Language of document : ECLI:EU:T:2012:500

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Emidio Tucci – Marques communautaire figurative et nationales verbales et figurative antérieures Emilio Pucci et EMILIO PUCCI – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 – Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑373/09,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes J. L. Rivas Zurdo, M. E. López Camba et E. Seijo Veiguela, puis par Mes Rivas Zurdo et Seijo Veiguela, avocats,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Emilio Pucci International BV, établie à Amsterdam, représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boletto et E. Gavuzzi, avocats,

ayant pour objet le recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 juin 2009 (affaires jointes R 770/2008-2 et R 826/2008-2), relative à une procédure d’opposition entre Emilio Pucci International BV et El Corte Inglés, SA,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (président), N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010,

vu l’ordonnance du 17 mai 2010 portant jonction des affaires T-357/09 et T-373/09 aux fins de la procédure orale,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la décision du 12 avril 2012 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite conjointement par la requérante et l’intervenante,

vu les lettres des parties du 13 et du 16 avril 2012 indiquant qu’elles ne participeront pas à l’audience,

à la suite de l’audience du 18 avril 2012, à laquelle aucune des parties n’a participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 février 2004, la requérante, El Corte Inglés, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1 à 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 51/2004, du 20 décembre 2004.

5        Le 18 mars 2005, l’intervenante, Emilio Pucci International BV, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques suivantes :

–        la marque communautaire figurative déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 3 février 2005 sous le numéro 203570 pour les produits relevant des classes 18 et 24, reproduite ci-après :

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–        la marque italienne verbale EMILIO PUCCI, déposée le 14 juin 1966 et enregistrée le 22 septembre 1966 sous le numéro 769250 pour les produits relevant des classes 3, 14, 18, 21, 24, 25 et 33 (ci-après la « marque italienne de 1966 ») ;

–        la marque italienne verbale EMILIO PUCCI, déposée le 10 mai 1971 et enregistrée le 5 septembre 1973 sous le numéro 274991 pour les produits relevant des classes 9, 12, 18, 20, 26, 27 et 34 ;

–        la marque italienne figurative déposée le 10 mai 1971 et enregistrée le 3 octobre 1973 sous le numéro 275894 pour les produits relevant des classes 14, 18, 24 et 25, reproduite ci-après :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 31 mars 2008, la division d’opposition a accueilli partiellement l’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire pour les appareils et instruments optiques compris dans la classe 9, les produits en « cuir et imitation de cuir, ainsi que les produits en ces matières (non compris dans d’autres classes) ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols, cannes et bâtons de marche ; fouets et sellerie » compris dans la classe 18, les « meubles, miroirs, cadres ; produits (non compris dans d’autres classes) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » compris dans la classe 20, les sacs compris dans la classe 22, les « tissus en matières textiles, produits textiles non compris dans d’autres classes, linge de lit et de table en matières textiles » compris dans la classe 24, ainsi que les vêtements, les chaussures et la chapellerie, compris dans la classe 25. La marque demandée a été acceptée à l’enregistrement pour les produits et services restants.

9        Le 14 mai 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009).

10      Par décision du 18 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où, d’une part, elle faisait droit à la demande d’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits relevant de la classe 3 et le matériel de nettoyage et la paille de fer, relevant de la classe 21, et où, d’autre part, elle rejetait ladite demande pour les appareils et les instruments optiques, compris dans la classe 9, les « meubles, miroirs, cadres ; produits (non compris dans d’autres classes) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques », compris dans la classe 20, et les sacs, compris dans la classe 22.

11      La chambre de recours a tout d’abord examiné la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures présentée par l’intervenante. En premier lieu, elle a considéré que l’intervenante n’avait pas établi que lesdites marques avaient fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 concernant les produits cosmétiques compris dans la classe 3, les casques et les sacoches de protection pour dispositifs électroniques compris dans la classe 9, les yachts compris dans la classe 12, la joaillerie et les montres comprises dans la classe 14 et les boissons alcooliques comprises dans la classe 33. Elle a cependant estimé que la preuve de l’usage de la marque italienne de 1966 pour les vêtements, les chaussures, la chapellerie et les cravates relevant de la classe 25 avait été établie. En deuxième lieu, elle a précisé que l’utilisation des marques italiennes verbales antérieures ne suffisait pas à établir l’usage sérieux de la marque italienne figurative antérieure et devait donc être exclue de l’appréciation du risque de confusion. En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition avait considéré à tort que la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures pour des lunettes et des fauteuils avait été établie.

12      Ensuite, la chambre de recours a procédé à l’appréciation du risque de confusion et a considéré, d’une part, que les signes en conflit étaient très similaires des points de vue visuel et phonétique et, d’autre part, que les produits relevant des classes 18, 24 et 25 étaient identiques. Par conséquent, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit eu égard auxdits produits.

13      Enfin, la chambre de recours a examiné la question relative à l’éventuelle atteinte à la renommée des marques antérieures. En premier lieu, elle a considéré qu’il avait été établi que la marque italienne de 1966 jouissait d’une renommée en Italie eu égard aux produits relevant de la classe 25, notamment en ce qui concerne les vêtements pour femmes et les chaussures, qui sont des produits de haute qualité ou de luxe. En deuxième lieu, la chambre de recours a constaté que les fabricants de vêtements développaient souvent leur activité sur le marché de la cosmétique et de la parfumerie et a donc considéré que, la marque demandée étant très semblable à la marque italienne de 1966, son utilisation pour les savons, les articles de parfumerie, les huiles essentielles, les produits cosmétiques, les lotions pour les cheveux et les dentifrices compris dans la classe 3 permettrait à sa titulaire de tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966. En troisième lieu, la chambre de recours a considéré que l’utilisation de la marque demandée pour des produits pour lessiver et des préparations pour nettoyer compris dans la classe 3, ainsi que pour le matériel de nettoyage et la paille de fer compris dans la classe 21 porterait atteinte au prestige et au caractère exclusif liés à la marque italienne de 1966.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accéder intégralement à la demande d’enregistrement de la marque communautaire Emidio Tucci ;

–        condamner aux dépens les parties qui s’opposent au présent recours.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée dans la mesure où elle rejette la demande d’enregistrement de la marque communautaire pour les produits compris dans les classes 3, 18, 24, 25 et pour le matériel de nettoyage et la paille de fer compris dans la classe 21 ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle devant le Tribunal.

 En droit

17      La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours, tirés, le premier, de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

18      La requérante estime que la preuve de l’usage de la marque italienne figurative antérieure pour les produits relevant de la classe 25 n’a pas été fournie et considère que l’usage sérieux de la marque italienne de 1966 pour les produits relevant de ladite classe n’a pas été établi.

19      Concernant la marque italienne figurative antérieure, la requérante fait valoir qu’elle ne figure dans aucun des documents présentés par l’intervenante.

20      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

21      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 du même règlement, et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, points 36 à 38, et la jurisprudence citée].

22      En ce qui concerne la marque italienne figurative antérieure, il convient de rappeler que la chambre de recours a affirmé, au point 69 de la décision attaquée, que les documents présentés par l’intervenante ne suffisaient pas à établir son usage sérieux. L’argument de la requérante manque donc en fait.

23      S’agissant de la marque italienne de 1966, la requérante considère que les documents présentés pour établir son usage sérieux auraient dû être exclus. S’agissant des articles de presse figurant aux annexes nos 2 et 6, elle soutient, d’une part, qu’ils étaient écrits en italien et qu’elle n’a donc pas été en mesure de vérifier leur contenu et, d’autre part, qu’ils n’ont jamais été présentés de manière complète et sous la forme d’originaux et ont été « manipulés », dans la mesure où l’intervenante a inscrit sur ceux-ci les dates et les références de publication.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la règle 22, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, l’OHMI a la possibilité de demander la traduction des documents qui n’ont pas été produits dans la langue de procédure à la partie qui a présenté lesdits documents.

25      En l’espèce, comme il résulte de la décision attaquée, la langue de procédure devant l’OHMI était l’anglais. Certes, comme l’affirme la requérante, elle doit être en mesure d’examiner le contenu des preuves présentées par l’autre partie. Néanmoins, comme la chambre de recours l’a indiqué au point 65 de la décision attaquée, la grande majorité des documents pertinents présentés au titre de preuve de l’usage contenait des informations explicites relatives à l’usage de la marque italienne de 1966, à savoir des photographies des produits en cause. Il n’était donc pas nécessaire de connaître l’italien afin de pouvoir apprécier si ladite marque était apposée ou non sur le produit reproduit dans un article de presse. Par conséquent, la traduction desdits documents n’était pas nécessaire afin d’évaluer le contenu de la preuve présentée par l’intervenante. Dès lors, cet argument doit être rejeté comme non fondé.

26      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les articles de presse présentés dans lesdites annexes auraient été « manipulés », il doit être également rejeté comme dépourvu de fondement. Comme la chambre de recours l’a constaté au point 66 de la décision attaquée et comme cela a été confirmé par l’intervenante, la plupart de ces articles proviennent d’une base de données privée. Si l’origine, la date de publication et la page sur laquelle l’article a été publié ne résultent pas des articles de presse eux-mêmes, la requérante n’a cependant fourni aucun indice permettant d’établir que les insertions dans les documents à cet égard constituaient une « manipulation » frauduleuse desdits documents. En outre, comme la chambre de recours l’a souligné au point 66 de la décision attaquée, les documents en cause sont accompagnés d’une petite reproduction de la couverture du magazine dans lequel l’article a été publié, ce qui permet de confirmer leur authenticité.

27      De même, il convient de rejeter comme étant dépourvu de pertinence l’argument de la requérante relatif au fait que les documents figurant à l’annexe 2 n’ont jamais été présentés de manière complète et sous la forme d’originaux. D’une part, aucune disposition dans le règlement nº 207/2009 et dans le règlement nº 2868/95 n’exige que les documents soient présentés sous la forme d’un original et de manière complète. En fait, la règle 79, sous b) et d), du règlement n° 2868/95 admet la présentation de preuves par télécopieur et par des moyens électroniques. D’autre part, dans la mesure où, en affirmant que les documents présentés sous la forme d’extraits et de photocopies ont été « manipulés » par l’intervenante, la requérante conteste leur valeur probante, il y a lieu de rappeler les considérations faites au point précédent.

28      Par ailleurs, la requérante affirme que le terme « pucci », figurant dans certains documents de l’annexe 6, constitue une « variation substantielle » de la marque italienne de 1966 et que lesdits documents doivent donc être rejetés comme éléments de preuve non valides.

29      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a reconnu, au point 67 de la décision attaquée, que, dans la mesure où la seule référence à la marque EMILIO PUCCI dans les documents en cause était le terme « pucci » ou le terme « emilio », il s’agissait d’une « variante significativement différente » des marques italiennes antérieures et que lesdits documents ne pouvaient donc pas être pris en considération, sauf s’il ressortait clairement de l’ensemble de ces documents que ces termes avaient uniquement été mentionnés dans ces documents particuliers et non en relation avec le produit tel que vendu au public pertinent.

30      À la suite de l’examen des documents figurant à l’annexe 6, présentés par l’intervenante devant la chambre de recours, il y a lieu de constater qu’il est fait référence à la marque verbale EMILIO PUCCI, et non à « pucci » comme l’affirme la requérante, dans une partie importante de ces documents. Comme l’a indiqué la chambre de recours au point 68 de la décision attaquée, ces documents permettent donc, même en écartant ceux faisant seulement référence au terme « pucci », d’établir l’utilisation de la marque verbale EMILIO PUCCI pour des vêtements et des chaussures pour dames, ainsi que pour des articles de chapellerie pour dames et des cravates compris dans la classe 25.

31      Dès lors, il convient de rejeter cet argument également.

32      De même, la requérante affirme que la marque italienne de 1966 ne figure pas sur les factures des annexes A et D ou y apparaît sous une forme différente et que les factures figurant à l’annexe A ne datent pas de la période pertinente. Par ailleurs, elle fait valoir que celles figurant à l’annexe D comprennent des ventes relatives à d’autres marques qui n’auraient pas dû être prises en considération afin d’établir l’usage sérieux de la marque italienne de 1966.

33      À cet égard, d’une part, il convient de signaler que seule une partie des factures en question ne comporte pas de référence à la marque sous laquelle les produits en cause ont été vendus. C’est notamment le cas des factures de l’entreprise M., sur lesquelles le nom E. Pucci désigne l’entreprise, ou des factures d’Emilio Pucci Srl, sur lesquelles ledit nom apparaît en tant que dénomination sociale. Dans ces cas, dans la mesure où l’intervenante n’a pas fourni de catalogue et où il n’est pas possible de vérifier si le code indiqué correspond à un produit portant la marque EMILIO PUCCI, il y a lieu de considérer que lesdites factures ne doivent pas être prises en considération afin d’établir l’usage sérieux de ladite marque. Néanmoins, d’autres factures comportent la référence à ladite marque. C’est notamment le cas de 22 des factures émises par le licencié de l’intervenante, Calzaturificio Rossi Moda Spa, qui incluent la marque verbale Emilio Pucci pour désigner une collection de chaussures, de 53 factures émises par Casor Spa, portant sur le côté gauche le signe Emilio Pucci, de 23 factures émises par Emilio Pucci, portant sur le côté gauche le signe Emilio Pucci, ou des 11 factures émises par Emilio Pucci, qui incluent le signe Emilio Pucci pour désigner les produits faisant partie de la collection commandée. Ces factures peuvent, en principe, être prises en considération afin de confirmer l’usage sérieux de la marque en question pour les vêtements, les chaussures, la chapellerie pour dames et les cravates compris dans la classe 25, établi sur la base des autres éléments de preuve présentés par la requérante.

34      D’autre part, seule une partie peu importante des factures présentées ne datent pas de la période pertinente. C’est notamment le cas de six factures émises par Calzaturificio Rossi Moda, des factures émises par Casor et de cinq factures émises par Emilio Pucci. Cependant, l’exclusion de ces factures ainsi que de celles indiquées au point 33 ci-dessus n’empêche pas de considérer comme établi l’usage de la marque italienne de 1966 pour les produits en cause, qui a été prouvé sur la base d’autres éléments de preuve fournis par l’intervenante. Dès lors, comme la chambre de recours l’a conclu au point 79 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que celles-ci renforcent et confirment l’utilisation de la marque italienne de 1966 pour des vêtements, des chaussures, des articles de chapellerie pour dames et des cravates compris dans la classe 25.

35      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a estimé à bon droit que l’usage sérieux de la marque italienne de 1966 pour les produits susmentionnés relevant de la classe 25 avait été établi.

36      La requérante considère enfin que la renommée de la marque italienne de 1966 n’a pas non plus été établie, car l’intervenante, d’une part, n’a pas réussi à établir l’usage de la marque italienne de 1966 et de la marque italienne figurative antérieure pour les produits relevant de la classe 25 et, d’autre part, n’a fourni des éléments permettant d’établir la renommée desdites marques que devant la chambre de recours, ceux-ci ne pouvant donc être pris en considération.

37      La preuve de l’usage de la marque italienne de 1966 pour les produits relevant de la classe 25 ayant été établie, il convient de traiter les questions relatives à la renommée de ladite marque et à sa preuve dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

38      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009

39      La requérante soutient que, l’intervenante n’ayant pas établi l’usage sérieux de la marque italienne de 1966 et de la marque italienne figurative antérieure, il convient de limiter l’appréciation du risque de confusion aux produits relevant des classes 18 et 24 couverts par la marque communautaire figurative antérieure.

40      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

41      Il y a lieu de rappeler qu’il résulte du point 35 ci-dessus que l’usage sérieux de la marque italienne de 1966 pour les produits relevant de la classe 25 a été établi, contrairement à ce que soutient la requérante. Dès lors, il convient de prendre également en considération les produits compris dans cette classe afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

42      En ce qui concerne l’existence d’un risque de confusion eu égard aux produits relevant des classes 18 et 24 couverts par la marque communautaire figurative antérieure, la requérante affirme, en premier lieu, que la marque demandée est un signe qui jouit de la renommée en Espagne, en deuxième lieu, que les signes en conflit correspondent au prénom et au nom de « deux personnes réelles » qui ne seront pas confondues en Italie et, en troisième lieu, que la partie finale des patronymes « tucci » et « pucci » étant assez répandue en Italie, ceux-ci se distinguent par leur consonne initiale.

43      Il convient tout d’abord de constater que, comme l’intervenante l’a fait valoir, les deuxième et troisième arguments, par lesquels la requérante essaie d’établir que les consommateurs pertinents réussiraient à distinguer les signes en conflit, ont été soulevés pour la première fois devant le Tribunal.

44      En effet, il résulte du dossier administratif que la requérante n’a soulevé aucun desdits arguments devant la chambre de recours. Il ressort également du point 96 de la décision attaquée que les parties n’ont pas contesté le raisonnement de la division d’opposition, selon lequel les marques antérieures et la marque demandée sont fortement similaires sur les plans visuel et phonétique, et que celui-ci a donc été confirmé par la chambre de recours.

45      Aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec. p. II‑1765, point 45]. De même, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenante (arrêts de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 43, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 122).

46      Dès lors, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième arguments de la requérante comme irrecevables.

47      En ce qui concerne l’argument relatif à la renommée de la marque demandée en Espagne, il convient de le rejeter comme inopérant. En effet, cet argument ne saurait jouer aucun rôle dans le cadre de l’appréciation d’un risque de confusion. Conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif élevé d’un signe ou, même, la renommée de celui-ci joue un rôle afin d’établir l’existence d’un risque de confusion par rapport à la marque antérieure et non par rapport à la marque demandée ou à la marque postérieure (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 20).

48      Enfin, la requérante soutient que la renommée de la marque italienne de 1966 pour les produits relevant de la classe 25 n’a pas été établie, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu au point 120 de la décision attaquée.

49      En l’espèce, la question de la renommée de la marque italienne de 1966 a été examinée par la chambre de recours afin de reconnaître la protection accrue de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 à ladite marque et non afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit. Dès lors, cet argument doit être analysé dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

50      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, comme la chambre de recours l’a fait au point 96 de la décision attaquée, les signes en conflit sont fortement similaires. Étant donné que, conformément au point 106 de la décision attaquée, les produits relevant des classes 18, 24 et 25 sont identiques, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 108 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures pour les produits relevant desdites classes.

51      Dès lors, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, et de l’article 75 du règlement n° 207/2009

52      La requérante soutient que l’intervenante n’a pas réussi à établir que l’enregistrement de la marque demandée pourrait lui permettre de tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966 ou de lui porter préjudice, car celle-ci n’a pas fourni de preuves à cet égard.

53      Par ailleurs, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir déterminé, au point 120 de la décision attaquée, dans quelle mesure la marque italienne de 1966 satisfaisait les conditions fixées par la jurisprudence afin d’être considérée comme une marque renommée, et, donc, d’avoir violé l’obligation de motivation résultant de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

54      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des griefs avancés par la requérante.

55      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

56      Selon la jurisprudence, le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou présentant une similitude avec celle-ci. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque nationale antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, et la jurisprudence citée].

57      Dans le cadre de l’examen des arguments de la requérante, il convient, tout d’abord, d’examiner les questions liées à la preuve de la renommée de la marque italienne de 1966, mentionnées aux points 36, 37 et 48 ci-dessus. À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du point 30 ci-dessus et comme l’a fait valoir la chambre de recours au point 68 de la décision attaquée, l’intervenante a réussi à établir à suffisance l’usage de la marque italienne de 1966 pour les vêtements, les chaussures, la chapellerie pour dames et les cravates. La renommée de la marque italienne de 1966 ne peut donc être remise en cause par l’absence d’utilisation de ladite marque sur le marché.

58      En ce qui concerne la preuve de sa renommée, il convient de relever que, selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec. p. I‑5421, points 26 et 27 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 67, et du 10 mai 2007, Antartica/OHMI – Nasdaq Stock Market (nasdaq), T‑47/06, non publié au Recueil, point 46].

59      En l’espèce, il résulte de l’examen des nombreux documents fournis par l’intervenante devant l’OHMI que la marque italienne de 1966 a une présence importante, tout au moins, sur le marché italien depuis les années 50, que c’est donc depuis une longue période que ses produits sont vendus en Italie et, même, en dehors dudit État membre, et que l’intervenante a développé d’importants efforts afin de promouvoir ladite marque sur les marchés. Il ressort aussi de ces documents que des vêtements de cette marque ont été portés par des célébrités internationales.

60      Eu égard à ces circonstances, il convient de considérer, comme la chambre de recours l’a fait au point 121 de la décision attaquée, que la renommée de la marque italienne de 1966 pour les vêtements et les chaussures pour dames a été établie. La chambre de recours s’est limitée, au point 120 de la décision attaquée cité par la requérante, à exposer la jurisprudence pertinente à cet égard et à constater que la requérante n’avait pas présenté d’argument justifiant ses affirmations relatives au fait que l’intervenante n’avait pas établi la renommée en Italie de la marque italienne de 1966 pour les produits relevant de la classe 25.

61      Les éléments présentés par la chambre de recours au point 121 de la décision attaquée permettent, comme l’exige l’article 253 CE, de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte afin, d’une part, de faire connaître aux intéressés les justifications des mesures prises, afin qu’ils puissent défendre leurs droits, et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union de contrôler la légalité de ces décisions [voir arrêts du Tribunal du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑118/06, Rec. p. II‑841, point 19, et du 14 juillet 2011, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (OFTAL CUSI), T‑160/09, non publié au Recueil, point 35]. En effet, la chambre de recours a pris en considération le fait que la marque italienne de 1966 était présente sur le marché depuis longtemps, qu’elle avait fait l’objet d’une large publicité et qu’elle disposait d’une notoriété importante sur le marché pertinent ainsi que le fait que les produits en cause étaient vendus sur l’ensemble du territoire italien pour conclure à l’existence de sa renommée. Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir motivé sa décision à cet égard.

62      Par conséquent, il convient de rejeter les griefs relatifs à la renommée et à l’absence de motivation de la décision attaquée sur ce point comme non fondés.

63      En ce qui concerne la question de la preuve du préjudice ou du profit indûment tiré de la renommée de la marque italienne de 1966, en premier lieu, il convient de souligner que les diverses atteintes visées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque dont l’enregistrement est demandé, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Dès lors, l’existence d’un lien entre la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure, qui doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, est une condition essentielle pour appliquer cette disposition [voir, à propos de l’article 4, paragraphe 4, sous a), et de l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, points 29, 30 et 38, et du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 41 ; arrêt nasdaq, point 58 supra, point 53]. Parmi ces facteurs peuvent être cités le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt Intel Corporation, précité, point 42).

64      En deuxième lieu, il convient d’indiquer que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice [arrêts du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 10, et nasdaq, point 58 supra, point 54]. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes autres circonstances de l’espèce (arrêt nasdaq, point 58 supra, point 54).

65      En troisième lieu, il y a lieu de préciser que, conformément à la jurisprudence, il est possible, notamment dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d’un risque futur non hypothétique de préjudice porté ou de profit indûment tiré par la marque demandée de la marque invoquée en opposition soit tellement évidente que l’opposant n’a besoin d’invoquer et de prouver aucun autre élément factuel à cette fin. Toutefois, il ne saurait être présumé que tel soit toujours le cas. En effet, il est possible que la marque demandée n’apparaisse pas, à première vue, susceptible de créer l’un des trois types de risque visés par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 pour la marque antérieure renommée, en dépit de son identité ou de sa similitude avec cette dernière. Dans ce cas, l’opposition doit être rejetée comme non fondée, à moins qu’un tel risque futur non hypothétique de préjudice ou de profit indûment tiré puisse être démontré à l’aide d’autres éléments, qu’il appartient à l’opposant d’invoquer et de prouver [arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 48 ; voir, également, en ce sens et par analogie, arrêt General Motors, point 58 supra, point 30].

66      En l’espèce, en ce qui concerne les produits de parfumerie et les cosmétiques compris dans la classe 3, comme la chambre de recours l’a reconnu au point 129 de la décision attaquée sur la base des arguments succincts présentés par l’intervenante, même si lesdits produits sont différents des vêtements et des chaussures pour dames, ils font clairement partie des produits souvent vendus comme produits de luxe sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants réputés. Cette circonstance met en évidence l’existence d’une certaine proximité entre les produits en cause, notamment dans le domaine des produits de luxe. Eu égard à cette proximité, ainsi qu’à la forte similitude des marques en conflit, au fort caractère distinctif de la marque italienne de 1966 et à sa renommée sur le marché italien, il y a lieu de considérer qu’il existe un lien entre les signes en conflit (voir point 63 ci-dessus) et que, comme la chambre de recours l’a indiqué au point 130 de la décision attaquée, il existe un risque que la requérante puisse profiter du lien existant entre la marque demandée et la marque italienne de 1966 pour associer son signe à la notoriété dont bénéficie la marque italienne de 1966 sur le marché italien et tirer indûment profit de la renommée de celle-ci, bénéficiant de l’image de luxe et d’exclusivité que véhicule ladite marque.

67      De même, en ce qui concerne les produits ménagers quotidiens compris dans la classe 3 et le matériel de nettoyage et la paille de fer compris dans la classe 21, les arguments succincts présentés par l’intervenante devant la chambre de recours suffisent à établir que l’enregistrement de la marque demandée pour lesdits produits pourrait porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966.

68      En effet, comme l’a fait valoir la chambre de recours aux points 133 et 135 de la décision attaquée, l’enregistrement de la marque demandée pour des produits ménagers quotidiens compris dans la classe 3 et du matériel de nettoyage et de la paille de fer compris dans la classe 21 risque de porter atteinte à l’image d’exclusivité, de luxe et de haute qualité associée à la marque italienne de 1966. Étant donné la forte similitude existant entre les signes en conflit, le fort caractère distinctif de la marque italienne de 1966 et sa renommée sur le marché italien, il y a lieu de considérer qu’il existe un lien entre les signes en conflit (voir point 63 ci-dessus). Dès lors, il est fort probable que le consommateur des produits couverts par la marque italienne de 1966 établisse une association entre ces produits et ceux couverts par la marque demandée susceptible de porter atteinte à l’image d’exclusivité, de luxe et de haute qualité véhiculée par la marque demandée et, donc, de porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966.

69      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède et au fait que la requérante n’a pas fourni d’arguments permettant d’établir l’existence d’un juste motif pour l’utilisation de la marque demandée, il y a lieu de conclure, comme la chambre de recours l’a fait aux points 128 à 130, 133 et 135 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque demandée pour les produits de parfumerie, les cosmétiques et les produits ménagers quotidiens compris dans la classe 3 et le matériel de nettoyage et la paille de fer compris dans la classe 21 pourrait tirer un profit indu de la renommée de la marque italienne de 1966 ou lui porter préjudice au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009.

70      Il convient donc de rejeter ce moyen.

71      Par ailleurs, l’intervenante demande le refus de l’enregistrement pour les autres produits relevant de la classe 21, à savoir les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver et les produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser », compte tenu du préjudice qu’ils peuvent porter à la renommée de la marque italienne de 1966.

72      À cet égard, il convient de préciser que cet argument n’a pas été soulevé par l’intervenante devant la chambre de recours.

73      Or, aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, les parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Par ailleurs, lesdits produits ne font pas partie de la liste de produits compris dans la classe 21 pour lesquels l’enregistrement de la marque communautaire figurative antérieure a été demandée. Dès lors, il y a lieu de considérer cet argument comme irrecevable.

74      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions tant en annulation qu’en réformation n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      El Corte Inglés, SA est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.