Language of document : ECLI:EU:T:2011:392

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 juillet 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ERGO – Marque communautaire verbale antérieure URGO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T-220/09,

Ergo Versicherungsgruppe AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes V. von Bomhard, A. W. Renck, T. Dolde et J. Pause, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme B. Schmidt, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Société de développement et de recherche industrielle, établie à Chenôve (France), représentée par MK. Dröge, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 20 mars 2009 (affaire R 515/2008-4), relative à une procédure d’opposition entre la Société de développement et de recherche industrielle et Ergo Versicherungsgruppe AG,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport de juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 juillet 2003, la requérante, Ergo Versicherungsgruppe AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ERGO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour polir et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 25/2004, du 21 juin 2004.

5        Le 21 septembre 2004, Holding Urgo Participations (HUP), qui a transféré sa marque à l’intervenante, la Société de développement et de recherche industrielle, au cours de la procédure devant l’OHMI, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale URGO enregistrée le 16 février 2000 sous le numéro 989 863, pour les produits relevant des classes 3 et 5 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 25 janvier 2008, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition, à savoir pour l’ensemble des produits compris dans la classe 5 et pour les « savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » compris dans la classe 3.

9        Le 25 mars 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 20 mars 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a, d’abord, considéré que le public pertinent était constitué des consommateurs moyens de tous les États membres, normalement attentifs et avisés. Ensuite, elle a relevé que les produits compris dans la classe 5 ainsi que la partie des produits compris dans la classe 3, pour lesquels la demande de marque avait été rejetée, étaient identiques. En ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, il y avait un degré élevé de similitude entre les signes en conflit. Elle a en effet relevé qu’il s’agissait de marques verbales ayant en commun les trois dernières lettres et se différenciant exclusivement par la première lettre, et elle a conclu que cette différence n’était pas en mesure de compenser la forte similitude visuelle due à l’identité des autres lettres composant les signes. Sur le plan phonétique, la chambre de recours a relevé que les deux marques étaient composées de deux syllabes avec une prononciation ayant le même rythme et la même intonation. Elle a comparé leur prononciation dans plusieurs langues européennes en concluant qu’elles présentaient une quasi-identité phonétique en anglais, une forte similitude phonétique en français et une similitude phonétique moyenne dans diverses autres langues européennes. Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a relevé que la marque antérieure URGO n’avait de signification dans aucune langue européenne alors que le terme « ergo » était un mot latin signifiant « donc » ou « par conséquent » existant dans certaines langues, dont notamment l’anglais, en tant que mot abstrait à connotation juridique ou philosophique. La chambre de recours a considéré que ce mot était rarement utilisé dans le langage courant et était ainsi inconnu et inutilisé par le consommateur final en général. Elle a donc conclu que les consommateurs moyens anglais et allemands n’associeront les marques en cause à aucun concept. Sur la base des considérations qui précèdent, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques au moins en ce qui concerne la partie anglophone du territoire de l’Union européenne.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

14      Aux termes de cet article, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon la jurisprudence, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 13 septembre 2010, Procter & Gamble/OHMI – Prestige Cosmetics (P&G PRESTIGE BEAUTE), T‑366/07, non publié au Recueil, point 49].

16      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

17      La requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle le territoire au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui de l’Union et les consommateurs visés sont les consommateurs moyens. Elle reproche, toutefois, à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du fait que même ces consommateurs accordent une attention accrue aux produits en cause étant donné que ceux-ci concernent leur santé, leur bien-être et leur apparence.

18      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

19      En ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 3, il y a lieu de constater qu’il s’agit de produits de consommation courante ayant, en général, une valeur relativement faible. Ainsi, pour ces produits l’attention du public pertinent ne saurait être considérée comme étant supérieure à celle dont ce public ferait preuve concernant d’autres produits de consommation courante [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 avril 2011, TTNB/OHMI – March Juan (Tila March), T‑433/09, non publié au Recueil, point 23, et Lancôme/OHMI – Focus Magazin Verlag (ACNO FOCUS), T‑466/08, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée].

20      En ce qui concerne les produits en cause appartenant à la classe 5, il convient de relever que pour une partie d’entre eux, tels que les produits pharmaceutiques, le public pertinent, ainsi que le soutient la requérante, fait preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 février 2008, Sanofi-Aventis/OHMI – GD Searle (ATURION), T‑146/06, non publié au Recueil, point 27, , et la jurisprudence citée]. Toutefois, une autre partie des produits en cause relevant de ladite classe est constituée de produits d’usage courant, vendus sans ordonnance et destinés à tous les consommateurs [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 décembre 2009, Longevity Health Products/OHMI – Merck (Kids Vits), T‑484/08, non publié au Recueil, point 27, et du 2 juin 2010, Procaps/OHMI – Biofarma (PROCAPS), T‑35/09, non publié au Recueil, point 29]. Ainsi, pour cette partie des produits en cause, dont il n’est pas allégué qu’elle serait insignifiante, il n’y a pas lieu de s’attendre à un niveau d’attention accru de la part du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 novembre 2009, REWE‑Zentral/OHMI – Aldi Einkauf (Clina), T‑150/08, non publié au Recueil, point 69].

21      À cet égard, il convient d’observer que, selon la jurisprudence, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Kido/OHMI – Amberes (SCORPIONEXO), T‑152/08, non publié au Recueil, point 40]. En outre, afin de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, il ne suffit pas qu’une requérante affirme que dans un secteur déterminé le consommateur est particulièrement attentif aux marques, mais elle doit étayer cette prétention d’éléments de fait et de preuve [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié au Recueil, points 20 et 21], ce que la requérante n’a pas fait en l’espèce.

22      Enfin, selon une jurisprudence constante, lorsque les produits ou les services sur lesquels porte la demande d’enregistrement sont destinés à l’ensemble des consommateurs, il faut considérer que le public pertinent est constitué du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 62, et la jurisprudence citée).

23      Au vu de ce qui précède, la requérante ne saurait faire valoir une erreur de la part de la chambre de recours en ce qui concerne la détermination du degré d’attention du public pertinent.

 Sur la comparaison des produits et des signes en cause

24      Il convient, tout d’abord, de constater que l’identité des produits en cause n’est pas contestée. Seule la similitude des signes est en discussion entre les parties.

25      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, non publié au Recueil, point 46].

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques que le consommateur moyen a des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

27      En l’espèce, les signes qu’il convient de comparer sont, d’une part, la marque verbale communautaire antérieure URGO et, d’autre part, la marque verbale communautaire demandée ERGO. Les marques verbales en conflit sont constituées chacune d’un mot de quatre lettres dont les trois dernières lettres « r », « g » et « o » sont identiques et dont la première lettre diffère, cette lettre étant la lettre « u » dans la marque antérieure et la lettre « e » dans la marque demandée.

28      S’agissant de la similitude visuelle, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, même s’il était indéniable que le public pertinent ne pouvait négliger les premières lettres des deux marques, cette différence n’était pas susceptible de compenser la forte similitude visuelle due à l’identité des autres lettres composant les marques. Elle soutient d’abord que la chambre de recours n’aurait pas suffisamment tenu compte du fait que, les signes en conflit étant courts, selon la jurisprudence les différences constatées seraient beaucoup plus frappantes pour les consommateurs.

29      À cet égard, il convient de relever que, s’il est vrai que le Tribunal a jugé dans certains arrêts qu’une différence consistant en une seule lettre pouvait empêcher la constatation d’un degré élevé de similitude visuelle entre deux signes verbaux relativement courts [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 54, et du 16 janvier 2008, Inter-Ikea/OHMI – Waibel (idea), T‑112/06, non publié au Recueil, point 54], cette appréciation a été effectuée spécifiquement pour les marques en cause dans lesdits arrêts et ne correspond pas à l’affirmation d’une règle générale susceptible d’être applicable en l’espèce [arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08 non encore publié au Recueil, points 79 et 80]. En effet, même dans le cadre de l’appréciation de signes verbaux courts, l’identité de trois des quatre lettres peut avoir pour conséquence que la distinction résultant d’une lettre constitue une différence visuelle peu importante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 52]. Le Tribunal a ainsi considéré que des signes verbaux se distinguant par une seule lettre pouvaient être considérés comme fortement similaires d’un point de vue tant visuel que phonétique [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 avril 2005, Duarte y Beltrán/OHMI – Mirato (INTEA), T‑353/02, non publié au Recueil, points 27 et 28, et OFTEN, précité, point 81].

30      En l’espèce, s’il est vrai, ainsi que le fait valoir la requérante, que les signes en conflit sont courts, puisqu’ils sont composés de quatre lettres uniquement, force est toutefois de constater que trois de ces quatre lettres sont identiques et sont présentées exactement dans le même ordre, de sorte que les deux signes ne diffèrent que par la voyelle initiale. Dans ces conditions, l’existence d’un fort degré de similitude visuelle entre les signes dans l’impression d’ensemble produite par ceux-ci ne saurait être niée.

31      La requérante soutient ensuite que la différence entre les signes en cause apparaissant en l’espèce au début de ceux-ci, elle frapperait particulièrement les consommateurs. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la considération selon laquelle le début d’un signe revêt de l’importance dans l’impression globale de ce signe ne saurait valoir dans tous les cas. En outre, elle ne saurait infirmer le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails (voir arrêt ACNO FOCUS, point 19 supra, point 61, et la jurisprudence citée). Ainsi, en l’espèce, il y a lieu de conclure que la différence de voyelle initiale dans les deux signes n’est pas telle qu’elle compense la forte similitude visuelle due à l’identité des autres lettres composant les marques.

32      S’agissant de la similitude phonétique, la requérante conteste, d’abord, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont phonétiquement quasi identiques en anglais. À cet égard, il y a lieu d’abord de relever que les deux marques se composent chacune de deux syllabes avec une prononciation ayant le même rythme et la même intonation. Ainsi, le seul élément de différenciation phonétique entre les signes pourrait, éventuellement, résulter de la prononciation des premières voyelles différentes.

33      Or, il n’est pas contesté que, en anglais, la première lettre du signe ERGO sera prononcée comme la lettre « e », telle qu’elle est prononcée dans le mot « ergonomic ». En ce qui concerne la lettre initiale du signe URGO, mot qui n’existe pas dans la langue anglaise, il y a lieu de relever que cette lettre sera prononcée de la même manière, comme dans la prononciation du mot « urge ». Rien n’indique, en effet, que le consommateur anglais prononcerait le signe URGO d’une autre manière. Ainsi, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a relevé à juste titre qu’il existait une quasi-identité phonétique entre les deux signes en anglais, dans la mesure où le seul élément de différenciation entre les deux marques, à savoir la première voyelle des deux mots constituant les signes en cause, se prononce dans ces mots de la même manière.

34      De même, il y a lieu d’entériner la conclusion de la chambre de recours, également contestée par la requérante, concernant l’existence d’une forte similitude du point de vue phonétique entre les signes litigieux en français. En effet, bien que, dans cette langue, la première voyelle soit prononcée de façon différente, force est de constater que les deux marques se composent de deux syllabes, ayant en commun trois lettres sur quatre placées dans le même ordre et avec un accent tonique placé au même endroit, donnant aux mots concernés le même rythme et la même intonation. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure qu’une éventuelle différence de prononciation de la première voyelle des deux signes en cause n’est pas de nature à neutraliser l’impression de forte similitude phonétique dégagée par ces deux signes.

35      S’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en cause, il n’est pas contesté que le terme « urgo » n’a de signification dans aucun des États membres et que le terme « ergo » est un mot latin signifiant « donc » ou « par conséquent ». La requérante conteste, cependant, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs anglais moyens ne connaîtraient pas cette signification du terme « ergo ».

36      Toutefois, force est de constater que, afin d’étayer son argument, la requérante se borne à relever que le mot « ergo » figure dans de nombreux dictionnaires de langue anglaise, ce qui, selon elle, plaide en faveur de la large diffusion de ce mot dans ladite langue. Or, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, le fait que l’existence d’un terme soit attestée dans des dictionnaires n’est pas en soi nécessairement une démonstration du fait que le public pertinent, et notamment le grand public, ait connaissance de ce mot. Cette considération vaut a fortiori lorsque, comme en l’espèce, le public pertinent est constitué du consommateur moyen qui n’est pas censé comprendre le latin et lorsque le mot en question est un mot abstrait à connotation essentiellement juridique ou philosophique, utilisé rarement et principalement dans la langue écrite.

37      De même, il convient également de relever que la requérante n’étaye pas son argument selon lequel le mot « ergo » appartiendrait désormais, comme d’autres termes d’origine latine tels que « villa », « quantum », « maximum » et « flora », au vocabulaire courant des langues allemande et anglaise. En effet, la circonstance avancée par la requérante que dans certains dictionnaires le mot « ergo » soit traduit de l’anglais vers l’allemand et vice-versa, notamment, par le terme « ergo », n’est pas de nature à prouver le fait que ce terme appartient au langage courant dans les deux langues mentionnées par la requérante.

38      Par conséquent, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré le caractère erroné de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs anglais et allemands n’associeront les marques en cause à aucun concept.

39      En tout état de cause, il y a lieu de relever que les similitudes visuelle et phonétique des deux marques étant très fortes pour le public pertinent, une éventuelle différence conceptuelle entre les deux marques risquerait d’échapper à son attention de sorte que, même à supposer qu’une partie du public pertinent puisse comprendre le contenu conceptuel de la marque demandée, cela n’est pas de nature à neutraliser les similitudes visuelle et phonétique entre les signes en cause (voir, en ce sens, arrêt Clina, point 20 supra, points 53 et 54, et la jurisprudence citée).

 Sur le risque de confusion

40      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 16 supra, point 74).

41      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion à tout le moins dans la partie anglophone de l’Union en raison de l’identité des produits concernés ainsi que du degré élevé de similitude visuelle entre les signes en cause, de leur quasi-identité sur le plan phonétique et de leur absence de signification conceptuelle pour le consommateur moyen anglophone.

42      Il résulte de l’analyse ci-dessus que l’appréciation de la chambre de recours doit être entérinée dans la mesure où les produits en cause sont identiques et les signes en conflit présentent un degré élevé de similitude visuelle et phonétique qu’une éventuelle différence conceptuelle, à supposer qu’elle existe, ne serait pas en mesure de neutraliser.

43      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

44      En effet, l’argument tiré de ce qu’en l’espèce la comparaison visuelle des signes revêtirait une importance particulière dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion en ce que les produits concernés seraient habituellement vendus dans des magasins en libre-service, où le consommateur les choisirait lui-même en se fiant principalement à l’image de la marque appliquée sur ces produits, ne saurait prospérer dans la mesure où il a été constaté qu’il existe une forte similitude visuelle entre les signes en cause (voir points 28 à 31 ci-dessus). Quant à l’argument tiré de ce que les consommateurs pertinents feraient preuve d’un degré d’attention plus élevé lors de l’achat des produits litigieux, ce qui réduirait le risque de confusion, il suffit de constater qu’il a déjà été rejeté aux points 17 à 23 ci-dessus.

45      Enfin, en ce qui concerne la pratique antérieure de l’OHMI invoquée itérativement par la requérante, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue (arrêt du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C-64/02 P, Rec. p. I-10031, point 45). C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I-1725, point 62).

46      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 24 à 44 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’OHMI.

47      Il convient donc de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

49      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ergo Versicherungsgruppe AG est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.