Language of document : ECLI:EU:T:2023:830

Affaire T313/22

Roman Arkadyevich Abramovich

contre

Conseil de l’Union européenne

 Arrêt du Tribunal (première chambre élargie) du 20 décembre 2023

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “femmes et hommes d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Égalité de traitement – Droit de propriété – Liberté d’entreprise – Droit à la vie privée – Application de restrictions en matière d’admission à un ressortissant d’un État membre – Libre circulation des citoyens de l’Union »

1.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et personnes leur étant associées – Obligation d’identifier dans la motivation les éléments spécifiques et concrets justifiant ladite mesure – Décision s’inscrivant dans un contexte connu de l’intéressé lui permettant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard – Admissibilité d’une motivation sommaire

[Art. 296, 2e al., TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 41, § 2, c) ; décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 39-42, 45-47, 50)

2.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Droits de la défense – Décision subséquente ayant maintenu le nom du requérant sur la liste des personnes visées par ces mesures – Absence de nouveaux motifs – Obligation pour le Conseil de communiquer à l’intéressé les éléments nouveaux pris en compte à l’occasion du réexamen périodique des mesures restrictives – Communication des éléments nouveaux à l’intéressé aux fins de recueillir ses observations

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/1530 et (PESC) 2023/572 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/1529 et 2023/571]

(voir point 59)

3.      Droit de l’Union européenne – Principes – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Droit à une audition formelle préalable – Absence – Violation du droit d’être entendu – Absence

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/1530 et (PESC) 2023/572 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/1529 et 2023/571]

(voir point 60)

4.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds des femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et des personnes leur étant associées – Droits de la défense – Décision subséquente ayant maintenu le nom du requérant dans la liste des personnes visées par ces mesures – Absence de nouveaux motifs – Absence de nouveaux éléments à charge – Communication des éléments à charge – Absence – Violation du droit d’être entendu – Absence

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/1530 et (PESC) 2023/572 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/1529 et 2023/571]

(voir points 62, 65-67)

5.      Droit de l’Union européenne – Principes – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Obligation des institutions d’adhérer au point de vue des parties intéressées – Absence – Obligation de répondre à l’ensemble des arguments des parties – Absence

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 41, § 2)

(voir points 69, 70)

6.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Portée du contrôle – Preuve du bien-fondé de la mesure – Obligation de l’autorité compétente de l’Union d’établir, en cas de contestation, le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre des personnes ou des entités concernées – Erreur d’appréciation – Absence

[Art. 275, 2d al., TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47 ; décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 75-79, 102-102-106, 112, 113, 116, 117, 120, 121)

7.      Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Portée du contrôle – Preuve du bien-fondé de la mesure – Obligation de l’autorité compétente de l’Union d’établir, en cas de contestation, le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre des personnes ou des entités concernées – Étendue de la marge d’appréciation de ladite autorité compétente – Pertinence des preuves produites au titre d’une précédente inscription en l’absence de modification des motifs, de changements dans la situation du requérant ou d’évolution du contexte en Ukraine

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 80, 81)

8.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Critères d’adoption des mesures restrictives – Femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et personnes leur étant associées – Notion – Nécessité d’établir des liens étroits ou une relation d’interdépendance entre la personne visée par les mesures et le gouvernement russe ou ses actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Absence

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811, art. 2, § 1, g) ; règlements du Conseil no 269/2014, art. 3, § 1, g), 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 92-97)

9.      Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Critères d’adoption des mesures restrictives – Femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et personnes leur étant associées – Notion de secteur économique fournissant une source substantielle de revenus

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811, art. 2, § 1, g) ; règlements du Conseil no 269/2014, art. 3, § 1, g), 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 108, 109)

10.    Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds des femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et des personnes leur étant associées – Non-adoption par le Conseil de mesures restrictives à l’encontre d’hommes d’affaires n’étant pas de nationalité russe – Violation du principe d’égalité de traitement – Absence

[Décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 127, 130)

11.    Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds des femmes ou hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et des personnes leur étant associées – Contrôle juridictionnel de la légalité – Caractère approprié des mesures restrictives – Mesures restrictives poursuivant un objectif légitime de la politique étrangère et de sécurité commune

[Art. 5, § 4, et 21, § 2, c), TUE ; décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 137-141, 144-146, 149)

12.    Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Restriction du droit au respect de la vie privée, du droit de propriété, de la liberté d’entreprise et du droit de circulation et de séjour – Violation du principe de proportionnalité – Absence

[Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7, 16, 17, 45 et 52, § 1 ; décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir points 155-164, 166)

13.    Droit de l’Union européenne – Principes – Droits fondamentaux – Présomption d’innocence – Décision de gel des fonds prise à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Ukraine – Compatibilité avec ledit principe – Conditions

[Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 48, § 1 ; décision du Conseil 2014/145/PESC, telle que modifiée par les décisions (PESC) 2022/429, (PESC) 2022/1530, (PESC) 2023/572 et (PESC) 2023/811 ; règlements du Conseil no 269/2014, 2022/427, 2022/1529, 2023/571 et 2023/806]

(voir point 167)

14.    Responsabilité non contractuelle – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Conditions cumulatives – Absence de l’une des conditions – Rejet du recours en indemnité dans son ensemble

(Art. 340, 2e al., TFUE)

(voir points 172-175)

Résumé

À la suite de l’agression militaire perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 15 mars 2022, la décision 2022/429 (1) et le règlement 2022/427 (2), par lesquels Roman Arkadyevich Abramovich a été ajouté sur les listes des personnes, entités et organismes adoptées par le Conseil depuis 2014 (3) du fait du soutien accordé à des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

Le requérant, un homme d’affaires de nationalités russe, israélienne et portugaise, s’est vu imposer, par le Conseil, l’interdiction d’entrée ou de transit sur le territoire des États membres et le gel de ses fonds et avoirs bancaires, conformément, respectivement, à l’article 1, paragraphe 1, sous b) et e), et à l’article 2, paragraphe 1, sous d) et g), de la décision 2014/145 telle que modifiée, en raison de ses liens étroits avec le président Poutine et de sa qualité d’actionnaire majeur d’Evraz, l’un des plus grands contribuables de la Russie. Ces mesures ont été prorogées à l’égard du requérant en septembre 2022 (4), en mars 2023 (5) et en avril 2023 (6) pour les mêmes motifs.

Le requérant a saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours tant en annulation des actes du Conseil qu’en réparation du préjudice prétendument subi du fait de ces actes.

Le Tribunal, qui rejette le recours dans son intégralité, précise le champ d’application du critère d’inscription visé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 [ci-après le « critère g) »] fondé sur la qualité d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Russie.

Appréciation du Tribunal

S’agissant, tout d’abord, de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Il précise que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure. En l’occurrence, le contexte et les circonstances ayant entouré l’adoption des actes attaqués étaient bien connus du requérant. En outre, la motivation des actes attaqués mentionne explicitement les critères d’inscription et les raisons factuelles pour lesquelles le Conseil a décidé d’inscrire ou de maintenir son nom sur les listes en cause. Dès lors, le Tribunal conclut que les actes attaqués énoncent à suffisance de droit les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement.

En ce qui concerne, ensuite, le droit d’être entendu du requérant, le Tribunal relève que le seul fait que le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien-fondé de la prorogation des mesures restrictives, ni même jugé utile de procéder à des vérifications au vu des observations présentées par le requérant, ne saurait impliquer qu’il n’a pas pris connaissance de telles observations. En effet, si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci. Le Tribunal conclut que le Conseil s’est acquitté de ses obligations en ce qui concerne le respect du droit du requérant d’être entendu.

Pour ce qui est, par ailleurs, de l’inscription du requérant sur les listes sur la base du critère g), le Tribunal note que ce critère recourt à la notion de « femmes ou hommes d’affaires influents » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [russe] », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. À ce sujet, il existe un lien logique entre le fait de cibler cette catégorie de personnes et l’objectif des mesures restrictives en question, qui est d’accroître la pression sur la Russie ainsi que le coût de ses actions contre l’Ukraine. Il en conclut que le critère g) doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il s’applique aux femmes et hommes d’affaires considérés comme influents du fait de leur importance dans leur secteur d’activité et de l’importance de ce secteur pour l’économie russe et, d’autre part, que ce sont les secteurs économiques dans lesquels interviennent ces personnes qui doivent fournir une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe.

En l’espèce, le Tribunal estime que le Conseil a considéré à bon droit que le requérant était un homme d’affaires influent en raison, notamment, de son statut professionnel, de l’importance de ses activités économiques, de l’ampleur de ses possessions capitalistiques au sein d’Evraz et, plus particulièrement, de sa qualité d’actionnaire principal de la société mère dudit groupe de sociétés.

Le Tribunal souligne en outre que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le secteur économique dans lequel le requérant a une activité fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe. Il souligne à cet égard que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [russe] », au sens du critère g), se réfère aux revenus provenant des secteurs économiques importants en Russie et non uniquement aux impôts payés par les femmes et hommes d’affaires influents. Par ailleurs, la circonstance que les recettes fiscales provenant du secteur sidérurgique et des mines seraient principalement affectées aux budgets des entités fédérées locales est dénuée de pertinence. En effet, même si cette source de revenus n’est pas destinée au budget fédéral ni directement utilisée par ledit gouvernement pour soutenir ses dépenses militaires, il n’en demeure pas moins qu’elle permet à ce gouvernement, dans sa globalité, sans distinguer selon que ces revenus émanent du budget fédéral ou des budgets régionaux, de mobiliser davantage de ressources pour ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

Faisant suite à l’argument du requérant selon lequel l’application du critère g) par le Conseil est discriminatoire en ce que ledit critère vise les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les entreprises étrangères, le Tribunal constate que ce critère ne vise pas la nationalité des personnes désignées, mais toute personne physique ayant la qualité de femme ou d’homme d’affaires influent au sens dudit critère. Par conséquent, les personnes visées par les mesures restrictives en cause peuvent être de toute nationalité si elles remplissent le critère en question.

S’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, le Tribunal estime, au regard de l’importance primordiale des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix, que les conséquences négatives résultant de leur application au requérant ne sont pas manifestement disproportionnées. La démarche du Conseil d’élargir progressivement, en raison de l’aggravation de la situation en Ukraine, le cercle des personnes et des entités visées par les mesures restrictives en cause, afin d’atteindre les objectifs poursuivis, le corrobore. En outre, lesdites mesures sont adéquates au regard des objectifs d’intérêt général poursuivis et nécessaires, dans la mesure où des mesures alternatives et moins contraignantes ne permettraient pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis. Le principe de proportionnalité n’a, dès lors, pas été méconnu.

Enfin, concernant les violations des droits fondamentaux invoquées par la requérante, le Tribunal note que, conformément aux prévisions de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ceux-ci ne sont pas des prérogatives absolues et peuvent faire l’objet de limitations pour autant que les limitations concernées sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. Le Tribunal constate que ces conditions sont remplies en l’espèce. Par ailleurs, il relève que les mesures restrictives ne revêtent aucun caractère pénal et n’ont donc pas pour effet de porter atteinte au droit à la présomption d’innocence, reconnu à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès lors, les limitations des droits fondamentaux du requérant, qui découlent des mesures restrictives adoptées à son égard dans les actes attaqués, ne sont pas disproportionnées et ne sauraient entacher lesdits actes d’illégalité.

La condition relative à l’illégalité du comportement reproché au Conseil faisant défaut, le Tribunal juge, en dernière analyse, que la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée et rejette, en conséquence, la demande indemnitaire du requérant.


1      Décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87I, p. 44).


2      Règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87I, p. 1).


3      Décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).


4      Décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2022, L 239, p. 149) et règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2022, L 239, p. 1).


5      Décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2023, L 75I, p 134) et règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2023, L 75I, p. 1).


6      Décision (PESC) 2023/811 du Conseil, du 13 avril 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2023, L 101, p. 67) et règlement d’exécution (UE) 2023/806 du Conseil, du 13 avril 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2023, L 101, p. 1).