Language of document : ECLI:EU:C:2021:450

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 juin 2021 (1)


Affaire C437/19

État luxembourgeois

contre

L

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour administrative (Luxembourg)]

« Renvoi préjudiciel – Législation fiscale – Directive 2011/16/UE – Coopération administrative dans le domaine fiscal – Article 1er, paragraphe 1 – Article 5 – Article 20 – Demande d’informations de l’administration fiscale d’un autre État membre – Décision d’injonction de l’administration fiscale requise – Pertinence vraisemblable des informations demandées – Demande d’informations concernant un groupe – Personne identifiée ou identifiable – Informations minimales – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à un recours effectif devant un tribunal – Motivation de la décision d’injonction – Connaissance des informations minimales »






I.      Introduction

1.        À la suite de l’accroissement des échanges d’informations entre les administrations fiscales des États membres sur la base de la directive d’assistance mutuelle (directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE, JO 2011, L 64, p. 1), davantage de questions se posent en ce qui concerne l’interprétation de cette directive ainsi que des droits des personnes concernées à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). À cet égard, la présente demande de décision préjudicielle est étroitement liée aux décisions rendues par la Cour dans les affaires Berlioz Investment Fund (2) et État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (3).

2.        Dans ces affaires, la Cour a déjà jugé que la « pertinence vraisemblable » des informations demandées pour l’imposition dans l’État requérant est une condition à laquelle la demande d’informations doit satisfaire. Il convient à présent de déterminer si une demande satisfait également à cette exigence lorsque les informations demandées se rapportent uniquement à un groupe de contribuables identifiables, mais non nommément désignés et individualisés. Dans ce cadre, il convient essentiellement de déterminer quel degré de précision et de concrétisation de la demande est nécessaire, en ce qui concerne les contribuables, pour que l’autorité requise puisse apprécier la « pertinence vraisemblable » que les informations réclamées présentent pour la procédure fiscale dans l’autre État membre.

3.        En outre, il convient de préciser quelle est la protection juridictionnelle dont bénéficie la personne concernée. La question qui se pose en l’occurrence est, notamment, celle de savoir si, en vertu de l’article 47 de la Charte, un délai de vérification de la décision d’injonction doit être accordé par l’État requis avant qu’une sanction administrative ne soit infligée par ce dernier. Cette question se pose avec une acuité particulière lorsque, comme en l’espèce, le destinataire de la décision d’injonction a seulement connaissance des informations minimales visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 au cours de la procédure judiciaire.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

4.        L’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

[...] »

2.      La directive 2011/16

5.        Le considérant 9 de la directive 2011/16 (4) énonce :

« [...] La norme dite de la “pertinence vraisemblable” vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible et, en même temps, à préciser que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des “recherches tous azimuts” ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné. Les règles de procédure énoncées à l’article 20 de la présente directive devraient être interprétées assez souplement pour ne pas faire obstacle à un échange d’informations effectif. »

6.        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16 définit l’objet de celle‑ci :

« La présente directive établit les règles et procédures selon lesquelles les États membres coopèrent entre eux aux fins d’échanger les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne des États membres relative aux taxes et impôts visés à l’article 2. »

7.        L’article 5 de la directive 2011/16 prévoit la procédure régissant l’échange d’informations sur demande :

« À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique à l’autorité requérante les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives. »

8.        L’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16, intitulé « Formulaires types et formats informatiques standard », dispose :

« Les formulaires types visés au paragraphe 1 comportent au moins les informations suivantes, que doit fournir l’autorité requérante :

a)      l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ;

b)      la finalité fiscale des informations demandées.

L’autorité requérante peut, dans la mesure où ils sont connus et conformément à l’évolution de la situation internationale, fournir les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des informations demandées, ainsi que tout élément susceptible de faciliter la collecte des informations par l’autorité requise. »

B.      Le droit international conventionnel

1.      Le modèle de convention de l’OCDE visant à prévenir les doubles impositions

9.        Le Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a adopté, le 30 juillet 1963, une recommandation concernant la suppression des doubles impositions (ci‑après le « modèle de convention de l’OCDE ») (5). L’article 26, paragraphe 1, du modèle de convention de l’OCDE, qui concerne l’échange de renseignements, prévoit :

« Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention. [...] »

2.      La convention fiscale entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France

10.      La convention fiscale en vigueur à la date de la demande de renseignements était la convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France du 1er avril 1958, modifiée par les avenants du 24 novembre 2006, du 3 juin 2009 et du 5 septembre 2014. L’article 22, paragraphe 1, de cette convention fiscale régit l’échange de renseignements et correspond à l’article 26, paragraphe 1, du modèle de convention de l’OCDE.

C.      Le droit luxembourgeois

1.      La loi du 29 mars 2013

11.      Le Grand-Duché de Luxembourg a transposé la directive 2011/16 par la loi du 29 mars 2013 (6). L’article 6 de cette loi dispose :

« À la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise luxembourgeoise lui communique les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne de l’État membre requérant relative aux taxes et impôts visés à l’article 1er, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives. »

2.      La loi du 25 novembre 2014

12.      Le Grand-Duché de Luxembourg a ensuite adopté la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale (7). L’article 1er, paragraphe 1, de cette loi dispose :

« La présente loi est applicable à partir de son entrée en vigueur aux demandes d’échange de renseignements formulées en matière fiscale et émanant de l’autorité compétente d’un État requérant en vertu :

[...]

4.      de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal ;

[...] »

13.      L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la loi du 25 novembre 2014 dispose :

« (1)      Les administrations fiscales sont autorisées à requérir les renseignements de toute nature qui sont demandés pour l’application de l’échange de renseignements tel que prévu par les Conventions et lois auprès du détenteur de ces renseignements.

(2)      Le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés, en totalité, de manière précise, sans altération, endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. Cette obligation comprend la transmission des pièces sans altération sur lesquelles les renseignements sont fondés. »

14.      Dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la loi du 25 novembre 2014 était libellé comme suit :

« (1)      L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements. La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois.

[...]

(3)      Si l’administration fiscale compétente ne détient pas les renseignements demandés, le directeur de l’administration fiscale compétente ou son délégué notifie par lettre recommandée adressée au détenteur des renseignements sa décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. La notification de la décision au détenteur des renseignements demandés vaut notification à toute autre personne y visée. »

15.      L’article 5, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014 énonce :

« Si les renseignements demandés ne sont pas fournis endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés, une amende administrative fiscale d’un maximum de 250 000 euros peut être infligée au détenteur des renseignements. Le montant en est fixé par le directeur de l’administration fiscale compétente ou son délégué. »

16.      L’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 disposait :

« (1)      Aucun recours ne peut être introduit contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction visées à l’article 3, paragraphes 1er et 3.

(2)      Contre les décisions visées à l’article 5, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. Ce recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés. Le recours a un effet suspensif. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive d’instance. Le mémoire en réponse doit être fourni dans un délai d’un mois à dater du dépôt de la requête introductive au greffe du tribunal. Toutefois, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire, le président de la chambre appelée à connaître de l’affaire peut ordonner d’office la production de mémoires supplémentaires dans le délai qu’il détermine. Le tribunal administratif statue dans le mois à dater du dépôt du mémoire en réponse ou de l’expiration du délai pour le dépôt de mémoires supplémentaires. »

3.      La loi du 1er mars 2019

17.      La loi du 1er mars 2019 portant modification de la loi du 25 novembre 2014 (8) est entrée en vigueur le 9 mars 2019. Cette loi a modifié en particulier l’article 3, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014.

18.      L’article 3, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014, tel que modifié par la loi du 1er mars 2019, dispose :

« L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements. La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois. L’administration fiscale compétente s’assure que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause. »

19.      L’article 6, paragraphe 1, de la loi du 25 novembre 2014, tel que modifié par la loi du 1er mars 2019, énonce :

« Contre la décision d’injonction visée à l’article 3, paragraphe 3, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. [...] »

III. La procédure au principal

20.      La procédure au principal a pour origine une demande de renseignements que l’administration fiscale française a adressée à l’administration fiscale luxembourgeoise. L’administration fiscale française fonde celle‑ci sur la convention fiscale entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France du 1er avril 1958 et sur la directive 2011/16.

21.      Dans leur demande de renseignements du 27 avril 2017, les autorités françaises ont indiqué vouloir contrôler une société F (établie en France) qui exercerait une activité de location d’un bien immobilier situé dans une commune de France. La société L établie au Luxembourg serait non seulement la société mère indirecte de la société F (par l’intermédiaire d’une société de droit néerlandais), mais détiendrait également directement un autre bien immobilier dans la même commune française. Les autorités françaises ont expliqué que les personnes physiques détenant directement ou indirectement des biens immobiliers situés en France doivent les déclarer aux fins de l’impôt sur la fortune immobilière et qu’elles souhaitaient connaître les actionnaires et bénéficiaires économiques de la société L.

22.      Par lettre du 28 février 2018 (ci‑après la « décision d’injonction »), l’administration fiscale luxembourgeoise a enjoint à la société L de lui fournir certains renseignements, dans les termes suivants :

« [...] En date du 27 avril 2017, l’autorité compétente de l’administration fiscale française nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la directive 2011/16 [...] ainsi que de la convention fiscale entre le Luxembourg et la France [...]

La personne morale concernée par la demande est la société F, établie [en France].

Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016, les renseignements et documents suivants [...] :

–        Veuillez communiquer les noms et adresses des actionnaires de la société L SA ainsi que les noms et adresses des bénéficiaires effectifs, directs et indirects, quelles que soient les structures interposées, de la société et la répartition du capital ;

–        Veuillez fournir une copie des registres des titres de la société L SA.

[...] »

23.      La société L a introduit un recours hiérarchique contre la décision d’injonction en dépit du fait que, en vertu de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014, aucune voie de recours n’était ouverte. Par décision du 4 juin 2018, ce recours a été rejeté comme irrecevable. La société L a formé un recours contentieux contre cette décision. Ce dernier est actuellement pendant devant le Tribunal administratif (Luxembourg).

24.      Le 6 août 2018, l’administration fiscale luxembourgeoise a infligé à la société L une amende pour non‑respect de la décision d’injonction. La société L a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif le 5 septembre 2018. L fait valoir en particulier que les informations demandées par l’administration fiscale française ne sont pas « vraisemblablement pertinentes » et que la décision d’injonction n’indique pas la finalité fiscale des informations réclamées.

25.      Dans son jugement du 18 décembre 2018, le Tribunal administratif a fait droit au recours et a annulé la décision du 6 août 2018 relative à la fixation d’une amende, au motif que la décision d’injonction était elle‑même invalide. Le Tribunal administratif s’est fondé, en substance, sur l’existence d’une contradiction entre l’identité du contribuable qui avait été indiquée dans la décision d’injonction du 28 février 2018 et les explications fournies par les autorités françaises quant au but dans lequel les renseignements étaient demandés. Un doute persisterait dès lors quant à l’identité du contribuable visé par la demande. Le Tribunal administratif a souligné plus particulièrement que les explications contenues dans la demande de renseignements du 27 avril 2017 amenaient à conclure que l’enquête en cours visait non pas la société F, pourtant mentionnée dans la demande de renseignements comme étant la personne faisant l’objet de l’enquête en France, et l’imposition de celle‑ci, mais plutôt les bénéficiaires économiques, personnes physiques, de la société L. Aux fins de l’impôt sur la fortune immobilière, ces derniers seraient, en application de la législation française, soumis à une obligation de déclaration des biens immobiliers situés sur le territoire français qu’ils détiennent.

26.      L’État luxembourgeois a fait appel de ce jugement devant la Cour administrative (Luxembourg) par requête déposée le 21 décembre 2018. Cet État estime en particulier que les informations demandées par l’administration fiscale française satisfont à la condition de la « pertinence vraisemblable » et que la demande française contient les informations nécessaires qui sont prévues à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16. Par ailleurs, les exigences de l’article 47 de la Charte seraient également respectées, dès lors que la société L aurait agi tant contre la décision d’injonction que contre la décision de fixation de l’amende.

IV.    La décision de renvoi et les questions préjudicielles

27.      C’est dans ces circonstances que, par décision du 23 mai 2019, la Cour administrative a sursis à statuer et a saisi la Cour, au titre de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles suivantes dans la présente affaire :

« 1)      Est-ce que l’article 20, paragraphe 2, point a), de la directive 2011/16 doit être interprété en ce sens qu’une demande d’échange de renseignements formulée par une autorité d’un État membre requérant qui définit les contribuables visés par la demande d’échange à partir de leur simple qualité d’actionnaire et de bénéficiaire économique d’une personne morale, sans que ces contribuables n’aient préalablement fait l’objet d’une identification nominative et individuelle de la part de l’autorité requérante, est conforme aux exigences d’identification posées par cette disposition ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, est-ce que l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 5 de la même directive doivent être interprétés en ce sens que le respect de la norme de la pertinence vraisemblable implique que l’autorité de l’État membre requérant, afin d’établir l’absence d’une pêche aux renseignements malgré le défaut d’une identification individuelle des contribuables visés, puisse étayer sur base d’explications claires et suffisantes qu’elle mène une enquête ciblée concernant un groupe limité de personnes et non pas une simple enquête de surveillance fiscale générale et que cette enquête est justifiée par des soupçons fondés d’un non‑respect d’une obligation légale précise ?

3)      Est-ce que l’article 47 de la [Charte] doit être interprété en ce sens que, lorsque

–        un administré qui s’est vu infliger par l’autorité compétente de l’État membre requis une sanction administrative pécuniaire pour non‑respect d’une décision administrative lui enjoignant de fournir des informations dans le cadre d’un échange entre administrations fiscales nationales au titre de la directive 2011/16, elle‑même non susceptible d’un recours contentieux d’après le droit interne de l’État membre requis, a contesté la légalité de cette décision par la voie incidente dans le cadre d’un recours contentieux dirigé contre la sanction pécuniaire et

–        qu’il a obtenu connaissance des informations minimales énoncées par l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 seulement au cours de la procédure judiciaire engagée suite à son recours contentieux contre ladite sanction,

il doit se voir accorder, suite à la reconnaissance définitive, par la voie incidente, de la validité de la décision d’injonction et de celle de fixation d’une amende émises à son égard, un délai suspensif pour le paiement de l’amende en vue de pouvoir donner suite, après avoir ainsi obtenu connaissance des éléments relatifs à la pertinence vraisemblable définitivement confirmée par le juge compétent, à la décision d’injonction ? »

V.      La procédure devant la Cour

28.      Par ordonnance du 15 janvier 2020, la procédure a été suspendue dans un premier temps jusqu’au prononcé, le 6 octobre 2020, de l’arrêt dans les affaires jointes C‑245/19 et C‑246/19. Le 19 novembre 2020, la procédure a été reprise en concertation avec la juridiction de renvoi.

29.      Outre la société L, les gouvernements luxembourgeois, irlandais, hellénique, espagnol, français, italien, polonais, finlandais et la Commission européenne ont présenté des observations écrites et ont répondu par écrit aux questions posées par la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle.

VI.    Analyse juridique

A.      Sur les deux premières questions préjudicielles

30.      Par ses deux premières questions préjudicielles, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si et à quelles conditions, au regard de la notion de « pertinence vraisemblable » visée à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 5 ainsi que des dispositions de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16, une demande d’informations peut concerner un groupe de personnes identifiables, mais non désignées de manière individuelle.

31.      Deux particularités caractérisent la présente affaire. D’une part, la demande de l’administration fiscale française ne vise pas une personne isolée, mais un groupe de personnes. D’autre part, les personnes de ce groupe ne sont pas déterminées par leur nom ou par d’autres critères (par exemple, le numéro d’une carte d’identité officielle, le numéro fiscal ou le numéro de compte), mais sont uniquement identifiables sur la base de caractéristiques communes (actionnaires et bénéficiaires économiques de la société L). L’identification nominative est, précisément, la finalité de la demande d’informations.

32.      Dans les affaires jugées jusqu’à présent par la Cour en ce qui concerne la notion de « pertinence vraisemblable », l’identité des contribuables était connue dans chaque cas (9). Des informations complémentaires étaient demandées afin de pouvoir procéder à une imposition correcte ou à une vérification des données fournies par le contribuable dans l’État requérant. À l’inverse, l’élément de rattachement aux fins de l’imposition dans l’État requérant (le terrain en France) est établi dans le cas qui nous occupe. En revanche, l’identité des personnes qui doivent s’acquitter des obligations fiscales liées au terrain n’est pas claire. La présente demande de décision préjudicielle se distingue à cet égard des affaires jugées jusqu’à présent par la Cour.

33.      Les deux premières questions préjudicielles portent exclusivement sur la demande d’informations des autorités françaises, et non sur la décision d’injonction de l’administration fiscale luxembourgeoise. La réponse à ces questions est néanmoins pertinente aux fins de l’appréciation, par la juridiction de renvoi, de la légalité de la sanction administrative infligée. En effet, la légalité de la sanction infligée au Luxembourg dépend quant à elle de la légalité de la décision d’injonction luxembourgeoise. Elle suppose une demande de renseignements licite des autorités françaises.

34.      Étant donné que la deuxième question préjudicielle se pose à titre de conséquence logique de la première question préjudicielle et que les deux questions portent, en substance, sur l’interprétation des dispositions de la directive 2011/16, elles peuvent faire l’objet d’une réponse conjointe.

1.      Sur la notion de « pertinence vraisemblable »

35.      En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16, les États membres coopèrent entre eux aux fins d’échanger les informations « vraisemblablement pertinentes » pour l’administration et l’application de leur législation interne en matière fiscale. Seules de telles informations sont, conformément à l’article 5 de cette directive, communiquées sur demande dans le cadre de l’échange d’informations.

36.      C’est donc à l’autorité maître de l’enquête à l’origine de la demande d’informations qu’il appartient d’apprécier, selon les circonstances de l’affaire, la pertinence vraisemblable des informations demandées pour cette enquête en fonction de l’évolution de la procédure et, conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2011/16, de l’exploitation des sources habituelles d’informations.

37.      Si l’autorité requérante détient à cet égard une marge d’appréciation, elle ne saurait pour autant demander des informations sans aucune pertinence pour l’enquête en cause. Partant, la « pertinence vraisemblable » des informations demandées est une condition préalable d’une demande d’informations licite (10).

38.      Par conséquent, la notion de « pertinence vraisemblable » doit être interprétée à la lumière des dispositions combinées de l’article 5 et de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16. Il convient d’analyser tout d’abord le libellé et l’économie générale [sous a)] ainsi que la finalité [sous b)] de ces dispositions. Les commentaires sur le modèle de convention de l’OCDE ayant été modifiés après l’adoption de la directive 2011/16 [sous c)] et le texte de cette directive ayant été modifié le 22 mars 2021 [sous d)], il convient, en outre, d’examiner quelle est la pertinence de ces modifications en l’espèce.

a)      Le libellé et l’économie générale des dispositions combinées de l’article 1er, de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16

39.      Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, l’expression « vraisemblablement pertinentes » figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16 vise à permettre à l’autorité requérante de demander et d’obtenir toutes les informations dont elle peut raisonnablement considérer qu’elles se révéleront pertinentes aux fins de son enquête, sans toutefois l’autoriser à dépasser de manière manifeste le cadre de celle‑ci ni imposer une charge excessive à l’autorité requise (11).

40.      L’article 5 de la directive 2011/16 fait référence à ces informations en prévoyant que, à la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique à l’autorité requérante les informations visées audit article 1er, paragraphe 1, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives. Cet article 5 impose ainsi une obligation à l’autorité requise.

41.      Il résulte du libellé de ces dispositions que les termes « vraisemblablement pertinentes » désignent la qualité dont les informations demandées doivent être revêtues. À cet égard, une restriction impliquant que la demande d’informations ne peut porter que sur des contribuables précis, nommément désignés, ne ressort pas du libellé des dispositions combinées de l’article 5 et de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16.

42.      Aux fins de l’interprétation de la notion de « pertinence vraisemblable », il faut également tenir compte du considérant 9 de la directive 2011/16. Aux termes de celui‑ci, la norme dite de la « pertinence vraisemblable » vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible. Elle précise en même temps que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des « recherches tous azimuts » ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné.

43.      Il ne ressort pas de la formule « d’un contribuable donné » qu’une demande concernant un groupe de contribuables n’est pas autorisée, ni que les contribuables doivent être désignés par leur nom. Ce qui importe est, au contraire, qu’il existe bien un contribuable donné – c’est‑à‑dire une personne soumise à des obligations fiscales dans l’État requérant – et que cette personne puisse être identifiée avec précision.

44.      S’agissant de l’interprétation de la notion de « pertinence vraisemblable », il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’autorité requise doit vérifier si les informations demandées ne sont pas dépourvues de toute « pertinence vraisemblable » pour l’enquête menée par l’autorité requérante (12).

45.      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il y a lieu de se référer, à cet égard, à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16, qui mentionne des éléments pertinents aux fins de ce contrôle (13). En vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous a), de cette directive, le formulaire type que doit fournir l’autorité requérante comporte au moins, selon la version en langue allemande, « die Bezeichnung der Person, der die Untersuchung oder Ermittlung gilt » (à savoir la désignation de la personne qui fait l’objet du contrôle ou de l’enquête). Il est question de l’« identity of the person » dans la version en langue anglaise et de « l’identité de la personne » dans la version en langue française.

46.      Les termes « Bezeichnung » ou « identity/identité » se réfèrent également, mais pas exclusivement, à une désignation nominative. Il ne ressort pas du libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/16 qu’une demande d’informations ne peut concerner qu’un seul contribuable. Il ne ressort pas non plus du libellé de cette disposition qu’il est nécessaire que le ou les contribuables soient désignés par leur nom.

47.      Au contraire, les termes « désignation » ou « identité » doivent être interprétés en ce sens qu’ils visent, de manière générale, l’ensemble des qualités ou des caractéristiques qui distinguent une personne des autres. Or, l’indication de l’identité ou la désignation d’une personne peut se faire par d’autres caractéristiques que le nom, dès lors que cela exclut également toute confusion.

48.      Il suffit donc que l’État requérant communique toutes les données factuelles et caractéristiques permettant à l’État requis d’identifier le contribuable.

49.      Il résulte par conséquent du libellé et de l’économie générale des dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/16 qu’une demande d’informations peut également concerner un groupe de contribuables et que le ou les contribuables doivent être identifiables à l’aide des indications fournies par l’autorité requérante, sans qu’ils soient nécessairement désignés par leur nom.

b)      L’esprit et la finalité de la notion de « pertinence vraisemblable »

50.      Cela est confirmé par l’esprit et la finalité de la notion de « pertinence vraisemblable ». En effet, pour ce qui est de la pertinence matérielle des informations, la Cour a déjà jugé que l’autorité requérante peut, dans le cadre de son enquête, déterminer quelles sont les informations dont elle estime avoir besoin au regard de son droit national afin d’établir correctement le montant des impôts et des taxes à percevoir (14).

1)      La distinction entre les demandes autorisées concernant un groupe et les recherches tous azimuts non autorisées

51.      Il en découle qu’une demande d’informations au titre des dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 5 de la directive 2011/16 ne doit pas nécessairement viser à la transmission de documents (par exemple des contrats, des facturations et des paiements). En outre, la Cour a déjà jugé que des informations ne sont pas, de manière manifeste, dépourvues de toute « pertinence vraisemblable » lorsqu’elles portent sur des contrats, des facturations et des paiements qui, tout en n’étant pas identifiés de façon précise, sont délimités au moyen de critères (15). Cette approche peut également être transposée à des demandes qui portent sur des personnes.

52.      Par conséquent, il n’est pas nécessaire que l’État requérant ait déjà identifié nommément les personnes concernées. Une demande s’inscrit généralement dans le cadre d’une phase de l’enquête qui sert précisément à recueillir des informations dont, par définition, l’autorité requérante n’a pas une connaissance précise et complète. L’identification des personnes concernées est la finalité même de la demande d’informations. Partant, l’efficacité de l’échange d’informations (notamment dans le cadre de la lutte contre la fraude l’évasion fiscales) serait considérablement réduite si la demande ne pouvait concerner que des personnes déjà nommément connues. Bien que la Suisse ait plutôt été connue, par le passé, pour ses échanges restrictifs d’informations, le Tribunal fédéral (Suisse) considère lui‑même que de telles demandes concernant un groupe peuvent donc être autorisées (16).

53.      En revanche, il ressort de la notion de « pertinence vraisemblable » que les États membres ne peuvent pas effectuer de simples recherches tous azimuts (17). Un certain lien avec une affaire spécifique est donc nécessaire. La demande ne doit pas avoir un caractère spéculatif.

54.      Lorsque la demande d’informations concerne un groupe de contribuables non identifiés, le risque d’une recherche tous azimuts est cependant particulièrement élevé. En effet, en l’absence d’une identification antérieure, l’État requérant ne pourra normalement pas se référer à une procédure d’imposition concrète à l’encontre de ces personnes.

55.      Dès lors, pour que les informations demandées remplissent la condition de la « pertinence vraisemblable » – en d’autres termes, pour qu’il existe une demande autorisée concernant un groupe –, des obligations particulières de motivation et de concrétisation pèsent sur l’État requérant. Cela est également nécessaire dans la mesure où, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (18), l’autorité requise doit contrôler si les informations demandées ne sont pas dépourvues de toute « pertinence vraisemblable » pour l’enquête menée par l’autorité requérante. À cet égard, les exigences en matière de motivation croissent avec l’importance et le caractère sensible des renseignements réclamés (19).

56.      Ainsi que nous l’avons déjà exposé à une autre occasion (20), différents facteurs doivent être pris en considération pour distinguer une recherche tous azimuts non autorisée d’une demande d’informations autorisée. Il y a tout d’abord lieu de s’attacher à l’objet de l’enquête de l’autorité requérante et aux griefs que celle‑ci a émis sur le plan fiscal. Le comportement que le contribuable a adopté dans le passé compte également. Des éléments concrets attestant une méconnaissance d’obligations fiscales justifient davantage l’échange d’informations que de simples spéculations.

2)      La précision exigée pour ce qui est de la demande d’informations

57.      Par conséquent, la question qui se pose ici est celle de la précision avec laquelle la demande doit être rédigée, en ce qui concerne un groupe de contribuables non individualisés, pour que l’autorité requise puisse s’acquitter de cette obligation. Pour répondre à cette question, il convient, en substance, d’interpréter l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16. Celui-ci énumère les informations minimales que doit contenir une demande d’informations de l’État requérant.

58.      En vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/16, l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête doit être indiquée. Comme nous l’avons déjà dit, une désignation nominative du ou des contribuables n’est pas nécessaire pour pouvoir vérifier que les informations demandées ne sont pas dépourvues de toute « pertinence vraisemblable » à cet égard. Ce qui importe, c’est que le groupe de contribuables soit décrit de façon suffisamment concrète et complète pour que l’État requis puisse procéder à une identification claire.

59.      En outre, l’État requérant doit, en vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous b), de la directive 2011/16, indiquer la finalité fiscale des informations demandées. En d’autres termes, l’État requis doit pouvoir savoir à quelles obligations fiscales le groupe de contribuables est soumis dans l’État requérant et quels faits sont à l’origine de la demande.

60.      Il s’ensuit également, s’agissant des demandes concernant un groupe de personnes non encore identifiées, que l’État membre requérant est tenu d’expliquer pourquoi il y a des motifs sérieux de soupçonner que les personnes concernées n’ont pas respecté certaines obligations légales. Certes, les informations sont, en principe, « vraisemblablement pertinentes » indépendamment de la question de savoir si la personne concernée a ou non respecté la loi. Souvent, l’échange d’informations vise d’ailleurs uniquement à confirmer le respect de la loi.

61.      Toutefois, il y a certaines particularités dans le cas d’une demande concernant un groupe non identifié de contribuables. D’une part, l’État requérant n’étant pas en mesure d’identifier les personnes, celles‑ci ne devraient pas, en principe, être déjà enregistrées aux fins fiscales concernées dans l’État requérant. D’autre part, étant donné que les informations demandées doivent être « vraisemblablement pertinentes » aux fins d’une imposition dans l’État requérant, des obligations fiscales précises doivent peser sur le groupe dans l’État requérant. Ces deux aspects, pris ensemble, impliquent que les personnes de ce groupe n’ont pas respecté la loi.

62.      En conclusion, des demandes concernant un groupe de contribuables identifiables, mais non encore identifiés, sont autorisées. L’État requérant doit cependant i) décrire le groupe de manière aussi concrète et complète que possible, ii) expliquer à quelles obligations fiscales le groupe de contribuables est soumis dans l’État requérant et quels faits sont à l’origine de la demande, ainsi que iii) exposer pourquoi il y a des raisons de penser que le groupe n’a pas respecté la loi.

63.      À cet égard, la nécessaire distinction entre une demande autorisée concernant un groupe et une recherche tous azimuts non autorisée doit être opérée dans le cadre d’une appréciation globale, compte tenu de toutes les circonstances du cas d’espèce, et cette tâche incombe dès lors à la juridiction de renvoi.

64.      Selon les éléments de fait communiqués à la Cour, la demande d’informations de l’administration fiscale française vise expressément les actionnaires et les bénéficiaires économiques de la société L. Ces qualités permettent, en principe, d’identifier les personnes concernées. Il convient également de tenir compte du fait qu’il apparaît que l’autorité française a expliqué dans sa demande que la société L était la société mère indirecte de la société F, laquelle était propriétaire d’un bien immobilier en France. Il était indiqué en outre que la société L détenait directement un autre bien immobilier en France. Il ressortirait également des explications des autorités françaises que les personnes physiques détenant directement ou indirectement des biens immobiliers situés en France sont tenues de les déclarer, ce qui n’a manifestement pas été fait à ce jour. Par conséquent, la demande d’informations semble – sous réserve de l’appréciation globale de la juridiction de renvoi – satisfaire aux conditions susmentionnées (voir point 62 des présentes conclusions).

65.      Par ailleurs, le caractère nécessaire de la demande d’informations, au sens de l’article 17 de la directive 2011/16, ne devrait pas non plus faire de doute. En particulier – ainsi que l’a exposé le gouvernement français –, le registre de transparence qui devait être établi en vertu des directives (UE) 2015/849 (21) et (UE) 2018/843 (22) n’avait pas encore été mis en place au Luxembourg à la date de la demande d’informations, de sorte que l’administration fiscale française n’était pas en mesure de déterminer elle‑même qui étaient les bénéficiaires économiques. La Cour ignore si des mesures alternatives d’exécution fiscale tout aussi efficaces, visant le terrain concerné, auraient été possibles en vertu du droit fiscal français, si bien que, éventuellement, la demande d’informations n’aurait plus été nécessaire.

c)      La pertinence des commentaires sur le modèle de convention de l’OCDE

66.      Cette interprétation, selon laquelle il n’y a pertinence vraisemblable, en cas de demande concernant un groupe, que dans les conditions énumérées au point 62 des présentes conclusions, est également confirmée par les commentaires révisés relatifs à l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE.

67.      Certes, le modèle de convention de l’OCDE n’est pas un traité international multilatéral juridiquement contraignant, mais seulement un acte unilatéral élaboré par une organisation internationale sous la forme de recommandations adressées à ses pays membres (23). A fortiori, les commentaires sur le modèle de convention de l’OCDE ne sont pas non plus juridiquement contraignants pour la Cour. La conclusion à laquelle les auteurs de ces commentaires aboutissent est cependant exacte.

68.      Ainsi qu’il ressort à juste titre du point 5.1 des commentaires relatifs à l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE, une demande de renseignements ne constitue pas une pêche aux renseignements non autorisée du simple fait qu’elle ne précise pas le nom ou l’adresse du contribuable faisant l’objet de l’enquête. Dans ce cas, l’État requérant doit uniquement fournir d’autres informations suffisantes pour permettre l’identification du contribuable dans l’État requis.

69.      En outre, le point 5.2 de ces commentaires indique avec raison que la norme de « pertinence vraisemblable » est applicable à la fois dans des cas concernant un seul contribuable et dans des cas concernant une demande relative à un groupe. Lorsque la demande vise cependant un groupe de contribuables qui ne sont pas identifiés individuellement, l’État requérant doit décrire le groupe de manière aussi concrète et complète que possible. De plus, l’État requérant doit expliquer la loi applicable ainsi que les faits et circonstances qui ont mené à la demande de renseignements.

70.      Enfin, l’État requérant doit, selon le point 5.2 desdits commentaires, expliquer pourquoi il y a des raisons de penser que le groupe n’a pas respecté la loi exposée et en quoi les renseignements demandés permettraient de déterminer la discipline fiscale du groupe. Cela est conforme aux conditions énoncées ci‑dessus (voir point 62 des présentes conclusions), lesquelles étaient d’ailleurs applicables avant même la modification des commentaires sur le modèle de convention en 2014. Les doutes de principe soulevés par la juridiction de renvoi quant à l’extension a posteriori de la condition de légalité constituée par la pertinence vraisemblable du fait de la mise à jour des commentaires sur le modèle de convention de l’OCDE n’ont donc pas lieu d’être.

d)      La modification de la directive 2011/16 le 22 mars 2021

71.      Par ailleurs, l’insertion a posteriori de l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 2011/16 ne change rien à cette interprétation. La directive (UE) 2021/514 (24) établit pour la première fois, à l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 2011/16, une base juridique spécifique pour les demandes concernant un groupe. Les États membres doivent avoir transposé la directive modifiée dans leur législation nationale au plus tard le 31 décembre 2022. Partant, l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 2011/16, telle que modifiée par la directive 2021/514, n’a pas d’incidence directe sur la solution du présent litige.

72.      Toutefois, il ressort du considérant 4 de la directive 2021/514 que, du fait de la nouvelle disposition, les administrations fiscales devraient continuer à recourir aux demandes concernant un groupe dans un cadre juridique clair. Il résulte de cette formulation même qu’il s’agit d’une modification déclaratoire de la directive et que les demandes concernant un groupe étaient donc déjà autorisées auparavant. Cette modification est intervenue dans un souci de sécurité et de clarté juridiques tant pour les contribuables et les personnes tenues de fournir des informations que pour les administrations fiscales.

73.      Par conséquent, l’insertion, à l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 2011/16, telle que modifiée par la directive 2021/514, d’une disposition spécifique pour les demandes concernant un groupe ne s’oppose pas non plus à l’interprétation autonome, en droit de l’Union, de la notion de « pertinence vraisemblable » qui a été retenue ci‑dessus(voir point 62 des présentes conclusions).

2.      Conclusion

74.      En conclusion, les dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 doivent être interprétées en ce sens qu’une demande d’informations peut également concerner un groupe de personnes dont l’identité n’est pas indiquée, mais qui sont identifiables en fonction de leur qualité d’actionnaires et de bénéficiaires économiques d’une personne morale.

75.      À cet égard, la condition relative à la « pertinence vraisemblable » exige cependant que, dans la demande d’informations, l’État requérant i) décrive le groupe de manière aussi concrète et complète que possible, ii) explique à quelles obligations fiscales le groupe de contribuables est soumis dans l’État requérant et quels faits sont à l’origine de la demande ainsi que iii) expose pourquoi il y a des raisons de penser que le groupe n’a pas respecté la loi.

B.      Sur la troisième question préjudicielle

76.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si un délai doit être accordé au destinataire de la décision d’injonction (25) aux fins du paiement d’une amende infligée pour non‑respect de la décision d’injonction à l’issue de la procédure dirigée contre la fixation de cette amende. Cette question se pose pour la juridiction de renvoi parce que le destinataire ne disposait pas d’un recours direct contre la décision d’injonction et qu’il a obtenu les informations minimales prévues à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 seulement au cours de la procédure judiciaire engagée (comme nous l’avons exposé en détail aux points 57 et suivants des présentes conclusions et, en particulier, au point 62).

77.      La question qui se pose tout d’abord est celle de la compatibilité du droit procédural luxembourgeois avec l’article 47 de la Charte. Ne pouvant exercer de recours direct contre la décision d’injonction, la société L pouvait uniquement attendre une sanction administrative et faire contrôler, à titre incident, la légalité de la décision d’injonction dans le cadre du recours dirigé contre l’amende.

78.      S’il n’est pas fait droit à ce recours, au motif que la demande d’informations et la décision d’injonction qui en découle étaient licites et que l’amende ne se heurte par ailleurs à aucune objection fondée, la société L sera tenue de payer l’amende. Toutefois, si cette société avait disposé d’un recours direct contre la décision d’injonction, elle aurait eu, du fait de l’effet suspensif, suffisamment de temps pour se conformer par la suite à la décision d’injonction. Elle aurait ainsi pu éviter qu’une sanction administrative lui soit infligée. Un délai de paiement supplémentaire – tel que celui qui est envisagé par la juridiction de renvoi dans la troisième question – n’aurait alors même pas été nécessaire.

79.      Des doutes sont également émis, dans le cadre de la troisième question de la juridiction de renvoi, en ce qui concerne le fait que la société L a seulement eu connaissance des informations minimales prévues à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 au cours de la procédure judiciaire. Cela soulève en définitive la question – non encore tranchée par la Cour – de savoir si certaines conditions applicables à la décision d’injonction de l’État requis peuvent également être déduites du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (article 47 de la Charte). Ainsi, l’exigence d’une motivation suffisante de la décision d’injonction, à l’aide de laquelle le destinataire (en l’espèce la société L) pourrait apprécier la pertinence vraisemblable, est envisageable en l’occurrence. Cela lui permettrait de décider si un recours direct contre la décision d’injonction ou un recours indirect contre une amende infligée par la suite est ou non susceptible d’aboutir.

1.      La violation de l’article 47 de la Charte

80.      Pour ce qui est du destinataire de la décision d’injonction, le Grand-Duché de Luxembourg a, par la loi du 1er mars 2019, instauré une possibilité de recours direct contre la décision d’injonction. Cela n’affecte toutefois pas la recevabilité de la troisième question préjudicielle. En effet, la société L avait introduit un recours dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 1er mars 2019. Le fait que cette société a effectivement agi directement contre la décision d’injonction ne change rien à cet égard. En effet, comme le relève le gouvernement luxembourgeois, ce recours n’était pas prévu par la loi et était d’emblée irrecevable.

81.      Étant donné qu’il ressort déjà de la jurisprudence de la Cour que la Charte est applicable (26), il convient d’examiner s’il y a eu violation de l’article 47 de la Charte. À cet égard, il y a lieu de distinguer entre l’exclusion d’un recours direct [sous a)] et les exigences relatives au contenu obligatoire de la décision d’injonction [sous b)].

a)      La violation de l’article 47 de la Charte du fait de l’exclusion d’un recours

82.      Aux termes de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article.

83.      Dans l’affaire État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (27), la Cour a déjà constaté que l’article 47 de la Charte prescrivait qu’un recours direct contre la décision d’injonction devait être ouvert au destinataire de celle‑ci (28). Il se pose dès lors la question de savoir dans quelle mesure le contrôle incident de légalité de la décision d’injonction dans le cadre de la procédure dirigée contre la sanction administrative, que la Cour a déduit de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte dans l’affaire Berlioz Investment Fund (29), est encore nécessaire. À nos yeux, il y a de bonnes raisons de considérer que le destinataire de la décision d’injonction qui peut attaquer directement celle‑ci doit faire usage de cette possibilité en priorité, de sorte qu’un examen incident n’est alors plus nécessaire. Cela tient également compte des conséquences du caractère définitif d’une décision d’injonction non attaquée.

84.      En définitive, il n’est cependant pas nécessaire de résoudre cette question en l’espèce. En effet, soit la société L n’avait pas la possibilité, prévue par la loi, de former un recours direct contre la décision d’injonction. Dans ce cas, la seule possibilité qui subsiste est celle d’une protection juridictionnelle incidente. Soit – bien qu’un recours direct contre la décision d’injonction ait été exclu – une procédure analogue est encore pendante devant le Tribunal administratif et cette décision n’a, dès lors, pas encore acquis de caractère définitif.

85.      Étant donné que l’article 47 de la Charte exige qu’un recours direct contre la décision d’injonction de l’autorité requise soit ouvert au destinataire de cette décision et que le droit luxembourgeois ne prévoyait pas un tel recours, il y a déjà violation de l’article 47 de la Charte.

b)      L’incidence de l’article 47 de la Charte sur le contenu obligatoire de la décision d’injonction

86.      En outre, il se pose la question de savoir si l’article 47 de la Charte prescrit que les informations exigées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 doivent déjà être communiquées au destinataire de la décision d’injonction conjointement avec cette dernière.

87.      Il n’est pas nécessaire de trancher ici la question de savoir si une telle obligation de motivation peut également découler du droit à une bonne administration qui est consacré à l’article 41 de la Charte. D’une part, la juridiction de renvoi interroge expressément la Cour sur la portée de l’article 47 de la Charte. D’autre part, l’article 41 de la Charte s’adresse uniquement aux institutions, organes et organismes de l’Union, et non aux États membres (30). En outre, si le droit à une bonne administration constitue par ailleurs un principe général du droit de l’Union reconnu par la Cour (31), qui lie également les États membres, il n’est pas nécessaire, en l’occurrence, de faire appel à celui‑ci, eu égard à l’article 47 de la Charte.

88.      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige également que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard par une autorité administrative (32). C’est à cette seule condition qu’il lui est possible de défendre effectivement ses droits et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile pour lui de demander une protection juridictionnelle.

89.      S’agissant de la procédure judiciaire, la Cour a déjà jugé que l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte prescrivait que l’administré doit avoir accès aux informations visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 afin que sa cause puisse être entendue de manière équitable au sujet de la condition de la « pertinence vraisemblable » (33). En revanche, l’administré ne dispose pas d’un droit d’accès à l’ensemble de la demande d’informations, étant donné que celle‑ci demeure un document secret, conformément à l’article 16 de cette directive.

90.      Pour que le destinataire d’une décision d’injonction puisse décider de demander ou non une protection juridictionnelle contre celle‑ci, ces principes doivent être transposés à la décision d’injonction soumise, le cas échéant, au contrôle juridictionnel. À cet égard, si l’ensemble de la demande d’informations ne doit certes pas être mis à la disposition du destinataire de la décision d’injonction conjointement avec cette dernière, les informations minimales prévues à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 – que l’État requérant est tenu de transmettre à l’État requis – doivent en principe l’être.

91.      Dès lors que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le destinataire de la décision d’injonction doit avoir accès à ces informations dans le cadre de la procédure judiciaire, rien ne semble justifier que celles‑ci ne doivent pas déjà lui être communiquées dans la décision d’injonction. Cette analyse est notamment corroborée par le fait que, selon la Cour, il convient d’appliquer le même critère de contrôle en ce qui concerne l’appréciation de la « pertinence vraisemblable » par l’autorité requise et par la juridiction saisie de l’affaire (34).

92.      En outre, il est conforme au principe d’économie procédurale – lui aussi reconnu par la Cour (35) –, d’accorder déjà au destinataire l’accès aux informations minimales conjointement avec la décision d’injonction. S’il devait d’abord introduire un recours afin d’avoir connaissance de ces informations, des recours contre la décision d’injonction seraient introduits dans de nombreux cas, alors qu’il n’y aurait eu aucune raison de le faire si les informations minimales avaient été connues.

93.      Enfin, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une personne ne saurait se voir contrainte d’enfreindre une obligation juridique et de s’exposer à la sanction attachée à cette infraction à seule fin d’accéder à un tribunal (36). A fortiori, le destinataire de la décision d’injonction ne saurait se voir contraint de supporter les risques et les coûts d’une procédure judiciaire afin d’obtenir l’accès aux informations minimales essentielles pour l’appréciation de la légalité de la décision d’injonction.

94.      Par voie de conséquence, il résulte de l’article 47 de la Charte soit que les informations visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 doivent déjà être mises à la disposition du destinataire de la décision d’injonction conjointement avec la décision d’injonction, soit, à tout le moins, que le destinataire doit, du point de vue du droit procédural, avoir la possibilité, après réception de ces informations, de vérifier la décision d’injonction et de s’y conformer dans un délai raisonnable, sans devoir supporter des coûts et sans encourir de sanction.

95.      C’est en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce qu’il convient d’apprécier si la décision d’injonction de l’administration fiscale luxembourgeoise ou le droit procédural luxembourgeois satisfont aux exigences exposées ci‑dessus et il appartiendra par conséquent à la juridiction de renvoi de le vérifier. Cette dernière doit examiner les aspects susmentionnés de manière incidente, dans le cadre du contrôle de l’amende infligée (37).

96.      Étant donné que, selon la juridiction de renvoi, ce n’est qu’au cours de la procédure judiciaire ouverte à la suite du recours contentieux de la société L contre la sanction que cette société a eu connaissance des informations minimales visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16, il est vraisemblable que la décision d’injonction ne satisfasse pas aux exigences exposées ci‑dessus. Toutefois, il appartient en définitive à la juridiction de renvoi d’en juger.

97.      À cet égard, il convient également de tenir compte du fait que la légalité de la demande d’informations et celle de la décision d’injonction doivent être examinées séparément. La légalité de la demande d’informations est certes une condition essentielle de la légalité de la décision d’injonction, mais non la seule condition de celle‑ci.

98.      Dans cette mesure, il appartiendra également à la juridiction de renvoi de se pencher sur la contradiction, constatée par le Tribunal administratif, entre la demande d’informations et la décision d’injonction. La formulation de la décision d’injonction de l’autorité luxembourgeoise, selon laquelle la demande d’informations se réfère à la société F, ne semble pas être cohérente avec les éléments de fait fournis dans la demande d’informations des autorités françaises. Or, les informations minimales visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 doivent figurer tant dans la demande d’informations que dans la décision d’injonction.

2.      Conclusion

99.      Pour conclure, l’article 47 de la Charte exige donc à la fois qu’un recours direct soit ouvert au destinataire contre la décision d’injonction et que les informations visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 soient indiquées dans la décision d’injonction soumise au contrôle juridictionnel. Cela est nécessaire pour permettre au destinataire de la décision d’injonction de vérifier celle‑ci et de s’y conformer, après réception desdites informations, sans devoir supporter des coûts et sans encourir de sanction. Dans ces conditions, un délai de paiement supplémentaire n’est pas nécessaire.

VII. Conclusion

100. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Cour administrative (Luxembourg) dans les termes suivants :

1)      Les dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE doivent être interprétées en ce sens qu’une demande d’échange de renseignements formulée par une autorité d’un État membre requérant qui définit les contribuables visés par la demande d’échange à partir de leur simple qualité d’actionnaire et de bénéficiaire économique d’une personne morale, sans que ces contribuables aient préalablement fait l’objet d’une identification nominative et individuelle de la part de l’autorité requérante, est conforme aux exigences d’identification posées par ces dispositions.

Le respect de la norme de la pertinence vraisemblable implique cependant que, dans la demande d’informations, l’autorité de l’État membre requérant i) décrive le groupe de contribuables de manière aussi concrète et complète que possible, ii) explique à quelles obligations fiscales le groupe de contribuables est soumis dans l’État requérant et quels faits sont à l’origine de la demande ainsi que iii) expose pourquoi il y a des raisons de penser que le groupe n’a pas respecté la loi.

2)      L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige soit que les informations visées à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 soient déjà mises à la disposition du destinataire de la décision d’injonction conjointement avec la décision d’injonction, soit, à tout le moins, que le destinataire ait, du point de vue du droit procédural, la possibilité, après réception de ces informations, de vérifier la décision d’injonction et de s’y conformer dans un délai raisonnable, sans devoir supporter des coûts et sans encourir de sanction. Dans ce cas, un délai de paiement supplémentaire n’est pas nécessaire.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Arrêt du 16 mai 2017 (C‑682/15, EU:C:2017:373).


3      Arrêt du 6 octobre 2020 (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795).


4      La version pertinente en l’espèce de cette directive est celle qui résulte de sa modification par la directive (UE) 2016/2258 du Conseil, du 6 décembre 2016 (JO 2016, L 342, p. 1).


5      La version actuelle du modèle de convention de l’OCDE date du 21 novembre 2017.


6      Loi portant transposition de la directive 2011/16, Mémorial A 2013, p. 756.


7      Mémorial A 2014, p. 4170.


8      Mémorial A 2019, p. 112.


9      Arrêts du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 24), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 22).


10      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 64).


11      Arrêts du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 110), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 68).


12      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 78).


13      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 79).


14      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 69).


15      Arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 124).


16      Tribunal fédéral, arrêt du 12 septembre 2016 (2C_276/2016), point 6.3.


17      Voir considérant 9 de la directive 2011/16.


18      Arrêts du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 115), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 82).


19      Voir également, à ce sujet, nos conclusions dans les affaires jointes État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:516, point 138), ainsi que, dans le même sens, Tribunal fédéral, arrêt du 12 septembre 2016 (2C_276/2016), point 6.3.


20      Voir, à ce sujet, nos conclusions dans les affaires jointes État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:516, points 135 et suiv.).


21      Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73).


22      Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2015/849 (JO 2018, L 156, p. 43).


23      Voir nos conclusions dans les affaires N Luxembourg 1 (C‑115/16, EU:C:2018:143, points 50 et suiv.) ; T Danmark (C‑116/16, EU:C:2018:144, points 81 et suiv.) ; Y Denmark (C‑117/16, EU:C:2018:145, points 81 et suiv.) ; X Denmark (C‑118/16, EU:C:2018:146, points 50 et suiv.) ; C Danmark (C‑119/16, EU:C:2018:147, points 50 et suiv.), ainsi que Z Denmark (C‑299/16, EU:C:2018:148, points 50 et suiv.).


24      Directive du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16 (JO 2021, L 104, p. 1).


25      La Cour a qualifié cette personne de « personne détentrice d’informations » dans son arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795), et d’« administré » dans son arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373).


26      Arrêts du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 46), et du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 42).


27      Arrêt du 6 octobre 2020 (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795).


28      Arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 69).


29      Arrêt du 16 mai 2017 (C‑682/15, EU:C:2017:373).


30      Voir arrêts du 26 mars 2020, Hungeod e.a. (C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 63) ; du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2018:715, point 28), et du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 83).


31      Voir, à ce sujet, arrêts du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 84), et du 8 mai 2014, N. (C‑604/12, EU:C:2014:302, points 49 et 50).


32      Arrêts du 8 mai 2019, PI (C‑230/18, EU:C:2019:383, point 78) ; du 4 juin 2013, ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363, point 53), et du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, EU:C:1987:442, point 15).


33      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, points 100 et 101).


34      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, points 78, 85 et 86).


35      Voir arrêts du 18 juin 2020, Primart/EUIPO (C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 54), et du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission (C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 80).


36      Arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale) (C‑245/19 et C‑246/19, EU:C:2020:795, point 66).


37      Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 56).