Language of document : ECLI:EU:T:2016:342

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

9 juin 2016 (*)

« Inexécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement d’État – Astreinte – Décision de liquidation de l’astreinte – Méthode de calcul des intérêts applicable à la récupération d’aides illégales – Intérêts composés »

Dans l’affaire T‑122/14,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, G. Conte et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 8681 final de la Commission, du 6 décembre 2013, par laquelle, en exécution de l’arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (C‑496/09, EU:C:2011:740), la Commission a fixé le montant de l’astreinte dû par la République italienne pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 janvier 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Décision relative à des aides illégales et incompatibles (décision de récupération)

1        Par la décision 2000/128/CE, du 11 mai 1999, concernant les régimes d’aide mis à exécution par l’Italie portant mesures pour l’emploi (JO 2000, L 42, p. 1, ci-après la « décision de récupération »), la Commission européenne a ordonné à la République italienne de procéder à la récupération d’aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur octroyées dans le cadre de mesures pour l’emploi. Par note SG(99) D/4068, du 4 juin 1999, la Commission a notifié la décision de récupération à la République italienne.

2        Le recours formé par la République italienne contre la décision de récupération a été rejeté par arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission (C‑310/99, EU:C:2002:143).

 Action et arrêt en manquement

3        Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 mars 2002, la Commission a introduit, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, un recours ayant pour objet de faire constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides qui, aux termes de la décision litigieuse, avaient été jugées illégales et incompatibles avec le marché commun et, en tout état de cause, en ayant omis de l’informer des mesures prises, la République italienne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la décision de récupération ainsi que du traité CE.

4        Par arrêt du 1er avril 2004, Commission/Italie (C‑99/02, ci‑après l’« arrêt en manquement », EU:C:2004:207), la Cour a accueilli le recours de la Commission et a jugé que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides qui, aux termes de la décision de récupération, avaient été jugées illégales et incompatibles avec le marché intérieur, la République italienne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la décision de récupération.

 Nouvelle action et arrêt à exécuter

5        Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 2009, la Commission a demandé à la Cour, d’une part, de déclarer que, en n’ayant pas adopté toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt en manquement, la République italienne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la décision de récupération et de l’article 228, paragraphe 1, CE et, d’autre part, d’ordonner à la République italienne de verser à la Commission une astreinte journalière d’un montant initialement fixé à 285 696 euros, réduit par la suite à 244 800 euros, pour le retard dans l’exécution de l’arrêt en manquement, à compter du prononcé de l’arrêt dans cette nouvelle affaire et jusqu’à l’exécution de l’arrêt en manquement.

6        Par arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie (C‑496/09, ci-après l’« arrêt à exécuter », EU:C:2011:740), la Cour a accueilli le recours de la Commission.

7        Dans l’arrêt à exécuter, la Cour a formulé les appréciations suivantes :

« 52. [… I]l convient d’imposer à la République italienne le paiement périodique d’une somme calculée en multipliant un montant de base par le pourcentage des aides illégales dont la récupération n’a pas encore été effectuée ou n’a pas été prouvée par rapport à la totalité des montants non encore récupérés à la date du prononcé du présent arrêt […]

53. À cet égard, pour le calcul de l’astreinte[,] la récupération desdites aides ne saurait être prise en compte qu’à la seule condition que la Commission en ait été informée et ait pu apprécier le caractère approprié de la preuve lui ayant ainsi été communiquée à cet égard […]

54. Dès lors, il convient de fixer la périodicité de l’astreinte en la déterminant sur une base semestrielle afin de permettre à la Commission d’apprécier l’état d’avancement des opérations de récupération eu égard à la situation prévalant à l’issue de la période en question, tout en permettant à l’État membre défendeur de disposer du temps nécessaire pour la réunion et la transmission à la Commission des éléments de nature à établir, pour la période considérée, la récupération des sommes indûment versées.

55. En conséquence, la quantification de l’astreinte sera effectuée sur une base semestrielle et son montant calculé en multipliant un montant de base par le pourcentage des aides illégales dont la récupération n’a pas encore été effectuée ou n’a pas été prouvée à l’issue de la période concernée par rapport à la totalité des montants non encore récupérés à la date du prononcé du présent arrêt.

[…]

67. [… L]a Cour considère que, en l’espèce, l’imposition d’une astreinte d’un montant de base de 30 millions d’euros par semestre est appropriée.

68. En conséquence, il convient de condamner la République italienne à payer à la Commission, sur le compte “Ressources propres de l’Union européenne”, une astreinte d’un montant correspondant à la multiplication du montant de base de 30 millions d’euros par le pourcentage des aides illégales incompatibles dont la récupération n’a pas encore été effectuée ou n’a pas été prouvée à l’issue de la période concernée, calculé par rapport à la totalité des montants non encore récupérés à la date du prononcé du présent arrêt, et ce par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt [en manquement (EU:C:2004:207)], à compter du présent arrêt et jusqu’à l’exécution dudit arrêt [en manquement (EU:C:2004:207)].

[…]

69. Il importe de rappeler […] qu’il appartient à l’État membre concerné d’apporter la preuve directe et fiable à la Commission de la mise en œuvre de la décision [de récupération] et de la récupération effective des montants des aides illégales en cause.

[…]

72. S’agissant des hypothèses dans lesquelles les aides en cause doivent être récupérées auprès d’entreprises en état de faillite ou soumises à une procédure de faillite dont l’objet est de procéder à la réalisation de l’actif et à l’apurement du passif, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le fait que des entreprises soient en difficulté ou en faillite n’affecte pas l’obligation de récupération […]

73. Selon une jurisprudence également constante, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées […]

74. Aux fins du calcul de l’astreinte dans le présent litige, il incombe donc à la République italienne d’apporter à la Commission la preuve de l’enregistrement des créances en cause dans le cadre de la procédure de faillite. À défaut de pouvoir y parvenir, il appartient à cet État membre de faire état de tout élément de nature à établir qu’il a effectué toute diligence nécessaire à cet effet. En particulier, dans le cas où la demande d’enregistrement d’une créance aurait été rejetée, il lui revient d’apporter la preuve qu’il a engagé, en application du droit national, toute procédure de nature à contester ledit refus.

75. En conséquence, et contrairement aux allégations de la Commission, il ne saurait être mis à la charge de la République italienne, aux fins du calcul de l’astreinte dans le présent litige et s’agissant des entreprises en état de faillite ou soumises à des procédures de faillite, l’obligation d’apporter la preuve non seulement de l’inscription des créances au passif, mais également de la vente de leurs actifs aux conditions du marché. Ainsi que le fait valoir à bon droit cet État membre, ne doivent pas être prises en compte, aux fins de faire droit à la demande de la Commission portant sur le paiement des astreintes dues en exécution du présent arrêt, des sommes non encore recouvrées auprès d’entreprises tombées en faillite, mais pour le recouvrement desquelles ledit État membre a procédé à toutes les diligences nécessaires. Dans le cas contraire, ladite astreinte perdrait son caractère adapté et proportionné au manquement constaté […] en faisant peser sur la République italienne une charge pécuniaire découlant de la nature même de la procédure de faillite ainsi que de la durée incompressible de celle-ci et sur laquelle cet État membre n’a pas de prise directe. »

8        Au terme de son appréciation, la Cour a, d’une part, jugé que, en n’ayant pas pris, à la date à laquelle avait expiré le délai imparti dans l’avis motivé émis le 1er février 2008 par la Commission en application de l’article 228 CE, toutes les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt en manquement, la République italienne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la décision de récupération et de l’article 228, paragraphe 1, CE (arrêt à exécuter, point 1 du dispositif).

9        D’autre part, au point 2 du dispositif de l’arrêt à exécuter, la Cour a jugé que la République italienne était condamnée à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne », une astreinte d’un montant correspondant à la multiplication du montant de base de 30 millions d’euros par le pourcentage des aides illégales incompatibles « dont la récupération n’a[vait] pas encore été effectuée ou n’a[vait] pas été prouvée à l’issue de la période concernée » (ci-après le « montant des aides non encore récupérées »), calculé par rapport à la totalité des « montants non encore récupérés à la date du prononcé d[e l’]arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740)] » (ci-après le « montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 »), et ce par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt en manquement, à compter de l’arrêt à exécuter, et jusqu’à l’exécution de l’arrêt en manquement.

 Demande en interprétation et ordonnance en interprétation

10      Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 février 2013, la République italienne a, en vertu de l’article 43 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 158 du règlement de procédure de la Cour, introduit une demande en interprétation des points 52, 55 et 68 des motifs ainsi que du point 2 du dispositif de l’arrêt à exécuter.

11      Dans la requête déposée au greffe de la Cour le 14 février 2013, la République italienne a ainsi demandé à la Cour d’interpréter, d’une part, l’expression « montants non encore récupérés à la date du prononcé d[e] [l’]arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740)] », figurant aux points 52, 55 et 68 des motifs et au point 2 du dispositif de cet arrêt, en ce sens qu’elle vise les montants non encore récupérés à la date à laquelle s’est terminée, lors de la procédure, la phase d’administration des éléments de preuve, à savoir au moment de la cristallisation de la situation de fait procédurale sur la base de laquelle la Cour a tranché le litige, et, d’autre part, l’expression « dont la récupération n’a pas encore été effectuée ou n’a pas été prouvée à l’issue de la période concernée », employée aux points 52, 55 et 68 des motifs et au point 2 du dispositif du même arrêt, en ce sens qu’elle impose à la Commission de tenir compte, aux fins de l’évaluation semestrielle des progrès réalisés par la République italienne dans la récupération des aides concernées, non seulement des documents relatifs à ce semestre portés à la connaissance de la Commission avant l’expiration dudit semestre, mais aussi de tout document relatif au semestre de référence.

12      Par ordonnance du 11 juillet 2013, Commission/Italie (C‑496/09 INT, ci-après l’« ordonnance en interprétation », EU:C:2013:461), la Cour a rejeté la demande en interprétation de la République italienne comme étant irrecevable.

13      La Cour a en effet considéré que « force [étai]t de constater que le dispositif de l’arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740)], conformément à la motivation retenue à ses points 52, 55 et 68, vis[ait] expressément la date du prononcé dudit arrêt comme date de référence pour la détermination du montant total des aides non encore récupérées […] appelé à servir de base de calcul pour l’astreinte dégressive à laquelle cet État membre a[vait] été condamné » (ordonnance en interprétation, point 9).

14      De même, la Cour a considéré qu’« il [étai]t constant qu’une lecture strictement littérale du dispositif de l’arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740) étai]t de nature à fonder la prise en compte par la Commission, aux fins du calcul du pourcentage des aides devant être considérées comme non récupérées à l’issue d’un semestre déterminé, des seules preuves documentaires […] lui parv[e]n[a]nt avant l’expiration de la période concernée » (ordonnance en interprétation, point 10).

15      La Cour a jugé que « la demande de la République italienne tend[ait] à remettre en cause les conséquences d’une telle lecture strictement littérale du dispositif de l’arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740)], une telle remise en cause ne [pouvan]t se concilier ni avec [l’article] 43 du statut de la Cour et [l’article] 158, paragraphe 1, du règlement de procédure [de la Cour], ni avec la force de chose définitivement jugée attachée aux arrêts de la Cour » (ordonnance en interprétation, point 11).

16      Ainsi, « [n]’étant fondée sur aucune difficulté quant au sens et à la portée de l’arrêt [à exécuter (EU:C:2011:740)], [la] demande d[eva]it donc être déclarée irrecevable » (ordonnance en interprétation, point 12).

 Première décision et arrêt sur la première astreinte

17      Le 11 mars 2013, la République italienne s’est vu notifier la décision C(2013) 1264 final de la Commission, du 7 mars 2013, lui ordonnant de verser sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne » la somme de 16 533 000 euros à titre d’astreinte pour le premier semestre suivant l’arrêt à exécuter.

18      Le 21 mai 2013, la République italienne a saisi le Tribunal d’un recours en vertu de l’article 263 TFUE contre cette décision (affaire T‑268/13).

19      Par arrêt du 21 octobre 2014, Italie/Commission (T‑268/13, ci‑après l’« arrêt sur la première astreinte », non publié, EU:T:2014:900), le Tribunal a rejeté le recours de la République italienne.

 Deuxième décision sur le montant de l’astreinte (décision attaquée)

20      Après avoir donné aux autorités italiennes la possibilité de présenter des observations sur ses évaluations préliminaires, la Commission a adopté la décision C(2013) 8681 final, du 6 décembre 2013, par laquelle, en exécution de l’arrêt à exécuter, la Commission a fixé le montant de l’astreinte dû par la République italienne pour le second semestre suivant cet arrêt (ci-après la « décision attaquée »).

21      Dans la décision attaquée, la Commission a notamment évalué les progrès accomplis par la République italienne en ce qui concernait le recouvrement des aides au cours de la période considérée (du 17 mai au 17 novembre 2012) et a établi que les aides restant à recouvrer au 17 novembre 2012 représentaient 20,84 % des aides qui restaient à récupérer à la date de l’arrêt à exécuter. Sur ce fondement, la Commission a infligé à la République italienne une astreinte égale à 20,84 % du montant de base de 30 millions d’euros, à savoir 6 252 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2014, la République italienne a introduit le présent recours.

23      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé plusieurs questions aux parties et a demandé la production de plusieurs pièces relatives à l’affaire.

24      Premièrement, le Tribunal a invité la République italienne à préciser si, à la suite de l’arrêt sur la première astreinte, par lequel il a rejeté un moyen analogue au premier moyen invoqué dans la présente affaire, elle maintenait ce premier moyen.

25      Dans le délai imparti, la République italienne a indiqué au Tribunal qu’elle se désistait du premier moyen du recours, ce dont le Tribunal a pris acte.

26      Deuxièmement, le Tribunal a invité les parties à préciser en quoi l’application d’intérêts composés dans la présente affaire a pu avoir une incidence sur le montant de l’astreinte qui fait l’objet de la décision attaquée. Dans l’affirmative, la Commission était priée de donner plus de détails sur sa thèse selon laquelle le deuxième moyen invoqué dans la présente affaire devrait être déclaré irrecevable ou inopérant, le Tribunal n’ayant pas à se prononcer sur la légalité de la prise en compte des intérêts composés.

27      Les parties ont communiqué au Tribunal leurs réponses à cette question dans le délai imparti.

28      Troisièmement, le Tribunal a invité les parties à lui faire part de leurs observations sur l’incidence que pourrait avoir l’arrêt du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537), sur la réponse à apporter au deuxième moyen.

29      Les parties ont communiqué au Tribunal leurs réponses à cette question dans le délai imparti.

30      Quatrièmement, le Tribunal a prié la Commission de lui communiquer les documents qui lui permettaient d’affirmer, en substance, que la République italienne avait accepté de déroger à la règle prévue par les articles 1282 et 1283 du Codice civile (code civil italien) pour ce qui concerne l’application d’intérêts composés à la récupération de l’aide d’État litigieuse (voir, notamment, décision attaquée, points 29 et 32), et cela pour toute la période considérée.

31      La Commission a communiqué au Tribunal les documents demandés dans le délai imparti, lesquels ont également été communiqués à la République italienne. Ces documents sont les suivants :

–        une lettre de la Commission à la République italienne en date du 12 juin 2013, laquelle comportait une évaluation préliminaire sur l’état d’avancement de la récupération effectuée pendant le second semestre postérieur à l’arrêt à exécuter ;

–        une lettre de la Commission à la République italienne en date du 31 octobre 2003, laquelle rappelait que, « pour le calcul du montant du remboursement, il conv[enait] de prendre en considération les intérêts composés conformément à la communication de la Commission sur les taux d’intérêts applicables en cas de récupération d’aides illégales […] » ;

–        une lettre de la Commission à la République italienne en date du 29 janvier 2004, laquelle rappelait également que les intérêts composés devaient être pris en considération pour le calcul du montant de remboursement conformément à la communication de la Commission sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales (JO 2003, C 110, p. 21) ;

–        une lettre de la République italienne à la Commission en date du 17 janvier 2005, laquelle comportait en annexe une note transmettant à la Commission les chiffres concernant les aides illégales en précisant que « les intérêts [avaient] été calculés sur une base composée, comme indiqué par les services de la Commission, en se fondant sur le taux de référence mis en œuvre dans les conditions figurant sur le site Internet de l’Union européenne ».

32      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

34      À ce stade, la République italienne invoque un seul moyen au soutien de son recours (voir points 24 et 25 ci-dessus). Elle fait valoir que la décision attaquée viole la réglementation applicable en ce que, pour définir le montant de l’astreinte, la Commission a exigé la prise en compte d’intérêts composés sur le montant des aides à récupérer. Or, selon la jurisprudence, pour les décisions de récupération qui précèdent la date d’entrée en vigueur du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 2004, L 140, p. 1), tel que rectifié (JO 2004, L 286, p. 3), des intérêts composés ne pourraient être pris en compte que si cela correspond au régime normalement appliqué en droit national. Tel ne serait pas le cas en l’espèce en application de l’article 1283 du code civil italien, aux termes duquel les intérêts échus ne produisent pas automatiquement des intérêts.

35      La Commission fait valoir que ce moyen doit être déclaré irrecevable ou inopérant, ou, en tout état de cause, qu’il doit être rejeté comme dénué de fondement. À titre liminaire, la Commission soutient que le calcul de l’astreinte effectué dans la décision attaquée n’a pas été influencé par la demande qui est faite au point 34 de la décision attaquée, dans un obiter dictum, de tenir compte des intérêts composés sur les aides illégales. En effet, cette invitation ne modifierait pas le montant de l’astreinte déterminé par la Commission qui aurait seulement pris en compte les données fournies auparavant par les autorités italiennes. Par ailleurs, la République italienne ne saurait contester la demande relative à la prise en compte des intérêts composés faite à ce moment-là de la procédure administrative, dès lors que la Cour se serait référée à des données fournies par l’Italie qui prenaient en considération des intérêts composés quand elle a déterminé le montant de base de l’astreinte dans l’arrêt à exécuter (point 64). La prise en compte des intérêts composés serait donc non seulement légale au vu des critères énoncés par la réglementation de l’Union européenne relative à la récupération des aides et de l’accord intervenu entre les parties à ce propos, mais bénéficierait également de l’autorité de chose jugée qui s’attache à l’arrêt à exécuter.

 Observations liminaires

 Cadre juridique

–       Règlement no 659/1999

36      L’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), intitulé « Récupération de l’aide », dispose aux paragraphes 2 et 3 :

« 2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. […] la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission […] »

–       Communication de la Commission sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales

37      La communication de la Commission sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 8 mai 2003 (JO 2003, C 110, p. 21) énonce :

« [...]

Dans le cadre du processus de collaboration loyale ayant lieu entre la Commission et les États membres lors de l’exécution de certaines décisions de récupération, la question s’est toutefois posée de savoir si ces intérêts devaient être simples ou composés [...] Compte tenu de l’objectif de récupération des aides illégales et de son importance dans le système de contrôle des aides d’État prévu dans le traité CE, la Commission juge urgent de clarifier sa position à cet égard.

[...]

Selon les pratiques du marché, des intérêts simples sont normalement calculés lorsque le bénéficiaire des fonds n’a pas l’usage du montant de ces intérêts avant la fin de la période considérée, par exemple lorsque le montant en question n’est versé qu’au terme de cette période ; en revanche, des intérêts composés sont normalement calculés si on peut considérer que, chaque année (ou période), le montant des intérêts est payé au bénéficiaire, augmentant d’autant le capital qu’il a initialement perçu. Dans ce cas, en effet, il touche des intérêts sur les intérêts versés pour chaque période.

[...] Il apparaît par conséquent, en dépit de la variété des situations possibles, qu’une aide illégale a pour effet de fournir des fonds au bénéficiaire selon les mêmes conditions qu’un prêt à moyen terme ne portant pas d’intérêts. Il en résulte que l’application d’intérêts composés semble nécessaire pour garantir la neutralisation totale des avantages financiers découlant d’une telle situation.

La Commission souhaite donc informer les États membres et les parties intéressées que, dans toute décision ordonnant la récupération d’une aide illégale qu’elle pourra adopter à l’avenir, elle appliquera le taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention net des aides régionales sur une base composée. Conformément aux pratiques usuelles du marché, cette composition devra se faire sur une base annuelle. De la même manière, la Commission attendra des États membres qu’ils appliquent des intérêts composés lors de l’exécution de toute décision de récupération en instance, à moins que ce ne soit contraire à un principe général du droit [de l’Union]. »

–       Règlement no 794/2004

38      Les articles 9 et 11 du règlement no 794/2004, figurant au chapitre V de celui-ci, portent sur le taux d’intérêt applicable à la récupération d’aides illégales.

39      Intitulé « Méthode de fixation du taux d’intérêt », l’article 9 dudit règlement dispose au paragraphe 1 :

« 1. Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité est un taux en pourcentage annuel fixé par année civile. »

40      Intitulé « Méthode d’application de l’intérêt », l’article 11 du règlement no 794/2004 énonce à son paragraphe 2 :

« Le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide. Les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. »

41      L’article 13, premier alinéa, du règlement no 794/2004, qui figure au chapitre VI, intitulé « Dispositions finales », prévoit que ce règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Ce règlement ayant été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 30 avril 2004, il est entré en vigueur le 20 mai 2004. Par ailleurs, selon l’article 13, cinquième alinéa, dudit règlement, l’article 11 de ce dernier est applicable à toute décision de récupération notifiée après la date d’entrée en vigueur de ce même règlement.

–       Décision de récupération

42      Le 11 mai 1999, la Commission a adopté la décision de récupération, laquelle a été notifiée à la République italienne le 4 juin 1999 (voir point 1 ci-dessus). Aux articles 1er et 2 de cette décision, la Commission a constaté que certaines mesures pour l’emploi mises à exécution par la République italienne, qui ne remplissaient pas les conditions énoncées par ces articles, étaient incompatibles avec le marché intérieur. Aux termes de l’article 3 de la décision de récupération :

« L’Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides ne remplissant pas les conditions énoncées aux articles 1er et 2 déjà illégalement accordées.

La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale. »

–       Droit italien

43      L’article 1283 du code civil italien dispose :

« En l’absence d’usages contraires, les intérêts échus ne peuvent produire d’intérêts qu’à compter du jour de la demande en justice ou en vertu d’une convention postérieure à leur échéance, et pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus pour six mois au moins. »

44      À la différence de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537, points 13 et 14), aucune autre disposition du droit italien n’a été invoquée par l’une ou l’autre des parties en tant que disposition applicable à la présente affaire.

 Éléments relatifs à la définition du montant de l’astreinte

45      Le 17 novembre 2011, dans l’arrêt à exécuter, la Cour a condamné la République italienne à payer une « astreinte […] par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt [en manquement (EU:C:2004:207)] ».

46      Au point 2 du dispositif de l’arrêt à exécuter, les éléments relatifs à la définition du montant de l’astreinte sont les suivants :

–        pour chaque semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt en manquement ;

–        l’astreinte correspond à la multiplication du montant de base de 30 millions d’euros ;

–        par le pourcentage du montant des aides non encore récupérées ;

–        calculé par rapport au montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011.

47      Le 7 mars 2013, dans la première décision sur le montant de l’astreinte (voir point 17 ci-dessus et points 3 et 4 de la décision attaquée), la Commission a fixé le montant de l’astreinte dû pour la période allant du 17 novembre 2011 au 17 mai 2012 à 16 533 000 euros en considération des éléments suivants :

–        le montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 a été fixé à 118 175 296 euros ;

–        le montant des aides non encore récupérées au 17 mai 2012 a été fixé à environ 65 130 279 euros, soit 55,11 % de la somme correspondant au montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 ;

–        la multiplication du pourcentage des aides non encore récupérées au 17 mai 2012 (55,11 %) par 30 millions d’euros a permis d’arriver au montant de l’astreinte dû pour la période allant du 17 novembre 2011 au 17 mai 2012, soit 16 533 000 euros.

48      Le 6 décembre 2013, aux points 77 à 79 de la décision attaquée, la Commission a défini le montant de l’astreinte dû pour la période allant du 17 mai au 17 novembre 2012 à 6 252 000 euros en considération des éléments suivants :

–        le montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 a été fixé à 118 175 296 euros ;

–        le montant des aides non encore récupérées au 17 novembre 2012 a été fixé à 24 627 937,21 euros, soit 20,84 % de la somme correspondant au montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 ;

–        la multiplication du pourcentage des aides non encore récupérées au 17 novembre 2012 (20,84 %) par 30 millions d’euros a permis d’arriver au montant de l’astreinte dû pour la période allant du 17 mai au 17 novembre 2012, soit 6 252 000 euros.

49      C’est au vu de ces observations liminaires sur le cadre juridique et les éléments relatifs à la définition du montant de l’astreinte qu’il y a lieu d’apprécier les arguments des parties.

 Appréciation du Tribunal

50      En substance, au titre de ce moyen, la République italienne fait valoir que la décision attaquée doit être annulée en ce que, pour définir le montant de l’astreinte dû pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012, la Commission a illégalement pris en considération des sommes qui intégraient des intérêts composés.

51      À cet égard, premièrement, il s’avère que, pour déterminer le montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011, date du prononcé de l’arrêt à exécuter, les données prises en compte par la Commission intégraient bien des intérêts composés.

52      Ainsi, au point 25 de la décision attaquée, la Commission a relevé que « tous les chiffres indiqués par les autorités italiennes correspond[aient] aux montants des mesures d’aide existant en 2007, à la date à laquelle les ordres de recouvrement officiels [avaient] été émis ». Au point 32 de la décision attaquée, il est précisé à ce propos que, « jusqu’en 2007 les autorités italiennes ont appliqué aux montants des aides existantes des intérêts composés, comme convenu avec les services de la Commission ».

53      De même, en réponse à la deuxième mesure d’organisation de la procédure (voir point 26 ci-dessus), la Commission a indiqué que « les chiffres qui correspond[ai]ent aux montants des aides en vigueur en 2007 avaient été calculés par les autorités italiennes en appliquant des intérêts composés aux aides illégales ».

54      Dans cette réponse, la Commission a rappelé ce qui ressort des points 29 à 33 de la décision attaquée, à savoir que, le 21 mars 2013, les autorités italiennes l’avaient informée que, contrairement à ce qui avait été convenu auparavant, elles avaient arrêté, à partir de 2007, de calculer des intérêts, simples ou composés, et d’appliquer lesdits intérêts aux aides illégales à récupérer. La Commission a également précisé que « les montants dus en 2007 n’ont jamais été actualisés pour tenir compte des intérêts applicables » et que, pour cette raison, elle a invité les autorités italiennes, au point 34 de la décision attaquée, à calculer les intérêts composés sur les aides illégales à partir de 2007.

55      Lors de l’audience, les parties se sont également mises d’accord pour reconnaître que le montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 qui a été pris en compte dans la décision attaquée représente la situation exprimée en valeur 2007 au moment où la Cour a prononcé son arrêt. Les données prises en compte à ce moment-là ont donc été définies au 17 novembre 2011 à partir des données fournies par la République italienne quand elle a envoyé des ordres de recouvrement officiels en 2007. Il n’est pas contesté que ces données intégraient, à tout le moins jusqu’en 2007, des intérêts composés.

56      Compte tenu du fait que le montant des aides à récupérer au 17 novembre 2011 intégrait des intérêts composés, il y a lieu de considérer que le montant de l’astreinte dû pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012, calculé en application de la formule exposée aux points 46 et 48 ci-dessus, a également pris en considération des données qui intégraient des intérêts composés. La décision attaquée clôt, en tant que telle, la procédure de liquidation de l’astreinte due pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012 et fait grief à la République italienne, qui est dès lors recevable à en contester la légalité et à invoquer à cette fin tous moyens de fait et de droit dans les conditions prévues par le règlement de procédure du Tribunal.

57      Deuxièmement, il convient dès lors de déterminer s’il existe une base juridique permettant l’application d’intérêts composés en l’espèce, ce que la République italienne conteste dans la requête.

58      Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement, des intérêts. Cependant, cette dernière disposition ne précise pas si ces intérêts doivent être appliqués sur une base simple ou sur une base composée (arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 26).

59      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, si l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 794/2004 énonce que le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide et que les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante, il y a cependant lieu de constater que cette disposition n’est applicable, conformément à l’article 13, cinquième alinéa, de ce règlement, qu’aux décisions de récupération notifiées après la date d’entrée en vigueur dudit règlement, soit après le 20 mai 2004 (arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 27).

60      Dès lors, étant donné que la décision de récupération, qui a déclaré incompatibles avec le marché intérieur les aides qui font l’objet d’une récupération dans la présente affaire, a été notifiée à la République italienne le 4 juin 1999, soit avant l’entrée en vigueur du règlement no 794/2004, l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement n’est pas, en tant que tel, applicable ratione temporis à cette affaire (voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 28).

61      En second lieu, en ce qui concerne la question de savoir quelle réglementation était applicable avant l’entrée en vigueur du règlement no 794/2004 pour déterminer si les intérêts doivent être simples ou composés, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707, point 46), la Cour a constaté que, à la date de l’adoption de la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, soit le 12 juillet 2000, ni le droit de l’Union ni la jurisprudence de la Cour ou du Tribunal ne précisaient si les intérêts qu’une aide à récupérer doit comprendre devaient être calculés sur une base simple ou sur une base composée. En l’absence de disposition du droit de l’Union en la matière, la Cour a considéré que la pratique de la Commission, détaillée notamment dans sa lettre SG(91) D/4577 aux États membres, du 4 mars 1991, rattachait la question de l’imposition d’intérêts aux modalités procédurales de la récupération et renvoyait, à cet égard, au droit national (arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, EU:C:2008:707, points 82 à 84, et du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 29).

62      Ce n’est que dans sa communication sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales publiée le 8 mai 2003 que la Commission a expressément annoncé qu’elle appliquerait un taux d’intérêt composé dans toute décision ordonnant la récupération d’une aide illégale qu’elle pourrait adopter à l’avenir et qu’elle attendait des États membres qu’ils appliquent des intérêts composés lors de l’exécution de toute décision de récupération (arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, EU:C:2008:707, point 46, et du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 30).

63      S’agissant de la décision de récupération, celle-ci exige, à son article 3, deuxième alinéa, que la récupération de l’aide intervienne conformément aux procédures nationales, que les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective, et que les intérêts soient calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale, sans toutefois apporter d’indication supplémentaire concernant la question de savoir si ces intérêts doivent être appliqués sur une base simple ou sur une base composée (voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 31).

64      Cette décision ayant été notifiée à la République italienne le 4 juin 1999, soit antérieurement au changement de pratique de la Commission annoncé dans sa communication sur les taux d’intérêt applicables en cas de récupération d’aides illégales, il convient de conclure, sur le fondement de la jurisprudence dégagée dans l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707), qu’il revenait au droit national de déterminer si, en l’occurrence, le taux d’intérêt devait être appliqué sur une base simple ou sur une base composée (voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2015, A2A, C‑89/14, EU:C:2015:537, point 32).

65      Sur ce point, comme le fait valoir la République italienne, il ressort distinctement de la jurisprudence initiée par les arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707), et du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537), que, pour les décisions de récupération qui précèdent l’entrée en vigueur du règlement no 794/2004, des intérêts composés ne peuvent être pris en compte que si cela correspond au régime normalement appliqué en droit national.

66      Dès lors, en l’absence de toute autre disposition de droit national invoquée dans la présente affaire, il y a lieu de considérer que la réglementation applicable dans la présente affaire est celle prévue par l’article 1283 du code civil italien, aux termes duquel, selon ce qui en a été exposé par la République italienne sans que cela soit contesté par la Commission, les intérêts échus ne produisent pas automatiquement des intérêts.

67      Il ressort de ce qui précède que, en prenant en considération, pour déterminer le montant de l’astreinte dû pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012, des sommes relatives à des montants d’aides à récupérer qui intégraient des intérêts composés, la Commission a donc commis une erreur de droit.

68      Aucun argument invoqué par la Commission à ce propos n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

69      Premièrement, la Commission se prévaut de l’existence d’un accord intervenu entre les parties en ce qui concerne la prise en compte des intérêts composés. En effet, le point 32 de la décision attaquée fait état d’un accord sur ce point en relevant qu’il avait été convenu « en 2003 et […] en 2004, sur la base du règlement no 794/2004 (voir lettres des services de la Commission des 31 octobre 2003 et 29 janvier 2004, suivies de la lettre des autorités italiennes du 17 janvier 2005) ».

70      Toutefois, à la lecture des documents cités dans la décision attaquée qui ont été produits en réponse à la quatrième mesure d’organisation de la procédure (voir point 31 ci-dessus), force est de constater que, si la République italienne a pris en compte des intérêts composés, c’est à la demande expresse de la Commission, formulée dans une lettre en date du 31 octobre 2003 qui invoquait comme base juridique des dispositions du droit de l’Union. Dans ces circonstances, ce qui est présenté comme un accord intervenu entre les parties par la Commission s’analyse plutôt comme un simple acte d’adhésion de la part du destinataire de la lettre de la Commission en considération de dispositions dont il s’est avéré qu’elles n’étaient pas applicables. En effet, la demande formulée par la Commission précède le prononcé des arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707), et du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537), dont il ressort que le droit applicable à la décision de récupération ici en cause pour ce qui est de la détermination de la méthode d’application des intérêts est le droit national et non le droit de l’Union.

71      Dans de telles circonstances, la décision de récupération ayant été notifiée à la République italienne le 4 juin 1999, la demande formulée par la Commission au regard du droit de l’Union ne peut avoir eu pour effet de remettre en cause la portée de la réglementation nationale applicable. Admettre qu’il en soit ainsi reviendrait à porter atteinte au principe de protection de la confiance légitime et serait contraire aux solutions dégagées par la Cour dans les arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707), et du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537).

72      Deuxièmement, dans ses mémoires et dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure, la Commission se réfère au point 64 de l’arrêt à exécuter, pour faire valoir que la Cour se serait explicitement fondée sur des données intégrant des intérêts composés fournies par les autorités italiennes et élaborées en accord avec la Commission.

73      À cet égard, il convient de souligner que, audit point, la Cour a indiqué, d’une part, que « [comme] cela ressort[ait] des débats lors de l’audience [du 12 mai 2011], il [devait] être relevé que la République italienne et la Commission s’accord[ai]ent sur le montant total des aides distribuées, lequel [s’élevait] à 251 271 032,37 euros » et, d’autre part, que « [la Commission] admet[tait] que des aides d’un montant cumulé de 63 062 555 euros [devaient] être considérées comme ayant été récupérées » (arrêt à exécuter, point 64).

74      Ces observations ont permis à la Cour de prendre note de l’évolution intervenue lors de l’audience dans l’argumentation des parties. Initialement, en effet, « la Commission […] estim[ait] que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la République italienne n’avait pas récupéré la totalité du montant des aides versées illégalement, à savoir 519 958 761,97 euros […] », alors que « [l]a République italienne contest[ait] le montant total des sommes à récupérer, en le fixant à 251 271 032,37 euros, tout en admettant que, au mois de juillet 2010, elle avait obtenu le remboursement de 63 062 555,46 euros seulement, auxquels [devaient] toutefois s’ajouter 73 353 387,28 euros à des titres divers […] » (arrêt à exécuter, points 21, 23 et 24).

75      Le point 64 de l’arrêt à exécuter s’inscrit également dans le prolongement du point 63 où la Cour a relevé qu’il « [était] constant qu’une partie substantielle des sommes en cause n’a[vait] pas encore fait l’objet d’une récupération ou que la preuve de celle-ci n’a[vait] pas été fournie à la Commission ». Les données chiffrées qui sont exposées au point 64 en ce qui concerne le montant total des aides distribuées et le montant des aides qui peuvent être considérées comme ayant été récupérées au mois de juillet 2010 permettent ainsi à la Cour d’encadrer le débat sur le montant des sommes à récupérer. À aucun endroit cependant, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne ressort de l’arrêt à exécuter que celui-ci aborde la question des intérêts composés. Aucune référence n’est faite aux éléments à prendre en considération pour déterminer le montant des sommes à récupérer. Dans ces circonstances, il ne peut être déduit de l’arrêt à exécuter qu’il entende déroger pour ce qui est de la détermination de la méthode d’application des intérêts aux principes précités dans l’arrêt antérieur du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707), qui a été confirmé par l’arrêt postérieur du 3 septembre 2015, A2A (C‑89/14, EU:C:2015:537). Il ressort donc de ce qui précède que, dans l’arrêt à exécuter, la Cour ne s’est pas prononcée, dans son dispositif comme dans ses motifs, sur la question des intérêts composés.

76      Troisièmement, la Commission ne peut être suivie quand elle considère à titre liminaire que, dans son moyen, la République italienne ne conteste en réalité qu’un obiter dictum, à savoir le point 34 de la décision attaquée, où la République italienne est invitée « à calculer et à appliquer les intérêts sur la récupération pour la période en question (ou à partir de 2007) pour tous les montants des aides existantes, c’est-à-dire les montants correspondant à tous les bénéficiaires, y compris ceux qui ont remboursé l’aide partiellement ou complètement, afin de respecter leurs obligations ». En effet, il ressort de ce qui précède que, à la demande de la Commission , le taux d’intérêt a été appliqué sur une base composée pour tous les montants d’aides qui ont fait l’objet des données prises en considération pour calculer les éléments relatifs à la définition du montant de l’astreinte, à tout le moins jusqu’en 2007, et que l’astreinte fixée dans la décision attaquée a été calculée en considération de données qui intégraient des intérêts composés. En outre, il ressort de la requête que la République italienne conteste bien cette prise en compte des intérêts composés et l’incidence que celle-ci a pu avoir sur la détermination du montant de l’astreinte. C’est donc à tort que la Commission fait valoir que le présent moyen est inopérant.

77      En conséquence, la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où la Commission a pris en considération pour déterminer le montant de l’astreinte dû par la République italienne, pour le semestre allant du 17 mai au 17 novembre 2012, des sommes relatives à des montants d’aides à récupérer qui intégraient des intérêts composés, contrairement à ce qui était prescrit par le droit national applicable.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2013) 8681 final de la Commission, du 6 décembre 2013, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.