Language of document : ECLI:EU:T:2007:348

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

20 novembre 2007 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Absence irrégulière – Perte du bénéfice de la rémunération – Article 59 du statut – Certificat médical »

Dans l’affaire T‑103/05,

P, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Barcelone (Espagne), représentée par MM. Griful i Ponsati, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. J. Currall et Mme L. Lozano Palacios, puis par M. Currall et Mme I. Martínez del Peral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 10 mai 2004 de la Commission déclarant l’absence de la requérante irrégulière à partir du 16 mars 2004 et supprimant sa rémunération à partir du 15 avril 2004 jusqu’à la prise de ses fonctions à la direction générale « Presse et communication » à Bruxelles,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. J. D. Cooke, président, Mme I. Labucka et M. M. Prek, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        À sa demande et pour des raisons familiales, la requérante, Mme P, a été transférée le 1er février 1992 du cabinet du membre de la Commission, M. Matutes, à la direction générale (DG) « Personnel et administration », à Bruxelles, et détachée auprès de la représentation de la Commission à Barcelone. À la suite de la restructuration des services de la Commission, elle a été successivement transférée à la DG « Information, communication, culture, audiovisuel », puis à la DG « Presse et communication », tout en restant affectée à la représentation à Barcelone.

2        Par une note datée du 22 mai 2003, la requérante a été informée que la DG « Presse et communication » ne disposait plus de ressources suffisantes pour faire face à ses besoins et de ce qu’il avait été décidé de retirer l’emploi C de la représentation à Barcelone pour le réaffecter à un secteur prioritaire au siège de la Commission à partir du 1er septembre 2003. La requérante a été invitée à prendre toutes les dispositions nécessaires pour son transfert à la DG « Presse et communication » à Bruxelles à partir de cette date. Par courrier du 4 juin 2003 adressé au chef de l’unité 1 « Personnel et administration » de la direction C « Ressources » de la DG « Presse et communication », la requérante a demandé à être transférée au bureau d’information du Parlement européen à Barcelone.

3        Le 24 juillet 2003, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), contre la décision de la réaffecter au siège à Bruxelles. À l’appui de cette réclamation, elle a invoqué sa situation de famille difficile ainsi que son état de santé et a fait état du harcèlement moral dont elle aurait fait l’objet sur son lieu de travail ainsi que du comportement de ses collègues dans le service. Elle a suggéré, comme étant une solution administrative satisfaisante, son transfert à l’antenne de Barcelone du Parlement européen.

4        Le 11 novembre 2003, un entretien entre le responsable des ressources humaines de la DG «Presse et communication » et la requérante a eu lieu à Bruxelles. Il a été décidé de lui accorder un délai supplémentaire jusqu’au 1er février 2004 en vue de lui permettre de prendre les dispositions nécessaires pour sa réintégration au siège ou pour trouver une autre possibilité de rester à Barcelone.

5        Par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du 16 décembre 2003, qui a été communiquée à la requérante par note du 17 décembre 2003, la réclamation a été rejetée. La requérante n’a pas formé de recours devant le Tribunal contre ladite décision.

6        Parallèlement à ces échanges est né un différend à propos de l’état de santé de la requérante.

7        À partir du 14 juillet 2003, la requérante a été en congé de maladie. Dans la décision du 16 décembre 2003, l’AIPN a constaté, d’une part, que le service médical de la Commission avait, par deux fois, jugé la requérante apte au travail à 100 % et, d’autre part, qu’une réaffectation à Bruxelles n’empêchait pas le suivi d’un traitement médical si la requérante en avait besoin.

8        Depuis le 1er février 2004, date de son affectation à Bruxelles, la requérante a été absente de son poste de travail pratiquement sans interruption. Elle a en effet été en congé du 5 au 20 février et en congé de maladie à partir du 21 février.

9        Le 15 mars 2004, le médecin-conseil a effectué une visite de contrôle à Barcelone. Ce médecin a estimé que la requérante était en mesure de travailler à 50 % à partir du 16 mars 2004 et qu’elle pouvait de ce fait se rendre à Bruxelles et y travailler à mi-temps à compter de cette date. Il a constaté que la requérante avait été inapte au travail jusqu’au 15 mars et a donc accepté le certificat médical présenté par la requérante jusqu’à cette date.

10      À cette même date, la requérante a demandé un rapport à un médecin spécialiste, le Dr. B. Ce rapport indique ce qui suit :

« Je certifie que [Mme P] continue à souffrir d’un état d’anxiété qui, jusqu’à présent, n’a pas évolué favorablement. La patiente manifeste un degré élevé d’angoisse, confinant au désespoir, face à la possibilité qu’il soit décidé qu’elle doive déménager à Bruxelles, tant parce qu’elle devrait quitter sa ville natale et sa famille, que parce qu’elle devrait retrouver des conditions de travail que la patiente perçoit comme extrêmement compétitives et défavorables. »

11      Toutefois, ce certificat ne faisant pas état de l’existence d’une incapacité de travail et n’indiquant pas les dates de début et de fin de cette incapacité, le médecin-conseil a estimé qu’il ne constituait pas un certificat d’incapacité de travail valable et que la requérante devait dès lors adresser un certificat qui soit conforme au guide des absences pour maladie ou accident (ci-après le « Guide »).

12      Faisant suite à une demande de clarifications formulée par la requérante, le service médical a envoyé à cette dernière la documentation contenue dans le Guide, qui, par ailleurs, est disponible sur l’Intranet de la Commission.

13      Le 5 mai 2004, le service médical de la Commission a transmis au responsable des ressources humaines de la DG « Presse et communication », et cela à sa demande, une note de dossier établie par ledit service qui retraçait les démarches entreprises et concluait qu’il y avait lieu de considérer que l’absence de la requérante de son poste de travail était irrégulière à compter du 16 mars 2004.

14      Par lettre du 10 mai 2004, le chef de l’unité 1 de la direction C de la DG « Presse et communication » a informé la requérante de sa décision de considérer son absence comme irrégulière. En conséquence, il lui faisait savoir que, après décompte des jours de congé auxquels elle avait droit, elle perdait le bénéfice de sa rémunération à compter du 15 avril 2004, et ce jusqu’à la prise de ses fonctions à la DG « Presse et communication » à Bruxelles.

15      Le 22 juin 2004, la requérante a adressé à l’administration une nouvelle réclamation, dans laquelle elle déclarait qu’elle jugeait abusive la mesure de suspension de son traitement, eu égard à la réclamation qu’elle prétendait avoir adressée à l’AIPN le 7 mai 2004.

16      Les services de l’administration n’ayant pas reçu le courrier daté du 7 mai 2004, la requérante a envoyé, le 17 septembre 2004, une nouvelle lettre, accompagnée de ce courrier ainsi que d’un autre courrier daté du 22 juin 2004 adressé à la DG « Presse et communication ». Ces documents ont été joints à la réclamation.

17      La lettre datée du 7 mai 2004 contenait une demande adressée à l’AIPN visant à « priver d’effet la décision de transfert ou de réaffectation prise par la décision du 22 mai 2003 et les actes qui en découlent ». À titre subsidiaire, la requérante demandait « de priver d’effet les décisions d’affectation prises après la décision précitée, compte tenu de [sa] situation psychique ». Elle demandait dans cette même lettre « d’ordonner un contrôle médical approprié […] en ce qui concerne son indisposition psychique ». Enfin, elle demandait « d’engager une procédure à l’encontre du directeur de la représentation de Barcelone sur la base des faits décrits, qui [pouvaient] être constitutifs tant de harcèlement moral que de discrimination fondée sur le sexe ».

18      Le chef de l’unité 2 « Recours » de la direction B « Statut : politique, gestion et conseil » de la DG « Personnel et administration » a adressé une lettre à la requérante, en date du 25 octobre 2004, dans laquelle il lui indiquait que ses allégations de harcèlement moral ne pouvaient être considérées comme étant liées à la réclamation qu’elle avait introduite.

19      Le 28 octobre 2004, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a notifié à la requérante une décision de rejet de sa réclamation.

20      Le 17 novembre 2004, la requérante a présenté une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut.

21      Par décision du directeur général de la DG « Personnel et administration », dont la requérante a accusé réception le 15 mars 2005, cette demande d’assistance a été rejetée.

 Procédure et conclusions des parties

22      Le 11 février 2005, la requérante a introduit le présent recours.

23      La requérante n’ayant pas déposé de réplique dans le délai imparti, la procédure écrite a été close le 22 juillet 2005.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 janvier 2007.

25      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 28 octobre 2004 ainsi que la décision du 10 mai 2004 ;

–        reconnaître son droit à percevoir ses traitements depuis le 15 avril 2004 jusqu’à ce qu’elle soit déclarée médicalement apte au travail ;

–        délivrer une commission rogatoire aux juridictions de Barcelone afin qu’elles s’assurent de l’authenticité et de la véracité des documents auprès des personnes les ayant signés, au cas où l’authenticité des documents versés en annexes 4, 6, 7 et 11 serait contestée ;

–        ordonner à la Commission de produire une copie de plusieurs pièces ;

–        ordonner au médecin-conseil de préciser les motifs pour lesquels il a considéré qu’elle n’était pas apte à travailler du 16 février au 15 mars 2004 à 100 % et à 50 % à partir de cette date ;

–        ordonner une expertise afin qu’un médecin spécialisé en psychiatrie se prononce sur son état de santé et précise si elle peut être considérée comme étant apte au travail et si, en mars-avril 2004, elle était en mesure de travailler à Bruxelles soit à temps complet, soit à mi-temps ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, en le déclarant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      Lors de l’audience, en répondant aux questions posées par le Tribunal, l’avocat de la requérante a précisé que seule la décision du 10 mai 2004, relative à l’absence irrégulière de la requérante et à la perte de sa rémunération à compter du 15 avril 2004, compte tenu du décompte des jours de congé auxquels elle avait droit jusqu’à la prise de ses fonctions à la DG « Presse et communication » à Bruxelles, faisait l’objet du présent litige, les éléments concernant son affectation à Bruxelles et les allégations de harcèlement moral n’étant présentés qu’en vue d’expliquer sa situation. Le Tribunal en a pris acte.

 En droit

 Observations liminaires

28      Eu égard aux éclaircissements apportés par le conseil de la requérante lors de l’audience, le Tribunal considère que la requête doit être comprise comme visant à contester la légalité de la décision du 10 mai 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la requérante faisant valoir que son absence à partir du 16 mars 2004 n’était pas irrégulière, puisqu’elle était dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé. En outre, il ressort de la requête que la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée.

29      Le Tribunal examinera donc les griefs exposés par la requérante, qui s’articulent en deux moyens, le premier, formulé à titre principal, étant tiré d’une violation de l’article 59 du statut ainsi que d’une erreur d’appréciation quant à l’état de santé de la requérante et, le second, d’un défaut de motivation. Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner, tout d’abord, ce second moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

30      La requérante invoque la jurisprudence selon laquelle les intéressés auraient le droit de connaître le résultat des examens médicaux les concernant et de les attaquer (arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, Rec. p. I‑7597, et arrêt du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission, T‑169/95, RecFP p. I‑A‑91 et II‑273). Elle indique que, en l’occurrence, elle ignore totalement les motifs pour lesquels elle n’est autorisée à travailler qu’à mi-temps et les raisons pour lesquelles elle ne pourrait pas travailler le reste du temps.

31      Selon la Commission, dès lors qu’il n’a pas été mentionné dans la réclamation préalable, l’argument tiré de l’absence de motivation de la décision déclarant la requérante apte à travailler à mi-temps est irrecevable.

32      La Commission estime que, en réalité, cet argument rejoint celui selon lequel la requérante aurait justifié son absence pour raisons médicales, puisqu’il présuppose que le service médical a adopté une décision irrégulière en considérant qu’elle était apte à travailler à mi-temps.

 Appréciation du Tribunal

33      En premier lieu, quand aux objections soulevées par la Commission concernant la recevabilité du présent moyen, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, il importe peu que le défaut de motivation d’un acte d’une institution ait été soulevé tardivement par le requérant, dès lors que, s’agissant d’un moyen d’ordre public, il peut et même doit, en tout état de cause, être examiné d’office par le juge communautaire (arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, González Holguera/Parlement, T‑115/89, Rec. p. II‑831, publication par extraits, point 37, et du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1139, point 25). Il s’ensuit qu’aucun requérant ne saurait être forclos à se prévaloir de ce moyen au seul motif qu’il ne l’a pas soulevé à un stade antérieur (arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 75).

34      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, l’acte faisant grief est celui qui est susceptible d’affecter directement et immédiatement la situation juridique et statutaire d’un fonctionnaire. Un tel acte doit émaner de l’AIPN et revêtir un caractère décisionnel (voir ordonnance du Tribunal du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, Rec. p. II‑1723, point 21, et la jurisprudence citée). En l’espèce, la décision attaquée est l’acte faisant grief, sur lequel doit porter l’examen de la motivation, tandis que l’avis médical du médecin-conseil qui constate que la requérante était apte à travailler mi-temps n’est qu’un acte préparatoire.

35      Il est également constant qu’une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Demont/Commission, 791/79, Rec. p. 3105, point 12 ; du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 26, et du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 35 ; arrêt du Tribunal du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, point 86).

36      Le Tribunal observe en l’espèce que, si la décision attaquée elle-même ne contient pas de motivation détaillée concernant les raisons pour lesquelles la requérante est apte à travailler mi-temps, elle se réfère néanmoins à un document qui y est annexé, à savoir la note du service médical du 5 mai 2004. Cette note retrace la chronologie des faits relatifs à la maladie de la requérante et fait apparaître que, depuis le mois du juillet 2003, elle a été absente du travail pratiquement constamment, invoquant plusieurs pathologies et présentant de nombreux certificats médicaux.

37      En outre, la situation médicale, particulièrement floue, de la requérante a finalement donné lieu à une visite sur place à Barcelone du médecin-conseil. Il est indiqué dans l’avis médical émis par ce médecin et que la requérante a reconnu avoir reçu que, ainsi qu’il est indiqué dans la note susmentionnée, le médecin-conseil a admis l’incapacité de travail totale pour la période du 16 février au 15 mars 2004 et a constaté que la requérante était tout à fait apte à travailler à mi-temps à partir du 16 mars 2004.

38      Par ailleurs, il ressort clairement de tous les arguments soulevés par la requérante dans ses échanges avec l’administration que ce n’est pas la reconnaissance de son aptitude à travailler à mi-temps, mais le fait même d’être reconnue apte à travailler et d’être obligée de se présenter à Bruxelles que la requérante a contesté. Quant à la décision attaquée, il ressort de son contexte qu’elle a été prise pour protéger les intérêts de la requérante, en vue de lui permettre de reprendre progressivement et plus facilement le travail, ainsi que la Commission l’a précisé lors l’audience. Dans ces circonstances, compte tenu des rapports et des certificats précédents qui la déclaraient apte à travailler à 100 %, il s’agissait d’une mesure favorable à la requérante qui n’avait pas besoin d’être motivée plus avant.

39      De plus, sans revenir sur l’appréciation de la recevabilité du présent moyen, le Tribunal observe que, si la requérante avait encore quelques doutes sur les motifs de la décision attaquée, elle aurait pu soulever cette question dans le cadre de la procédure d’arbitrage prévue à l’article 59 du statut Or, elle n’a pas sollicité la mise en œuvre de cette procédure (voir point 65 ci-après).

40      Ainsi, eu égard à la jurisprudence citée ci-dessus, le Tribunal considère que la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée.

41      Par conséquent, il convient de rejeter le présent moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 59 du statut ainsi que d’une erreur d’appréciation quant à l’état de santé de la requérante

 Arguments des parties

42      La requérante affirme qu’elle se trouvait en incapacité de travail et considère la suspension de son traitement injustifiée. Elle fait état du rapport médical du Dr. B certifiant qu’elle manifestait un degré élevé d’angoisse, confinant au désespoir, face à la possibilité de devoir déménager à Bruxelles aussi bien parce qu’elle devait quitter sa ville et sa famille que parce qu’elle devait aussi y trouver des conditions de travail qu’elle considérait comme étant conflictuelles et défavorables.

43      La requérante considère que ce certificat médical est suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 59 du statut ainsi qu’à celles du Guide. En réponse aux critiques exprimées par la Commission à propos de l’absence, dans ce certificat médical, d’indication de la durée prévisible de sa maladie, elle souligne que, cette maladie n’étant pas de nature physique, mais psychopathologique, sa durée ne pouvait être précisée. Elle ajoute que sa situation médicale est d’ailleurs toujours la même qu’en mars 2004.

44      Enfin, étant donné la divergence apparaissant entre les deux rapports médicaux émis le 15 avril 2004, la requérante considère que la Commission aurait dû avoir recours à un arbitrage.

45      Lors de l’audience, la requérante a maintenu qu’elle avait le droit de recevoir son traitement à partir du 15 avril 2004, et ce jusqu’à ce qu’elle puisse reprendre le travail.

46      Selon la Commission, la seule question qui se pose en l’espèce consiste à savoir si le certificat médical qui a été présenté par la requérante le 15 mars 2004, à savoir celui établi le jour même où le service médical l’a déclarée apte à travailler à 50 %, peut être considéré comme valable au sens de l’article 59 du statut et de la jurisprudence.

47      Concernant l’allégation de la requérante selon laquelle le rapport du médecin-conseil de la Commission n’était pas étayé, la Commission indique que, conformément à la jurisprudence du Tribunal (arrêt du Tribunal du 20 novembre 1996, Z/Commission, T‑135/95, RecFP p. I‑A‑519 et II‑1413, point 32), le fonctionnaire qui conteste les conclusions d’une visite de contrôle médical le déclarant apte à travailler a l’obligation d’envoyer à la Commission les certificats qui établissent avec une précision suffisante et de manière concluante l’incapacité alléguée. En l’occurrence, le certificat médical du 15 mars 2004, délivré par le Dr. B, ne mentionnerait ni l’existence d’une incapacité de travail ni la durée prévue de l’incapacité. De même, ce certificat ne ferait pas état d’une incapacité de la requérante de se rendre à Bruxelles. Par conséquent, ce certificat ne remplirait pas les conditions exigées par la jurisprudence.

48      La Commission rappelle que, en dépit de l’information donnée à la requérante par le service médical sur les raisons pour lesquelles le certificat présenté n’était pas valable, la requérante n’a pas présenté par la suite de certificats remplissant les conditions de validité requises.

49      Par ailleurs, le certificat délivré par Dr. B ne contredirait pas les conclusions du certificat établi à la suite du contrôle effectué par la Commission, aucun des deux ne prévoyant d’incapacité de travail. S’il y avait eu une divergence entre les deux certificats du 15 mars 2004, il aurait fallu avoir recours à la procédure prévue à l’article 59 du statut, ce qui aurait conduit à l’établissement d’un rapport dont les conclusions sur l’incapacité de travail de la requérante se seraient imposées. La requérante n’aurait rien fait pour que cette procédure soit mise en œuvre et pour disposer d’un avis définitif.

50      Quant à la demande de la requérante qu’il soit enjoint au médecin-conseil de préciser les motifs pour lesquels il a considéré que celle-ci était inapte à travailler à 100 % du 16 février au 15 mars et à 50 % à partir de cette date, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières, sous peine d’usurper leurs prérogatives (arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Camera-Lampitelli e.a./Commission, T‑27/92, Rec. p. II‑873, point 25, et du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Parlement, T‑275/01, RecFP p. I‑A‑171 et II‑765, point 78). En outre, cette demande serait irrecevable dès lors qu’elle n’a pas été préalablement formulée dans la réclamation. Quant au fond, cette question concernant l’interprétation de conclusions médicales, elle aurait pu être réglée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 59 du statut. Par ailleurs, il serait tout à fait habituel, après de longues absences pour raison de maladie et pour permettre une adaptation progressive au travail, qu’il soit décidé de réintégrer la personne concernée à mi-temps dans son poste de travail. Dans le présent cas, compte tenu des rapports et des certificats précédents qui la déclaraient apte à travailler à 100 %, il se serait agi d’une mesure favorable à la requérante.

 Appréciation du Tribunal

51      L’article 59, premier alinéa, du statut établit ce qui suit :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

[…]

Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu.

Si le contrôle médical révèle que le fonctionnaire est en mesure d’exercer ses fonctions, son absence, sous réserve de l’alinéa ci-après, est considérée comme injustifiée à compter du jour du contrôle.

Si le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’[AIPN] sont médicalement injustifiées, le fonctionnaire ou un médecin agissant en son nom peut, dans les deux jours, saisir l’institution d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant.

[…] »

52      Ces règles du statut sont précisées dans le Guide. Concernant les conditions auxquelles doit satisfaire le certificat médical visé à l’article 59 du statut, le guide indique notamment :

« Le certificat médical doit être lisible et mentionner obligatoirement les informations suivantes :

–        nom et prénom du malade,

–        lieu de séjour du malade,

–        durée prévisible de l’incapacité de travail avec indication de la date de début et de fin de celle-ci.

–        Avant envoi, le fonctionnaire/agent/END doit s’assurer que son numéro personnel et sa qualité (fonctionnaire/agent temporaire/agent auxiliaire/END) soient également mentionnés lisiblement sur le certificat médical ;

–        L’AIPN, sur avis du service médical, peut refuser la validité d’un certificat médical illisible ou incomplet. Auquel cas, l’absence risque de ne pas être reconnue comme absence pour maladie, mais comme absence irrégulière (voir rubrique infra).

         […] »

53      Comme il est indiqué dans celui-ci, le Guide est une compilation des dispositions statutaires, des dispositions générales d’exécution de la Commission, des décisions et directives internes du directeur général de la DG « Personnel et administration », des conclusions des chefs d’administration, des informations administratives et des pratiques administratives au sein des services médicaux, dans le domaine des absences pour maladie ou accident.

54      En tant que tel, le Guide est établi pour faciliter la transparence des normes régissant le traitement des absences des employés. Compte tenu de son contenu et de ses fins, les dispositions de ce document sont contraignantes non seulement pour les employés, mais également pour l’administration. En effet, selon la jurisprudence, les institutions sont tenues au respect des directives internes qu’elles ont volontairement édictées, dont elles ne peuvent s’écarter sans préciser les raisons qui les ont amenées à le faire, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, point 50).

55      En l’espèce, la décision attaquée est fondée sur l’avis du 15 mars 2004 du médecin-conseil, établissant que la requérante était en mesure de travailler à 50 % à partir du 16 mars 2004 et qu’elle pouvait donc se rendre à Bruxelles et y travailler à mi-temps à compter de cette date. Le médecin-conseil a en outre considéré que la requérante avait été inapte au travail jusqu’au 15 mars 2004 et a donc accepté le certificat médical présenté par celle-ci jusqu’à cette date.

56      La requérante oppose à cet avis un certificat établi le même jour par un médecin spécialiste, le Dr. B, qui indique que la requérante souffre d’un état d’anxiété qui n’a pas évolué favorablement et qu’elle manifeste un degré élevé d’angoisse, confinant au désespoir, face à la possibilité qu’il soit décidé qu’elle doive déménager à Bruxelles, tant parce qu’elle devrait quitter sa ville natale et sa famille, que parce qu’elle devrait retrouver des conditions de travail perçues comme extrêmement compétitives et défavorables. Toutefois, ce certificat ne fait pas état de l’existence d’une incapacité de travail et n’indique pas les dates de début et de fin de cette incapacité. Selon la Commission, ce certificat ne répond pas aux exigences du Guide et, par conséquent, ne constitue pas un certificat d’incapacité de travail valable, ce que la requérante conteste.

57      Par conséquent, il convient de déterminer si le certificat médical du médecin spécialiste peut constituer un certificat d’incapacité de travail valable, si les deux certificats établis le même jour sont contradictoires et si, dans ce cas, la Commission devait mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par l’article 59 du statut.

58      Le Tribunal observe qu’il ressort clairement du Guide que, pour qu’un certificat médical justifie valablement une absence, il doit être lisible et mentionner obligatoirement le nom et le prénom du malade, le lieu de séjour du malade, ainsi que la durée prévisible de l’incapacité de travail avec l’indication de la date de début et de fin de celle-ci.

59      Les arguments de la requérante concernant la durée imprévisible de la maladie psychique dont elle serait atteinte ne sauraient être accueillis en l’espèce. Même s’il est vraisemblable que la date de la fin de la maladie de la requérante était difficile à établir, rien n’empêchait le médecin d’indiquer une date provisoire, à laquelle, en cas de besoin, la situation de la requérante aurait pu être examinée de nouveau.

60      Le Tribunal observe également que, outre que le Guide est disponible sur l’Intranet de la Commission, les services de la Commission ont, à plusieurs reprises, informé la requérante des exigences auxquelles doit satisfaire le contenu des certificats médicaux pour que ceux-ci soient valables (voir point 12 ci-dessus).

61      De plus, selon la jurisprudence du Tribunal, le certificat qui se borne à indiquer que la requérante continuait à suivre un traitement médical, sans pour autant faire état d’une quelconque incapacité à travailler, n’est pas de nature à rendre régulière la situation de la requérante au regard des articles 59 et 60 du statut. En effet, il incombe aux fonctionnaires concernés de soumettre des certificats d’où ressort, avec une précision suffisante et de façon concluante, l’incapacité dont ils entendent, le cas échéant, se prévaloir, sous peine de rendre sans effet les dispositions des articles 59 et 60 du statut (arrêt Z/Commission, précité, point 34).

62      Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, une fois la présomption de validité du certificat médical renversée par la visite médicale de contrôle, le fonctionnaire intéressé est tenu de reprendre le travail, à moins qu’il ne conteste à son tour les conclusions de ladite visite médicale de contrôle (arrêt Quijano/Commission, précité, point 40), s’applique mutatis mutandis au présent cas.

63      Or, comme la Commission le fait valoir à juste titre, le certificat présenté par la requérante n’établit pas l’incapacité de travail de la requérante et, par conséquent, ne mentionne pas les dates de début et de fin de cette incapacité. Dès lors, ce document ne peut en aucun cas constituer, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, un certificat dont ressort, avec une précision suffisante et de façon concluante, l’incapacité dont la requérante se prévaut. Il s’ensuit que la requérante a failli à l’obligation de justifier son absence de son lieu de travail.

64      En outre, le Tribunal constate que, ainsi que le fait valoir la Commission, ledit document ne contredit en rien la conclusion du médecin-conseil selon laquelle la requérante était, à partir du 16 mars 2004, apte à travailler à mi-temps.

65      Enfin, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’est pas dans l’obligation d’organiser un arbitrage pour parvenir à un accord concernant l’état de santé d’un fonctionnaire. Au contraire, il ressort du libellé même de l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut que, si le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’AIPN sont médicalement injustifiées, il lui appartient de saisir l’institution, dans les deux jours, d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant. Or, la requérante n’a pas sollicité la mise en œuvre d’une telle procédure.

66      En conclusion, il ressort de ce qui est relevé ci-dessus que le seul document valable pouvant être pris en compte au moment de l’adoption de la décision attaquée était l’avis médical du 15 mars 2004 du médecin-conseil. La requérante n’ayant pas eu recours à la procédure d’arbitrage prévue par le statut pour remettre en cause cet avis, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’ordonner les mesures d’instruction qu’elle sollicite pour apprécier la légalité de la décision attaquée, qui est bien fondée.

67      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

68      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Cooke

Labucka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’espagnol.