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Recours introduit le 17 décembre 2014 – Banco Espirito Santo / Commission

(affaire T-814/14)

Langue de procédure: le portugais

Parties

Partie requérante: Banco Espirito Santo, S.A. (représentants: M. Gorjão-Henriques et L. Bordalo e Sá, avocats)

Partie défenderesse: Commission européenne

Conclusions

La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les points 9 et 18 de l’annexe II de la décision de la Commission C(2014) 5682 final, du 3 août 2014, aide d’État n° SA.39250 (2014/N) – Portugal, résolution de Banco Espírito Santo, S.A. dans leur parties qui imposent ou peuvent être interprétées comme imposant à la requérante (Banco Espírito Santo, S.A. [ou BES]) de se charger de la rémunération du mandataire ou tout autre frais du mandataire ;

condamner la Commission aux dépens.

Moyens et principaux arguments

À l’appui du recours, la partie requérante invoque trois moyens.

Premier moyen tiré de la violation des règles juridiques concernant l’application du traité – le fait d’imposer à BES de prendre en charge les frais liés au contrôle du respect des engagements pris par la République portugaise :

le fait d’imposer à BES de prendre en charge des frais résultant d’un fait d’un tiers pour lequel BES n’a pas donné son accord et dont cet établissement ne tire aucun profit, et qui n’a pas été choisi conformément à des critères qui garantissent le respect du principe de la solution économiquement la plus avantageuse, au détriment, éventuel, des créanciers et actionnaires de BES ;

selon la décision attaquée, la nomination du mandataire est faite par le Fonds de résolution. Toutefois, s’il incombe à la République portugaise de nommer un seul mandataire, il ne semble pas acceptable que les frais correspondant à la rémunération du mandataire soient intégralement pris en charge par BES. Cette solution ne respecte pas les principes qui sous-tendent les aides publiques : i) cela renforce l’avantage dont bénéficie la banque relais en la libérant des frais de la résolution qui autrement lui seraient imposés par la loi ; ii) cela fausse la concurrence au profit de la banque relais en la libérant de frais qui n’ont pas été quantifiés dans le cadre de l’autorisation de l’aide publique ;

la législation de l’UE en matière d’aides publiques n’offre aucune base pour imposer au BES qui, rappelons-le, n’est pas destinataire de la décision ni le bénéficiaire de l’aide, de rémunérer le mandataire;

le règlement (UE) n° 806/2014 sur le mécanisme de résolution unique, applicable à partir de 2016, n’ajoute rien à cet égard, bien que son article 19 prévoie l’existence d’un agent fiduciaire, pas plus que le règlement n° 1093/2010 ou la directive 2014/59/CE, dont le délai de transposition n’est pas encore écoulé ;

dans le cadre du droit de l’Union européenne, et d’ailleurs dans le cadre de l’action de la DG COMP (direction générale de la Concurrence de la Commission), service chargé de la préparation de ce qui deviendra la décision attaquée, il y a de solides dispositions interprétatives sur le rôle du mandataire et sa rémunération, qui peuvent servir pour combler l’absence de dispositions sur la situation ici en cause, en particulier concernant la structure quantitative de la rémunération du mandataire qui doit résulter d’un accord entre les parties, sans préjudice de son approbation par la Commission et de la nécessaire indépendance et des moyens à accorder ;

la façon dont il y aura lieu de traiter en pratique la rémunération du mandataire ne pourra être imposée par la Commission à la requérante, par conséquent l’imposition contraignante de cette charge pécuniaire par la Commission (c’est-à-dire sans l’acceptation préalable de BES, notamment s’agissant du montant) ne trouve de fondement juridique ni dans le règlement n° 806/2014 ni dans aucun autre acte normatif ;

dans la décision attaquée, la Commission elle-même énonce seulement qu’il incombe à la structure de défaisance de rémunérer le mandataire et que cette rémunération devra être prévue « de sorte à ne pas entraver l’indépendance ni l’efficacité de l’administrateur dans l’exercice de son mandat ». En effet, il n’y a pas de définition concrète de la structure de rémunération, en particulier de la façon dont celle-ci sera traitée en pratique, ni de ses limites.

Deuxième moyen tiré de la violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d’autolimitation administrative :

La Commission a violé les principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d’autolimitation administrative dans sa partie qui impose la prise en charge par BES des frais liés au mandataire;

la précédente conclusion est d’autant plus pertinente que l’on constate que BES, un tiers par rapport la décision, a été totalement exclu de la procédure visant à engager le mandataire, et ne peut ainsi, sans porter atteinte aux moyens et à l’indépendance exigés par la décision, respecter les obligations qui lui incombent (et des obligations fiduciaires de ses administrateurs), visant à garantir que ce contrôle des engagements représente une charge financière moins significative pour BES ;

Troisième moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité :

la Commission a violé le principe de proportionnalité en imposant à BES de prendre en charge unilatéralement et intégralement des frais qui, considérant la situation financière actuelle de BES en tant qu’établissement visé par une mesure de résolution, non seulement sont extrêmement importants et significatifs, mais aussi dépassent les limites de la proportionnalité au sens strict ;

et ce d’autant que, selon BES, si l’État portugais ne s’engage pas à prendre en charge ces frais, il incombe à la Commission de les assumer, en exécution de ses propres obligations en matière de résolution d’établissements bancaires et des engagements pris par les États membres dans le contexte de ces mesures.