Language of document : ECLI:EU:C:2021:1000

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

8 décembre 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑475/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 août 2021,

Franz Schröder GmbH & Co. KG, établie à Delbrück (Allemagne), représentée par Mes L. Pechan et N. Fangmann, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

RDS Design ApS, établie à Allerød (Danemark),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. G. Pitruzella, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Franz Schröder GmbH & Co. KG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 juin 2021, Franz Schröder/EUIPO – RDS Design (MONTANA) (T‑856/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:311), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 octobre 2019 (affaire R 2394/2018-4), relative à une procédure de nullité entre Franz Schröder et RDS Design.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante présente quatre arguments par lesquels elle fait valoir que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier argument, qui se rapporte au premier grief du premier moyen de son pourvoi, la requérante fait valoir une violation des droits procéduraux fondamentaux dans le cadre d’une procédure inter partes et des principes d’une procédure administrative équitable énoncés à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Une telle violation découlerait d’une décision erronée prise, en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), par la chambre de recours de l’EUIPO, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. La prise en compte exceptionnelle de faits soumis tardivement devrait être justifiée par des intérêts supérieurs du grand public, ce qui n’aurait pas été le cas dans la présente procédure. Le présent litige donnerait à la Cour l’occasion de définir les principes permettant aux instances européennes qui agissent dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation de décider, sans commettre d’erreur, de prendre exceptionnellement en compte des faits soumis tardivement dans les procédures inter partes.

8        Par son deuxième argument, qui se rapporte au second grief du premier moyen de son pourvoi, la requérante fait valoir une violation de l’article 95, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement 2017/1001 et du principe d’impartialité de la procédure, consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, dans la mesure où la chambre de recours n’aurait pas limité son examen aux moyens et arguments soumis par les parties mais aurait avancé ses propres considérations factuelles. La requérante considère que le présent pourvoi fournit à la Cour l’occasion de préciser en particulier les conditions dans lesquelles la chambre de recours peut procéder à un examen des faits, afin de garantir une procédure équitable et impartiale au sens de l’article 41 de la Charte.

9        Le troisième argument, qui correspond au deuxième moyen du pourvoi de la requérante, est tiré de la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et du droit procédural fondamental d’être entendu garanti par l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, en ce que la chambre de recours aurait avancé ses propres considérations factuelles sur lesquelles elle a fondé sa décision sans donner aux parties la possibilité de présenter des observations avant l’adoption de celle-ci. La requérante soutient qu’une décision de la Cour est nécessaire pour préserver l’unité et la cohérence du droit de l’Union et pour assurer un développement cohérent du droit de l’Union. En effet, la Cour aurait ainsi l’occasion de se prononcer sur l’importance capitale du droit procédural fondamental d’être entendu dans le cadre d’une procédure devant les instances de l’Union européenne.

10      Par son quatrième argument, qui se rapporte au troisième moyen de son pourvoi, la requérante fait valoir une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1). Le conflit entre les intérêts individuels du titulaire d’une marque et l’intérêt général à utiliser sans restriction des termes descriptifs grâce à des enregistrements de marques pourrait être résolu par une décision de principe de la Cour. Une telle décision serait nécessaire pour le développement ultérieur du droit de l’Union et pour la sauvegarde du commerce international des marchandises.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, et du 6 octobre 2021, FCA Italy/EUIPO, C‑360/21 P, non publiée, EU:C:2021:841, point 13).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

15      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments figurant aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, il convient de relever que seules les erreurs de droit résultant de l’arrêt attaqué sont susceptibles de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Rietze/EUIPO, C‑599/19 P, non publiée, EU:C:2019:903, point 14). À cet égard, il y a lieu de constater que, dans sa demande d’admission du pourvoi, qui seule est décisive pour la décision sur l’admission dudit pourvoi, la requérante non seulement n’indique pas les points de l’arrêt attaqué susceptibles de constituer une erreur de droit commise par le Tribunal, mais n’allègue même pas l’existence d’une telle erreur, se limitant, en réalité, à critiquer la décision de la chambre de recours.

16      Force est, dans ces conditions, de constater que les arguments avancés en l’espèce et qui visent à critiquer non pas l’arrêt rendu par le Tribunal à la suite d’une demande d’annulation d’une décision, mais la décision dont l’annulation a été demandée devant le Tribunal ne sont pas de nature à soulever une question importante au sens de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

17      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation évoquée au point 9 de la présente ordonnance, il importe de souligner que la requérante se limite à indiquer, d’une manière générale, que la Cour aurait l’occasion de se prononcer sur l’importance capitale du droit procédural fondamental d’être entendu, sans alléguer l’existence d’une quelconque erreur de droit prétendument commise par le Tribunal ni démontrer, conformément à l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance, que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

18      En troisième lieu, pour ce qui concerne l’argumentation figurant au point 10 de la présente ordonnance, il convient de relever que les éléments avancés par la requérante dans la demande d’admission du pourvoi ne sont pas suffisamment clairs et précis pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal (ordonnance du 23 avril 2020, Neoperl/EUIPO, C‑14/20 P, non publiée, EU:C:2020:287, point 13). En effet, la requérante se limite à faire valoir que, dans un souci de développement du droit de l’Union, la Cour devrait résoudre le conflit entre les intérêts individuels du titulaire d’une marque et l’intérêt général à utiliser sans restriction des termes descriptifs. Or, une telle argumentation ne répond pas aux exigences rappelées au point 13 de la présente ordonnance.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Franz Schröder GmbH & Co. KG supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.