de rejeter les arguments fondés sur l’arrêt Environmental Manufacturing/OHMI, point 105 supra (EU:C:2013:741), que la requérante a développés dans le cadre de son moyen tiré de l’absence de motivation, mais qui visent à contester l’appréciation du risque de confusion par la chambre de recours. D’une part, comme le relève l’OHMI à juste titre, l’argument tiré du point 40 dudit arrêt n’est pas pertinent, ledit point concernant le préjudice porté au caractère distinctif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 et non l’appréciation du risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. D’autre part, l’argument fondé sur le point 24 dudit arrêt est tout aussi inopérant, en ce qu’il se fonde sur ce qu’a soutenu la requérante dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt et non sur la jurisprudence, contrairement à ce que tente d’affirmer la requérante.

109    S’agissant du risque de confusion pour les produits considérés comme identiques, à savoir les produits visés par la marque demandée et par la marque antérieure relevant des classes 18 et 25, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que, pour lesdits produits, la distance entre les signes n’était pas suffisante pour permettre aux consommateurs de distinguer les marques avec certitude. Comme il ressort des points 62, 67, 76 99 et 100 ci-dessus, le niveau d’attention des consommateurs composés du grand public dans l’Union n’est pas particulièrement élevé, pour les produits en cause, et les deux signes en conflit sont identiques sur le plan phonétique et présentent un degré moyen de similitude sur le plan visuel, pouvant ainsi conduire à un risque de confusion.

110    S’agissant du risque de confusion pour les produits et les services relevant des classes 26 et 35, considérés comme présentant un faible degré de similitude avec les produits visés par la marque antérieure, et a fortiori s’agissant de tous les autres produits et services relevant des classes 14, 16, 26 et 40 considérés comme différents de ceux visés par la marque antérieure, la chambre de recours n’a pas non plus commis une quelconque erreur d’appréciation en estimant que la distance entre les signes en conflit était suffisante. Comme il ressort notamment des points 63, 67 et 86 à 89 ci-dessus, le niveau d’attention du public pertinent peut être plus élevé pour les services visés à la classe 35, ceux-ci étant destinés aux spécialistes. En outre, les autres produits et services concernés par la marque demandée et les produits visés par la marque antérieure présentent soit un faible degré de similitude, soit aucune similitude. Dans ces conditions, il convient de conclure que le degré moyen de similitude entre les signes en cause n’est pas de nature à entraîner un risque de confusion pour ces produits et services. Il importe d’ajouter que l’argument invoqué par l’intervenante selon lequel il y aurait un risque de confusion dans la mesure où les produits relèvent du même secteur, à savoir celui de la mode, ne permet pas de renverser une telle conclusion, dans la mesure où le simple fait que des produits relèvent d’un secteur ou de secteurs très proches ne suffit pas à les rendre similaires, comme le souligne à juste titre l’OHMI.

111    Les moyens de la requérante et de l’intervenante, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 doivent donc être rejetés comme non fondés.

 Sur le troisième moyen de la requérante et le second moyen de l’intervenante, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, ainsi que sur le quatrième moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009

112    Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

113    La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec, EU:T:2007:93, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

114    S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir arrêt VIPS, point 113 supra, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée).

115    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition avait considéré à juste titre que la renommée de la marque antérieure n’était pas établie, l’intervenante n’ayant déposé aucun élément de preuve se rapportant à la renommée de sa marque antérieure. D’une part, elle a précisé que, dans la mesure où l’intervenante n’avait pas expliqué la raison pour laquelle il ne lui avait pas été possible de produire des éléments de preuve dans le cadre de la procédure d’opposition, il a été considéré que les éléments de preuve produits avec le mémoire exposant les motifs du recours devant elle l’avaient été tardivement. En pareil cas, la chambre ne pourrait pas faire usage de son pouvoir d’appréciation conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. D’autre part, les éléments de preuve produits renverraient soit à la marque ETAM, soit à une marque figurative comportant l’élément verbal « etam », mais non à la marque antérieure sur laquelle est fondée l’opposition. L’intervenante n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle la possibilité que l’une des marques utilisées soit reconnue sur le marché devrait s’étendre à la marque antérieure sur laquelle est fondée l’opposition.

116    Dans sa requête, la requérante a invoqué une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, mais, à la lecture des points 13 à 21 de la requête, il ressort qu’elle a développé, dans ce cadre, des arguments relatifs uniquement à la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Or ces arguments ont été examinés aux points 54 à 111 ci-dessus.

117    Par son moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, l’intervenante invoque la deuxième condition visée au point 113 ci-dessus. Selon elle, cette condition est remplie en l’espèce, dès lors que la marque antérieure et la marque demandée sont similaires.

118    L’intervenante soutient aussi que la troisième condition visée au même point est également remplie, la marque ETAM étant mondialement connue auprès des consommateurs et l’intervenante étant chef de file dans le domaine de la mode, notamment en France dans le secteur de la lingerie. La marque antérieure serait exploitée dans de nombreux points de vente, en relation avec chacun des produits que l’intervenante commercialise, et la renommée de cette marque serait largement démontrée. La chambre de recours aurait dû tenir compte des preuves produites devant elle le 9 avril 2013, en temps utile, avec les moyens fondant le recours de l’intervenante, ces preuves visant à démontrer la renommée acquise par la marque antérieure. La majorité des preuves fournies par l’intervenante démontreraient que la marque antérieure est presque exclusivement exploitée sous la forme visée par son dépôt et, si l’intervenante exploite de façon résiduelle cette marque de manière très légèrement modifiée, une telle exploitation n’altérerait pas le caractère distinctif de la marque antérieure. La chambre de recours se serait estimée à tort dépourvue de tout pouvoir d’appréciation aux fins d’une prise en compte desdites preuves.

119    L’intervenante ajoute, s’agissant de la quatrième condition visée au point 113 ci-dessus, que la marque antérieure aurait vu son caractère distinctif renforcé du fait de la renommée qu’elle a acquise, cette marque étant devenue, selon elle, un signe de ralliement du public aux produits de l’intervenante, en ce qu’elle constitue l’emblème de cette dernière aux yeux des consommateurs. Les produits visés par la marque demandée relevant du secteur de la mode ou étant connexes à celui-ci, sur lequel la marque antérieure est exploitée et bénéficie d’une renommée certaine, la marque demandée serait susceptible de tirer indument profit de la renommée acquise par la marque antérieure.

120    L’OHMI conteste cette argumentation.

121    Il découle du libellé de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement n° 207/2009, et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits. En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de tels faits, ladite disposition investit en effet l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux-ci en compte (voir arrêt du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑120/12 P, Rec, EU:C:2013:638, points 22 et 23 et jurisprudence citée).

122    Une telle prise en compte par l’OHMI, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte [arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 44, et du 9 avril 2014, MHCS/OHMI – Ambra (DORATO), T‑249/13, EU:T:2014:193, point 25].

123    Le fait d’obliger l’OHMI à prendre en considération, en toutes circonstances, les faits et preuves présentés par les parties à une procédure d’opposition en dehors des délais impartis à cet effet en vertu des dispositions du règlement n° 207/2009 reviendrait à priver lesdites dispositions de tout effet utile (voir arrêt DORATO, point 122 supra, EU:T:2014:193, point 26 et jurisprudence citée).

124    Dans ces conditions, il était, en principe, loisible à la chambre de recours, conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de ne pas tenir compte desdits éléments. Après avoir constaté, au point 52 de la décision attaquée, que l’intervenante n’avait pas expliqué la raison pour laquelle il n’avait pas été possible de produire des éléments de preuve dans le cadre de la procédure d’opposition, pour démontrer la renommée de la marque antérieure, et que les éléments de preuve avaient été produits pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du recours devant elle, la chambre de recours était en droit de ne pas prendre en compte ces nouveaux éléments de preuve, comme elle l’a fait en l’espèce.

125    Il convient de préciser que, si, au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’elle ne pouvait pas faire usage de son pouvoir d’appréciation conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et, donc, qu’elle ne pouvait pas accepter ces documents, elle a toutefois ajouté, au point 54 de la même décision, que les éléments de preuve produits renvoyaient soit à la marque ETAM, soit à une marque figurative comportant l’élément verbal « etam » et non à la marque antérieure. Elle a souligné que l’intervenante n’avait pas expliqué la raison pour laquelle la possibilité que l’une des marques utilisées soit reconnue sur le marché devrait s’étendre à la marque antérieure sur laquelle était fondée l’opposition.

126    Par cette motivation, il ressort suffisamment clairement que la chambre de recours a entendu vérifier, d’une part, si les documents produits tardivement étaient de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concernait le sort de l’opposition formée devant elle et, d’autre part, si le stade de la procédure auquel intervenait cette production tardive et les circonstances qui l’entouraient ne s’opposaient pas à cette prise en compte.

127    En soulignant que l’intervenante n’avait pas expliqué le retard avec lequel elle produisait les documents et que ceux-ci ne revêtaient pas de prime abord une réelle pertinence, la chambre de recours a donc, conformément à la jurisprudence, fait usage de son pouvoir d’appréciation en n’acceptant pas lesdits documents. En conséquence, elle n’a pas commis d’erreur à cet égard.

128    En tout état de cause, quant à l’argument selon lequel la chambre de recours a, selon l’intervenante, considéré à tort que les documents produits devant elle ne renvoyaient pas à la marque antérieure, mais davantage à deux marques utilisées que sont la marque ETAM ainsi qu’une marque figurative comportant l’élément verbal « etam », il convient de relever que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’intervenante n’avait pas expliqué la raison pour laquelle la possibilité que l’une des marques utilisées soit reconnue sur le marché devrait s’étendre à la marque antérieure.

129    Il ressort en effet de l’analyse de ces documents qu’ils mettent essentiellement en évidence la renommée de la marque ETAM ou d’une marque figurative comportant l’élément verbal « etam » et que seuls certains desdits documents font apparaître la marque antérieure, sans qu’ils démontrent la renommée à proprement parler de cette dernière marque.

130    En l’absence de preuve démontrant la renommée de celle-ci, la troisième condition énoncée au point 113 ci-dessus n’est pas remplie.

131    Il y a donc lieu de rejeter le moyen de l’intervenante tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 et, au demeurant, ensemble, également, le quatrième moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009, la requérante n’ayant pas démontré l’intérêt à invoquer un tel moyen en ce qui la concerne. À cet égard, il est utile de relever que, par ledit moyen, la requérante s’est contentée de soutenir que la chambre de recours aurait dû examiner d’office les éléments de preuve produits par l’intervenante.

132    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours de la requérante et le recours incident de l’intervenante, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requête [arrêt du 22 mars 2011, Ford Motor/OHMI – Alkar Automotive (CA), T‑486/07, EU:T:2011:104, points 97 et 98].

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter chacune, pour moitié, les dépens de l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci, ainsi qu’à supporter chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le recours incident est rejeté.

3)      Mme Evcharis Nezi et Etam SAS sont condamnées à supporter chacune, pour moitié, les dépens de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), ainsi qu’à supporter chacune leurs propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.