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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

29 novembre 2007 (*)

«Manquement d’État – Violation de la directive 92/50/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services – Attribution d’un marché sans appel d’offres – Attribution des services de transport sanitaire en Toscane»

Dans l’affaire C‑119/06,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 28 février 2006,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis et Mme D. Recchia, en qualité d’agents, assistés par Me M. R. Mollica, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de MM. G. Fiengo et S. Varone, avvocati dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), A. Ó Caoimh, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 septembre 2007,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, la Région de Toscane et les agences sanitaires de cette même région:

–        ayant tout d’abord conclu avec la Confederazione delle Misericordie d’Italia, l’Associazione Nazionale Pubbliche Assistenze (comité régional toscan) et la Croce Rossa Italiana (section toscane) l’accord-cadre régional pour la réalisation d’activités de transport sanitaire du 11 octobre 1999,

–        ayant ensuite prorogé ledit accord-cadre par le protocole d’accord du 28 mars 2003 et, enfin,

–        ayant conclu le 26 avril 2004, en vertu de la décision n° 379 de l’exécutif régional du 19 avril 2004, un nouvel accord-cadre régional qui, poursuivant les rapports avec les associations susmentionnées, leur confie la gestion des services en cause pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008 (ci-après l’«accord-cadre de 2004»),

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après la «directive 92/50»), notamment de ses articles 11, 15 et 17.

2        La Commission soutient également que, si la valeur des services attribués à travers les actes en question figurant à l’annexe I B de la directive 92/50 devait s’avérer supérieure à celle des services figurant à l’annexe I A de cette même directive, la conclusion de ces actes par les organismes susmentionnés serait tout de même contraire à l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive et à l’article 49 CE relatif à la libre prestation des services.

 Le cadre juridique

3        L’article 1er, sous a), de la directive 92/50 prévoit notamment que «les ‘marchéspublicsdeservices’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur».

4        L’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive établit:

«1.      Pour passer leurs marchés publics de services […], les pouvoirs adjudicateurs appliquent des procédures adaptées aux dispositions de la présente directive.

2.      Les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.»

5        Aux termes de l’article 6 de ladite directive:

«La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 1er [sous] b) sur la base d’un droit exclusif dont elle bénéfice en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité.»

6        Selon l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/50:

«1.      a)     La présente directive s’applique:

–        aux marchés publics des services visés à l’article 3 paragraphe 3, aux marchés publics de services ayant pour objet des services figurant à l’annexe I B, des services de la catégorie 8 de l’annexe I A et des services de télécommunications de la catégorie 5 de l’annexe I A, dont les numéros de référence CPC sont 7524, 7525 et 7526, passés par les pouvoirs adjudicateurs visés à l’article 1er [sous] b), lorsque la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) égale ou dépasse 200 000 [euros],

–        aux marchés publics de services ayant pour objet des services figurant à l’annexe I A, à l’exception des services de la catégorie 8 et des services de télécommunications de la catégorie 5, dont les numéros de référence CPC sont 7524, 7525 et 7526:

i)      passés par les pouvoirs adjudicateurs désignés à l’annexe I de la directive 93/36/CEE [du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p.1)], lorsque la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse l’équivalent en [euros] de 130 000 droits de tirage spéciaux (DTS);

ii)      passés par les pouvoirs adjudicateurs désignés à l’article 1er [sous] b) autres que ceux mentionnés à l’annexe I de la directive 93/36[…] et dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse l’équivalent en [euros] de 200 000 DTS.

[…]

2.      Aux fins du calcul du montant estimé d’un marché, le pouvoir adjudicateur inclut la rémunération totale estimée du prestataire de services, compte tenu des dispositions des paragraphes 3 à 7.»

7        L’article 8 de la directive 92/50 dispose:

«Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI.»

Lesdits titres III à VI comportent les articles 11 à 37 de cette directive.

8        L’article 9 de la directive 92/50 prévoit:

«Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I B sont passés conformément aux articles 14 et 16.»

9        L’article 10 de cette directive précise:

«Les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l’annexe I A et des services figurant à l’annexe I B sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant à l’annexe I A dépasse celle des services figurant à l’annexe I B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16.»

10      L’article 11 de ladite directive énonce:

«1.      Pour passer leurs marchés publics de services, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l’article 1er [sous] d), e) et f), [à savoir les procédures ouvertes, les procédures restreintes et les procédures négociées], adaptées aux fins de la présente directive.

2.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée après avoir publié un avis de marché dans les cas suivants:

[…]

3.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché dans les cas suivants:

[…]

4.      Dans tous les autres cas, les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés de services en recourant à la procédure ouverte ou à la procédure restreinte.»

11      Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 92/50:

«Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l’article 11, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d’un avis.»

12      L’article 17 de cette directive 92/50 précise:

«1.      Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés. […]

2.      Les avis sont envoyés par le pouvoir adjudicateur dans les meilleurs délais et par les voies les plus appropriées à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. […]

[…]

4.      Les avis visés à l’article 15 paragraphes 2 et 3 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et à la banque de données TED, dans la langue originale. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.

[…]»

13      L’annexe I A de la directive 92/50, intitulée «Services au sens de l’article 8», comporte la mention suivante:

«Catégorie

Désignation des services

Numéro de référence CPC

2

Services de transports terrestres […], y compris les services de véhicules blindés et les services de courrier, à l’exclusion des transports de courrier

712 (sauf 71235), 7512, 87304»



14      L’annexe I B de ladite directive, intitulée «Services au sens de l’article 9», comprend la mention suivante:

«Catégorie

Désignation des services

Numéro de référence CPC

25

Services sociaux et sanitaires

93»


15      L’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), prévoit:

«Un ‘accord-cadre’ est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.»

16      L’article 32, paragraphes 1 et 2, de cette directive établit:

«1.      Les États membres peuvent prévoir la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs de conclure des accords-cadres.

2.      Aux fins de la conclusion d’un accord-cadre, les pouvoirs adjudicateurs suivent les règles de procédure visées par la présente directive dans toutes les phases jusqu’à l’attribution des marchés fondés sur cet accord-cadre. Le choix des parties à l’accord-cadre se fait par application des critères d’attribution établis conformément à l’article 53.

Les marchés fondés sur un accord-cadre sont passés selon les procédures prévues aux paragraphes 3 et 4. […]

[…]»

17      Selon l’article 80, paragraphe 1, de la directive 2004/18:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 janvier 2006. Ils en informent immédiatement la Commission.

[…]»

18      Aux termes de l’article 82 de ladite directive:

«La directive [92/50], à l’exception de son article 41, et les directives 93/36[…] et 93/37/CEE [du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54),] sont abrogées, avec effet à partir de la date prévue à l’article 80, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition et d’application figurant à l’annexe XI.

[…]»

 Les faits et la procédure précontentieuse

19      La Région de Toscane ainsi que les unités sanitaires locales et les agences hospitalières de cette région (ci-après «les agences») ont conclu certains accords avec la Confederazione delle Misericordie d’Italia, l’Associazione Nazionale Pubbliche Assistenze (comité régional toscan) et la Croce Rossa Italiana (section toscane), prises en tant que représentantes de plusieurs associations bénévoles (ci‑après «les associations concernées»), aux fins de l’attribution de services de transport sanitaire à ces associations.

20      Pendant la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2002, l’attribution des services de transport sanitaire aux associations concernées a été régie par un accord-cadre régional conclu le 11 octobre 1999. Ce dernier a été prorogé jusqu’à la fin de l’année 2003 par un protocole d’accord daté du 28 mars 2003. Par la décision n° 379, le gouvernement régional de Toscane a approuvé l’accord-cadre de 2004.

21      À la suite d’une plainte, la Commission a adressé à la République italienne, le 9 juillet 2004, une lettre de mise en demeure au sujet de l’attribution des services de transport sanitaire aux associations concernées en vertu des accords susmentionnés. Les autorités italiennes n’ont pas répondu à cette lettre.

22      La Commission a adressé un avis motivé à la République italienne le 22 décembre 2004. Cet État membre a répondu à cet avis par une communication du 16 mars 2005. N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

23      La Commission estime que les services de transport sanitaire en question constituent des services relevant de la directive 92/50, que la Région de Toscane et les agences sont des pouvoirs adjudicateurs au sens de cette directive, que les accords en question ont été établis par écrit et que lesdits services de transport sanitaire sont rendus à titre onéreux, de sorte que les opérations en cause constituent des marchés publics de services au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50.

24      Selon la Commission, les activités de transport sanitaire en question relèveraient à la fois de l’annexe I A, catégorie 2 («Services de transports terrestres […], y compris les services de véhicules blindés et les services de courrier, à l’exclusion des transports de courrier»), et de l’annexe I B, catégorie 25 («Services sociaux et sanitaires»), de la directive 92/50. Conformément à l’article 10 de cette directive, si la valeur des services relevant de ladite annexe I A dépasse celle des services visés à ladite annexe I B, les accords en cause auraient dû être passés conformément aux dispositions des titres III à VI de la directive 92/50. Dans le cas inverse, ces accords auraient dû être conclus conformément aux articles 3, paragraphe 2, 14 et 16 de cette même directive.

25      À titre principal, la Commission estime que la valeur des services de transports terrestres, au sens de l’annexe I A de la directive 92/50, visés par les accords en question, dépasse la valeur des services sociaux et sanitaires, au sens de l’annexe I B de cette directive, visés par ces mêmes accords, et que, par conséquent, ces derniers auraient dû être passés conformément aux dispositions des titres III à VI de ladite directive. Ces dispositions imposeraient notamment la publication d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne et, en principe, la passation du marché par voie de procédure ouverte ou restreinte.

26      À titre subsidiaire, dans le cas où la valeur des services sociaux et sanitaires, au sens de l’annexe I B de la directive 92/50, visés par les accords en question, dépasserait la valeur des services de transports terrestres, au sens de l’annexe I A de cette directive, visés par ces accords, la Commission estime que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 ainsi que l’article 49 CE s’appliqueraient, afin que soit imposée au pouvoir adjudicateur l’obligation d’éviter toute discrimination, notamment fondée sur la nationalité, entre les prestataires susceptibles d’être intéressés par l’opération en cause. D’après la jurisprudence de la Cour, le principe de non-discrimination impliquerait une obligation de transparence en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur serait tenu de garantir un degré de publicité adéquat permettant l’ouverture du marché à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures de passation.

27      La République italienne souligne que les associations concernées, chargées des opérations de transport sanitaire, sont des organismes bénévoles qui jouent un rôle important en matière de solidarité et de cohésion dans la société italienne. Tant en raison de leur nature qu’en vertu de la législation nationale applicable, ces associations ne pourraient réaliser de bénéfices au titre des prestations qu’elles effectuent. Les éventuels paiements que lesdites associations recevraient pour les services qu’elles rendent seraient limités aux remboursements des dépenses effectivement engagées pour réaliser l’activité visée. Les accords en cause seraient destinés notamment à encadrer de tels remboursements, sans prévoir une rémunération des associations concernées. Ces dernières, qui ne seraient pas des opérateurs commerciaux, déploieraient leur activité en-dehors du marché et de la sphère de la concurrence. Les arrangements mis en cause par la Commission ne seraient pas réalisés à titre onéreux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50. Par conséquent, ils ne constitueraient pas des marchés publics de services relevant du champ d’application de cette directive.

28      En outre, les accords en cause ne prévoiraient pas eux-mêmes de prestations ni de remboursements, effets qui ne découleraient que des marchés spécifiques conclus dans le cadre de ces accords. Par conséquent, lesdits accords ne constitueraient pas des marchés publics de services relevant du champ d’application de la directive 92/50.

29      À titre subsidiaire, le gouvernement italien fait valoir que, à supposer même que les accords en question constituent de tels marchés, ils seraient néanmoins exclus du champ d’application de ladite directive en vertu de l’article 6 de celle-ci, en tant que marchés attribués sur la base d’un droit exclusif.

 Appréciation de la Cour

30      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre, telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (arrêt du 27 novembre 2003, Commission/France, C-429/01, Rec. p. I-14355, point 56).

31      En matière de passation des marchés publics, la Cour a jugé qu’un recours en manquement est irrecevable si, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le contrat en question avait déjà épuisé tous ses effets (voir arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C-394/02, Rec. p. I-4713, point 18).

32      En l’espèce, le délai fixé dans l’avis motivé est venu à expiration le 22 février 2005. L’accord-cadre régional du 11 octobre 1999 et le protocole d’accord du 28 mars 2003 ayant épuisé leurs effets avant cette date, le présent recours est irrecevable en tant qu’il les concerne. Par conséquent, il y a lieu de prendre en compte, aux fins du présent recours, le seul accord-cadre de 2004.

33      En vertu de ses articles 80 et 82, la directive 2004/18 a abrogé la directive 92/50 avec effet au 31 janvier 2006. La directive 92/50 était donc encore en vigueur au terme du délai fixé en l’espèce dans l’avis motivé. Par conséquent, c’est à la lumière de cette directive qu’il convient d’apprécier l’accord-cadre de 2004.

34      À titre liminaire, se pose la question de savoir si cet accord-cadre présente les caractéristiques d’un marché public au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50, à savoir être un contrat à titre onéreux, conclu par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur.

35      Le caractère écrit de l’accord-cadre de 2004 n’est pas contesté, non plus que le fait que la Région de Toscane et les agences constituent des pouvoirs adjudicateurs.

36      Tout d’abord, la République italienne conteste que ledit accord-cadre constitue un marché public de services au sens de l’article 1er, sous a), de ladite directive, au motif que les associations concernées ne sont pas des opérateurs commerciaux et qu’elles déploient leur activité en-dehors du marché et de la sphère de la concurrence. Cet argument est fondé sur le fait que ces associations ne poursuivent pas un but lucratif et qu’elles regroupent des personnes motivées par des considérations de solidarité sociale.

37      Sans dénier l’importance sociale des activités bénévoles, force est de constater que cet argument ne peut pas être retenu. En effet, l’absence de but lucratif n’exclut pas que de telles associations exercent une activité économique et constituent des entreprises au sens des dispositions du traité relatives à la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d’assurance e.a., C‑244/94, Rec. p. I‑4013, point 21; du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C‑180/98 à C‑184/98, Rec. p. I‑6451, point 117, et du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a., C-264/01, C-306/01, C‑354/01 et C-355/01, Rec. p. I-2493, point 49).

38      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, des entités telles que des organisations sanitaires assurant la fourniture de services de transport d’urgence et de transport de malades doivent être qualifiées d’entreprises au sens des règles de concurrence prévues par le traité (arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. I‑8089, points 21 et 22).

39      Il en résulte que les associations concernées peuvent exercer une activité économique en concurrence avec d’autres opérateurs.

40      La circonstance que, en raison du fait que leurs collaborateurs agissent à titre bénévole, de telles associations sont susceptibles de faire des offres à des prix sensiblement inférieurs à ceux d’autres soumissionnaires ne les empêche pas de participer aux procédures de passation de marchés publics visées par la directive 92/50 (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2000, ARGE, C‑94/99, Rec. p. I‑11037, points 32 et 38).

41      Il en résulte que l’accord-cadre de 2004 n’est pas exclu de la notion de «marchés publics de services» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50, en raison du fait que les associations concernées ne poursuivent pas un but lucratif.

42      Ensuite, la République italienne fait valoir que l’accord-cadre de 2004 ne fournit que le cadre des prestations et des remboursements qui sont concrètement prévus par de nombreux marchés spécifiques. Selon cet État membre, aucune opération de transport sanitaire ni aucun remboursement ne serait effectué en vertu de l’accord-cadre de 2004 lui-même. Cette argumentation revient, en substance, à alléguer que cet accord-cadre ne constitue pas un contrat au sens dudit article 1er, sous a).

43      À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins de définir le champ d’application des directives en matière de marchés publics, la Cour a consacré une interprétation extensive de la notion de marché public qui englobe les accords-cadres. Selon la Cour, un accord-cadre doit être considéré comme un «marché public» au sens de la directive concernée, dans la mesure où il confère une unité aux divers marchés spécifiques qu’il régit (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 1995, Commission/Grèce, C-79/94, Rec. p. I-1071, point 15).

44      Ainsi qu’il ressort de ce dernier arrêt, cette interprétation extensive de la notion de marché public, englobant les accords-cadres, s’impose pour éviter que les opérateurs contournent les obligations établies par les directives en matière de marchés publics. Elle est, d’ailleurs, confirmée, en ce qui concerne les marchés publics de travaux, de fournitures et de services, par les dispositions de la directive 2004/18. Les articles 1er, paragraphe 5, et 32 de cette directive comportent des dispositions spécifiques concernant les accords-cadres qui reposent sur le principe que ces derniers relèvent du champ d’application de la réglementation communautaire en matière de marchés publics.

45      Il en résulte que l’accord-cadre de 2004 doit être considéré comme un contrat au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50.

46      Le gouvernement italien conteste enfin que cet accord-cadre ait été conclu à titre onéreux, au motif que les opérations de transport sanitaire en question sont effectuées par des associations bénévoles qui ne perçoivent que les remboursements de leurs frais.

47      Cet argument ne peut non plus être retenu. Il convient de relever que le caractère onéreux d’un contrat se réfère à la contre-prestation à laquelle procède l’autorité publique concernée en raison de l’exécution des prestations de services qui font l’objet du contrat et dont cette autorité aura le bénéfice (voir en ce sens, concernant la directive 93/37, arrêt du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., C‑399/98, Rec. p. I‑5409, point 77).

48      Dans le cas d’espèce, s’il est vrai que le travail des personnes qui effectuent les transports sanitaires en question n’est pas rémunéré, il ressort néanmoins des éléments soumis à la Cour que les paiements prévus par les autorités publiques concernées dépassent le simple remboursement des frais encourus pour fournir les services de transport sanitaire en cause. Ces montants sont établis au préalable et de manière forfaitaire, sur la base de tableaux annexés à l’accord-cadre de 2004. Le système décrit dans ces tableaux prévoit le paiement d’une somme fixe pour la mise à disposition (dite «stand-by») d’un véhicule destiné aux interventions, de sommes calculées en fonction des temps d’arrêt marqués au cours des activités de transport, d’une somme fixe pour les transports ne dépassant pas 25 km et de montants additionnels par kilomètre supplémentaire.

49      Le gouvernement italien a confirmé lors de l’audience que cette méthode de paiement et les sommes prévues à l’annexe de l’accord-cadre de 2004 permettent aux autorités nationales de subventionner les associations qui effectuent les prestations de services de transport sanitaire en question.

50      Dans les circonstances précises de l’espèce, la méthode de paiement prévue par l’accord-cadre de 2004 dépasse donc le simple remboursement des frais encourus. Dans cette mesure, il convient de considérer que cet accord-cadre prévoit une contrepartie des services de transport sanitaire qu’il vise.

51      Par conséquent, l’accord-cadre de 2004 doit être considéré comme ayant été conclu à titre onéreux au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/50.

52      Il découle de ce qui précède que ledit accord-cadre constitue un marché public de services au sens de cette même disposition.

53      En vertu de son article 7, paragraphe 1, la directive 92/50 ne s’applique qu’aux marchés publics de services dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse certains montants précisés à cette disposition.

54      Les termes de l’accord-cadre de 2004 ne permettent pas de connaître la valeur, même estimative, de celui-ci. Cet accord-cadre ne fournit qu’un barème de prix unitaires à partir duquel il n’est pas possible d’établir la valeur du marché en cause.

55      À la lumière de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 92/50, il convient de considérer que la valeur de l’accord-cadre de 2004 est constituée par la valeur totale des marchés spécifiques qui sont ou seront passés en vertu de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 1995, Commission/Grèce, précité, point 15).

56      La Commission soutient que, compte tenu, d’une part, du fait que l’accord-cadre de 2004 couvre, sur le territoire de la Région de Toscane, tous les services de transport sanitaire qui ne sont pas effectués par les agences elles-mêmes et, d’autre part, de la durée pluriannuelle de cet accord-cadre, il est présumé que le seuil d’application de la directive 92/50 de 200 000 euros est atteint.

57      Cependant, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, Rec. p. I‑3331, point 41).

58      La Commission n’a produit aucune preuve relative à la valeur des marchés spécifiques conclus en vertu de l’accord-cadre de 2004.

59      Dans ces conditions, il n’est pas établi que le seuil d’application de la directive 92/50 a été atteint en l’espèce.

60      Il en résulte que le recours n’est pas fondé en ce qu’il est tiré d’une violation de la directive 92/50.

61      À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour de constater que la conclusion de l’accord-cadre de 2004 serait contraire à l’article 49 CE si la valeur des services attribués à travers cet accord-cadre et figurant à l’annexe I B de la directive 92/50 devait s’avérer supérieure à celle des services figurant à l’annexe I A de cette directive.

62      Or, comme cela a été relevé au point 58 du présent arrêt, la Commission n’a fourni aucun élément de preuve quant à la valeur du marché en cause. Il est donc impossible de déterminer la valeur relative des services en cause qui relèvent de l’annexe I A ou de l’annexe I B de la directive 92/50.

63      À supposer que lesdits services relèvent, pour la partie prépondérante de leur valeur, de l’annexe I B de la directive 92/50, il conviendrait, toutefois, de rappeler que, dans la mesure où un marché relatif à un service relevant de cette annexe présente un intérêt transfrontalier certain, l’attribution, en l’absence de toute transparence, de ce marché à une entreprise située dans l’État membre du pouvoir adjudicateur de ce marché est constitutive d’une différence de traitement au détriment des entreprises susceptibles d’être intéressées par ce marché, qui sont situées dans un autre État membre (voir arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, C‑507/03, non encore publié au Recueil, point 30 et jurisprudence citée).

64      À moins qu’elle ne se justifie par des circonstances objectives, une telle différence de traitement, qui, en excluant toutes les entreprises situées dans un autre État membre, jouerait principalement au détriment de celles-ci, serait constitutive d’une discrimination indirecte selon la nationalité, interdite en application de l’article 49 CE (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, précité, point 31 et jurisprudence citée).

65      Dans ces conditions, il appartiendrait à la Commission d’établir que, nonobstant le rattachement du marché en cause aux services relevant de l’annexe I B de la directive 92/50, ledit marché présentait, pour une entreprise située dans un État membre autre que celui dont relève le pouvoir adjudicateur concerné, un intérêt certain et que cette dernière, n’ayant pas eu accès aux informations adéquates avant que ce marché ne soit attribué, n’a pu être en mesure de manifester son intérêt pour celui‑ci (voir arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, précité, point 32).

66      En l’espèce, ces éléments n’ont pas été rapportés par la Commission. En effet, la simple indication, par celle-ci, de l’existence d’une plainte qui lui a été adressée en relation avec le marché en cause ne saurait suffire à démontrer que ledit marché présentait un intérêt transfrontalier certain et, par conséquent, à constater l’existence d’un manquement (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, précité, point 34).

67      Dès lors, il convient de constater que le recours n’est pas fondé en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 49 CE.

68      En conséquence, le recours de la Commission doit être rejeté.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.