Language of document : ECLI:EU:C:2023:486

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

15 juin 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Organisation commune des marchés – Règlement (UE) no 1308/2013 – Statuts des organisations de producteurs – Article 153, paragraphe 1, sous b) – Règle d’appartenance des membres à une seule organisation de producteurs – Portée – Article 153, paragraphe 2, sous c) – Contrôle démocratique de l’organisation de producteurs et des décisions prises en son sein par les membres producteurs – Contrôle exercé par une personne sur certains membres de l’organisation de producteurs »

Dans l’affaire C‑183/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 10 mars 2022, parvenue à la Cour le 10 mars 2022, dans la procédure

Saint-Louis Sucre

contre

Premier ministre,

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation,

SICA des betteraviers d’Étrépagny,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. D. Gratsias (rapporteur), M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 novembre 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour Saint-Louis Sucre, par Mes J.-P. Duhamel, F.-C. Laprévote, A. Magraner-Oliver et F. Six, avocats,

–        pour SICA des betteraviers d’Étrépagny, par Me F. Molinié, avocat,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. Bain et J.-L. Carré, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Konstantinidis et F. Le Bot, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 9 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 153 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 32), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017 (JO 2017, L 350, p. 15) (ci-après le « règlement no 1308/2013 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Saint-Louis Sucre au Premier ministre (France), au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (France) ainsi qu’à la société d’intérêt collectif agricole (SICA) des betteraviers d’Étrépagny (ci-après la « SICA ») au sujet de la reconnaissance de cette dernière en qualité d’organisation de producteurs (ci-après l’« OP »), dans le secteur du sucre, pour la betterave sucrière.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (UE) no 1307/2013

3        L’article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)      “exploitation”, l’ensemble des unités utilisées aux fins d’activités agricoles et gérées par un agriculteur qui sont situées sur le territoire d’un même État membre ;

c)      “activité agricole” :

i)      la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles ;

[...] »

 Le règlement no 1308/2013

4        Le considérant 131 du règlement no 1308/2013 est libellé comme suit :

« Les organisations de producteurs et leurs associations peuvent jouer un rôle appréciable pour concentrer l’offre, améliorer la commercialisation, la planification et l’adaptation de la production à la demande, optimiser les coûts de production et stabiliser les prix à la production, réaliser des recherches, promouvoir les meilleures pratiques et fournir une aide technique, assurer la gestion des sous-produits et des instruments de gestion du risque dont disposent leurs membres, contribuant ainsi au renforcement de la position qu’occupent les producteurs dans la chaîne alimentaire. »

5        Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, ce règlement établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, c’est-à-dire tous les produits énumérés à l’annexe I du traité FUE, à l’exclusion des produits de la pêche et de l’aquaculture définis dans les actes législatifs de l’Union sur l’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture.

6        Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), dudit règlement, lu en combinaison avec la partie III de l’annexe I de celui-ci, la betterave sucrière relève de l’organisation commune du secteur du sucre.

7        En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du même règlement, s’appliquent aux fins de celui-ci, sauf dispositions contraires, les définitions figurant, notamment, dans le règlement no 1307/2013.

8        L’article 152 du règlement no 1308/2013, intitulé « Organisations de producteurs », prévoit, à ses paragraphes 1 à 1 ter :

« 1.      Les États membres peuvent, sur demande, reconnaître les [OP] qui :

a)      se composent de producteurs dans un secteur précis énuméré à l’article 1er, paragraphe 2, et, conformément à l’article 153, paragraphe 2, point c), sont contrôlées par ceux-ci ;

b)      sont constituées à l’initiative des producteurs et exercent au moins l’une des activités suivantes :

i)      transformation conjointe ;

ii)      distribution conjointe, notamment via des plateformes de vente conjointes ou un transport conjoint ;

iii)      emballage, étiquetage ou promotion conjoints ;

iv)      organisation conjointe du contrôle de la qualité ;

v)      utilisation conjointe des équipements ou des installations de stockage ;

vi)      gestion conjointe des déchets directement liés à la production ;

vii)      acquisition conjointe des intrants ;

viii)      toute autre activité conjointe de service visant l’un des objectifs énumérés au point c) du présent paragraphe ;

c)      poursuivent un but précis pouvant inclure au moins l’un des objectifs suivants :

i)      assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en termes de qualité et de quantité ;

ii)      concentrer l’offre et mettre sur le marché la production de leurs membres, y compris via une commercialisation directe ;

iii)      optimiser les coûts de production et les retours sur les investissements réalisés pour satisfaire aux normes environnementales et de bien-être des animaux, et stabiliser les prix à la production ;

[...]

bis.            Par dérogation à l’article 101, paragraphe 1, [TFUE] une [OP] reconnue en vertu du paragraphe 1 du présent article peut planifier la production, optimiser les coûts de production, mettre sur le marché et négocier des contrats concernant l’offre de produits agricoles, au nom de ses membres, pour tout ou partie de leur production totale.

Les activités visées au premier alinéa peuvent avoir lieu :

a)      dès lors que l’une ou plusieurs des activités visées au paragraphe 1, point b) i) à vii), du présent article est véritablement exercée, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 39 [TFUE] ;

b)      dès lors que l’[OP] concentre l’offre et met sur le marché les produits de ses membres, qu’il y ait ou non transfert de la propriété des produits agricoles concernés des producteurs à l’[OP] ;

c)      que le prix négocié soit ou non identique en ce qui concerne la production totale de tous les membres ou de certains d’entre eux ;

d)      dès lors que les producteurs concernés ne sont membres d’aucune autre [OP] en ce qui concerne les produits couverts par les activités visées au premier alinéa ;

e)      dès lors que le produit agricole n’est pas concerné par une obligation de livraison découlant de l’affiliation de l’agriculteur à une coopérative qui n’est pas elle-même membre de l’[OP] concernée, conformément aux conditions définies dans les statuts de la coopérative ou dans les règles et les décisions prévues par lesdits statuts ou qui en découlent.

Toutefois, les États membres peuvent déroger à la condition énoncée au deuxième alinéa, point d), dans des cas dûment justifiés lorsque les producteurs membres possèdent deux unités de production distinctes situées dans des aires géographiques différentes.

ter.      Aux fins du présent article, les références aux [OP] incluent également les associations d’[OP] reconnues en vertu de l’article 156, paragraphe 1, si lesdites associations remplissent les exigences prévues au paragraphe 1 du présent article. »

9        L’article 153 de ce règlement, intitulé « Statuts des organisations de producteurs », dispose :

« 1.      Les statuts d’une [OP] exigent en particulier de ses membres de :

a)      appliquer les règles adoptées par l’[OP] en matière d’information sur la production, de production, de commercialisation et de protection de l’environnement ;

b)      n’être membres que d’une seule [OP] pour un produit donné de l’exploitation ; toutefois, les États membres peuvent déroger à cette condition dans des cas dûment justifiés lorsque les producteurs membres d’une organisation possèdent deux unités de production distinctes situées dans des aires géographiques différentes ;

c)      fournir les informations demandées par l’[OP] à des fins statistiques.

2.      Les statuts d’une [OP] comportent également des dispositions concernant :

[...]

c)      les règles permettant aux producteurs membres d’une organisation de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière ;

[...] »

10      L’article 206 dudit règlement, intitulé « Lignes directrices de la Commission sur l’application des règles de concurrence à l’agriculture », dispose, à son premier alinéa :

« Sauf si le présent règlement en dispose autrement et conformément à l’article 42 [TFUE], les articles 101 à 106 [TFUE] et leurs modalités d’exécution s’appliquent, sous réserve des articles 207 à 210 du présent règlement, à l’ensemble des accords, décisions et pratiques visés à l’article 101, paragraphe 1, et à l’article 102 [TFUE] se rapportant à la production ou au commerce des produits agricoles. »

11      L’article 209 du même règlement, intitulé « Exceptions concernant les objectifs de la PAC, les agriculteurs et leurs associations », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’article 101, paragraphe 1, [TFUE] ne s’applique pas aux accords, décisions et pratiques visés à l’article 206 du présent règlement qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 39 [TFUE].

L’article 101, paragraphe 1, [TFUE] ne s’applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées des agriculteurs, associations d’agriculteurs ou associations de ces associations, ou des [OP] reconnues au titre de l’article 152 ou de l’article 161 du présent règlement, ou des associations d’[OP] reconnues au titre de l’article 156 du présent règlement, dans la mesure où ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l’utilisation d’installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que les objectifs énoncés à l’article 39 [TFUE] soient menacés.

Le présent paragraphe ne s’applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées qui comportent une obligation de pratiquer un prix déterminé ou en vertu desquels la concurrence est exclue. »

 Le règlement 2017/2393

12      Le considérant 52 du règlement 2017/2393 se lit ainsi :

« Les [OP] et leurs associations peuvent jouer un rôle appréciable pour concentrer l’offre, améliorer la commercialisation, la planification et l’adaptation de la production à la demande, optimiser les coûts de production et stabiliser les prix à la production, réaliser des recherches, promouvoir les bonnes pratiques et fournir une aide technique, assurer la gestion des sous-produits et des instruments de gestion du risque dont disposent leurs membres, contribuant ainsi au renforcement de la position qu’occupent les producteurs dans la chaîne alimentaire. Leurs activités, y compris les négociations contractuelles concernant l’offre de produits agricoles par ces [OP] et leurs associations lorsqu’elles concentrent l’offre et mettent les produits de leurs membres sur le marché, contribuent donc à la réalisation des objectifs de la [politique agricole commune (PAC)] énoncés à l’article 39 [TFUE], puisqu’elles renforcent la position qu’occupent les agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et peuvent contribuer à un meilleur fonctionnement de celle-ci. La réforme de la PAC, en 2013, a accentué le rôle des [OP]. Par dérogation à l’article 101 [TFUE], il convient dès lors de réglementer explicitement la possibilité d’exercer des activités telles que la planification de la production, l’optimisation des coûts, la mise sur le marché des produits des membres producteurs et la conduite des négociations contractuelles en tant que droit des [OP] reconnues dans tous les secteurs pour lesquels le règlement [no 1308/2013] établit une organisation commune des marchés. Cette dérogation ne devrait concerner que les [OP] qui exercent réellement une activité visant l’intégration économique et qui concentrent l’offre et mettent sur le marché les produits de leurs membres. Cependant, outre l’application de l’article 102 [TFUE] à ces [OP], il y a lieu de mettre en place des garde-fous pour veiller à ce que ces activités n’excluent pas la concurrence ou ne menacent pas les objectifs énoncés à l’article 39 [TFUE]. [...] »

 Le droit français

13      En vertu de l’article L. 551-1 du code rural et de la pêche maritime, « [l]’autorité administrative reconnaît les [OP] et les associations d’[OP] dans les secteurs couverts par le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles dans les conditions prévues par celui-ci ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Par arrêté du 20 décembre 2019, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a reconnu la SICA en qualité d’OP, dans le secteur du sucre, pour la betterave sucrière.

15      Par requête déposée devant la juridiction de renvoi, le Conseil d’État (France), Saint-Louis Sucre, une société qui produit du sucre à partir de betteraves sucrières, a demandé l’annulation de l’arrêté du 20 décembre 2019. Au soutien de sa demande, Saint-Louis Sucre soulève, notamment, deux moyens tirés de la violation, respectivement, de l’article 153, paragraphe 1, sous b), et de l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013.

16      À l’appui du moyen tiré de la violation de l’article 153, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, Saint-Louis Sucre fait valoir que la Confédération générale des planteurs de betteraves Eure (ci-après la « CGB Eure »), la Confédération générale des planteurs de betteraves Île-de-France (ci-après la « CGB Île-de-France ») et la société Naples Investissement, qui ne sont pas des producteurs, sont membres à la fois de la SICA et de la SICA Roye-Déshydratation, cette dernière étant également une OP reconnue au moment de l’adoption de l’arrêté du 20 décembre 2019. Ce fait aurait dû conduire le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation à rejeter la demande de reconnaissance de la SICA sur le fondement de l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013.

17      La juridiction de renvoi estime que l’appréciation de ce moyen dépend de la réponse à la question de savoir si cette dernière disposition, qui requiert que les membres d’une OP ne soient membres que d’une seule OP pour un produit donné de l’exploitation, doit être interprétée en ce sens que cette interdiction de cumul s’applique uniquement aux membres producteurs ou si elle vaut pour l’ensemble des membres d’une OP, y compris les membres non-producteurs.

18      À l’appui du moyen tiré de la violation de l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013, Saint-Louis Sucre soutient que l’arrêté du 20 décembre 2019 a été pris en méconnaissance de cette disposition, dès lors que les producteurs membres de la SICA ne sont pas en mesure de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions qu’elle prend.

19      En particulier, Saint-Louis Sucre fait valoir que la Confédération générale des planteurs de betteraves (ci-après la « CGB ») détient la quasi-totalité du capital de Naples Investissement et contrôle de fait la CGB Eure ainsi que la CGB Île-de-France. Compte tenu du fait que Naples Investissement, la CGB Eure et la CGB Île-de-France détiennent, respectivement, 8,7 %, 15,1 % et 7,6 % du capital de la SICA, la CGB contrôlerait, par le biais de ces trois entités, qui seraient tenues d’appliquer ses directives, 31,4 % au total de ce capital. Selon Saint-Louis Sucre, cette circonstance est constitutive d’un contournement des statuts de la SICA, qui limiteraient à 10 % la part de voix de chacun de ses membres à l’assemblée générale, et témoigne d’une méconnaissance du principe de contrôle démocratique de la SICA par ses membres producteurs. De surcroît, Saint-Louis Sucre fait valoir que, sur treize administrateurs de la SICA, trois représentent, respectivement, la CGB Eure, la CGB Île-de-France et Naples Investissement et six autres sont des producteurs, membres de la CGB, qui y exercent des responsabilités importantes. Saint-Louis Sucre ajoute que la méconnaissance du principe établi par l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 est aggravée par la circonstance que le directeur de la SICA et une partie des moyens de celle-ci sont mis à sa disposition par la CGB.

20      La juridiction de renvoi estime que, en vue de répondre à ce moyen pris de la violation de l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013, il convient de déterminer si, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation concernée, il y a lieu d’examiner uniquement si le capital de certains d’entre eux est en réalité détenu par une même personne physique ou morale, ou s’il y a lieu de prendre également en considération d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération. La juridiction de renvoi considère, par ailleurs, que le bien-fondé de ce moyen dépend aussi de la question de savoir s’il suffit, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’OP par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix au sein de l’assemblée générale ou s’il convient encore d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou de plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’OP.

21      Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La règle énoncée par [l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013], selon laquelle les statuts d’une [OP] exigent de ses membres de “n’être membres que d’une seule [OP] pour un produit donné de l’exploitation”, doit-elle être interprétée comme valant uniquement pour les membres producteurs ?

2)      Pour s’assurer du respect du principe prévu par [l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013], selon lequel les producteurs membres d’une [OP] doivent contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière :

–        y a-t-il lieu, pour apprécier l’indépendance des membres de l’organisation, de tenir compte exclusivement de la détention de leur capital par une même personne physique ou morale, ou également d’autres liens tels que, pour des membres non-producteurs, l’affiliation à une même confédération syndicale, ou, pour des membres producteurs, l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ?

–        suffit-il, pour conclure à la réalité du contrôle exercé sur l’organisation par ses membres producteurs, que ces derniers disposent de la majorité des voix, ou convient-il d’examiner si, compte tenu de la répartition des voix entre membres réellement indépendants, la part de voix d’un ou plusieurs membres non-producteurs les met en mesure, même sans majorité, de contrôler les décisions prises par l’organisation ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que l’exigence d’appartenance à une seule OP vise exclusivement les membres de celle-ci ayant la qualité de producteurs ou bien l’ensemble de ses membres, tant producteurs que non-producteurs.

23      Il convient de relever, en premier lieu, que l’article 152, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1308/2013 ne s’oppose pas à ce que les États membres reconnaissent des OP comptant parmi leurs membres des personnes physiques ou des entités qui n’ont pas la qualité de producteurs.

24      À cet égard, l’article 152, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1308/2013 dispose, certes, que les OP que les États membres peuvent, sur demande, reconnaître se composent de producteurs relevant de l’un des secteurs énumérés à l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement. Toutefois, lue dans son contexte, cette disposition doit être comprise comme n’excluant pas la possibilité pour les États membres de reconnaître des OP qui ne sont pas composées exclusivement de producteurs.

25      En effet, l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 prévoit que ce sont les « producteurs membres » d’une OP qui doivent contrôler cette dernière et les décisions qu’elle prend. Or, si les OP reconnues ne devaient se composer que de producteurs, cette précision serait superflue, une référence générale aux membres des OP pouvant suffire.

26      Il s’ensuit que le règlement no 1308/2013 ne s’oppose pas à ce que les États membres reconnaissent des OP qui accueillent des non-producteurs en tant que membres, à condition que ce soient les producteurs membres de celles-ci qui, conformément à l’article 153, paragraphe 2, sous c), de ce règlement, contrôlent, de façon démocratique, leur organisation et les décisions qu’elle prend.

27      S’agissant, en second lieu, de la règle d’appartenance à une seule OP édictée à l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013, il convient de constater que, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 44 de ses conclusions, si, selon la plupart des versions linguistiques de la partie introductive de cet article 153, paragraphe 1, notamment les versions en langues espagnole, danoise, allemande, anglaise, néerlandaise, polonaise et portugaise, cette règle vise les « producteurs membres » de l’OP concernée, la version en langue française ne vise toutefois que les « membres ».

28      Or, toutes les versions linguistiques d’un acte de l’Union devant, par principe, se voir reconnaître la même valeur, il importe, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

29      En ce qui concerne l’économie générale du règlement no 1308/2013, son article 3, paragraphe 3, prévoit, notamment, que s’appliquent aux fins de celui-ci les définitions figurant dans le règlement no 1307/2013.

30      Ainsi, la précision figurant à l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013, selon laquelle l’exigence de n’être membre que d’une seule OP vaut « pour un produit donné de l’exploitation », doit être lue à la lumière de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1307/2013 qui définit la notion d’« exploitation » comme l’ensemble des unités utilisées aux fins d’activités agricoles et gérées par un agriculteur qui sont situées sur le territoire d’un même État membre. Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 1, sous c), i), du règlement no 1307/2013 dispose que la notion d’« activité agricole » recouvre, notamment, la production et la culture de produits agricoles. Il en découle que la précision figurant à l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013 a trait à la production de produits agricoles, ce qui indique que l’exigence énoncée à cette disposition concerne seulement les membres de l’OP qui sont des producteurs.

31      Pour ce qui est de la finalité du règlement no 1308/2013, il ressort de son considérant 131, lequel est reflété à l’article 152, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, que les organisations de producteurs et leurs associations peuvent jouer un rôle appréciable pour concentrer l’offre, améliorer la commercialisation, la planification et l’adaptation de la production à la demande, optimiser les coûts de production et stabiliser les prix à la production, réaliser des recherches, promouvoir les meilleures pratiques et fournir une aide technique, assurer la gestion des sous-produits et des instruments de gestion du risque dont disposent leurs membres, contribuant ainsi au renforcement de la position qu’occupent les producteurs dans la chaîne alimentaire.

32      À cet égard, l’exigence de n’être membre que d’une seule OP vise à préserver l’efficacité avec laquelle l’objectif tenant au renforcement de la position des producteurs dans la chaîne alimentaire est réalisé. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 152, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement, les buts poursuivis par les OP y visés, lesquels sont identifiés au considérant 131 dudit règlement comme contribuant à un tel objectif, le sont dans le cadre de l’exercice d’activités qui doivent revêtir un véritable caractère conjoint. Par ailleurs, ainsi qu’en témoigne le considérant 52 du règlement 2017/2393, c’est également dans cette optique de renforcement de la position des producteurs dans la chaîne alimentaire que, en vertu de l’article 152, paragraphe 1 bis, du règlement no 1308/2013, le législateur de l’Union a réglementé explicitement la possibilité pour les OP reconnues, par dérogation à l’article 101 TFUE, de planifier la production, d’optimiser les coûts de production, de mettre sur le marché et de négocier des contrats concernant l’offre de produits agricoles, au nom de ses membres, pour tout ou partie de leur production totale.

33      Or, la participation de producteurs, en tant que membres, à plusieurs OP pour un produit donné de l’exploitation risquerait de maintenir une fragmentation dans l’exercice des activités énumérées à l’article 152, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013. Cela mettrait, en principe, en péril la réalisation efficace de certains buts que peut poursuivre une OP, visés au point c) de la même disposition, tels que la programmation de la production et son adaptation à la demande, la concentration de l’offre et l’optimisation des coûts et, in fine, pourrait faire obstacle à la réalisation de la finalité tenant au renforcement de la position des producteurs dans la chaîne alimentaire ayant, notamment, justifié l’inapplicabilité de l’article 101 TFUE.

34      Ainsi, ce n’est que lorsque les producteurs membres concernés possèdent deux unités de production distinctes situées dans des aires géographiques différentes que les États membres peuvent, conformément à l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013, reconnaître, dans des cas dûment justifiés, une OP en dépit du fait que certains de ses membres producteurs participent également à une autre OP.

35      En revanche, le fait que certains membres d’une OP n’ayant pas la qualité de producteurs participent également à une autre OP ne paraît pas susceptible d’engendrer les effets décrits au point 33 du présent arrêt. À cet égard, la possibilité qu’une telle participation accroisse le risque de coordination anticoncurrentielle entre les OP concernées ne saurait remettre en cause la conclusion à laquelle mène l’interprétation résultant de l’économie générale et de la finalité des dispositions du règlement no 1308/2013 relatives à la reconnaissance des OP.

36      En effet, les missions énoncées à l’article 152, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1308/2013 ne peuvent justifier certaines formes de coordination ou de concertation qu’entre producteurs membres d’une même OP ou entre membres d’une même association d’OP. Il s’ensuit que des accords ou des pratiques concertées convenus, non pas au sein d’une OP ou d’une association d’OP, mais entre des OP ou entre des associations d’OP, excèdent ce qui est nécessaire à l’accomplissement de ces missions. Ainsi, à supposer que, en raison d’une participation de non-producteurs à plus d’une OP, le risque d’une coordination entre ces différentes OP en vue de pratiquer des prix déterminés ou d’exclure la concurrence s’en trouve accru, il n’en demeure pas moins qu’un tel comportement reste interdit par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 209, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2017, APVE e.a., C‑671/15, EU:C:2017:860, points 57 à 59). Il incombe donc aux autorités nationales de concurrence ainsi que, le cas échéant, à la Commission européenne d’exercer leurs compétences en la matière afin de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner ce type de comportement.

37      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que l’exigence d’appartenance à une seule OP vise exclusivement les membres de celle-ci ayant la qualité de producteurs.

 Sur la seconde question

38      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer si les statuts d’une OP comportent des règles permettant aux producteurs membres de celle-ci de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière, il y a lieu, pour l’autorité nationale en charge de la reconnaissance de cette organisation :

–        de considérer qu’une personne contrôle certains membres de l’OP uniquement lorsque cette personne détient une participation dans le capital social desdits membres, ou également lorsque cette personne entretient, avec eux, d’autres types de rapports, tels que, s’agissant de membres non-producteurs, l’affiliation de ceux-ci à une même confédération syndicale ou, s’agissant de membres producteurs, l’exercice, par ceux-ci, des responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ;

–        de se limiter à vérifier que les producteurs membres de l’OP disposent de la majorité des voix au sein de l’assemblée générale de l’organisation ou bien s’il faut encore examiner si, au vu de la répartition des voix entre les membres qui ne sont pas contrôlés par d’autres personnes, un ou plusieurs membres non-producteurs sont susceptibles de contrôler, même sans majorité, les décisions prises par l’OP.

39      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge, par sa seconde question, sur l’interprétation de l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 au regard d’une situation où certains membres d’une OP sont contrôlés par une autre personne et, de ce fait, ne sont pas indépendants.

40      À cet égard, premièrement, le libellé de l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 indique qu’une OP doit être dotée de statuts comportant des règles permettant à ses producteurs membres de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière. Par conséquent, les statuts en question doivent comporter des dispositions permettant d’exclure que le contrôle de l’OP puisse être exercé par des membres de celle-ci qui ne sont pas des producteurs.

41      En ce qui concerne, deuxièmement, le contexte dans lequel s’insère l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013, il y a lieu d’observer qu’il y est fait renvoi à l’article 152, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, au titre des conditions que les OP doivent remplir pour que les États membres puissent, sur demande, les reconnaître. À cet égard, l’article 152, paragraphe 1, sous b) et  c), de ce règlement exige, par ailleurs, que les OP soient constituées à l’initiative des producteurs, et ce en vue d’exercer certaines activités et de poursuivre un but précis que ces dispositions énumèrent. Il en découle que, à l’article 153, paragraphe 2, sous c), dudit règlement, le législateur de l’Union a entendu assurer, au moyen d’une exigence tenant au contrôle, de façon démocratique, de l’OP par ses producteurs membres, que le fonctionnement d’une OP s’effectue dans des conditions qui garantissent que la maîtrise de ses producteurs membres quant aux décisions relatives aux activités et aux buts poursuivis par l’OP perdure.

42      Cette interprétation est corroborée, troisièmement, par la finalité poursuivie par le règlement no 1308/2013. Ainsi qu’il a été rappelé au point 31 du présent arrêt, la constitution d’OP vise à renforcer la position qu’occupent les producteurs dans la chaîne alimentaire.

43      Or, cet objectif serait mis en péril si le processus décisionnel au sein de ces OP permettait de privilégier les intérêts des personnes autres que les membres de celles-ci ayant la qualité de producteurs. Pour pallier un tel risque, il s’impose que, au titre d’un contrôle exercé, de façon démocratique, par les producteurs membres, les membres de l’OP ayant cette qualité détiennent la majorité des voix au sein des organes de l’OP et que les membres non-producteurs ne disposent pas d’autres possibilités de contrôler les décisions de celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 15 juin 1989, Stute Nahrungsmittelwerke, 77/88, EU:C:1989:249, points 12 et 15).

44      S’il ne peut être exclu que l’exigence prévue à l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 puisse emporter des conséquences quant aux modalités de participation de ces producteurs membres eux-mêmes, il y a lieu de rappeler que, eu égard aux circonstances en cause au principal, les interrogations de la juridiction de renvoi ne portent que sur les conditions dans lesquelles il est possible de considérer que la participation d’un ou de plusieurs membres non-producteurs, eu égard aux modalités et à la portée d’une telle participation, méconnaît cette exigence d’un contrôle, de façon démocratique, de l’OP par ses producteurs membres.

45      À cet égard, ainsi que l’a indiqué Mme l’avocate générale aux points 78 et 79 de ses conclusions, il incombe à l’autorité nationale compétente pour se prononcer sur la demande de reconnaissance d’une OP d’examiner tout élément susceptible d’indiquer que les conditions établies par l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 ainsi que celles établies, conformément à cette dernière disposition, par les actes régissant le fonctionnement de l’OP ne sont, en réalité, pas respectées.

46      Dans ce cadre, il incombe à cette autorité nationale, d’une part, d’identifier, dans les actes régissant le fonctionnement de l’OP, tels que ses statuts ou son règlement intérieur, les dispositions qui, le cas échéant en combinaison avec la réglementation nationale applicable, garantissent que l’OP et les décisions qu’elle prend sont contrôlées, de façon démocratique, par les membres producteurs. D’autre part, ladite autorité nationale doit vérifier si, parmi les circonstances de fait et de droit qui entourent la demande de reconnaissance dont elle est saisie, certaines sont de nature à entraîner le contournement des dispositions en question.

47      Ainsi, l’autorité nationale compétente doit notamment examiner le contrôle qu’est susceptible d’exercer une personne, telle une confédération syndicale, sur certains membres de l’OP, producteurs ou non-producteurs. L’existence d’un tel contrôle peut résulter d’une participation de cette personne dans le capital social de certains membres de l’OP, mais également d’autres rapports juridiques, tels que l’affiliation de certaines personnes morales membres de l’OP à une même confédération syndicale ou l’exercice par certaines personnes physiques membres de l’OP de responsabilités de direction au sein de ladite confédération.

48      Si l’autorité nationale constate que certains membres d’une OP sont susceptibles d’être contrôlés par une autre personne, il appartient encore à ladite autorité d’examiner si cette circonstance est de nature à empêcher les producteurs membres de l’OP de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions qu’elle prend.

49      À cet égard, il lui revient d’examiner, d’une part, si le contrôle, par une personne, de certains membres de l’OP qui composent les organes de l’OP est de nature à contraindre ces derniers à se conformer aux directives émanant de cette personne au sein des organes en question.

50      D’autre part, il y a lieu de déterminer si le contrôle ainsi exercé par une personne sur certains membres de l’OP permet à un ou à plusieurs membres non-producteurs d’exercer une influence déterminante au sein de ces organes de l’OP, de sorte que, nonobstant le fait qu’ils ne détiennent pas la majorité des voix, ils soient en mesure de contrôler les décisions prises par cette OP, faisant obstacle de ce fait au contrôle, de façon démocratique, de ladite OP par ses producteurs membres.

51      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer si les statuts d’une OP comportent des règles permettant aux producteurs membres de celle-ci de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière, il y a lieu, pour l’autorité nationale en charge de la reconnaissance de cette organisation :

–         d’examiner si une personne contrôle certains membres de l’OP en tenant compte non seulement du fait que cette personne détient une participation dans le capital social desdits membres, mais également de ce que cette personne entretient, avec eux, d’autres types de rapports, tels que, s’agissant de membres non-producteurs, l’affiliation de ceux-ci à une même confédération syndicale ou, s’agissant de membres producteurs, l’exercice, par ceux-ci, des responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ;

–        après avoir vérifié que les producteurs membres de l’OP disposent de la majorité des voix au sein de l’assemblée générale de l’organisation, il lui faut encore examiner si, au vu de la répartition des voix entre les membres qui ne sont pas contrôlés par d’autres personnes, un ou plusieurs membres non-producteurs sont, en raison d’une influence déterminante qu’ils pourraient de ce fait exercer, susceptibles de contrôler, même sans majorité, les décisions prises par l’OP.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 153, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017,

doit être interprété en ce sens que :

l’exigence d’appartenance à une seule organisation de producteurs vise exclusivement les membres de celle-ci ayant la qualité de producteurs.

2)      L’article 153, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1308/2013, tel que modifié par le règlement 2017/2393,

doit être interprété en ce sens que :

afin de déterminer si les statuts d’une organisation de producteurs comportent des règles permettant aux producteurs membres de celle-ci de contrôler, de façon démocratique, leur organisation et les décisions prises par cette dernière, il y a lieu, pour l’autorité nationale en charge de la reconnaissance de cette organisation :

–        d’examiner si une personne contrôle certains membres de l’organisation de producteurs en tenant compte non seulement du fait que cette personne détient une participation dans le capital social desdits membres, mais également de ce que cette personne entretient, avec eux, d’autres types de rapports, tels que, s’agissant de membres non-producteurs, l’affiliation de ceux-ci à une même confédération syndicale ou, s’agissant de membres producteurs, l’exercice, par ceux-ci, des responsabilités de direction au sein d’une telle confédération ;

–        après avoir vérifié que les producteurs membres de l’organisation de producteurs disposent de la majorité des voix au sein de l’assemblée générale de l’organisation, il lui faut encore examiner si, au vu de la répartition des voix entre les membres qui ne sont pas contrôlés par d’autres personnes, un ou plusieurs membres non-producteurs sont, en raison d’une influence déterminante qu’ils pourraient de ce fait exercer, susceptibles de contrôler, même sans majorité, les décisions prises par l’organisation de producteurs.

Regan

Gratsias

Ilešič

Jarukaitis

 

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

E. Regan


*      Langue de procédure : le français.