Language of document : ECLI:EU:C:2021:981

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

30 novembre 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑483/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 août 2021,

Health Product Group sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me M. Kondrat, adwokat,

partie requérante,

Les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Bioline Pharmaceutical AG, établie à Baar (Suisse), représentée par Me H. Gajek, adwokat, et Mme M. Furmańska, radca prawny,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président, MM. J. Passer (rapporteur) et N. Wahl, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Rantos, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Health Product Group sp. z o.o. demande l’annulation de l’arrêt du 16 juin 2021, Health Product Group/EUIPO – Bioline Pharmaceutical (Enterosgel) (T‑678/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:364), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 août 2019 (affaire R 482/2018‑4), relative à une procédure de nullité entre Health Product Group et Bioline Pharmaceutical AG.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève quatre questions de droit importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en ce qu’il n’a pas reconnu que TNK Silma, prédécesseur en droit de l’intervenante devant le Tribunal, Bioline Pharmaceutical, était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de la marque contestée.

8        Plus particulièrement, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur en déclarant, d’une part, qu’il n’avait pas été prouvé que la société ukrainienne Kreoma-Pharm, le concédant de licence de la requérante, était titulaire d’un droit antérieur exclusif sur le signe contesté et, d’autre part, que la requérante n’avait pas suffisamment étayé le caractère illégal du transfert des droits sur ledit signe à TNK Silma.

9        Selon la requérante, une telle constatation irait à l’encontre d’une jurisprudence constante du Tribunal et de la Cour, selon laquelle l’identité ou la similitude des signes est l’un des facteurs permettant de constater la mauvaise foi du déposant, et serait contraire aux principes d’unité, de cohérence et de développement du droit de l’Union.

10      En outre, la requérante soutient, en substance, qu’il ressort clairement de la jurisprudence constante et de la pratique décisionnelle constante de l’EUIPO que la connaissance de l’usage de signes identiques ou similaires doit être considérée comme l’un des principaux facteurs permettant de déterminer si une demande d’enregistrement de marque a été déposée de mauvaise foi, et ce d’autant plus lorsque les parties entretenaient certains rapports commerciaux. Or, en raison de l’apparition, au début des années 1990, du signe Enterosgel en tant que marque et nom d’un médicament mis sur le marché, TNK Silma aurait su ou aurait dû savoir qu’un signe identique ou similaire était utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires. Par ailleurs, la requérante rappelle la jurisprudence constante rendue dans des affaires similaires, selon laquelle l’intention malhonnête du titulaire d’une marque de l’Union européenne devrait systématiquement s’apprécier à la lumière des circonstances particulières de l’affaire.

11      Par son deuxième argument, tiré de la violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, lu en combinaison avec l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas qu’elle avait présenté un moyen distinct tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

12      À cet égard, la requérante soutient que ces dispositions se réfèrent uniquement à l’exigence de clarté des moyens soulevés. Ainsi, en substance, l’affirmation du Tribunal ne serait pas conforme à sa propre jurisprudence, en vertu de laquelle les moyens du recours ne sont soumis à aucune autre condition que de figurer dans la requête et d’être énoncés clairement. Selon la requérante, le fait que ce moyen n’ait pas été soulevé de la même manière que les autres moyens invoqués dans la requête ne devrait pas lui retirer sa pertinence ou le rendre irrecevable.

13      Par son troisième argument, tiré de la violation de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante reproche au Tribunal d’avoir écarté des éléments de preuve produits pour la première fois devant lui, alors que ces éléments, dont le retard de présentation aurait été justifié par les circonstances de l’espèce, liait la renommée de la marque Enterosgel en Ukraine à la requérante et prouvait la mauvaise foi du déposant de la marque contestée.

14      À cet égard, la requérante soutient, en substance, que la production d’un des éléments de preuve en cause ne modifiait pas les faits de sorte qu’il ne s’agissait pas d’une situation entièrement nouvelle n’ayant pas été prise en compte et que, s’il avait été considéré recevable, le Tribunal aurait rendu un arrêt différent. En appliquant la jurisprudence constante relative à la recevabilité des preuves produites tardivement, le Tribunal aurait exclu toute possibilité d’application de l’article 85, paragraphes 1 à 3, de son règlement de procédure.

15      Par son quatrième argument, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, la requérante reproche au Tribunal d’avoir rendu un arrêt permettant l’enregistrement de la marque contestée, alors que la pratique antérieure de l’EUIPO n’autorise pas l’enregistrement des marques déposées de mauvaise foi.

16      La requérante ajoute que le Tribunal, comme l’EUIPO, aurait méconnu les dispositions du droit international comprises dans la convention pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305), et la convention universelle sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971. En outre, le Tribunal et l’EUIPO n’auraient pas procédé à une appréciation d’ensemble des éléments de preuve et des circonstances de l’affaire et auraient méconnu la charge de la preuve pesant sur les parties à la procédure en ne renversant pas la présomption de bonne foi.

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

18      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, ainsi que du 6 octobre 2021, FCA Italy/EUIPO, C‑360/21 P, non publiée, EU:C:2021:841, point 13 et jurisprudence citée).

19      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

20      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

21      En l’occurrence, s’agissant des arguments résumés aux points 7 à 16 de la présente ordonnance, qui peuvent être examinés conjointement, il convient de constater que, si la requérante identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle se limite à les énoncer sans toutefois exposer les raisons concrètes pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi. Dès lors, l’ensemble des exigences mentionnées au point 19 de la présente ordonnance n’est pas respecté.

22      Dans la mesure où la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence du Tribunal et de la Cour, il y a lieu de rappeler qu’une allégation générale selon laquelle le Tribunal aurait appliqué sa propre jurisprudence ou celle de la Cour de manière erronée n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 19 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnances du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442 point 21, ainsi que du 13 octobre 2020, Abarca/EUIPO, C‑313/20 P, non publiée, EU:C:2020:821, point 17 et jurisprudence citée). Or, force est de constater, en l’espèce, que la requérante n’explique pas, avec précision et clarté, les raisons pour lesquelles la prétendue contradiction entre les appréciations du Tribunal et la jurisprudence de celui-ci et de la Cour invoquée soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Health Product Group sp. z o.o. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.