Language of document : ECLI:EU:T:2016:500

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« Dumping – Importations de biodiesel originaire d’Indonésie – Droit antidumping définitif – Article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 1225/2009 – Valeur normale – Coûts de production »

Dans l’affaire T‑121/14,

PT Pelita Agung Agrindustri, établie à Medan (Indonésie), représentée par Mes F. Graafsma et J. Cornelis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Boelaert, puis par Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agents, assistées de Mes R. Bierwagen et C. Hipp, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes O. Prost et M.-S. Dibling, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), dans la mesure où il inflige un droit antidumping à la requérante,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme M. Junius, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Procédure administrative

1        La requérante, PT Pelita Agung Agrindustri, est une société indonésienne qui produit et exporte du biodiesel vers l’Union européenne.

2        Le biodiesel, un combustible de substitution semblable au diesel conventionnel, est produit dans l’Union, mais il y est également importé dans des quantités importantes. En Indonésie, il est principalement produit à partir d’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »), la principale matière première utilisée dans la production de biodiesel.

3        À la suite d’une plainte déposée le 17 juillet 2012 par l’European Biodiesel Board (EBB) au nom de producteurs représentant plus de 60 % de la production totale de biodiesel de l’Union, la Commission européenne a publié, le 29 août 2012, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2012, C 260, p. 8), conformément à l’article 5 du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

4        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2009 jusqu’à la fin de la période d’enquête.

5        La requérante a été sélectionnée pour figurer dans l’échantillon de producteurs-exportateurs indonésiens retenu dans le cadre de l’enquête en cause et a répondu au questionnaire de la Commission dans ce contexte, y compris pour certaines sociétés liées.

6        Le 27 mai 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 490/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 141, p. 6, ci-après le « règlement provisoire »). Dans ce règlement, elle a notamment communiqué les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels les mesures antidumping provisoires ont été instituées. Le droit provisoire applicable à la requérante était de 5,3 %, la valeur normale du produit similaire ayant été calculée sur la base des données contenues dans la réponse de celle-ci au questionnaire visé au point 5 ci-dessus sans ajustement pour le coût de l’HPB.

7        Selon le considérant 63 du règlement provisoire, la Commission a calculé la valeur normale du produit similaire conformément à la procédure prévue à l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base en se fondant sur les coûts de production des producteurs-exportateurs pendant la période d’enquête, majorés des frais de vente, des dépenses administratives, des autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable. Elle a également précisé que la question de savoir si lesdits coûts reflétaient raisonnablement les coûts liés à la production du produit concerné allait être examinée au stade définitif de l’enquête parce qu’elle ne détenait pas d’informations suffisantes sur la question de savoir si le système de taxe différentielle à l’exportation en vigueur en Indonésie (ci-après le « système de TDE ») exerçait une pression sur les prix de l’huile de palme provoquant ainsi une distorsion des coûts auprès des producteurs de biodiesel.

8        Aux considérants 64 et 65 du règlement provisoire, la Commission a relevé que l’enquête avait montré que le marché intérieur indonésien du biodiesel était fortement réglementé par l’État, de sorte que le bénéfice n’avait pas pu être fondé sur les données réelles des sociétés retenues dans l’échantillon, les ventes intérieures n’étant pas considérées comme des ventes effectuées au cours d’opérations commerciales normales. Elle a également précisé que, par conséquent, le montant correspondant au bénéfice qui avait été utilisé lors du calcul de la valeur normale avait été déterminé conformément à l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base.

9        Le 1er octobre 2013, la Commission a informé toutes les parties intéressées des faits et des considérations essentiels sur la base desquels elle entendait recommander l’institution d’un droit antidumping définitif sur les importations du produit concerné (ci-après l’« information définitive ») et toutes les parties se sont vu accorder un délai pour pouvoir présenter des observations sur l’information définitive.

10      Dans l’information définitive, la Commission a proposé d’appliquer à la requérante un droit antidumping, correspondant à la différence entre la marge de dumping et celle établie lors de la phase provisoire s’expliquant par un ajustement apporté au coût de l’HPB. Dans la lettre d’accompagnement, la Commission a informé la requérante de la possibilité de proposer un engagement.

11      Le 15 octobre 2013, la requérante a participé à une audition formelle, au cours de laquelle elle a contesté l’ajustement de coût opéré par la Commission ainsi que le calcul de la marge bénéficiaire raisonnable pour le calcul de la valeur normale du produit similaire.

12      Le 17 octobre 2013, la requérante a présenté ses observations sur l’information définitive ainsi qu’une proposition d’engagement.

13      Le 8 novembre 2013, la Commission a indiqué à la requérante que sa proposition d’engagement ne pouvait pas être acceptée.

14      Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2, ci-après le « règlement attaqué »).

 Règlement attaqué

15      En premier lieu, au considérant 28 du règlement attaqué, le Conseil a confirmé les conclusions du règlement provisoire, selon lesquelles la valeur normale du produit similaire était calculée conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base. À cet égard, le Conseil a indiqué que les ventes intérieures ne pouvaient pas être considérées comme effectuées au cours d’opérations commerciales normales, étant donné que le marché indonésien du biodiesel était fortement réglementé par l’État.

16      Toutefois, en ce qui concerne le calcul des coûts liés à la production du produit faisant l’objet de l’enquête, il ressort des considérants 30, 34 et 66 à 74 du règlement attaqué que, à la suite d’une enquête complémentaire, le Conseil a accepté la proposition de la Commission de modifier les conclusions figurant au considérant 63 du règlement provisoire. Il a notamment confirmé l’analyse selon laquelle le système de TDE exerçait une pression sur le prix de l’HPB, la principale matière première, sur le marché intérieur qui s’établissait à un niveau artificiellement bas, influant sur le coût des producteurs de biodiesel. Étant donné que les coûts relatifs à la production et à la vente du produit concerné n’étaient donc pas raisonnablement reflétés dans les registres des producteurs indonésiens faisant l’objet de l’enquête, le Conseil a décidé, en application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, de ne pas prendre en considération les coûts réels de l’HPB, tels qu’ils figuraient dans les registres comptables des sociétés concernées, et de les substituer par le prix auquel celles-ci l’auraient achetée en l’absence de distorsion, à savoir le prix de référence à l’exportation communiqué par les autorités indonésiennes et fondé sur les prix internationaux publiés (Rotterdam, Malaisie, Indonésie) (ci-après le « prix HPE »).

17      S’agissant du calcul des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux, le Conseil a notamment retenu, aux considérants 77 à 84 du règlement attaqué, l’utilisation d’une marge bénéficiaire de 15 %, en substance, en confirmant l’analyse figurant au considérant 65 du règlement provisoire.

18      En deuxième lieu, aux considérants 105 à 142 du règlement attaqué, le Conseil a confirmé les conclusions figurant dans le règlement provisoire en ce qui concerne l’existence d’un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.

19      En troisième lieu, aux considérants 144 à 189 du règlement attaqué, le Conseil a confirmé la conclusion figurant dans le règlement provisoire concernant l’existence d’un lien de causalité existant entre les importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

20      En quatrième lieu, aux considérants 190 à 201 du règlement attaqué, le Conseil a confirmé que l’institution des mesures antidumping en cause restait dans l’intérêt de l’Union.

21      En conclusion, le Conseil a notamment décidé, eu égard aux marges de dumping constatées et au niveau du préjudice causé à l’industrie de l’Union, que les montants déposés au titre des droits antidumping provisoires, institués par le règlement provisoire, devaient être définitivement perçus (considérant 228 et article 2 du règlement attaqué) et qu’un droit antidumping définitif devait être institué sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (article 1er, paragraphe 1).

22      À l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, le taux du droit antidumping définitif applicable au produit considéré, en ce qui concerne les importations indonésiennes, a été établi à 145,14 euros par tonne net en ce qui concerne la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.

24      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 13 mai et le 2 juin 2014, la Commission et l’EBB ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

25      Par ordonnance du 17 juillet 2014, il a été fait droit à la demande d’intervention de la Commission.

26      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 9 juillet et 8 août 2014, la requérante a demandé à ce que certaines pièces et informations contenues dans ses écritures fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’EBB, si celui-ci était admis à intervenir.

27      Par ordonnance du 22 septembre 2014, il a été fait droit à la demande d’intervention de l’EBB et la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante a été réservée.

28      La Commission a déposé son mémoire en intervention le 1er octobre 2014.

29      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 octobre 2014, l’EBB a contesté les demandes de traitement confidentiel de la requérante.

30      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 22 octobre et 3 novembre 2014, le Conseil a demandé que certaines pièces et informations contenues dans ses écritures fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’EBB.

31      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 28 novembre 2014, la requérante et le Conseil ont présenté leurs observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

32      L’EBB a déposé son mémoire en intervention le 12 décembre 2014. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2015, la requérante a présenté ses observations sur ce mémoire.

33      Par ordonnance du 18 mai 2015, les demandes de traitement confidentiel présentées par la requérante ont été partiellement accueillies et celles présentées par le Conseil ont été accueillies.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

35      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      À l’appui du recours, la requérante soulève sept moyens. Le premier est tiré, en substance, d’une violation de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’agissant de l’ajustement du coût de production de l’HPB, le deuxième, d’une violation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation dans la conclusion selon laquelle il existe une distorsion des prix d’achat de la requérante, le quatrième, de l’illégalité de la détermination de la marge bénéficiaire raisonnable, le cinquième, en substance, de l’illégalité du calcul de la marge de préjudice du fait de ne pas avoir procédé à un ajustement en raison de la certification de conformité à la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009 L 140, p. 16), le sixième, en substance, d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la conclusion selon laquelle le système de double comptabilisation de biodiesel produit à partir d’huiles usagées existant dans certains États membres n’a pas contribué au préjudice et, le septième, d’un défaut de motivation et d’une violation de l’obligation de diligence et de bonne administration.

38      Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord le deuxième moyen.

39      Ce moyen est structuré, en substance, en trois branches. Dans le cadre d’une première branche, la requérante avance que le Conseil et la Commission (ci-après, pris ensemble, les « institutions ») ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve qui leur incombe pour établir à suffisance de droit l’existence d’une distorsion du prix de l’HPB par le système de TDE afin d’écarter les prix de l’HPB dans ses registres au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base et que le règlement attaqué est entaché d’un défaut de motivation à cet égard. La deuxième branche vise le fait que le prix HPE ne constituerait pas une base raisonnable pour ajuster le coût de l’HPB dans les registres, parce qu’il serait lui-même affecté par la distorsion alléguée causée par le système de TDE. La troisième branche concerne l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base retenue en l’espèce et, notamment, l’application par analogie faite par les institutions de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65).

40      Il convient d’examiner ensemble les première et troisième branches.

41      La requérante fait valoir, en substance, que la base sur laquelle les institutions ont conclu que le prix de l’HPB vendue sur le marché intérieur indonésien était artificiellement bas ne ressort pas clairement du règlement attaqué, les niveaux de prix « internationaux » auxquels il est fait référence n’étant notamment pas expliqués. Elle soutient également, dans ce contexte, que l’affirmation figurant au considérant 68 du règlement attaqué selon laquelle le système de TDE limite les possibilités d’exportation de l’HPB est réfutée par le fait que l’Indonésie exporte environ 70 % de sa production totale d’HPB. Par ailleurs, le prix HPE ne constituerait pas un point de référence approprié pour aboutir à la conclusion selon laquelle les prix indonésiens de l’HPB étaient faussés. En outre, la requérante conteste la recevabilité des études dont les institutions se prévalent au soutien de leur thèse selon laquelle les prix de l’HPB en Indonésie étaient faussés à la suite d’une distorsion provoquée par ledit système. Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base ne permettrait pas d’ajuster des coûts pour la seule raison qu’ils seraient bas. Enfin, l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), ne saurait servir de précédent dans la mesure où il requerrait une certaine forme d’intervention directe du gouvernement, la possibilité d’ajuster des coûts reflétés dans les registres étant une exception à la règle générale et devant être interprétée de manière stricte.

42      Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, fait valoir, en substance, que les institutions se sont acquittées de leur charge de la preuve quant à l’existence d’une distorsion des prix de l’HPB et ont correctement appliqué l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. Dans le règlement attaqué, ces dernières auraient expliqué le système de TDE et démontré que ce système avait créé une distorsion en vertu de laquelle les prix de l’HPB sur le marché intérieur étaient artificiellement inférieurs au prix HPE pour l’HPB, communiqué par les autorités indonésiennes et fondé sur les prix internationaux publiés. Par ailleurs, l’effet de la réglementation indonésienne en termes d’avantages pour les industries en aval aurait été reconnu et calculé dans plusieurs études. Les différences factuelles relevées avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), ne seraient pas déterminantes, le Tribunal ayant confirmé dans ledit arrêt le principe général selon lequel, si les frais liés à la fabrication du produit faisant l’objet de l’enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres des sociétés concernées, ils ne peuvent servir de base pour calculer la valeur normale, qui s’appliquerait aux faits de l’espèce. Quant aux différentes formes d’intervention étatique prétendument possibles, cet argument serait également dénué de pertinence, puisqu’il y aurait eu, en l’espèce, une intervention directe de l’État indonésien fixant les taux des droits à l’exportation et influençant les enchères. Les institutions n’auraient donc pas ajusté les coûts uniquement au motif qu’ils étaient bas, mais parce qu’ils étaient faussés, ce qui aurait eu une forte incidence sur les prix intérieurs de l’HPB et, partant, sur les registres des sociétés la produisant.

43      En l’espèce, il y a lieu de souligner que, dans le règlement attaqué, dans le cadre de la détermination de la valeur normale du produit similaire, les institutions n’ont pas calculé les coûts de production du biodiesel en se référant au prix de l’HPB reflété dans les registres comptables de la requérante, mais, comme il ressort notamment des considérants 29 et suivants dudit règlement, elles ont écarté ce prix et l’ont remplacé par le HPE en se fondant sur l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

44      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale dudit produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Cette même disposition précise qu’il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

45      En outre, il ressort de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que, lorsque la valeur normale du produit similaire est calculée conformément à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, les coûts de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré.

46      En application de l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base, si les frais liés à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base des frais d’autres producteurs ou exportateurs du même pays ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris sur la base d’informations émanant d’autres marchés représentatifs.

47      L’objectif de l’article 2, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement de base est de faire en sorte que les frais liés à la production et à la vente du produit similaire retenus dans le cadre du calcul de la valeur normale dudit produit reflètent les frais qu’un producteur aurait encourus sur le marché intérieur du pays exportateur.

48      Par ailleurs, il résulte du libellé de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire et que l’utilisation des données figurant dans lesdits registres constitue le principe et leur adaptation ou leur remplacement par une autre base raisonnable l’exception.

49      Compte tenu du principe selon lequel une dérogation ou une exception à une règle générale doit être interprétée restrictivement (voir arrêt du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil, C‑15/12 P, EU:C:2013:572, point 17 et jurisprudence citée), il y a lieu de considérer, à l’instar de la requérante, que le régime d’exception qui découle de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété de façon restrictive.

50      En l’espèce, tout en ne remettant pas en cause les raisons ayant amené les institutions à avoir recours au calcul de la valeur normale du produit similaire conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la requérante conteste l’application faite de l’article 2, paragraphe 5, du même règlement, sur la base duquel, dans le cadre dudit calcul, les institutions ne se sont pas fondées sur les prix de l’HPB reflétés dans ses registres.

51      Dans le règlement attaqué, les institutions n’ont pas fait valoir que les registres de la requérante n’étaient pas conformes aux principes comptables généralement acceptés en Indonésie. En revanche, elles ont soutenu que ses registres ne reflétaient pas raisonnablement les coûts liés à l’HPB nécessaires pour la production du biodiesel.

52      En effet, comme il ressort des considérants 29 à 34 et 66 à 70 du règlement attaqué, les institutions ont considéré que, en ce qu’il comportait des taxes différentiées à l’exportation sur l’HPB et sur le biodiesel, le système de TDE avait provoqué une distorsion du prix de l’HPB dans la mesure où ledit système exerçait une pression sur le prix de l’HPB sur le marché intérieur qui s’établissait à un niveau artificiellement bas.

53      En se fondant sur l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), les institutions ont retenu au considérant 31 du règlement attaqué que, lorsque la réglementation du prix des matières premières induisait un prix artificiellement bas sur le marché intérieur, il était permis de supposer que le coût de production du produit concerné subissait une distorsion. Dans de telles conditions, les données les concernant figurant dans les registres des producteurs-exportateurs ne pourraient pas être considérées comme raisonnables et il conviendrait, par conséquent, de procéder à leur ajustement.

54      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 44 de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), le Tribunal a considéré que, compte tenu du fait que le gaz naturel était obligatoirement fourni à un prix très bas aux producteurs-exportateurs concernés en vertu de la réglementation russe, le prix de production du produit concerné dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché. Il a donc considéré que les institutions avaient pu conclure à bon droit que l’un des éléments figurant dans les registres comptables des parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement, en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs.

55      Toutefois, comme les requérantes le font valoir à juste titre, à la différence de la situation qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), il ne ressort pas du dossier que le prix de l’HPB était directement réglementé en Indonésie. En effet, le système de TDE visé par les institutions se limitait à prévoir des taxes à l’exportation avec des taux différents sur l’HPB et le biodiesel.

56      Le fait que le système de TDE ne réglemente pas directement les prix de l’HPB en Indonésie n’exclut néanmoins pas en soi l’application de l’exception visée à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

57      En effet, il y a lieu de rappeler, à l’instar des institutions, que la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base a été insérée dans le règlement de base antérieur, à savoir le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), par le règlement (CE) n° 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement n° 384/96 (JO 2002, L 305, p. 1).

58       Or, il ressort du considérant 4 du règlement n° 1972/2002 que l’insertion de la disposition correspondant à l’article 2, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tenaient pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans le cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettaient pas une comparaison valable. En pareil cas, les données pertinentes doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par « de telles distorsions ».

59      Le considérant 4 du règlement n° 1972/2002 prévoit donc la possibilité de recourir à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base notamment dans le cas où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable à cause d’une distorsion. Il en résulte également qu’une telle situation peut notamment se produire lorsqu’une situation particulière du marché existe, telle que celle mentionnée à l’article 2, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de base, visant des prix artificiellement bas du produit concerné, sans pour autant limiter ce type de situation à des cas où il existe une réglementation directe des prix du produit similaire ou des matières premières de celui-ci par l’État exportateur.

60      En revanche, il ne saurait raisonnablement être considéré que toute mesure des pouvoirs publics de l’État exportateur pouvant avoir une influence sur le prix des matières premières, et, par ce biais, sur les prix du produit considéré, puisse être à la base d’une distorsion permettant de s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. En effet, comme la requérante l’invoque à juste titre, si toute mesure prise par les pouvoirs publics du pays d’exportation étant susceptible d’avoir une influence, même minime, sur les prix des matières premières pouvait être prise en compte, le principe consacré à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production du produit similaire, risquerait de se voir privé de tout effet utile.

61      Dès lors, une mesure des pouvoirs publics du pays d’exportation ne peut amener les institutions à écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les prix des matières premières figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête que lorsqu’elle provoque une distorsion sensible des prix desdites matières premières. En effet, une autre interprétation du régime d’exception prévu à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, telle que celle préconisée par les institutions, qui permettrait, dans une situation comme en l’espèce, de remplacer ces données par un montant de frais fondé sur une autre base raisonnable, risquerait de porter une atteinte démesurée au principe selon lequel lesdits registres constituent la source privilégiée de renseignements pour l’établissement des coûts de production dudit produit.

62      En outre, s’agissant de la charge de la preuve de l’existence d’éléments justifiant l’application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, il y a lieu de considérer qu’il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir écarter les coûts de production contenus dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête pour le remplacer par un autre prix estimé raisonnable, sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 180 et jurisprudence citée).

63      Dès lors, compte tenu du fait que la démarche visant à écarter dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire les coûts de production dudit produit figurant dans les registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête relève d’un régime d’exception (voir point 49 ci-dessus), lorsque la distorsion invoquée par les institutions n’est pas une conséquence immédiate de la mesure étatique à l’origine de celle-ci, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65), mais des effets que ladite mesure est censée produire sur le marché, elles doivent prendre soin d’exposer le fonctionnement du marché en cause et de démontrer les effets concrets de cette mesure sur celui-ci, sans se fonder à cet égard sur de simples conjectures.

64      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les institutions ont établi à suffisance de droit que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des prix de l’HPB figurant dans les registres de la requérante étaient remplies en l’espèce.

65      Premièrement, s’agissant de la mesure des pouvoirs publics indonésiens identifiée en tant que source de la distorsion des prix de l’HPB, comme cela est indiqué notamment au considérant 29 du règlement attaqué, il s’agit du système de TDE en ce qu’il comporte des niveaux de taxes différenciés imposés sur l’HPB et le biodiesel, ainsi que les institutions l’ont confirmé lors de l’audience. Il ressort du considérant 69 dudit règlement que, pendant la période d’enquête, les exportations de biodiesel étaient taxées à un taux compris entre 2 et 5 %, tandis que, pendant la même période, le taux de taxation des exportations d’HPB s’établissait entre 15 et 20 % et il existait un taux de taxation des exportations allant de 5 à 18,5 % pour l’huile de palme raffinée blanchie et désodorisée.

66      Deuxièmement, s’agissant des effets du système de TDE, le Conseil a notamment avancé, au considérant 30 du règlement attaqué, qu’une enquête complémentaire avait montré que ledit système exerçait une pression sur le prix des matières premières sur le marché indonésien, qui s’établissait à un niveau artificiellement bas.

67      Même si, dans ce contexte, le Conseil a indiqué, au considérant 68 du règlement attaqué, que le système de TDE limitait les possibilités d’exportation de l’HPB dès lors que des quantités plus importantes de cette huile étaient disponibles sur le marché intérieur et exerçaient une pression à la baisse sur les prix de l’HPB sur ledit marché, force est de relever que, dans ledit règlement, il n’a pas établi dans quelle mesure ledit système, en ce qu’il comportait des taxes à l’exportation de taux différencié sur l’HPB et sur le biodiesel, avait provoqué une distorsion sensible des prix de cette matière première sur le marché indonésien.

68      Au considérant 68 du règlement attaqué, le Conseil a également exposé que la différence entre le prix de l’HPB vendue sur le marché intérieur et son prix de référence international était très proche de la taxe à l’exportation appliquée à l’HPB. Toutefois, ce faisant, il n’a pas établi les effets que la différence entre le taux des taxes sur l’HPB et le taux de la taxe sur le biodiesel avait pu avoir en elle-même sur le prix de ladite matière première sur le marché indonésien. En effet, la constatation figurant audit considérant permet tout au plus de tirer des conclusions quant à certains effets que l’instauration d’une taxe à l’exportation sur l’HPB a pu produire sur son prix, mais ne permet pas de tirer des conclusions sur les effets que la différence entre le taux de cette taxe et le taux de la taxe sur le biodiesel a pu avoir sur le prix de l’HPB sur le marché indonésien.

69      Les indications du Conseil figurant aux considérants 67 et 70 du règlement attaqué, selon lesquelles le prix de l’HPB figurant dans les registres comptables des sociétés concernées a été remplacé par le prix auquel ces sociétés auraient acheté l’HPB sur le marché intérieur en l’absence de distorsion, c’est-à-dire le prix HPE, ne permettent pas non plus de tirer des conclusions quant aux effets que la différence entre le taux de la taxe à l’exportation sur l’HPB et le taux de la taxe à l’exportation sur le biodiesel a pu avoir sur le prix de ladite matière première sur ledit marché. Dans la mesure où ces considérants devraient être lus comme une constatation du Conseil selon laquelle, en l’absence d’une telle différence de taux, le prix de l’HPB sur ce marché aurait été au même niveau que le prix HPE, il suffit de relever que cela n’a été établi ni dans le règlement attaqué ni dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

70      Enfin, il résulte des considérants 73 et 74 du règlement attaqué que les institutions ne contestent pas que l’HPB reste massivement exportée depuis l’Indonésie. Or, en présence d’une telle circonstance, il ne saurait suffire de tirer la conclusion, au considérant 68, d’une plus grande disponibilité de l’HPB sur le marché intérieur et d’une baisse de son prix sans autres explications à l’appui.

71      S’agissant des études économiques que les institutions ont invoquées au cours de la procédure devant le Tribunal, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur leur recevabilité, il convient de relever que, certes, il peut en être déduit que des taxes à l’exportation mènent à une augmentation du prix à l’exportation du produit visé par la taxe par rapport à son prix sur le marché intérieur, à une réduction du volume d’exportation dudit produit ainsi qu’à une pression vers le bas des prix de ce produit sur le marché intérieur. Il peut également en être déduit qu’un système de taxes à l’exportation qui taxe les matières premières à un niveau plus élevé que les produits sur un marché en aval protège et favorise des industries domestiques en aval en leur fournissant des matières premières en quantité suffisante à des prix avantageux.

72      Toutefois, force est de constater que ces études se limitent à analyser les effets de taxes à l’exportation sur les prix des matières premières et non les effets de taux différenciés pratiqués pour des taxes à l’exportation sur les matières premières et sur le biodiesel.

73      Les institutions se sont donc limitées à expliquer la relation entre les prix internationaux et les prix domestiques de l’HPB et à fournir des indications sur l’impact de la taxe à l’exportation sur l’HPB sur la disponibilité de cette matière première sur le marché intérieur et sur son prix, sans toutefois établir concrètement les effets que le système de TDE en tant que tel a pu avoir sur le prix de l’HPB sur ledit marché et dans quelle mesure ces effets sont différents de ceux d’un système de taxation ne comportant pas un différentiel de taux pour les taxes à l’exportation sur l’HPB et sur le biodiesel.

74      Partant, il convient de considérer que les institutions n’ont pas établi à suffisance de droit l’existence d’une distorsion sensible du prix de l’HPB en Indonésie imputable au système de TDE en ce qu’il comportait des taux différenciés pour les taxes à l’exportation sur l’HPB et le biodiesel. Dès lors, en considérant que le prix de l’HPB n’était pas raisonnablement reflété dans les registres des producteurs indonésiens examinés et en les écartant, les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

75      Contrairement à ce qu’avancent les institutions, ne s’oppose pas à cette conclusion le fait qu’elles jouissent d’une large marge d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale commune, en particulier s’agissant d’évaluations économiques complexes en matière de mesures de défense commerciale, et que, à cet égard, le juge de l’Union doit limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir [voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2002, Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, T‑156/11, EU:T:2012:431, points 134 à 136 et jurisprudence citée].

76      En effet, un contrôle par le Tribunal qui se limite à relever si les éléments sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations sont de nature à étayer les conclusions qu’elles en tirent n’empiète pas sur leur large pouvoir d’appréciation dans le domaine de la politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 68).

77      Or, en l’espèce, le Tribunal s’est limité à examiner si les institutions ont démontré que les conditions pour s’écarter, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, des frais liés à la production et à la vente dudit produit tels que reflétés dans les registres comptables des producteurs indonésiens examinés, selon la règle établie à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, étaient réunies.

78      Il en résulte que les première et troisième branches du deuxième moyen doivent être accueillies sans qu’il y ait lieu d’examiner la deuxième branche dudit moyen, concernant le caractère raisonnable du prix HPE en tant que valeur de remplacement.

79      Il convient encore d’examiner dans quelle mesure l’erreur constatée justifie l’annulation du règlement attaqué en ce qu’il inflige un droit antidumping à la requérante.

80      Contrairement à ce qu’avancent les institutions, dans les circonstances de l’espèce, il n’est pas possible de procéder à une annulation partielle de l’article 1er du règlement attaqué uniquement à l’égard de l’erreur constatée concernant la méthode de calcul du taux du droit antidumping.

81      En effet, selon la jurisprudence, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte. Cette exigence de séparabilité n’est pas satisfaite lorsque l’annulation partielle aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, EU:C:2002:734, points 45 et 46).

82      Comme il a été exposé dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le calcul de la valeur normale du produit similaire effectué par les institutions est fondé sur des considérations erronées. La valeur normale étant une condition essentielle pour déterminer le taux du droit antidumping applicable, l’article 1er du règlement attaqué ne peut pas être maintenu, dans la mesure où il impose un droit antidumping individuel à la requérante.

83      Eu égard à l’interrelation entre le droit antidumping définitif et le droit antidumping provisoire prévue par l’article 10, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, l’article 2 du règlement attaqué doit également être annulé en ce qui concerne la requérante, dans la mesure où il prévoit que les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire sont définitivement perçus.

84      Il convient donc d’annuler le règlement attaqué en ce qu’il inflige un droit antidumping à la requérante sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens du recours.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

86      La Commission et l’EBB supporteront leurs propres dépens, conformément aux dispositions de l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les articles 1er et 2 du règlement d’exécution (UE) n° 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie, sont annulés en ce qu’ils concernent PT Pelita Agung Agrindustri.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par PT Pelita Agung Agrindustri.

3)      La Commission européenne et l’European Biodiesel Board (EBB) supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.