Language of document : ECLI:EU:T:2007:380

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 décembre 2007 (*)

« Concurrence – Ententes dans le secteur des produits vitaminiques – Chlorure de choline (vitamine B 4) – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen – Amendes – Effet dissuasif – Récidive – Coopération durant la procédure administrative – Infraction unique et continue »

Dans les affaires jointes T‑101/05 et T‑111/05,

BASF AG, établie à Ludwigshafen (Allemagne), représentée par MM. N. Levy, barrister, J. Temple-Lang, solicitor, et Me C. Feddersen, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑101/05,

UCB SA, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J. Bourgeois, J.‑F. Bellis et M. Favart, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑111/05,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée, dans l’affaire T‑101/05, par MM. A. Whelan et F. Amato, et, dans l’affaire T‑111/05, initialement par Mme O. Beynet et M. Amato, puis par MM. X. Lewis et Amato, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation ou de réduction des amendes infligées aux requérantes par la décision 2005/566/CE de la Commission, du 9 décembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.533 – Chlorure de choline) (résumé au JO 2005, L 190, p. 22),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, faisant fonction de président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 février 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Par la décision 2005/566/CE, du 9 décembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.533 – Chlorure de choline) (résumé au JO 2005, L 190, p. 22, ci-après la « Décision »), la Commission a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées ayant porté sur la fixation des prix, le partage des marchés et des actions concertées contre les concurrents dans le secteur du chlorure de choline dans l’EEE (article 1er de la Décision).

2        S’agissant du produit concerné, la Commission précise que le chlorure de choline fait partie du groupe de vitamines hydrosolubles B complexe (vitamine B 4). Il est principalement utilisé dans l’industrie de l’alimentation animale (volailles et porcs) comme additif alimentaire. Il est commercialisé soit en solution aqueuse à 70 %, soit pulvérisé sur support de céréales déshydratées ou de silice à teneur de 50 à 60 %. La partie du chlorure de choline qui n’est pas utilisée en tant qu’additif alimentaire pour les animaux est raffinée pour obtenir un produit de plus grande pureté (qualité pharmaceutique). À part les producteurs, le marché du chlorure de choline concerne, d’une part, les transformateurs, qui achètent le produit aux producteurs sous forme liquide et le transforment en chlorure de choline sur support soit pour le compte du producteur, soit pour leur propre compte, et, d’autre part, les distributeurs.

3        Il ressort du considérant 3 de la Décision que la Commission a ouvert une enquête sur le secteur du chlorure de choline au niveau mondial, après avoir reçu, en avril 1999, une demande d’application de mesures de clémence de la part du producteur américain Bioproducts. L’enquête a couvert une période allant de 1992 jusqu'à la fin de 1998. Au considérant 45 de la Décision, la Commission indique que le producteur canadien Chinook avait déjà pris contact avec elle le 25 novembre et les 3 et 16 décembre 1998 au sujet de l’entente en question, mais qu’elle n’avait pas ouvert d’enquête à cette époque.

4        En ce qui concerne l’EEE, l’entente en question a été mise en œuvre, aux termes du considérant 64 de la Décision, à deux niveaux différents, mais étroitement liés : le niveau mondial et le niveau européen. Au niveau mondial, les producteurs Bioproducts (États-Unis), Chinook (Canada), Chinook Group Limited (Canada), DuCoa (États-Unis), cinq sociétés du groupe Akzo Nobel (Pays-Bas) et les requérantes ont participé (directement ou indirectement) à des activités anticoncurrentielles entre juin 1992 et avril 1994. Ces activités avaient, en substance, pour objet d’augmenter les prix à l’échelle mondiale, notamment dans l’EEE, et de contrôler les transformateurs, notamment dans l’EEE, afin de garantir que ces derniers ne mettent pas en péril les augmentations convenues et de répartir les marchés mondiaux par le retrait des producteurs nord-américains du marché européen en contrepartie du retrait des producteurs européens du marché nord-américain. La Commission identifie neuf réunions de l’entente à l’échelle mondiale entre juin 1992 (à Mexico, Mexique) et avril 1994 (à Johor Bahru, Malaisie). La réunion la plus importante serait celle tenue à Ludwigshafen (Allemagne) en novembre 1992.

5        Seuls les producteurs européens (BASF AG, UCB SA et cinq sociétés du groupe Akzo Nobel) auraient participé aux réunions mettant en œuvre l’entente au niveau européen, qui a duré de mars 1994 à octobre 1998. La Commission identifie quinze réunions s’y rapportant, de mars 1994 (à Schoten, Belgique) à octobre 1998 (à Bruxelles, Belgique ou à Aix-la-Chapelle, Allemagne). Selon le considérant 65 de la Décision, ces réunions ont servi à la poursuite de l’accord conclu au niveau mondial. Elles auraient eu comme objectif l’augmentation régulière des prix dans l’ensemble de l’EEE assortie d’une répartition des marchés et d’une affectation des clients individuels, ainsi que le contrôle des transformateurs en Europe afin de sauvegarder un niveau élevé des prix.

6        Selon les appréciations de la Commission, les arrangements mondiaux et les arrangements européens s’inscrivaient tous, en ce qui concerne l’EEE, dans le cadre d’un projet global ayant déterminé les lignes d’action des membres de l’entente et restreignant leur comportement commercial individuel en vue de poursuivre un objectif économique anticoncurrentiel unique, à savoir fausser les conditions normales de concurrence dans l’EEE. Il convient, dès lors, selon la Commission, de considérer les arrangements conclus aux niveaux mondial et européen comme une infraction complexe et continue unique concernant l’EEE, à laquelle les producteurs nord-américains ont participé pendant un certain temps et les producteurs européens pendant l’intégralité de la période en cause.

7        En ce qui concerne l’identification des destinataires de la Décision, la Commission a précisé au considérant 166 de celle-ci que cinq sociétés du groupe Akzo Nobel (ci-après, prises ensemble « Akzo Nobel »), BASF, Bioproducts, Chinook, DuCoa et UCB devaient porter la responsabilité de l’infraction. En revanche, Ertisa, une société espagnole détenant 50 % du marché espagnol, ne s’est pas vu adresser la Décision, la Commission ayant estimé, au considérant 178 de celle-ci, que les preuves étaient globalement insuffisantes pour la rendre responsable des faits allégués.

8        À l’article 3 de la Décision, la Commission a ordonné aux entreprises destinataires de mettre fin immédiatement aux infractions visées à l’article 1er de la Décision dans la mesure où elles ne l’avaient pas fait et de s’abstenir désormais des actes ou des comportements infractionnels constatés, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet identique ou équivalent.

9        S’agissant de l’imposition des amendes, la Commission a considéré que les producteurs nord-américains (Bioproducts, Chinook et DuCoa) avaient mis fin à leur participation à l’infraction au plus tard le 20 avril 1994, à l’issue de la réunion de Johor Bahru (voir point 4 ci-dessus). Selon le considérant 165 de la Décision, la Commission ne possédait pas de preuves indiquant qu’il y ait eu d’autres réunions ou contacts auxquels les producteurs nord-américains auraient participé et au moyen desquels ils auraient fixé les prix pour l’EEE ou confirmé leur engagement initial de ne pas exporter vers l’Europe. Étant donné que le premier acte de la Commission à l’égard de cette infraction est daté du 26 mai 1999, soit plus de cinq ans après la fin de la participation des producteurs nord-américains, la Commission n’a imposé aucune amende à ces producteurs, conformément à l’article 1er du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), et à l’article 25 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

10      En revanche, la participation des producteurs européens ayant duré jusqu’au 30 septembre 1998, la Commission leur a infligé des amendes pour un montant global de 66,34 millions d’euros.

11      Le montant des amendes a été fixé par la Commission en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») ainsi que de sa communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »).

12      Au considérant 187 de la Décision, la Commission a énoncé les critères généraux sur la base desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a exprimé son intention de prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, en particulier la gravité et la durée de l’infraction, de donner un caractère suffisamment dissuasif à l’amende, d’apprécier au cas par cas le rôle joué par chaque entreprise partie à l’infraction, de tenir compte, notamment, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et d’appliquer, le cas échéant, la communication sur la coopération.

13      S’agissant de la gravité de l’infraction, la Commission a tenu compte de sa nature (fixation des prix, partage des marchés, répartition des clients, action concertée à l’encontre des concurrents), de l’impact concret de l’infraction sur le marché du fait de sa mise en œuvre ainsi que de la taille du marché géographique concerné (l’ensemble de l’EEE) pour conclure que les entreprises destinataires de la Décision avaient commis une infraction très grave à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE (considérants 190 à 198 de la Décision). Ce degré de gravité justifie, selon les lignes directrices, l’imposition d’une amende supérieure à 20 millions d’euros. Toutefois, la Commission a annoncé au considérant 199 de la Décision qu’elle tiendrait compte de la valeur relativement faible du marché du chlorure de choline dans l’EEE (52,6 millions d’euros en 1997, dernière année pleine de l’infraction).

14      En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission a annoncé qu’elle procéderait à un traitement différencié des sociétés impliquées afin de tenir compte de différences dans leur capacité économique effective à nuire gravement à la concurrence. Ainsi, compte tenu du fait que l’infraction a débuté au niveau mondial, avec la participation de sociétés nord-américaines qui ont, notamment, accepté de se retirer du marché européen, la Commission a estimé qu’il convenait de s’appuyer sur les parts de marché mondiales des entreprises parties à l’infraction pour déterminer leur importance respective (considérants 200 et 201 de la Décision).

15      Ainsi, sur la base des parts de marché mondiales détenues en 1997, la Commission a classé Chinook dans la première catégorie avec une part de marché de 19,3 %, DuCoa dans la deuxième catégorie avec une part de marché de 16,3 %, UCB, Bioproducts et Akzo Nobel dans la troisième catégorie avec des parts de marché respectivement de 13,4 %, de 12,2 % et de 12 %, et BASF dans la quatrième catégorie avec une part de marché de 9,1 %. À la suite de ce classement, les montants de départ ont été fixés à 12,9 millions d’euros pour UCB et à 9,4 millions d’euros pour BASF. Ces montants de départ ont été calculés sur la base d’un montant de départ pour la première catégorie de 20 millions d’euros (considérants 201 et 202 de la Décision).

16      Afin d’assurer un effet dissuasif suffisant, la Commission a, eu égard au chiffre d’affaires des requérantes en 2003 (3 milliards d’euros pour UCB et 33,4 milliards d’euros pour BASF), multiplié le montant de départ de l’amende de BASF par un facteur de 2 (considérant 203 de la Décision).

17      Ensuite, la Commission a majoré pour chacune des requérantes le montant de départ, tel que déterminé après l’application des facteurs de dissuasion, de 10 % pour chaque année pleine d’infraction et de 5 % pour chaque période supplémentaire de six mois ou plus, mais inférieure à un an. L’infraction ayant duré au moins cinq ans et onze mois (du 13 octobre 1992 au 30 septembre 1998), la Commission a augmenté les montants de départ de 55 %. Ainsi, les montants de base des amendes infligées ont été fixés à 29,14 millions d’euros pour BASF et à 20 millions d’euros pour UCB (considérants 206 et 207 de la Décision).

18      Une circonstance aggravante a été retenue contre BASF au titre de récidive, du fait qu’elle avait déjà fait l’objet, à deux reprises, de décisions d’interdiction pour le même type de comportement anticoncurrentiel. Il s’agit de la décision 69/243/CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l’article [81 CE] (IV/26.267 – Matières colorantes) (JO L 195, p. 11), et de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14). Cette circonstance a entraîné une augmentation de 50 % du montant de base de l’amende infligée à BASF, le portant à 43,71 millions d’euros (considérants 208 et 219 de la Décision).

19      Après avoir rejeté une série d’arguments avancés par les requérantes à titre de circonstances atténuantes, tirés d’une cessation précoce de l’infraction, de la non-application des accords, de la longue durée de l’enquête, de la situation de crise du secteur et des mesures disciplinaires prises à l’encontre des salariés impliqués dans l’infraction en vue d’appliquer un programme de mise en conformité, la Commission a réduit l’amende infligée à UCB en raison d’une coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la coopération de 1996. Plus précisément, c’est UCB qui avait informé la Commission, le 26 juillet 1999, de l’existence de l’infraction au niveau européen en signalant neuf réunions ayant eu lieu entre mars 1994 et octobre 1998, alors que la Commission ne disposait de renseignements que sur le niveau mondial de l’entente. Ce fait a donné lieu à une réduction de 25,8 % du montant de base de l’amende, le ramenant à 14,84 millions d’euros (considérants 218 et 219 de la Décision).

20      S’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 1996, la Commission précise au considérant 220 de la Décision que les requérantes ont toutes coopéré avec elle à différentes étapes de la procédure.

21      En réponse à une demande de renseignements datant du 26 mai 1999, BASF (le premier des trois producteurs européens à communiquer volontairement des preuves) a fourni, le 15 juin 1999, un rapport dont la partie G se référait au chlorure de choline. Cependant, les questions posées ne concernant pas ce produit, la Commission a considéré, au considérant 221 de la Décision, que la section G dudit rapport devait être qualifiée de communication volontaire de preuves au sens de la section D de la communication sur la coopération de 1996. Il en va de même des documents fournis par BASF le 23 juin 1999, qui comprenaient des éléments relatifs à la réunion de Ludwigshafen (considérant 221 de la Décision).

22      S’agissant de l’appréciation de la valeur de ces éléments, la Commission souligne que les preuves déjà fournies par Chinook et Bioproducts étaient, en elles-mêmes, manifestement suffisantes pour constituer une preuve décisive au sens de la section B de la communication sur la coopération de 1996. Ce seraient, en effet, les preuves fournies par Bioproducts le 7 mai 1999 qui auraient amené la Commission à envoyer, le 22 juin 1999, une demande de renseignements portant spécifiquement sur le chlorure de choline. Toutefois, la section G du rapport de BASF pourrait, nonobstant sa valeur limitée au vu des informations déjà disponibles, être considérée comme un élément confirmatif de l’infraction au niveau mondial au sens de la section D de la communication sur la coopération de 1996. Pour ce qui est des arrangements européens, la Commission souligne que BASF s’est limitée à déclarer que, malgré les efforts des producteurs européens, aucun accord effectif n’avait été conclu ou appliqué. Concernant une communication de BASF en date du 16 juillet 1999, celle-ci ne comprenait pas d’éléments contribuant à la confirmation de l’infraction et, en tout état de cause, constituerait une réponse à la demande de renseignements du 22 juin 1999. Pour le reste, la Commission indique qu’une communication de BASF datée du 4 novembre 2002, en réponse à une demande de renseignements du 30 août 2002, ne s’est révélée que d’une valeur très limitée à l’égard de deux réunions. Par ailleurs, BASF a informé la Commission, après avoir reçu la communication des griefs, qu’elle ne contestait pas la matérialité des faits. Sur la base de ces éléments, la Commission a accordé à BASF une réduction de 20 % du montant de l’amende qui lui aurait été autrement infligée (considérants 221 à 226 de la Décision).

23      En ce qui concerne UCB, la Commission a reconnu que les informations fournies le 26 juillet 1999 (voir point 19 ci-dessus) constituaient une contribution matérielle significative pour établir l’infraction au niveau européen même si aucun document datant de la période de 1995 à 1998 n’a été fourni. En revanche, la Commission n’a pas considéré une communication supplémentaire du 21 septembre 1999 comme étant d’une importance analogue. De plus, la contestation de la participation au niveau mondial de l’entente a amené la Commission à refuser le bénéfice d’une réduction pour non-contestation de la matérialité des faits. Par ces motifs, la Commission a accordé à UCB, sur la base de la section D de la communication sur la coopération de 1996, une réduction de 30 % du montant de l’amende qui lui aurait été autrement infligée (considérants 227 à 231 de la Décision).

24      À l’issue de cette procédure, les amendes infligées aux requérantes ont été fixées comme suit :

–        34,97 millions d’euros à BASF ;

–        10,38 millions d’euros à UCB.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 25 février (affaire T‑111/05, UCB/Commission) et 1er mars 2005 (affaire T‑101/05, BASF/Commission), les requérantes ont introduit les présents recours.

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2005 (enregistrée sous la référence T‑112/05), Akzo Nobel, également destinataire de la Décision, a introduit un recours contre celle-ci.

27      Par lettre du 25 juillet 2006, envoyée en réponse à une question écrite, BASF a informé le Tribunal de son désistement des premier et septième moyens.

28      Par ordonnance du 7 septembre 2006, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé, les parties entendues, de joindre les affaires T‑101/05, T‑111/05 ainsi que l’affaire T‑112/05 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a posé par écrit une question aux parties.

30      Les parties entendues lors de l’audience sur ce point, le Tribunal décide de disjoindre l’affaire T‑112/05 des affaires T‑101/05 et T‑111/05 aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

31      Dans l’affaire T‑101/05, BASF conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’amende imposée par la Décision ou en réduire substantiellement le montant ;

–        condamner la Commission à supporter les dépens et les autres dépenses encourues par elle concernant la présente affaire ;

–        arrêter toute mesure que le Tribunal juge appropriée.

32      Dans l’affaire T‑111/05, UCB conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la Décision ou à tout le moins annuler l’amende ou réduire substantiellement le montant de celle-ci ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Observations liminaires

34      BASF invoque cinq moyens mettant en cause l’appréciation de la Commission relative, premièrement, à la portée dissuasive de l’amende infligée, deuxièmement, à la majoration de son montant au titre de la récidive, troisièmement, à sa coopération durant la procédure administrative, quatrièmement, à la réduction globale qui devrait lui être accordée indépendamment de la communication sur la coopération de 1996 et, cinquièmement, à la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique et continue.

35      UCB, pour sa part, avance trois moyens, tirés d’une erreur dans la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique et continue, d’une application erronée de la communication sur la coopération de 1996 et, à titre subsidiaire, d’une violation de cette communication, et ce même dans l’hypothèse où les arrangements mondiaux et européens seraient considérés par le Tribunal comme constituant une infraction unique et continue.

36       Il convient, tout d’abord, d’examiner les quatre premiers moyens de BASF, ensuite, d’apprécier le bien-fondé des arguments avancés à l’appui du moyen commun concernant le caractère unique et continu de l’infraction et, enfin, d’analyser les deuxième et troisième moyens d’UCB.

2.     Sur le premier moyen soulevé par BASF, tiré d’une violation des règlements nos 17 et 1/2003 ainsi que des lignes directrices en raison de la majoration du montant de l’amende de 100 % aux fins de dissuasion

 Arguments des parties

37      Dans sa requête, BASF a soulevé trois griefs contre l’augmentation du montant de l’amende aux fins de dissuasion. Premièrement, cette augmentation serait contraire au règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et au règlement n° 1/2003 ainsi qu’aux attentes légitimes découlant des lignes directrices. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas examiné si une augmentation à ce titre était nécessaire au vu du comportement de BASF. Troisièmement, cette augmentation serait incompatible avec l’application de la communication sur la coopération de 1996.

38      Lors de l’audience, BASF s’est désistée des premier et troisième griefs du présent moyen. Dans le cadre du deuxième grief, elle fait valoir que la Commission est tenue, avant d’augmenter une amende aux fins de dissuasion, d’apprécier si une telle majoration est nécessaire pour l’entreprise en question au regard de la probabilité de récidive de sa part. La dimension d’une société serait un facteur non pertinent aux fins de cette appréciation. En revanche, d’autres éléments pourraient indiquer le comportement futur d’une entreprise. Une grande entreprise aurait moins besoin d’être dissuadée en raison, par exemple, de son exposition à des actions de groupe ou en raison des éventuelles conséquences affectant sa valeur en bourse. Le besoin de dissuasion ne saurait être apprécié sur la base de la dimension globale d’une entreprise, mais devrait être fondé sur son attitude spécifique. Or, la Commission n’aurait motivé ladite augmentation qu’en mentionnant le chiffre d’affaires mondial de BASF.

39      Étant donné que ce serait le montant final de l’amende qui permettrait de déterminer si la sanction est de nature à dissuader l’entreprise de commettre des infractions futures, BASF soutient que la nécessité d’une augmentation de l’amende aux fins de dissuasion devrait être appréciée à la fin du calcul de l’amende et non à un stade intermédiaire. De surcroît, une telle majoration du montant de l’amende devrait être expliquée (dans la communication des griefs et dans la décision) par référence à l’attitude de chaque société. De plus, la Commission serait obligée de tenir compte des amendes que l’entreprise en question a dû payer dans des pays tiers au moment de l’adoption de la décision pour une violation similaire du droit. BASF ajoute que la Commission a imposé à tort une augmentation du montant de l’amende sur la base des activités au sein d’autres marchés totalement indépendants. BASF souligne qu’aucune augmentation additionnelle aux fins de dissuasion n’était requise dans son cas. En effet, à la suite de la décision 2003/2/CE de la Commission, du 21 novembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 – Vitamines) (JO 2003, L 6, p. 1), BASF aurait entrepris des démarches sans précédent pour veiller à ce qu’aucun comportement illégal de ce genre ne se répète à l’avenir, ce qu’elle aurait expliqué dans sa réponse à la communication des griefs. Sa coopération au cours de la procédure administrative ainsi que les amendes qu’elle a dû payer dans des pays tiers à la suite de l’affaire Vitamines témoigneraient de l’absence de tout besoin de dissuasion. Or, la Décision ne contiendrait pas d’éléments susceptibles de réfuter l’argumentation de BASF.

40      Selon BASF, si la Commission soutient que la dissuasion constitue une composante de la gravité de l’infraction, et non un élément du comportement individuel de chaque entreprise, elle n’explique pourtant pas pourquoi certaines entreprises, plutôt que d’autres, se voient infliger des augmentations d’amendes aux fins de dissuasion. BASF ajoute que, étant donné l’historique et l’interconnexion entre le cas d’espèce et l’affaire Vitamines, point 39 supra, la décision 2003/2 n’aurait pas dû être considérée comme pertinente pour calculer l’amende de BASF ou pour évaluer la question de la dissuasion, puisque la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas traité l’ensemble des cartels sur les vitamines dans le cadre d’une décision unique.

41      BASF souligne, en réponse à l’argument de la Commission selon lequel la présomption d’innocence ferait obstacle à une appréciation du comportement infractionnel futur, que la question pertinente est celle de savoir si une entreprise ayant conscience du caractère illégal de son comportement et arrêtant des mesures contre sa réitération a besoin d’une dissuasion supplémentaire. Cet examen n’aurait pas de rapport avec la présomption d’innocence.

42       La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

43      Il y a lieu de rappeler que les sanctions prévues à l’article 15 du règlement n° 17 et à l’article 23 du règlement n° 1/2003 ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d’en prévenir le renouvellement. La dissuasion constitue donc une finalité de l’amende (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, ci-après l’« arrêt Vitamines », points 218 et 219).

44      Les lignes directrices évoquent cette finalité en leur point 1 A, selon lequel il « sera […] nécessaire […] de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ».

45      En outre, la portée dissuasive des amendes constitue un des éléments en fonction desquels doit être établie la gravité des infractions (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 33).

46      En l’espèce, il convient de relever que, afin d’appliquer à BASF l’augmentation du montant de départ de l’amende, la Commission n’a pas procédé à une évaluation de la probabilité de récidive de celle-ci. En effet, ainsi qu’il résulte du considérant 203 de la Décision (voir point 16 ci-dessus), elle a uniquement pris en considération la taille de cette entreprise.

47      Néanmoins, il y a lieu de considérer que l’absence d’évaluation de la probabilité de récidive de la part de BASF n’affecte en rien la légalité de cette augmentation. En effet, une jurisprudence bien établie a reconnu la pertinence de la taille des entreprises en tant qu’élément à prendre en compte dans le cadre de la fixation du montant de l’amende. Cet élément peut être utilisé en tant qu’indicateur de l’influence que l’entreprise concernée a pu exercer sur le marché (voir arrêt Vitamines, point 43 supra, points 233 à 236, et la jurisprudence citée).

48      En ce qui concerne le stade auquel la nécessité de l’application d’un coefficient pour assurer l’effet dissuasif de l’amende doit être appréciée, il suffit de relever que les exigences de dissuasion doivent sous-tendre l’ensemble du processus de détermination du montant de l’amende et non un seul stade de celui-ci (arrêt Vitamines, point 43 supra, point 238).

49      S’agissant de la nécessité d’appliquer un tel coefficient dans les circonstances de l’espèce, il importe de relever que BASF a réalisé en 2003 un chiffre d’affaires global de 33,4 milliards d’euros, ce qui témoigne de la dimension considérable de cette entreprise, devançant de loin celles d’UCB et d’Akzo Nobel.

50      Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas violé les règlements nos 17 et 1/2003. Elle ne s’est en outre pas écartée des lignes directrices en considérant que, au vu de la taille de BASF, il était nécessaire, aux fins de dissuasion, de doubler le montant de départ de 9,4 à 18,8 millions d’euros.

51      En ce qui concerne les mesures adoptées par BASF en vue de prévenir une récidive, la coopération dont elle a fait preuve et les condamnations subies dans des pays tiers, il convient de vérifier dans quelle mesure ces circonstances appelaient une réduction de l’amende de la part de la Commission, dans le cadre de l’appréciation des exigences de dissuasion à l’égard de BASF.

52      S’agissant des mesures adoptées par BASF en vue de prévenir une récidive, il convient de constater que, nonobstant l’importance des mesures de mise en conformité avec le droit de la concurrence, la réalité de l’infraction commise ne saurait être affectée. Ainsi, l’adoption d’un programme de mise en conformité par l’entreprise concernée n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction de l’amende en raison de cette circonstance (arrêt Vitamines, point 43 supra, points 266 et 267). Dans ces conditions, l’allégation selon laquelle, à la suite des amendes imposées par la décision 2003/2, BASF n’avait pas besoin d’être dissuadée dans le cadre de ses activités portant sur le chlorure de choline doit aussi être rejetée. En effet, l’imposition d’une amende à BASF pour diverses activités anticoncurrentielles visant d’autres produits vitaminiques n’affecte pas non plus la réalité de l’infraction commise et, dès lors, n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction à ce titre.

53      Pour ce qui est des condamnations subies dans des pays tiers, il y a lieu de relever que l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de concurrence fixées par le traité pour la conduite de leurs activités au sein de la Communauté ou de l’EEE. Il s’ensuit que le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de concurrence communautaires ne saurait être déterminé ni en fonction, seulement, de la situation particulière de l’entreprise condamnée ni en fonction du respect par celle-ci des règles de concurrence fixées dans des États tiers en dehors de l’EEE (voir arrêt Vitamines, point 43 supra, point 269, et la jurisprudence citée).

54      En ce qui concerne la coopération de BASF au cours de la procédure administrative, la Commission a reconnu la réalité de cette coopération et l’a récompensée dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 1996 (voir, en ce sens, arrêt Vitamines, point 43 supra, point 268). Partant, la question de savoir si cette coopération méritait, éventuellement, des réductions de l’amende plus importantes doit être examinée dans le cadre du troisième moyen.

55      Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

3.     Sur le deuxième moyen soulevé par BASF, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité en raison de la majoration de 50 % du montant de l’amende au titre de la récidive ainsi que d’un calcul erroné de cette majoration

 Arguments des parties

56      BASF fait valoir, à titre liminaire, que les règlements nos 17 et 1/2003 n’offrent pas de base juridique claire pour une augmentation du montant de l’amende en raison de la récidive. Étant donné que les infractions pour lesquelles BASF s’est vu imposer une amende en 1969 et en 1994 n’auraient eu aucune influence sur la gravité ou la durée de l’infraction qui fait l’objet de la Décision, la Commission aurait violé le principe de sécurité juridique en tenant compte de ces condamnations. Il résulterait du règlement n° 2988/74, de l’article 25 du règlement n° 1/2003 ainsi que du principe de sécurité juridique que la sanction pour récidive devrait être soumise à des règles de prescription afin d’éviter d’aboutir à des résultats absurdes, comme la non-imposition d’une amende aux producteurs nord-américains pour cause de prescription de leur comportement collusoire qui a eu lieu en 1994, tandis que BASF est sanctionnée pour une infraction qui s’est produite en 1964. Il serait, en général, irrationnel qu’une société ne puisse pas être sanctionnée pour une infraction commise il y a cinq ans, mais qu’elle puisse être sanctionnée plus lourdement en raison d’une infraction prescrite depuis longtemps. Selon BASF, si les lignes directrices sont défectueuses en ce qu’elles ne prévoient pas une période après laquelle une infraction antérieure ne devrait plus être prise en compte au titre de la récidive, les législations des États membres prévoient, en revanche, une telle limitation. BASF estime que, si la décision 69/243 (voir point 18 ci-dessus) n’a pas été prise en compte dans le cadre de la majoration de l’amende pour récidive, il convient d’admettre que soit cette majoration est erronée, soit la Commission est également d’avis qu’une infraction commise il y a quarante ans ne saurait être prise en compte à ce titre.

57      En l’absence d’une disposition prévoyant un délai de prescription pour la prise en compte des infractions antérieures au titre de la récidive, la Commission est tenue, selon BASF, d’utiliser son pouvoir d’appréciation de manière raisonnable et proportionnée dans des circonstances clairement définies et pertinentes. BASF fait valoir que cette thèse s’impose à plus forte raison lorsque l’infraction antérieure a été commise à une époque lointaine, alors que le droit de la concurrence communautaire était peu connu et compris. BASF souligne que la deuxième décision invoquée par la Commission au titre de la récidive a été adoptée en 1994 et concernait la période allant de 1980 jusqu’à 1984. Or, la Commission ne saurait profiter de la lenteur de son processus décisionnel afin d’invoquer des infractions aussi anciennes au titre de la récidive. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas imposé une augmentation de l’amende pour récidive dans la décision 2003/2, ce qui aurait été correct.

58      De surcroît, selon BASF, la constatation d’une récidive sur la base d’un comportement remontant à plus de vingt ans présuppose que les deux infractions sont du même type, ce qui est exclu si elles concernent des marchés différents. Tel serait cependant le cas d’espèce, étant donné que les substances colorantes (visées par la décision 69/243), le PVC (visé par la décision 94/599) et le chlorure de choline relèvent de marchés complètement différents.

59      En tout état de cause, le calcul de la majoration en question serait frappé d’illégalité, du fait que la Commission aurait dû l’appliquer, conformément aux points 226 et 229 de l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission (T‑220/00, Rec. p. II‑2473), au montant de départ de 9,4 millions d’euros avant toute majoration au titre de la dimension de l’entreprise ou de la dissuasion (voir point 15 ci-dessus) et non au montant de base de 29,14 millions d’euros (voir points 17 et 18 ci-dessus).

60      La Commission souligne, tout d’abord, qu’elle n’a pas tenu compte, aux fins du calcul de l’amende, de la participation de BASF au cartel des vitamines ayant donné lieu à l’adoption de la décision 2003/2. Elle met également en exergue que la décision 94/599 a été adoptée au cours de la période d’infraction concernant le chlorure de choline. Par ailleurs, c’est la non-rectification du comportement de l’entreprise concernée qui aggrave sa culpabilité dans le cadre de la décision constatant une nouvelle infraction, quel que soit le temps écoulé entre la première infraction et l’adoption de la décision s’y rapportant. La Commission ne comprend pas pourquoi le fait que les infractions antérieures de BASF ont concerné des marchés différents de celui du chlorure de choline pourrait entacher la majoration en question, étant donné, notamment, que la nature de toutes ces infractions était similaire.

61      S’agissant du principe de sécurité juridique, la Commission fait valoir que, lorsqu’elle inflige des amendes, elle tient compte des règles de nature universelle, telles que le principe de proportionnalité, mais aussi, conformément à la jurisprudence, des règles propres à l’imposition de sanctions, telles que la reconnaissance de circonstances pouvant aggraver ou atténuer la responsabilité du coupable. Une entreprise ne saurait revendiquer l’application de circonstances atténuantes et, en même temps, rejeter par principe la possibilité de tenir également compte des circonstances aggravantes aux fins du calcul de l’amende. La récidive est, par ailleurs, expressément mentionnée au titre 2, premier tiret, des lignes directrices en tant que circonstance aggravante, BASF ayant également été avertie à cet égard au point 217 de la communication des griefs.

62      S’agissant de l’ancienneté des infractions antérieures, la Commission fait observer que la jurisprudence a validé une augmentation de 50 % du montant de base pour récidive, sur la base d’une infraction ayant donné lieu à l’adoption d’une décision vingt ans auparavant, ce qui l’habilite à tenir compte, dans le cas d’espèce, de la décision 94/599. Or, cette dernière décision suffit, selon la Commission, pour imposer l’augmentation en cause même sans tenir compte de la décision 69/243. De surcroît, le fait de ne pas avoir retenu les infractions spécifiques antérieures en tant que circonstances aggravantes aux fins du calcul de l’amende dans le cadre de la décision 2003/2 n’empêche pas la Commission de le faire dans le cadre d’une décision ultérieure.

63      Quant au grief tiré d’un calcul erroné de la majoration, la Commission souligne que BASF confond le montant de départ (voir point 15 ci-dessus) avec le montant de base de l’amende tel qu’il est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (voir point 17 ci-dessus). C’est sur ce dernier montant que toute augmentation au titre de circonstances aggravantes doit être appliquée, conformément à l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 59 supra, ce que la Commission indique avoir fait en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

64      Il y a lieu de rejeter d’emblée l’argument de BASF selon lequel la reconnaissance d’un cas de récidive présuppose que les infractions concernent le même marché de produits. En effet, il suffit que la Commission se trouve confrontée à des infractions relevant de la même disposition du traité CE.

65      Ensuite, il y a lieu de relever que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 constituent les bases juridiques pertinentes en vertu desquelles la Commission peut infliger des amendes à l’encontre d’entreprises et d’associations d’entreprises pour des infractions aux articles 81 CE et 82 CE. En vertu de ces dispositions, pour déterminer le montant de l’amende, la durée et la gravité de l’infraction doivent être prises en considération. La gravité de l’infraction est déterminée par référence à de nombreux facteurs, pour lesquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation. Le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation de l’amende, est conforme à la mission de la Commission d’assurer la conformité aux règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 24 et 25).

66      De surcroît, l’analyse de la gravité de l’infraction commise doit tenir compte d’une éventuelle récidive (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 91, et Groupe Danone/Commission, point 65 supra, point 26), cette dernière pouvant justifier une augmentation considérable du montant de base de l’amende (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 293). À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu de rejeter les allégations de BASF, selon lesquelles, d’une part, ses infractions antérieures n’auraient aucune influence sur la gravité de l’infraction en question et, d’autre part, une base légale claire pour l’application d’une majoration au titre de la récidive ferait défaut.

67      S’agissant du grief tiré d’une prétendue obligation de reconnaître une limitation temporelle de la possibilité de tenir compte de l’éventuelle récidive, il convient de relever que l’absence d’un délai maximal pour le constat de la récidive dans les règlements nos 17 et 1/2003 ou dans les lignes directrices ne viole pas le principe de sécurité juridique. En effet, le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes. Dans ce cadre, la Commission ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la récidive constitue un élément important que la Commission est appelée à apprécier, étant donné que sa prise en compte vise à inciter les entreprises, qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de la concurrence, à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause (arrêt Groupe Danone/Commission, point 65 supra, points 37 à 39).

68      En l’espèce, les décisions retenues par la Commission afin de motiver son appréciation quant à la récidive (voir point 18 ci-dessus) démontrent que BASF a enfreint les règles en matière de concurrence pendant des périodes allant de 1964 jusqu’à 1967 (fixation du taux des hausses de prix et des conditions d’application de ces hausses dans le secteur des matières colorantes) et d’août 1980 à mai 1984 (fixation des prix « cibles » et des quotas « cibles » et planification des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et à surveiller sa mise en œuvre).

69      Il y a lieu de considérer que la dernière de ces infractions peut justifier, à elle seule, l’application d’une majoration de 50 % au montant de base de l’amende imposée à BASF (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 66 supra, point 293).

70      En tout état de cause, le Tribunal souligne que l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction peut justifier la production et la prise en considération d’éléments complémentaires d’information dont la mention dans la décision n’est pas comme telle requise en vertu de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 40).

71      Il convient de prendre en considération, dans ce cadre, le fait que BASF a également fait l’objet de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.149 – Polypropylène) (JO L 230, p. 1). À la suite de l’arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, BASF/Commission (T‑4/89, Rec. p. II‑1523), BASF s’est vu imposer une amende de 2,125 millions d’écus pour sa participation à des accords et à des pratiques concertées afin de définir sa politique commerciale, de fixer des prix cibles et de convenir des mesures à cette fin, d’augmenter les prix et de répartir le marché de la fin de 1978 ou du début de 1979 jusqu’en novembre 1983. Interrogée lors de l’audience, la Commission n’a pas pu expliquer l’omission de cette décision, bien qu’elle figure au point 29 de la communication des griefs.

72      Compte tenu de cet élément, force est de constater que BASF s’est trouvée, de 1964 à 1993, en situation de violation flagrante des règles de concurrence pendant treize ans environ. Il en résulte que la majoration du montant de base de 50 % est appropriée.

73      S’agissant du grief tiré du calcul erroné de la majoration au titre de la récidive, il doit également être rejeté, étant donné qu’il résulte d’une confusion de la part de BASF entre les notions de montant de départ et de montant de base (voir points 15 à 17 ci-dessus). En effet, selon le point 229 de l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 59 supra, invoqué par BASF au soutien de son allégation, les pourcentages correspondant aux augmentations ou aux réductions, retenues au titre des circonstances aggravantes ou atténuantes, doivent être appliqués au montant de base de l’amende, déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Or, c’est précisément ce que la Commission a fait en l’espèce, ainsi que le démontre le considérant 219 de la Décision (voir points 17 et 18 ci-dessus). En tout état de cause, il convient de souligner que, dans les circonstances de l’espèce, la méthode de calcul proposée par BASF aurait abouti au même résultat.

74      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

4.     Sur le troisième moyen soulevé par BASF, tiré d’une application erronée de la communication sur la coopération de 1996

 Arguments des parties

75      BASF considère que la réduction de 20 % qui lui a été accordée au titre de la section D de la communication sur la coopération de 1996 (voir point 22 ci-dessus) est trop faible à la lumière de l’étendue de sa coopération. En application du principe de proportionnalité, la Commission serait tenue d’accorder des réductions proportionnées à la coopération de chaque entreprise. Selon la pratique constante de la Commission, BASF aurait droit à une réduction de 10 % du fait de la non-contestation de la matérialité des faits qui lui ont été imputés. Il en résulterait que sa coopération précoce, complète et volontaire, sous forme autre que la non-contestation des faits, méritait une réduction bien plus significative que les 10 % accordés.

76      En effet, la Décision n’aurait pas fourni un compte rendu objectif et précis de la coopération de BASF en ce qu’elle décrirait de manière incorrecte le contenu de certaines communications, resterait muette quant à d’autres aspects significatifs de cette coopération et aussi ne permettrait pas à BASF d’apprécier l’évaluation que la Commission a faite à l’égard de certains aspects de la coopération. Ces déficiences témoignent également, selon BASF, d’une violation du principe de bonne administration.

77      BASF soutient à l’appui de ses allégations que, dans la Décision, la Commission :

–        ne fait pas référence à sa lettre en date du 6 mai 1999 par laquelle elle l’a informée de l’existence des accords illégaux dans le secteur des vitamines, à propos desquels les autorités des États-Unis avaient entamé une enquête, et a demandé une réunion pour en discuter en détail. BASF estime que la Commission a perdu cette lettre ;

–        ne fait pas référence à une réunion ayant eu lieu le 17 mai 1999, au cours de laquelle elle a décrit une série d’accords collusoires et fourni des renseignements ayant contribué matériellement à l’établissement de l’infraction, dont la conclusion, alors imminente, d’une transaction judiciaire avec les autorités des États-Unis, signée finalement le 19 mai 1999 et concernant également le chlorure de choline ;

–        ne fait pas référence à sa lettre en date du 21 mai 1999 par laquelle elle a fourni les documents relatifs à l’enquête menée aux États-Unis. BASF estime que la Commission a perdu cette lettre ;

–        fait une présentation erronée de sa communication en date du 23 juillet 1999 ;

–        fait une description incomplète d’une demande de renseignements du 26 mai 1999 de telle sorte qu’elle méconnaît que le rapport du 15 juin ainsi que la communication du 23 juin 1999 ont été fournis volontairement ;

–        a erronément considéré sa communication en date du 16 juillet 1999 comme une réponse à une demande de renseignements datée du 22 juin 1999.

78      L’omission de la lettre du 6 mai 1999 et de la réunion du 17 mai 1999 serait impossible à expliquer, étant donné qu’il y est fait référence au considérant 127 de la décision 2003/2.

79      La perte d’éléments substantiels du dossier par la Commission l’aurait empêchée d’obtenir une image complète de la coopération de BASF. Ainsi, cette dernière n’aurait pas pu retrouver, dans le dossier de la Commission, les lettres des 6 et 21 mai 1999 ni une indication (sous forme de notes ou de procès-verbaux rédigés par des fonctionnaires de la Commission) de la réunion du 17 mai 1999.

80      La valeur des éléments fournis à la Commission ne saurait être contestée du fait que cette dernière n’a pas accepté la production de preuves additionnelles sous forme, notamment, de témoignages oraux proposés par BASF, insistant pour ne recevoir que des preuves écrites. Cette insistance aurait privé BASF de la possibilité de produire des renseignements importants, ce qu’elle aurait pu faire par écrit si la Commission avait clarifié sa thèse en répondant à la lettre du 6 mai 1999. Ce comportement de la Commission serait contraire au principe de bonne administration.

81      Selon BASF, la Commission aurait dû assurer la rédaction d’un procès-verbal adéquat de la réunion du 17 mai 1999. Même les notes sténographiques conservées par la personne en charge du dossier révéleraient que la réunion était substantielle et qu’elle aurait couvert en détail plusieurs secteurs, dont celui du chlorure de choline, ce que la Commission ne contesterait pas. La non-inclusion de ces notes dans le dossier du chlorure de choline constituerait également une violation du principe de bonne administration.

82      BASF allègue avoir fourni, lors de cette réunion, des renseignements ayant matériellement contribué à l’établissement de l’infraction (identification des accords collusoires, produits et entreprises impliqués, durée, conclusion imminente d’une transaction judiciaire avec le ministère de la Justice américain, notamment, sur le chlorure de choline). Cela est démontré, selon BASF, par une déclaration en date du 24 février 2005, rédigée par son conseiller juridique, M. J. Scholz, qu’elle appelle la « déclaration Scholz ».

83      À l’issue de la réunion du 17 mai 1999, BASF estimait avoir tout fait pour bénéficier de la réduction la plus élevée possible au titre de la communication sur la coopération de 1996. Dans ces circonstances, BASF estime que ses communications ultérieures ne faisaient que confirmer, sous forme de preuve écrite, les renseignements oralement communiqués, ce qui implique que les éléments écrits doivent être considérés comme ayant été transmis lors de cette réunion. Ces informations auraient toutes été fournies volontairement, ce que la Commission ignorerait dans la Décision. De surcroît, la Commission ne contesterait pas que les informations au titre de la section D de la communication sur la coopération de 1996 puissent être fournies oralement.

84      S’agissant du rapport du 15 juin 1999, BASF souligne qu’il n’a pas été transmis en réponse à la demande de renseignements du 26 mai 1999, mais à la demande de preuves écrites formulée par la Commission lors de la réunion du 17 mai 1999. La rédaction dudit rapport aurait commencé avant l’envoi de cette demande de renseignements. Ce fait serait par ailleurs prouvé par la communication de BASF du 21 mai 1999. En outre, ce rapport fournirait également des renseignements sur des vitamines ne faisant pas l’objet de la demande du 26 mai 1999, telles que la vitamine D 3 et les caroténoïdes. Ce serait la demande de la Commission de recevoir un rapport écrit qui aurait engendré le retard dans la transmission des informations. Toutefois, des entretiens avec des membres du personnel de BASF, proposés par cette dernière, auraient été un moyen efficace pour la collecte des preuves requises. La communication du 23 juin 1999, qui constituerait un complément au rapport du 15 juin 1999, aurait également été fournie à l’initiative de BASF. Cette communication du 23 juin 1999 contiendrait des preuves additionnelles qui n’étaient pas en possession de la Commission à l’époque et concernaient la réunion de Ludwigshafen (voir point 4 ci-dessus). De surcroît, la communication du 16 juillet 1999 compléterait, elle aussi, les preuves demandées lors de la réunion du 17 mai 1999 et devrait être considérée comme volontaire. Elle concernerait la mise en œuvre des arrangements en question et fournirait des preuves s’y rapportant. La communication du 4 novembre 2002 (voir point 22 ci-dessus) contiendrait également une série d’éléments pertinents, notamment sur deux réunions du cartel.

85      En tout état de cause, la distinction opérée dans la Décision entre communications volontaires et involontaires serait erronée, étant donné qu’une demande de renseignements de la Commission ne saurait être déterminante pour minimiser la coopération de l’entreprise, au titre de la section D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération de 1996.

86      Ainsi, selon BASF, c’est à tort que la Commission considère que le rapport du 15 juin 1999 et les communications des 23 juin, 16 juillet 1999 et 4 novembre 2002 n’ont pas matériellement contribué à établir l’infraction. La Commission n’aurait d’ailleurs pas expliqué pourquoi elle a attendu six semaines après la transmission des informations par Bioproducts (7 mai 1999, voir point 22 ci-dessus) avant d’envoyer la demande de renseignements du 22 juin 1999, date à laquelle elle disposait de tous les éléments fournis lors de la réunion du 17 mai 1999 et par le rapport du 15 juin 1999. En réalité, les documents présentés par Bioproducts ne contiendraient pas d’informations détaillées ni exhaustives, contrairement à celles offertes par BASF les 17 mai et 15 juin 1999, qui mentionneraient les réunions tenues ainsi que les noms des participants et auraient permis à la Commission de commencer ses investigations. En outre, les informations fournies par Chinook six mois avant les mémoires de Bioproducts et de BASF (voir point 3 ci-dessus) auraient été d’une valeur limitée et, en partie, dépourvues de pertinence, raison pour laquelle la Commission n’aurait pas entamé une enquête à cette époque. En tout état de cause, ce serait la réunion du 17 mai 1999 qui aurait incité la Commission à demander des renseignements sur le chlorure de choline.

87      La Commission confirme que la réduction de 20 % accordée à BASF s’analyse comme une réduction de 10 % pour non-contestation de la matérialité des faits et une réduction de 10 % fondée sur la communication d’éléments de preuve. Au demeurant, elle conteste le bien-fondé des allégations de BASF.

 Appréciation du Tribunal

88      La section D de la communication sur la coopération de 1996 est libellée ainsi :

« D. Réduction significative du montant de l’amende

1. Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

89      Comme cela est mentionné à la section E, paragraphe 3, de la communication sur la coopération de 1996, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission est obligée de s’y conformer lors de l’appréciation de la coopération de l’entreprise en cause, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende imposée à celle-ci (voir arrêt Vitamines, point 43 supra, point 488, et la jurisprudence citée).

90      Il convient de relever, par ailleurs, que pour qu’une entreprise puisse bénéficier d’une réduction d’amende au titre de sa coopération durant la procédure administrative, son comportement doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 505).

91      Ainsi qu’il ressort du libellé même de la section D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996 et, en particulier, des mots introductifs « [t]el peut notamment être le cas […] », la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant aux réductions à accorder au titre de cette communication (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 394).

92      Par ailleurs, une réduction fondée sur la communication sur la coopération de 1996 ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée pourraient à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part. Ainsi qu’il résulte de la notion même de coopération, telle que mise en évidence dans le texte de la communication sur la coopération de 1996, et notamment l’introduction et la section D, paragraphe 1, de cette communication, c’est en effet uniquement lorsque le comportement de l’entreprise concernée témoigne d’un tel esprit de coopération qu’une réduction sur la base de ladite communication peut être accordée (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 91 supra, points 395 et 396). Ne saurait donc être considéré comme le reflet d’un tel esprit de coopération le comportement d’une entreprise qui, bien qu’elle n’ait pas été obligée de répondre à une question posée par la Commission, y a répondu de manière incomplète et trompeuse (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon, C‑301/04 P, Rec. p. I‑5915, point 69).

93      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier le bien-fondé du présent moyen.

 Sur le document du 6 mai 1999

94      Il importe de relever que le document du 6 mai 1999 fait, sans plus de détail, état d’enquêtes menées aux États-Unis, notamment, contre BASF dans le domaine des vitamines. Par la communication de ce document, BASF s’est limitée à prêter son concours (conjointement avec l’entreprise Hoffman-La Roche, qui avait déjà pris contact avec la Commission deux jours auparavant) dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996 et à demander un rendez-vous à ce sujet avec le cabinet du membre de la Commission responsable.

95      Il est manifeste que l’absence de référence à ce document dans la Décision ne saurait affecter l’appréciation de la Commission quant à la coopération de BASF. Ce document ne contient aucune allusion au cartel mondial du chlorure de choline (auquel Hoffman-La Roche n’a d’ailleurs pas participé) ni au cartel mis en place entre les producteurs européens de cette vitamine. Ce document ne pouvait, tout au plus et de manière implicite, concerner que le cartel mondial du chlorure de choline, sans pourtant contenir des « informations, documents ou autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence d’une infraction commise » au sens de la section D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération de 1996 (voir, en ce sens, arrêt Vitamines, point 43 supra, point 507).

 Sur la réunion du 17 mai 1999

96      Il convient d’observer qu’aucun procès-verbal de cette réunion n’a été dressé, ni le jour même ni postérieurement, et qu’elle n’a pas fait l’objet d’un enregistrement audio. BASF dénonce l’omission de telles formalités par la Commission, sans toutefois aucunement alléguer qu’elle avait effectivement demandé à l’institution d’y procéder. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à cette dernière d’avoir violé le principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêt Vitamines, point 43 supra, points 501, 502 et 509).

97      Force est de relever que BASF reste très vague quant aux informations qu’elle a prétendument fournies sur le chlorure de choline lors de cette réunion, qui s’est tenue entre des fonctionnaires de la Commission, des représentants de BASF et ceux de Hoffman-La Roche. En ce qui concerne les preuves documentaires relatives au contenu de cette réunion, le dossier contient des notes sténographiques conservées par un fonctionnaire de la Commission. BASF a, pour sa part, reproduit, dans ses mémoires, des extraits de la déclaration Scholz qu’elle a annexés à sa requête. S’agissant de l’appréciation de cette déclaration en tant que moyen de preuve, il y a lieu d’observer que le règlement de procédure ne s’oppose pas à ce que les parties produisent de telles déclarations. Toutefois, leur appréciation reste réservée au Tribunal qui peut, si les faits qui y sont décrits sont cruciaux aux fins de la résolution du litige, ordonner, sous forme de mesure d’instruction, l’audition, en tant que témoin, de l’auteur d’un tel document (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2003, Heurtaux/Commission, T‑172/03, non publiée au Recueil, point 3). En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’adopter une telle mesure.

98      Les notes sténographiques présentent une image lacunaire de ce dont il a été discuté lors de la réunion du 17 mai 1999. Or, au vu de celles-ci, il est évident que la Commission, Hoffman-La Roche et BASF ont discuté essentiellement des aspects préliminaires d’une éventuelle coopération, aboutissant à la dénonciation des cartels sur un nombre indéfini de produits vitaminiques. La discussion a porté sur la volonté des entreprises de coopérer, l’état de la procédure aux États-Unis, les étapes à suivre quant à la divulgation d’éléments eu égard, notamment, aux actions de groupe pendantes aux États-Unis, la planification temporelle et la thèse de la Commission sur ce qu’une coopération implique pour les entreprises. La seule référence au chlorure de choline figure à la troisième page, où il est simplement indiqué que ledit produit a fait l’objet d’arrangements collusoires. BASF ne saurait donc prétendre que les notes en question démontrent que des renseignements essentiels, tels que les noms des entreprises participantes (il n’y est fait état que de l’implication des entreprises japonaises, mais sans aucun rapport avec le cartel du chlorure de choline) ou la durée de l’infraction, ont été fournis. En ce qui concerne le fait qu’il y a eu des arrangements collusoires concernant le chlorure de choline, il suffit de rappeler que la Commission en avait connaissance bien avant la réunion en question par le biais de la communication de Chinook (voir point 3 ci-dessus).

99      La déclaration Scholz indique (point 10) : « [lors de cette réunion, BASF s’est déclarée] impliquée dans des activités illégales relatives au chlorure de choline, y compris des mélanges et prémixes, comme cela ressort du propre compte rendu de la réunion de la Commission. Nous avons également informé les fonctionnaires que les accords illégaux relatifs aux principales vitamines avaient affecté le marché européen, y compris tous les principaux fabricants de vitamines européens et japonais. Nous avons nommé les principaux acteurs impliqués pour les principales vitamines, certainement Takeda, Eisai, Merck et Rhône-Poulenc. Les représentants de la Commission européenne ne semblaient pas être intéressés par les noms d’autres participants. À la lumière du nombre relativement réduit de fabricants des autres vitamines, y compris le chlorure de choline, l’identité d’autres participants du marché éventuel aurait pu, en tout état de cause, être facilement découverte par la Commission européenne. » Il apparaît donc clairement que cette réunion concernait l’ensemble des ententes mises en place à l’échelle mondiale englobant un nombre important de produits vitaminiques. Elle ne concernait donc pas spécialement le chlorure de choline, pour lequel très peu d’informations ont été fournies à part le fait, déjà connu de la Commission, qu’un cartel concernant ce produit avait été organisé.

100    Au demeurant, il ressort de cette déclaration que la Commission a insisté sur la transmission de renseignements écrits, sous forme d’un rapport. Le point 12 de la déclaration indique à cet égard :

« [Le directeur général de la DG IV à l’époque] nous a dit que la Commission européenne préfère la manière ‘traditionnelle’ de rassembler des renseignements, c’est-à-dire recevoir des renseignements sous formes écrites avec les ‘détails habituels’, par exemple décrire les réunions, les endroits, les dates, les participants et les sujets discutés. Dans ces conditions, j’ai proposé au [directeur général] que BASF fournisse à la Commission un rapport complet sur les incidents affectant l’Union européenne […] Le [directeur général] a immédiatement marqué son accord sur cette proposition. »

101    Le rapport en question est celui du 15 juin 1999 (voir points 21 et 84 ci-dessus). Dans sa partie G, qui concerne le chlorure de choline et comporte trois pages, BASF se réfère à quatre réunions du cartel mondial du chlorure de choline tenues entre le printemps de 1992 et novembre 1992, y compris la réunion de Ludwigshafen, ainsi qu’à six autres réunions jusqu’à celle d’avril 1994 à Johor Bahru. Le rapport mentionnait également que jusqu’à la fin de 1996 il y avait eu d’autres réunions concernant les exportations vers l’Amérique du Sud et l’Amérique latine, mais sans résultat pour les participants. Étant donné que, selon les affirmations de BASF, le rapport du 15 juin 1999 comportait un exposé complet des événements relatifs aux arrangements concernant le chlorure de choline, il est improbable que la réunion du 17 mai 1999 ait conduit à la transmission de plus amples informations. Cela est corroboré par la requête elle-même, au point 153 de laquelle il est indiqué que « la seule raison pour laquelle BASF n’a pas fourni des renseignements verbaux détaillés complémentaires immédiatement était l’insistance de la Commission sur des preuves écrites ». En outre, il est indiqué au point 11 de la déclaration Scholz que la réunion en question a duré environ une heure, ce qui n’aurait pas, de toute évidence, permis une présentation détaillée des différents cartels mondiaux, qui impliquaient treize produits vitaminiques, à savoir douze produits dans l’affaire Vitamines, point 39 supra, auxquels s’ajoute le chlorure de choline.

102    La référence à la conclusion, alors imminente, de la transaction judiciaire avec les autorités américaines est également dénuée de toute utilité pour la Commission, étant donné que cette information ne comporte, en tant que telle, aucun élément substantiel relatif au marché européen du chlorure de choline.

103    Il s’ensuit que l’allégation de BASF selon laquelle les informations fournies le 17 mai 1999 auraient permis à la Commission de prouver une infraction au droit communautaire de la concurrence ne saurait être acceptée. En effet, un simple aperçu de la partie IV de la Décision sous le titre « Description des faits » démontre que sa base historique (qui comporte 25 pages) contient des informations de loin plus détaillées et substantielles que les généralités auxquelles s’est limitée BASF, tant au cours de la réunion du 17 mai 1999 que dans le rapport du 15 juin de la même année.

104    Pour ce qui est du grief tiré du refus de la Commission d’accepter des preuves sous forme de témoignages oraux qui pouvaient, selon BASF, être produits dans un bref délai, il doit également être rejeté. En effet, le temps écoulé jusqu’à la rédaction du rapport du 15 juin 1999 qui, selon BASF, était un rapport complet et détaillé, n’a pas affecté l’appréciation de la Commission quant à la coopération offerte par celle-ci. En effet, cette institution affirme ne s’être appuyée sur aucun élément de preuve transmis par une autre entreprise, qui aurait relativisé la valeur dudit rapport. En effet, la Commission souligne, sans être contredite, qu’elle n’a pas reçu de renseignements entre la réunion du 17 mai et la transmission du rapport du 15 juin 1999.

105    Partant, les allégations de BASF se fondent sur la prémisse erronée selon laquelle le temps écoulé entre la réunion du 17 mai et le 15 juin 1999 a eu un impact négatif sur la réduction de son amende. Pour ces mêmes raisons doit être rejeté l’argument selon lequel toutes les communications subséquentes à la réunion du 17 mai 1999 devraient être considérées comme ayant été transmises à cette date, puisqu’elles confirmeraient ce qui avait été dit lors de celle-ci.

106    Dans ces circonstances, force est de constater que si les éléments que BASF affirme avoir fournis lors de la réunion du 17 mai 1999 mettaient certainement la Commission en mesure d’adresser des demandes de renseignements, voire d’ordonner des vérifications, il incombait néanmoins encore à celle-ci, eu égard au caractère général des renseignements fournis, de reconstituer et de prouver les faits, nonobstant l’admission de sa responsabilité par BASF (voir, en ce sens, arrêt Vitamines, point 43 supra, point 517).

107    Il y a également lieu de relever que, contrairement à ce qu’insinue BASF (voir point 78 ci-dessus), la Commission n’a jamais pris en compte le document du 6 mai ni la réunion du 17 mai 1999 aux fins de l’application de la communication sur la coopération de 1996 dans l’affaire Vitamines, point 39 supra. Une première référence à ces éléments figure au considérant 127 de la décision 2003/2, dans lequel la Commission énonce qu’aucune déclaration ni preuve documentaire ne lui a été fournie à cette époque. De surcroît, il résulte des considérants 743, 747, 748, 761 et 768 de la décision 2003/2 que la Commission a octroyé une réduction de 50 % du montant de l’amende qui aurait été autrement infligée à BASF uniquement sur la base des documents que cette dernière lui avait transmis entre le 2 juin et le 30 juillet 1999 concernant les vitamines A, E, B 2, B 5, C et D 3, le bêta-carotène et les caroténoïdes. La référence au document du 6 mai 1999 au considérant 747 de cette décision ne sert qu’à la désignation de la date à laquelle BASF a indiqué à la Commission son intention de coopérer à l’enquête. Aucune réduction d’amende n’a donc été accordée à BASF au titre de la coopération en raison de ces démarches par la décision 2003/2.

 Sur la communication du 21 mai 1999

108    Par la communication du 21 mai 1999, BASF a fourni à la Commission la transaction judiciaire ainsi que le mémorandum l’accompagnant, qui constitue l’acte d’accusation dans le cadre de la procédure entamée aux États-Unis. Quant à la valeur de ces éléments au regard de la communication sur la coopération de 1996, il convient de relever que la Commission ne les a utilisés ni directement ni indirectement dans la Décision afin d’établir l’existence de l’infraction dans l’EEE. À défaut, donc, d’autres éléments démontrant que la divulgation de la transaction judiciaire en question a contribué à confirmer l’existence d’une infraction concernant l’EEE, cette divulgation n’entre pas dans le champ d’application de la section D de la communication sur la coopération de 1996 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 297).

109    Partant, l’omission d’une référence à ces documents n’implique aucune violation de la section D de la communication sur la coopération de 1996.

 Sur la communication du 23 juillet 1999

110    Selon BASF, le considérant 49 de la Décision est erroné en ce qu’il énonce que les informations envoyées par la communication du 23 juillet 1999 étaient les mêmes que celles qu’elle avait déjà envoyées dans le cadre de l’affaire Vitamines, point 39 supra. BASF prétend avoir produit des documents supplémentaires sur le chlorure de choline.

111    Il n’est pas contesté entre les parties que ces documents ont été transmis en réponse à une demande de renseignements en date du 22 juin 1999 au titre de l’article 11 du règlement n° 17. Or, les documents fournis à la Commission en réponse à une demande de renseignements le sont en vertu d’une obligation légale et ne sauraient être pris en compte au titre de la communication sur la coopération de 1996 même s’ils peuvent servir à établir, à l’encontre de l’entreprise qui les fournit ou à l’encontre d’une autre entreprise, l’existence d’un comportement anticoncurrentiel (arrêt Commission/SGL Carbon, point 92 supra, points 41 et 50). Partant, il y a lieu d’écarter l’argument de BASF comme étant non fondé. Pour ces mêmes raisons, il y a également lieu de rejeter le grief général selon lequel la Commission aurait à tort accordé, dans le cadre de l’appréciation de la coopération de cette entreprise, plus d’importance aux communications de BASF non précédées d’une demande de renseignements (voir point 85 ci-dessus).

 Sur l’appréciation du rapport du 15 juin et de la communication du 23 juin 1999 à la lumière de la demande de renseignements du 26 mai 1999

112    Ainsi qu’il a été relevé au point 21 ci-dessus, la Commission a estimé, au considérant 221 de la Décision, que, nonobstant le fait que BASF avait fourni le rapport du 15 juin et la communication du 23 juin 1999 en réponse à la demande de renseignements du 26 mai 1999, ceux-ci devaient être pris en compte en tant que communication volontaire des preuves. Partant, contrairement à ce que prétend BASF, la Commission n’a pas ignoré le caractère volontaire de la transmission de ces éléments.

 Sur la communication du 16 juillet 1999

113    Selon le considérant 223 de la Décision, la communication du 16 juillet 1999 ne contenait aucun élément de preuve contribuant à confirmer l’existence de l’infraction commise. Une lecture de ce document corrobore cette appréciation. Les deux tableaux annexés qui, apparemment, concernent le chlorure de choline (intitulés « Premixes and Blends ») n’illustrent que la valeur et le volume de la production et des ventes de BASF dans l’EEE de 1994 à 1998. En conséquence, indépendamment de la question de savoir si cette communication était une réponse à une demande de renseignements datée du 22 juin 1999, ladite communication ne pouvait être prise en compte au titre de la communication sur la coopération de 1996.

 Appréciation globale de la réduction accordée à BASF

114    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission s’est, à juste titre, fondée exclusivement sur le rapport du 15 juin et la communication du 23 juin 1999 afin d’apprécier l’étendue de la coopération de BASF et d’évaluer la réduction à appliquer au montant de base de son amende sur le fondement de la section D de la communication sur la coopération de 1996. BASF reconnaît d’ailleurs qu’elle ne pouvait bénéficier des sections B ou C de ladite communication.

115    Le rapport du 15 juin 1999 décrit, dans les trois pages que comporte sa partie G, certaines réunions ayant eu lieu dans le cadre du cartel mondial, sans pour autant apporter la moindre précision sur les sujets discutés lors de ces réunions. Les deux premières réunions relatées par BASF (printemps et été 1992 à Mexico) se sont avérées sans pertinence aux fins de la présente procédure, puisque la Commission a reconnu, aux considérants 136 et 163 de la Décision, l’absence de tout accord à l’issue de ces réunions et situé le début de l’infraction au 13 octobre 1992 (troisième réunion à Mexico).

116    De surcroît, il importe de rappeler que BASF n’a pas divulgué d’informations quant à l’existence des arrangements européens, qui se sont révélés particulièrement néfastes pour le marché de l’EEE. Même dans sa communication du 4 novembre 2002, BASF ne fait état que de deux réunions potentiellement pertinentes qui avaient comme objet une « discussion sur le marché européen du chlorure de choline » (février 1995, avec UCB et Akzo Nobel) et une autre « sur le marché du chlorure de choline » (juillet 1995, sans indication des participants). Ce n’est qu’après avoir reçu la communication des griefs que, par le biais de la non-contestation de la matérialité des faits, BASF a reconnu l’existence d’un cartel au niveau européen. Les informations en question étaient donc, à tout le moins, incomplètes, dès lors qu’elles ne mentionnaient pas une partie très significative des agissements collusoires.

117    La communication du 23 juin 1999 comporte cinq documents, distribués lors de la réunion de Ludwigshafen, qui concernent les capacités de production en 1992 pour les producteurs et les transformateurs ainsi que les expéditions internationales pour cette année. Pour le reste, cette communication contient des documents présentant un intérêt limité, qui n’ont d’ailleurs pas été utilisés par la Commission dans la Décision.

118    Or, si ces éléments confirment l’infraction commise, ce qui les fait entrer dans le champ de la section D de la communication sur la coopération de 1996, leur apport est cependant marginal, eu égard à l’ampleur et au caractère détaillé des éléments que la Commission a exposés à la section 1.4 de la communication des griefs et, par la suite, aux considérants 63 à 121 de la Décision afin de décrire les faits de l’espèce.

119    Dans ces circonstances, l’argument de BASF tiré du retard de la Commission quant à l’envoi des premières demandes de renseignements, afin de relativiser la valeur des éléments fournis par Bioproducts le 7 mai 1999, ne saurait prospérer. De surcroît, eu égard à leur valeur limitée, les éléments fournis par BASF ne sont pas comparables à ceux fournis par Bioproducts ou Chinook. Dès lors, même à supposer que la valeur de ces derniers n’ait pas atteint le niveau allégué par la Commission, cela ne peut aucunement modifier l’appréciation de la coopération de BASF.

120    C’est donc sans commettre une quelconque erreur que la Commission a apprécié la valeur de la coopération de BASF et lui a accordé une réduction de 20 % de l’amende qui lui aurait été autrement infligée. Partant, le troisième moyen doit être rejeté. Toutefois, il importe de préciser que cette appréciation est sans préjudice des conséquences que l’appréciation du Tribunal relative au cinquième moyen peut avoir sur cette réduction (voir points 212 à 223 ci-après).

5.     Sur le quatrième moyen soulevé par BASF, tiré d’une réduction insuffisante de l’amende indépendamment de la communication sur la coopération de 1996

 Arguments des parties

121    Indépendamment de la communication sur la coopération de 1996, BASF considère qu’elle méritait une réduction plus élevée aux motifs suivants :

–        elle a offert sa coopération à un stade très précoce (6 mai 1999) ;

–        elle a mis fin à sa participation au cartel avant cette date ;

–        elle a fourni des renseignements détaillés au cours de la réunion du 17 mai 1999 et ensuite par écrit, en envoyant des renseignements complémentaires non demandés ;

–        elle a fourni à la Commission la transaction judiciaire conclue avec les autorités des États-Unis, qui traitait également du chlorure de choline ;

–        elle a licencié immédiatement tous les cadres responsables du cartel et appliqué un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence.

122    Compte tenu du fait qu’elle était, d’après le considérant 221 de la Décision, le premier des trois producteurs européens à communiquer volontairement des preuves relatives à l’infraction, et au vu des réductions octroyées aux autres producteurs européens, BASF demande au Tribunal d’utiliser son pouvoir de pleine juridiction pour réduire l’amende infligée.

123    BASF souligne également que toute argumentation relative à la pertinence des éléments fournis à titre de coopération devrait figurer dans la Décision, la Commission ne pouvant apporter de précisions supplémentaires en cas d’absence de motivation.

124    BASF réfute l’affirmation de la Commission selon laquelle les documents cruciaux ont été produits après la clôture des actions de groupe aux États-Unis. En effet, le dernier mémoire déposé par BASF date du 23 juillet 1999 (voir point 110 ci-dessus), soit plus de trois mois avant la clôture du premier recours collectif.

125    La Commission considère que les arguments avancés dans le cadre de ce moyen et ceux présentés au soutien du précédent moyen se recoupent. Elle considère que le fait pour BASF d’avoir mis un terme à sa participation au cartel avant d’offrir sa coopération ne constitue pas une circonstance atténuante ni un élément de coopération. Par ailleurs, l’application ultérieure d’un programme de mise en conformité serait dénuée de pertinence à l’égard de la valeur de la coopération de BASF. La Commission estime donc que ces arguments sont également non fondés.

126    Quant à l’appel de BASF à l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, la Commission souligne que les éléments qu’elle a apportés par cette requérante ne concernaient pas le volet européen de l’entente. Elle rappelle ses affirmations relatives à la valeur de ceux-ci et met en exergue l’importance des informations fournies par UCB et Akzo Nobel concernant l’aspect européen du cartel. Le comportement de BASF aurait été trompeur, du fait qu’elle aurait essayé d’induire la Commission en erreur quant à l’importance de la réunion tenue à Mexico en octobre 1992 et à l’existence du niveau européen de l’entente.

 Appréciation du Tribunal

127    Les éléments figurant aux premier, troisième et quatrième tirets du point 121 ci-dessus ont déjà été évalués dans le cadre du précédent moyen. Compte tenu de l’analyse s’y rapportant, le Tribunal considère qu’aucune raison ne justifie une réduction supplémentaire à celle de 20 % appliquée par la Commission en application du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, étant donné, notamment, le caractère pour le moins lacunaire des informations que BASF a fournies à la Commission (voir point 116 ci-dessus).

128    Le fait pour BASF d’avoir volontairement mis fin à l’infraction avant l’ouverture de l’enquête de la Commission a été suffisamment pris en compte par le calcul de la durée de la période infractionnelle retenue contre elle, de sorte qu’elle ne saurait invoquer le point 3, troisième tiret, des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 341, et du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, points 328 à 332). En effet, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission ne peut logiquement être une circonstance atténuante que s’il existe des raisons de supposer que les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions en question, le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission n’étant pas couvert par cette disposition des lignes directrices (arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 158).

129    S’agissant du licenciement des cadres ayant joué un rôle déterminant dans l’infraction, le Tribunal ne considère pas qu’il constitue une action justifiant la réduction de l’amende infligée. En effet, il s’agit d’une mesure visant à imposer le respect des règles de concurrence par ses employés, ce qui, en tout état de cause, constitue une obligation de l’entreprise et ne saurait, dès lors, être regardé comme étant une circonstance atténuante.

130    Quant à l’argument selon lequel BASF a été le premier producteur européen à avoir fourni des preuves à la Commission, force est de relever que ce constat n’affecte pas les appréciations qui précèdent. En effet, les informations que BASF a fournies volontairement sur le cartel mondial étaient d’une importance et d’une utilité mineures, tandis qu’elle n’a transmis aucune information substantielle sur le cartel européen, dont l’ampleur a été dénoncée par UCB et Akzo Nobel. Partant, le fait que BASF a été le premier producteur européen à avoir coopéré ne peut donner lieu à une réduction de l’amende.

131    Le quatrième moyen doit, dès lors, être rejeté.

6.     Sur le moyen soulevé par BASF et UCB, tiré d’une erreur de droit dans la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique et continue

 Arguments des parties

132    BASF développe son argumentation en deux branches, tirées d’une violation des droits de la défense ainsi que d’une erreur de droit quant à la qualification de l’entente d’unique et continue.

133    S’agissant de la première branche, la Commission n’aurait pas indiqué dans la communication des griefs que les cartels mondial et européen auraient formé une infraction unique pour le marché de l’EEE. Étant donné que la communication des griefs faisait état d’un accord de répartition du marché mondial dont les agissements relatifs à l’Europe constituaient des « sous-arrangements », BASF n’aurait pas eu la possibilité de formuler des commentaires à l’égard de la qualification substantiellement différente retenue dans la Décision, selon laquelle l’élément établissant le caractère unique de l’infraction résidait dans son objectif anticoncurrentiel unique. Cette différence entre la communication des griefs et la Décision serait constitutive d’une violation des droits de la défense, puisque BASF se serait défendue contre cette description juridique incorrecte des faits si elle avait figuré dans la communication des griefs.

134    S’agissant de la seconde branche, la qualification de l’entente d’infraction unique serait erronée parce que les participants dans les deux cartels étaient différents. Il serait par ailleurs admis, dans certains considérants de la Décision, qu’il s’agissait de deux infractions distinctes. Les termes « fausser les conditions normales de concurrence » employés dans le considérant 150 de la Décision afin de décrire l’objectif de l’entente ne seraient pas suffisamment spécifiques pour justifier le caractère unique de l’infraction. De plus, le cartel mondial aurait eu comme objectif la répartition du marché au niveau global, alors que le cartel européen visait surtout une fixation des prix et une répartition des clients dans l’EEE, objectif de nature différente. L’assertion de la Commission selon laquelle le seul objectif du comportement infractionnel était d’augmenter les prix, tous les autres objectifs étant censés être auxiliaires et accessoires, ne refléterait pas les constatations figurant dans la Décision. Par ailleurs, la durée des deux infractions aurait été différente et il y aurait eu une interruption entre elles, étant donné que l’accord mondial sur les prix est resté en vigueur de janvier 1993 à janvier 1994, alors que le cartel européen a duré de mars 1994 à octobre 1998. Le cartel européen n’aurait pas intéressé les producteurs nord-américains, étant donné qu’ils étaient tenus de rester en dehors du marché européen et que les exportations vers l’Amérique du Nord étaient insignifiantes. Cette balance des intérêts n’aurait pas été modifiée après la fin du cartel global.

135    BASF n’aurait jamais admis la qualification de l’entente d’infraction unique, contrairement à ce qu’il est soutenu dans le considérant 149 de la Décision. La position de la Commission serait contraire à sa pratique décisionnelle antérieure, selon laquelle des collusions à des niveaux géographiques différents mais intimement liées auraient été considérées comme des infractions séparées, mais aussi à la thèse qu’elle aurait soutenue devant le Tribunal dans le cadre du recours intenté contre la décision 2003/2. Il résulterait des décisions antérieures de la Commission que des collusions à des niveaux géographiques différents pourraient constituer une infraction unique lorsque les arrangements conclus à un niveau visaient à mettre en œuvre, à renforcer ou à organiser les objectifs convenus à un autre niveau et sans que l’un ne survive à l’autre. La Commission ne pourrait pas expliquer pourquoi les producteurs européens auraient dû continuer à mettre en œuvre le cartel global après sa cessation. En réalité, les producteurs européens auraient commis une nouvelle infraction en s’engageant dans un cartel européen qui aurait été mis en place après le cartel mondial et en aurait été tout à fait distinct.

136    Partant, la Commission ne saurait imposer aucune sanction à BASF pour le cartel mondial compte tenu de la prescription touchant celui-ci en vertu du règlement n° 2988/74.

137    Selon UCB, les deux niveaux de l’entente prétendument unique ne sont en rien étroitement liés. L’entente mondiale aurait été négociée par les principaux producteurs mondiaux de chlorure de choline, à savoir les producteurs nord-américains et européens, et aurait eu comme objet la répartition des grands marchés mondiaux, en particulier par le biais d’un accord en vertu duquel les producteurs européens n’exporteraient plus en Amérique du Nord et les producteurs nord-américains n’exporteraient plus en Europe. L’augmentation des prix et le contrôle des transformateurs auraient visé à assurer la stabilité de cette répartition des marchés mondiaux. Il n’aurait cependant jamais été question d’une répartition des clients et des marchés nationaux au sein de l’EEE ni d’une entente sur les prix en Europe, comme le démontrerait la déclaration attribuée à un représentant de DuCoa au considérant 85 de la Décision. Ces arrangements ayant échoué, les entreprises concernées, dont UCB, y auraient mis fin en avril 1994.

138    En revanche, les contacts entre les producteurs européens auraient débuté en mars 1994, soit près de deux ans après la réunion de Ludwigshafen (voir point 4 ci-dessus), et se seraient poursuivis jusqu’en 1998, soit plus de quatre ans après la fin des négociations au niveau mondial. L’objet des arrangements entre les producteurs européens n’aurait pas été la régulation du marché mondial, mais uniquement celle du marché de l’EEE sous la forme d’une répartition des marchés nationaux et des clients. Il s’agirait donc de deux tentatives foncièrement distinctes, négociées à des moments différents par des parties différentes visant des objectifs manifestement différents. Le simple fait que deux pratiques aient pour conséquence de fausser les conditions normales de concurrence dans l’EEE ne suffirait pas pour établir qu’elles constituent une infraction unique. Admettre qu’un objectif commun défini aussi vaguement puisse suffire pour démontrer l’existence d’une infraction unique et continue reviendrait à autoriser automatiquement la qualification de plusieurs violations des articles 81 CE et 82 CE, quel que soit le secteur, d’infraction unique et continue. UCB souligne que, étant donné que les deux ententes concernaient le même secteur, les pratiques employées présentaient inévitablement des similitudes. Or, ce fait ne saurait suffire pour établir un lien étroit entre les deux ententes, dès lors que ces pratiques avaient un objet et une finalité économique différents.

139    La qualification des deux ententes d’infraction unique aurait pour but de permettre à la Commission de tenir compte de l’entente mondiale en échappant aux règles de prescription. Or, il y aurait lieu d’opérer une distinction entre le cas d’espèce et les affaires pour lesquelles la notion d’infraction unique et continue pallie la difficulté de démontrer que tous les membres d’une entente ont participé à toutes les actions anticoncurrentielles qui poursuivaient un même objectif et s’inscrivaient dans une même conjoncture économique. Le cas d’espèce serait, en revanche, analogue à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission (T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 22), dans laquelle la Commission aurait distingué une infraction mondiale et une infraction européenne, en dépit du fait qu’elle ait apprécié la seconde comme un moyen de mise en œuvre de la première. De surcroît, il faudrait distinguer le cas d’espèce des affaires dans lesquelles la jurisprudence a examiné si différentes formes de comportement (accords, pratiques concertées) pouvaient être qualifiées, dans leur ensemble, d’infraction unique. Il faudrait encore, selon UCB, opérer une distinction entre le cas d’espèce et les affaires dans lesquelles le fonctionnement et la mise en œuvre des accords sont restés identiques tout au long de l’entente.

140    Il s’ensuivrait que l’entente européenne ne pourrait être considérée comme la poursuite dans l’EEE des arrangements initialement négociés au niveau mondial. Une telle conclusion serait à exclure du seul fait que la question de la répartition des marchés nationaux au sein de l’EEE n’aurait jamais été évoquée par les participants aux réunions mondiales, ni même par les producteurs européens avant 1994. La Commission n’aurait présenté aucune preuve susceptible de remettre en cause ce fait.

141    L’argument de la Commission selon lequel l’entente européenne n’aurait pas été possible si les parties n’avaient pas continué à mettre en œuvre les accords mondiaux pendant toute la durée des arrangements européens contredirait la Décision. En effet, la Commission aurait indiqué dans celle-ci que l’entente mondiale avait pris fin en avril 1994 à l’issue de la réunion de Johor Bahru (voir point 9 ci-dessus) et qu’elle ne possédait pas de preuves sur des actions illicites subséquentes de la part des producteurs nord-américains. À défaut de poursuite de l’entente au niveau mondial après 1994, ce serait tout le raisonnement de la Commission qui s’effondrerait. Il s’ensuivrait que, en l’absence de concomitance des deux ententes, la Commission ne serait pas fondée à prétendre que les deux niveaux des accords anticoncurrentiels étaient nécessaires l’un à l’autre.

142    La Commission rejette les allégations de BASF et souligne qu’elle n’a jamais considéré le comportement des producteurs nord-américains et européens avant 1994 et le comportement des producteurs européens après 1994 comme étant deux cartels distincts. Au surplus, elle n’aurait nullement fait, dans la Décision, la distinction entre un cartel au niveau mondial et un cartel au niveau européen. En revanche, elle aurait expliqué, au considérant 64 de la Décision, que l’entente unique aurait fonctionné à deux niveaux différents, mais étroitement liés, le niveau mondial et le niveau européen, position qui aurait été exprimée dans plusieurs autres considérants. Partant, il serait erroné de prétendre que la Commission a considéré que le comportement illicite constituait une infraction unique dans le seul but de déterminer le montant de l’amende et de contourner la période de prescription.

143    En ce qui concerne la concordance entre la communication des griefs et la Décision, la Commission fait valoir qu’aucune différence ne saurait être constatée à cet égard. En effet, les principes jurisprudentiels relatifs à la notion d’infraction unique et continue auraient été analysés aux points 164 à 166 de la communication des griefs et récapitulés aux considérants 145 à 148 de la Décision. Au surplus, le point 168 de la communication des griefs ferait référence à un objectif commun consistant à éliminer la concurrence sur le marché du chlorure de choline, à un objectif anticoncurrentiel identique et à un objectif économique unique, à savoir fausser l’évolution normale des prix sur le marché mondial du chlorure de choline. Ces mêmes motifs auraient conduit la Commission à conclure, dans la Décision, qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue. Ce serait la limitation de la compétence de la Commission aux infractions produisant des effets à l’intérieur de l’EEE qui l’aurait amenée à se focaliser sur ce territoire au considérant 150 de la Décision. De surcroît, la Commission aurait inclus dans la communication des griefs tous les éléments nécessaires concernant l’application de la notion d’infraction unique et continue en l’espèce, la durée et la gravité de l’infraction, afin de respecter pleinement les droits de la défense de BASF.

144    En tout état de cause, à supposer qu’un écart existe entre les termes de la communication des griefs et la Décision, la première contiendrait les informations requises pour donner à BASF l’occasion d’être entendue sur la conclusion relative à une infraction unique et continue, de manière à respecter ses droits de la défense.

145    Concernant l’application prétendument erronée du concept d’infraction unique et continue, la Commission rejette l’argument tiré d’une différence des participants aux deux cartels (voir point 134 ci-dessus). Premièrement, la Commission n’aurait jamais fait état de « deux cartels » et, deuxièmement, au moins trois entreprises (BASF, UCB et Akzo Nobel) parmi celles impliquées dans l’infraction étaient les mêmes. Le fait que la Commission ne disposait pas d’éléments pour prouver que Bioproducts, Chinook et DuCoa avaient continué leur participation à l’infraction après le 20 avril 1994 (voir point 9 ci-dessus) n’impliquerait pas que le comportement illicite au niveau européen soit devenu une infraction distincte à partir de cette date.

146    Il serait, en outre, artificiel et irréaliste de considérer qu’une nouvelle entente distincte est créée, impliquant les entreprises restantes, à chaque fois qu’une entreprise entre ou sort d’un cartel. Cela vaudrait en particulier lorsque l’entente consiste en un comportement concernant le même marché de produits, poursuivant pour l’essentiel le même objectif économique, revêtant le même caractère anticoncurrentiel et ayant été maintenu sur une longue durée par un noyau dur d’entreprises. Le fait que les producteurs européens aient adapté, voire intensifié, leurs activités anticoncurrentielles après la renonciation des producteurs nord-américains ne changerait pas la nature continue de l’entente ni son objectif principal, dont la réalisation continuait à dépendre du contrôle exercé sur les transformateurs ainsi que de la répartition des marchés. Le comportement adopté par les participants aux niveaux mondial et européen de l’entente serait d’ailleurs de la même nature (répartition des clients et des marchés, contrôle des transformateurs, échange d’informations sensibles et fixation des prix) et viserait un objectif unique, à savoir fausser les conditions normales de concurrence dans l’EEE pour le chlorure de choline afin de fixer son prix à un niveau artificiellement élevé.

147    La Commission n’aurait donc commis aucune erreur ni ne contredirait sa thèse dans l’affaire Vitamines, point 39 supra, en considérant que le comportement des producteurs européens à partir de 1994 n’était que la poursuite des accords antérieurs conclus avec les producteurs nord-américains. En effet, selon la Commission, ces derniers avaient un intérêt tout particulier, d’une part, à ce que soient appliqués des prix élevés en Europe afin de pouvoir maintenir un niveau de prix élevé dans les régions où ils opéraient et, d’autre part, à veiller au contrôle des transformateurs européens pour les empêcher d’exporter à bas prix vers les autres marchés. Partant, le départ de ces producteurs du marché européen n’impliquerait pas un manque d’intérêt de leur part pour ce marché. S’il devait être admis, ainsi que le suggère BASF, que les producteurs nord-américains n’avaient pas les mêmes intérêts ni les mêmes objectifs que les producteurs européens, il serait impossible d’expliquer la mise en œuvre de l’entente au niveau mondial.

148    La Commission s’étonne également de voir BASF contester le caractère unique et continu de l’entente, étant donné qu’elle ne l’avait pas fait dans sa réponse à la communication des griefs.

149    La Commission souligne qu’il n’y a pas eu d’interruption entre les deux niveaux de l’entente, étant donné que les prix minimaux ainsi que le contrôle des transformateurs étaient l’objet de la réunion de Johor Bahru en avril 1994 (voir point 9 ci-dessus) et que l’entente a été mise en œuvre au niveau européen en mars 1994.

150    La Commission conteste également le bien-fondé des arguments d’UCB. Elle souligne que, selon la jurisprudence, l’élément essentiel afin de déterminer si une infraction est unique et continue ou s’il existe plusieurs infractions distinctes est la communauté d’objectif, c’est-à-dire, en l’espèce, l’affectation de la concurrence dans le secteur du chlorure de choline sur le marché de l’EEE (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 113 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 186, et Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 67). Cette affectation se serait manifestée, dans un premier temps, par l’éloignement des producteurs nord-américains du marché de l’EEE et, dans un second temps, par la répartition de ce même marché géographique. Le faisceau d’éléments sur lequel la Commission aurait fondé son appréciation se compose de la participation des mêmes entreprises à une entente au sens de l’article 81 CE, de la continuité dans le temps des activités concernées, de l’identité des actions anticoncurrentielles ainsi que des effets visés.

151    Les producteurs nord-américains savaient ou auraient dû savoir que la conséquence logique de leur retrait du marché de l’EEE serait la répartition de ce marché parmi les producteurs européens. En effet, la répartition au niveau mondial n’aurait eu aucun sens si elle n’avait pas été suivie d’une répartition au niveau communautaire, qui, à son tour, n’aurait pas été possible à défaut d’un arrangement préalable au niveau mondial. Outre que les infractions aux niveaux mondial et européen constituant l’infraction unique auraient la même finalité, elles auraient aussi réuni les mêmes entreprises pendant une période continue et moyennant des pratiques identiques. La non-participation des producteurs nord-américains au niveau européen de l’entente ne change, selon la Commission, ni son objectif ni sa nature d’infraction continue, étant donné, notamment, que leur éloignement du marché de l’EEE faussait la concurrence sur ce marché.

152    S’agissant de cette dernière constatation, la Commission conteste l’affirmation d’UCB selon laquelle il n’y aurait pas eu d’accord au niveau mondial sur les prix dans l’EEE. La déclaration du représentant de DuCoa reprise au considérant 85 de la Décision (voir point 137 ci-dessus) se référerait uniquement à une réunion de janvier 1993. En effet, l’accord de Ludwigshafen aurait également concerné les prix en Europe, ainsi qu’il est indiqué au considérant 77 de la Décision.

153    Par ailleurs, les accords conclus au niveau mondial de l’entente auraient été indispensables pour la réalisation de celle-ci au niveau européen, puisque pour pouvoir diviser le marché européen entre les producteurs européens, en maintenant des prix élevés, il fallait que ces producteurs soient assurés de ne pas subir la concurrence de producteurs nord-américains. La différence des marchés géographiques, dont la répartition visait chaque niveau de l’entente, ne serait pas un élément pertinent, étant donné que lesdites répartitions permettaient d’augmenter de façon artificielle la rentabilité du chlorure de choline, objectif unique de l’entente. La théorie de l’infraction unique et continue aurait pour but de ne pas permettre la division factice de ce qui est fondamentalement unique, à savoir un ensemble d’actes visant le même objectif. En l’espèce, sans répartition du marché mondial, une répartition au niveau européen n’aurait pas eu de sens et sans une répartition au niveau européen, le cartel mondial n’aurait présenté aucun bénéfice.

154    Ainsi, selon la Commission, le maintien de prix élevés en Europe permettait aux producteurs nord-américains d’appliquer des conditions analogues sur le marché américain. Contrairement à ce qu’affirme UCB, les prix européens auraient effectivement été discutés, puisque tout accord sur les prix mondiaux présupposait nécessairement une fixation au niveau européen. En ce qui concerne le contrôle des transformateurs, celui-ci intéressait les producteurs nord-américains qui voulaient éviter des exportations à bas prix hors de l’EEE, alors que les producteurs européens avaient pour but d’empêcher des ventes à bas prix par les transformateurs au sein de l’EEE.

155    De surcroît, les points 369 et 374 de l’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 139 supra, infirmeraient la thèse d’UCB en s’opposant à la scission artificielle d’un même ensemble de règles visant le partage des marchés. En effet, il serait évident que les accords au niveau européen constituaient la continuation et la mise en œuvre des accords mondiaux en substituant simplement la répartition des marchés nationaux européens à la répartition mondiale. Cette substitution n’aurait été possible que parce que, après la fin des accords mondiaux, les parties auraient continué à les mettre en œuvre et les producteurs nord-américains à se tenir hors du marché européen, en appliquant les accords mondiaux. UCB aurait confondu la persistance des accords au niveau mondial avec la persistance de leurs effets. Il ne serait aucunement contradictoire d’admettre que l’entente a pris fin au niveau mondial mais que c’est au niveau européen qu’elle a continué à bénéficier des effets des accords mondiaux. Dans ces circonstances, la non-simultanéité ne changerait pas le caractère unique et continu de l’infraction.

156    S’agissant du grief tiré d’une utilisation de la notion d’infraction unique afin d’échapper aux règles de prescription, la Commission souligne qu’elle ne cherche pas à tirer de bénéfice financier par le biais de l’imposition des amendes et que son objectif n’est pas d’infliger des montants élevés. La Commission aurait d’ailleurs tenu compte, aux fins du calcul du montant de départ, des parts de marché mondiales et non pas européennes. Si elle avait tenu compte des parts de marché européennes, elle aurait été amenée à imposer des amendes plus élevées. En ce qui concerne les producteurs nord-américains, la Commission souligne que leur comportement aurait été sanctionné pour l’ensemble de la période de l’infraction si leurs agissements au niveau mondial n’avaient pas été prescrits.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

–       Sur la portée de l’argumentation de BASF

157    Il importe de relever d’emblée que la première branche de ce moyen tend à démontrer une incohérence entre la communication des griefs et la Décision quant à la qualification des volets mondial et européen des agissements d’infraction unique et continue. Cette branche constitue un moyen distinct, tiré de la violation des droits de la défense de BASF à cet égard, qu’il y aura lieu d’analyser, si nécessaire, après l’examen du moyen tiré d’une erreur de droit dans la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique et continue. En effet, au cas où le Tribunal considérerait que cette qualification est entachée d’une erreur de droit et doit, dès lors, être écartée, le constat éventuel d’une violation des droits de la défense à l’égard de cette qualification serait dépourvu de conséquences (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 3436, et du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 633).

–       Sur la notion d’infraction unique et continue

158    La qualification de certains agissements illicites d’agissements constitutifs d’une seule et même infraction ou d’une pluralité d’infractions affecte, en principe, la sanction pouvant être imposée, dès lors que la constatation d’une pluralité d’infractions peut entraîner l’imposition de plusieurs amendes distinctes, chaque fois dans les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Toutefois, la constatation d’une pluralité d’infractions est susceptible de profiter à leurs auteurs lorsque certaines d’entre elles sont prescrites (voir, en ce sens, arrêt Vitamines, point 43 supra, point 72).

159    La notion d’infraction unique peut se rapporter à la qualification juridique d’un comportement anticoncurrentiel consistant en accords, en pratiques concertées et en décisions d’associations d’entreprises (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 150 supra, points 112 à 114 ; arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, points 125 à 127 ; du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 696 à 698, et HFB e.a./Commission, point 150 supra, point 186).

160    La notion d’infraction unique peut également se rapporter au caractère personnel de la responsabilité pour les infractions aux règles de concurrence. En effet, une entreprise ayant participé à une infraction par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée tombant sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque. Cette conclusion trouve son origine dans une conception largement répandue dans les ordres juridiques des États membres quant à l’imputation de la responsabilité pour des infractions commises par plusieurs auteurs en fonction de leur participation à l’infraction dans son ensemble. Elle n’est donc pas contraire au principe selon lequel la responsabilité pour de telles infractions a un caractère personnel, ne néglige pas l’analyse individuelle des preuves à charge et ne viole pas les droits de la défense des entreprises impliquées (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 150 supra, points 83, 84 et 203, et HFB e.a./Commission, point 150 supra, point 231).

161    Ainsi, il a été jugé qu’un cas de violation de l’article 81, paragraphe 1, CE pouvait résulter d’une série d’actes ou d’un comportement continu qui s’inscrivaient dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Dans un tel cas, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 66 supra, point 258), même s’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de l’infraction (arrêt PVC II, point 159 supra, point 773). De même, le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d’un objectif commun n’élimine pas l’identité d’objet anticoncurrentiel et, partant, d’infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l’objectif commun (arrêts Ciment, point 157 supra, point 4123, et JFE Engineering e.a./Commission, point 139 supra, point 370).

162    En l’espèce, la qualification, par la Commission, des branches mondiale et européenne de l’entente d’infraction unique et continue a eu comme conséquence la constatation d’une seule entente ayant duré du 13 octobre 1992 au 30 septembre 1998. En revanche, au cas où le Tribunal considérerait que ces deux branches constituent des infractions distinctes, force sera de constater, par voie de conséquence, que le cartel global, ayant duré du 13 octobre 1992 au 20 avril 1994, est prescrit (voir point 9 ci-dessus). Outre l’annulation partielle de la Décision, ce constat aurait des répercussions en ce qui concerne le calcul de l’amende tant de BASF que d’UCB.

163    Il y a donc lieu d’examiner si, eu égard à la jurisprudence citée aux points 159 à 161 ci-dessus, la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant les agissements reprochés aux requérantes d’infraction unique et continue. À cette fin, il y a également lieu d’exposer, dans le cadre des observations liminaires, la position que la Commission a prise à cet égard dans la communication des griefs et de la comparer aux constatations figurant dans la Décision.

–       Position prise par la Commission dans la communication des griefs et constatations dans la Décision

164    Il résulte du point 111 de la communication des griefs, en date du 22 mai 2003, que la Commission considérait, à l’époque, que le cartel avait duré au niveau mondial de 1992 à 1998 et au niveau européen de mars 1993 à octobre 1998. Ainsi, la Commission a estimé que le cartel avait été mis en œuvre à différents niveaux : mondial, régional, voire national selon les intérêts et l’engagement des participants sur les marchés concernés (point 78 de la communication des griefs). Selon la Commission, le cartel consistait en un accord continu entre les producteurs de chlorure de choline, qui comprenait, en substance, des arrangements mondiaux et des « sous-arrangements » régionaux au niveau européen (points 79 et 84 de la communication des griefs).

165    Il résulte des points 168 et 169 de la communication des griefs que, selon les appréciations de la Commission, la branche européenne du cartel constituait une application particulière des principes arrêtés au niveau mondial, action rendue possible grâce à l’assurance que les producteurs nord-américains n’interféreraient pas dans le marché européen en exportant du chlorure de choline vers celui-ci. Il s’agissait donc de « sous-arrangements » relatifs à l’Europe, selon l’expression utilisée par la Commission à plusieurs reprises dans la communication des griefs (voir, par exemple, points 79, 84, 90 et 169). En ce qui concerne les producteurs nord-américains, la Commission a estimé que leur responsabilité pour l’ensemble des agissements était fondée sur le fait qu’ils connaissaient l’existence desdits « sous-arrangements » (point 169 de la communication des griefs).

166    Il s’avère donc que, au moment où la communication des griefs a été adressée aux parties, la Commission considérait que les arrangements mondiaux et européens constituaient une seule infraction, pour la réalisation de laquelle chaque participant avait joué un rôle particulier.

167    Toutefois, à la suite des observations fournies par les producteurs nord-américains sur le contenu de la communication des griefs, la Commission a retiré ses griefs relatifs à des contacts collusoires au niveau mondial ayant prétendument eu lieu après le 20 avril 1994 (points 121 à 123, 144 à 147, 149 et 151 de la communication des griefs).

168    C’est dans ces circonstances que la Commission a adopté l’approche figurant dans la Décision quant à la relation entre les niveaux mondial et européen des arrangements en question.

169    Ainsi, au considérant 64 de la Décision, sous le titre « Organisation de l’entente », la Commission affirme que celle-ci a fonctionné « à deux niveaux différents mais étroitement liés ». Selon ce même considérant, les activités entreprises au niveau mondial avaient comme objectif d’augmenter les prix à l’échelle mondiale, de contrôler les transformateurs et les distributeurs de chlorure de choline afin de s’assurer qu’ils n’offriraient pas de chlorure de choline à des prix bas et de répartir les marchés mondiaux par le biais d’un accord selon lequel les producteurs nord-américains se retireraient du marché européen.

170    Au considérant 65 de la Décision, consacré aux réunions au niveau européen, la Commission indique que ces dernières ont servi à poursuivre l’accord conclu au niveau mondial, y compris entre les producteurs européens eux-mêmes, en vue d’augmenter les prix et de contrôler les transformateurs en Europe. Ces réunions ont donc porté sur l’augmentation des prix non seulement dans l’ensemble de l’EEE, mais aussi sur des marchés nationaux ainsi qu’à l’égard des clients individuels. Tout cela s’est organisé de façon à respecter les parts de marché des producteurs européens dans le but de garantir une meilleure rentabilité et une stabilisation des marchés. Cette stabilisation serait atteinte, selon le considérant 68 de la Décision, en éliminant ou en évitant les exportations par des concurrents dans les zones géographiques dans lesquelles d’autres concurrents détenaient des parts de marché importantes. L’élément clé à cet égard était, selon ce même considérant, l’accord stipulant que les producteurs européens n’exporteraient pas en Amérique du Nord et que les producteurs nord-américains n’exporteraient pas sur le marché européen. Grâce à cette répartition des marchés, lesdits producteurs pourraient « stabiliser » leur marché national et améliorer la rentabilité dans leur région. Un accord a été également conclu en vue d’augmenter les prix dans le monde à des niveaux identiques. Cet accord devait permettre non seulement d’améliorer la rentabilité du marché, mais aussi d’éviter toute déstabilisation des exportations entre les régions. C’était la poursuite de ces objectifs qui rendait indispensable le contrôle des transformateurs et des distributeurs.

171    Selon le considérant 69 de la Décision, les accords conclus au niveau mondial concernaient quatre activités anticoncurrentielles liées entre elles et consistant en la fixation et l’augmentation des prix mondiaux, en la répartition des marchés mondiaux (retrait des producteurs nord-américains et des producteurs européens des marchés respectivement européen et nord-américain), en le contrôle des distributeurs et des transformateurs et, enfin, en des échanges réguliers d’informations commercialement sensibles afin d’assurer la mise en œuvre des accords.

172    À la suite de la présentation des réunions tenues aux niveaux mondial et européen, la Commission consacre dix considérants à l’analyse de la notion d’infraction unique et continue ainsi qu’à l’application des principes se rapportant au cas d’espèce. Ainsi, aux considérants 145 à 148 de la Décision, sous l’intitulé « La notion d’infraction unique et continue – Principes », la Commission a maintenu la plus grande partie du raisonnement exposé dans la communication des griefs (voir point 166 ci-dessus) en citant l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 150 supra. Toutefois, c’est aux considérants 150 à 154 de la Décision que la Commission expose les motifs de son nouveau raisonnement relatif à l’application du principe d’infraction unique et continue au cas d’espèce.

173    Selon le considérant 150 de la Décision, les arrangements mondiaux et les arrangements européens avaient un objectif anticoncurrentiel unique, à savoir fausser les conditions normales de concurrence dans l’EEE. Plus précisément, la comparaison des arrangements conclus à ces deux niveaux indiquerait que ceux conclus au niveau européen pouvaient être considérés comme la poursuite, par les producteurs européens, de ce qui avait été initialement conclu non seulement avec les producteurs nord-américains, mais également entre les producteurs européens eux-mêmes, au niveau mondial en ce qui concerne les augmentations des prix et le contrôle des transformateurs. La Commission indique que, afin d’augmenter les prix facturés à certains clients européens, ces derniers ont été répartis entre les producteurs européens concernés. Pour que ces producteurs aient pu se mettre d’accord sur une telle répartition, il est évident, selon la Commission, qu’ils devaient respecter leurs parts de marché globales respectives en Europe.

174    Selon le considérant 151 de la Décision, Akzo Nobel, UCB et BASF ont participé aux actions en cause tant au niveau européen qu’au niveau mondial en se mettant d’abord d’accord, au niveau mondial, sur certaines actions à entreprendre dans l’EEE et ensuite en poursuivant ces actions en se réunissant au niveau européen. Les producteurs nord-américains n’auraient pas participé aux réunions européennes parce qu’au moment où ces dernières ont commencé, les arrangements mondiaux étaient sur le point de prendre fin. De surcroît, même à supposer que les arrangements européens aient commencé avant le 14 mars 1994 (ce que la Commission admet ne pas être en mesure de prouver), il aurait été inutile pour les producteurs nord-américains d’y participer dans la mesure où ils avaient accepté de se retirer du marché européen.

175    Selon le considérant 152 de la Décision, les producteurs nord-américains avaient, ou auraient dû, avoir connaissance des arrangements européens. En effet, l’objectif principal des producteurs européens poursuivi par le biais du retrait des producteurs nord-américains du marché européen était la « stabilisation » du marché européen. Toutefois, cette « stabilisation » aurait été impossible sans d’autres arrangements collusoires supplémentaires entre les producteurs européens.

176    En conclusion, la Commission expose au considérant 153 de la Décision que les producteurs européens étaient, en réalité, convenus de fausser la concurrence dans l’EEE depuis le début des arrangements mondiaux jusqu’à la fin des arrangements européens. Selon la Commission, le fait que les producteurs européens détenaient ensemble 80 % du marché européen prouve qu’ils étaient en mesure de mettre en œuvre leurs arrangements même après l’expiration des accords mondiaux.

 Sur la qualification du comportement infractionnel en question

177    Il convient de relever que, en vertu de la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, les activités anticoncurrentielles entreprises au niveau mondial et décrites au considérant 69 de la Décision constituent, en elles-mêmes, une infraction unique. Celle-ci consiste en des accords (sur la fixation et l’augmentation des prix mondiaux, sur le retrait des producteurs nord-américains du marché européen et sur le contrôle des distributeurs et des transformateurs) ainsi qu’en des pratiques concertées (échange d’informations sensibles en vue de peser réciproquement sur le comportement commercial des participants).

178    Il en va de même s’agissant des activités anticoncurrentielles au niveau européen qui constituent, en elles-mêmes, une infraction unique consistant en des accords (sur la fixation et l’augmentation des prix pour l’EEE, pour des marchés nationaux ainsi que pour des clients individuels, sur l’attribution des clients, sur la répartition des parts de marché et sur le contrôle des distributeurs et des transformateurs) ainsi qu’en des pratiques concertées (échange d’informations sensibles en vue de peser réciproquement sur le comportement commercial des participants).

179    Toutefois, il ne ressort pas automatiquement de l’application de cette jurisprudence au cas d’espèce que les arrangements aux niveaux mondial et européen forment, pris ensemble, une infraction unique et continue. En effet, il apparaît que l’existence d’un objectif commun consistant à fausser l’évolution normale des prix justifiait, dans les affaires envisagées par la jurisprudence, de qualifier les divers accords et pratiques concertées d’éléments constitutifs d’une seule infraction. À cet égard, il ne saurait être méconnu que ces agissements présentaient une complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux était destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuaient, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique.

180    Dans ce contexte, il importe de préciser que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans le marché du chlorure de choline, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique.

181    Il convient donc de vérifier si les deux blocs d’accords et de pratiques concertées sanctionnés par la Commission dans la Décision en tant qu’infraction unique et continue présentaient un lien de complémentarité au sens décrit au point 179 ci-dessus. C’est d’ailleurs la Commission elle-même qui justifie sa thèse en invoquant le fait que les arrangements mondiaux et européens étaient « étroitement liés » (voir points 4, 142 et 169 ci-dessus). À cet égard, il y aura lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers accords et pratiques concertées en question.

182    En ce qui concerne la période d’application des accords en question, force est de constater que la cessation des arrangements mondiaux au plus tard le 20 avril 1994 implique que, à partir de cette date, les producteurs nord-américains n’étaient plus tenus de ne pas exporter vers l’Europe. C’est la Commission elle-même qui dénonce l’absence de preuves d’autres réunions ou de contacts auxquels les producteurs nord-américains auraient pris part et au moyen desquels ils auraient fixé les prix pour l’EEE ou confirmé leur engagement initial de ne pas exporter vers l’Europe après cette date (voir considérant 165 de la Décision). Il s’ensuit que l’appréciation selon laquelle, pour pouvoir répartir le marché européen entre eux, en maintenant des prix élevés, il fallait que les producteurs européens soient assurés de ne pas devoir subir la concurrence de producteurs nord-américains (voir point 153 ci-dessus) ne tient pas compte du fait que les accords mondiaux n’étaient plus en vigueur depuis le 20 avril 1994. En effet, les accords sur la répartition du marché européen ont été mis en œuvre en l’absence de tout accord interdisant les exportations en provenance des États-Unis.

183    De surcroît, la conclusion de la Commission selon laquelle la répartition des marchés mondiaux n’apporterait aucun bénéfice aux entreprises participantes sans répartition du marché européen et inversement (voir point 153 ci-dessus) ne saurait être accueillie. En l’espèce, l’interdiction des exportations vers le marché européen avait pour but d’éviter la perturbation de celui-ci par la vente de chlorure de choline à des prix artificiellement réduits aboutissant à la récupération d’une partie des coûts fixes d’une production excédentaire (considérants 39 et 68 de la Décision). L’élimination de cette menace commerciale est un objectif distinct de celui de la répartition du marché européen, ce dernier nécessitant, ainsi qu’il sera évoqué ci-après, l’application de mécanismes différents afin qu’il soit atteint.

184    Par conséquent, les arrangements européens, qui n’ont été convenus que le 14 mars 1994 lors de la réunion à Schoten, alors que les parties constataient l’échec des accords mondiaux lors des dernières réunions à Bruges et à Johor Bahru en novembre 1993 et en avril 1994 (considérants 92 à 95 de la Décision), avaient, de ce point de vue, une portée autonome par rapport à l’accord de retrait mutuel des marchés européen et nord-américain. Ce constat s’impose à plus forte raison s’agissant de la période postérieure à la cessation formelle de toute tentative d’accord au niveau mondial (lors de la réunion à Johor Bahru du 14 au 20 avril 1994). C’est donc à tort que la Commission soutient au considérant 68 de la Décision que les producteurs européens ont pu « stabiliser » le marché de l’EEE grâce à la répartition préalable des marchés mondiaux, dans la mesure où ces marchés n’étaient plus répartis entre les producteurs nord-américains et les producteurs européens pendant la période de mise en œuvre des accords au niveau européen.

185    Par ailleurs, en faisant valoir que, après la cessation formelle des accords mondiaux, les parties ont continué à les mettre en œuvre et que les producteurs nord-américains ont continué à se tenir hors du marché européen, appliquant les accords mondiaux (voir point 155 ci-dessus), la Commission contredit le considérant 165 de la Décision, selon lequel elle ne possédait pas de preuves indiquant qu’il y ait eu d’autres réunions ou contacts auxquels les producteurs nord-américains auraient participé et au moyen desquels ils auraient fixé les prix pour l’EEE ou confirmé leur engagement initial de ne pas exporter vers l’Europe (voir point 9 ci-dessus).

186    Interrogée sur ce point à l’audience, la Commission a indiqué que, par cette argumentation, elle n’entendait pas faire valoir que l’accord mondial avait persisté après la date de sa cessation retenue dans la Décision, mais que, en pratique, le comportement des entreprises impliquées est resté plus ou moins tel qu’il était lorsque les accords étaient en vigueur. Il y aurait, dès lors, lieu d’opérer une distinction entre cette circonstance et celle évoquée au considérant 165 de la Décision qui concerne la durée de l’accord mondial.

187    Force est de constater que cette distinction, qui contredit d’ailleurs les écritures de la Commission (voir point 155 ci-dessus), se fonde sur une interprétation erronée de l’article 81 CE. En effet, selon une jurisprudence constante, le régime de concurrence instauré par les articles 81 CE et 82 CE s’intéresse aux résultats économiques des accords, ou de toute forme comparable de concertation ou de coordination, plutôt qu’à leur forme juridique. Par conséquent, dans le cas d’ententes qui ont cessé d’être en vigueur, il suffit, pour que l’article 81 CE soit applicable, qu’elles poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (voir arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 71, et du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T‑59/99, Rec. p. II‑5257, point 182, et la jurisprudence citée). Il en découle que la durée d’une infraction ne doit pas être appréciée en fonction de la période pendant laquelle un accord est en vigueur, mais en fonction de celle pendant laquelle les entreprises incriminées ont adopté un comportement interdit par l’article 81 CE. Or, la thèse de la Commission ne permet pas d’expliquer la raison pour laquelle, si les producteurs nord-américains ont continué de se comporter au-delà du 20 avril 1994 de la façon prévue par les accords mondiaux, aucune amende ne leur a été infligée. L’interprétation du considérant 165 de la Décision proposée par la Commission ne saurait donc être acceptée.

188    Quant à la circonstance invoquée par la Commission dans la duplique relative à l’affaire T-111/05, selon laquelle les effets du cartel mondial auraient persisté après sa cessation formelle (voir point 155 ci-dessus), il y a lieu de relever que, tout comme l’affirmation dont il est fait état au point précédent, elle ne figure pas dans la Décision. L’explication fournie par la Commission à l’audience selon laquelle elle se référait au considérant 96 de la Décision à cette circonstance dans la mesure où elle exposait que les exportations d’Amérique du Nord vers l’EEE étaient restées relativement faibles après la fin des arrangements mondiaux ne saurait être acceptée. En effet, il résulte des considérants 40 et 44 de la Décision que, en 1990, les importations du chlorure de choline représentaient près de 9 % de la valeur estimée du marché dans la Communauté composée de douze États membres, alors que, en 1997, les importations du chlorure de choline ont atteint 9,3 % du volume des ventes dans l’ensemble de l’EEE. Ces chiffres ne sauraient étayer la thèse de la Commission, étant donné qu’ils révèlent que la situation quant aux importations sur le marché européen était plus ou moins la même tant en ce qui concerne la période antérieure à la conclusion des accords au niveau mondial que en ce qui concerne la période postérieure à leur expiration et que, partant, ces accords n’ont pas influé substantiellement sur la structure du marché européen s’agissant des importations intercontinentales.

189    En tout état de cause, même à supposer que le considérant 96 de la Décision se réfère, en substance, à de prétendus changements dans la structure du marché européen dus aux arrangements mondiaux et ayant facilité la réalisation des arrangements européens, cette circonstance n’a pas été démontrée. En effet, le Tribunal a invité les parties ainsi qu’Akzo Nobel à donner leur évaluation sur les parts de marché détenues par les requérantes et par Akzo Nobel sur le marché européen (entendu en ce sens qu’il inclut les États membres de la Communauté ainsi que les États de l’AELE ayant formé l’EEE en 1994) au troisième trimestre de 1992, c’est-à-dire au début des arrangements mondiaux. Toutefois, aucune des parties n’a présenté d’éléments précis à cet égard pour des raisons tenant à l’ancienneté des opérations en question. Il convient, par conséquent, d’opérer une appréciation sur la base des éléments résultant de la Décision ainsi que de ceux issus du dossier administratif auxquels il est renvoyé dans la Décision.

190    Ainsi qu’il est relevé aux considérants 97 et 153 de la Décision, Akzo Nobel, BASF et UCB détenaient plus de 75 % du marché européen au moment où les arrangements européens ont commencé (mars 1994) et pouvaient, dès lors, se répartir ce marché sans se soucier du comportement des autres producteurs mondiaux. Toutefois, cette part de marché élevée ne paraît pas avoir été le résultat des arrangements mondiaux. En effet, il résulte du considérant 40 de la Décision que, en 1990, les importations de chlorure de choline représentaient près de 9 % de la valeur du marché de la Communauté (3 525 t importées sur 40 000 t). Au cours des sept premiers mois de 1992, première année de l’infraction au niveau mondial, les importations en Europe en provenance de l’Amérique du Nord s’élevaient à 2 900 t sur un marché de 43 800 t, soit 6,6 % du marché européen (considérant 71). Cette même année, la part de marché d’Ertisa s’élevait à 7,9 % au maximum (capacité de production de 3 500 t selon la page 1999 du dossier administratif annexée au mémoire en défense dans l’affaire T‑101/05). Si l’on tient compte de la part de marché d’environ 15 % pour ICI (le quatrième producteur européen non impliqué dans les activités en question, du fait qu’il se limitait traditionnellement au marché du Royaume‑Uni) selon la note en bas de page n° 152 de la Décision, il reste une part de marché collective d’au minimum 70,5 % pour Akzo Nobel, BASF et UCB en 1992. Il y a donc lieu de constater que les arrangements mondiaux n’ont pas provoqué un changement suffisamment important quant à la structure du marché européen, et notamment quant à la part de marché collective de BASF, d’UCB et d’Akzo Nobel, permettant de conclure que ce fut grâce à ceux-ci que les trois producteurs européens ont pu se répartir le marché de l’EEE.

191    Dans ces circonstances, l’affirmation selon laquelle les accords au niveau européen constituaient la continuation et la mise en œuvre des accords mondiaux en substituant simplement la répartition des marchés nationaux européens à la répartition mondiale (voir point 155 ci-dessus) ne saurait être accueillie. En effet, un accord anticoncurrentiel ne peut, en principe, être considéré comme un moyen de mise en œuvre d’un autre accord qui a déjà pris fin (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 139 supra, point 363).

192    S’agissant de l’objectif poursuivi par chacun des deux blocs d’arrangements, il résulte des considérants 64 à 68 et 150 à 153 de la Décision que la Commission a invoqué l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique, consistant à atteindre des prix artificiellement élevés. Toutefois, s’il est vrai que l’accord mondial stipulait les prix minimaux à pratiquer par les producteurs (voir, par exemple, les considérants 77, 79, 85, 88, 90, 91 et 92 de la Décision), il n’en demeure pas moins que cette mesure avait pour unique but de sauvegarder l’élément clé de cet accord, à savoir éviter les exportations de l’Europe vers l’Amérique du Nord et inversement, et non d’effectuer un partage du marché européen entre producteurs européens. En effet, si les producteurs décidaient de vendre aux transformateurs et aux distributeurs européens à des prix trop bas (du fait de leurs capacités excédentaires), cela aurait permis à ces derniers, selon le considérant 151 de la Décision, d’exporter du chlorure de choline vers les États-Unis à des prix concurrentiels. De toute évidence, les producteurs nord-américains auraient dû adopter, en contrepartie, un comportement approprié au sens de l’accord vis-à-vis de leurs clients (transformateurs et distributeurs) aux États-Unis.

193    Selon le considérant 85 de la Décision, qui cite une déclaration de DuCoa, « il est juste de dire que lorsqu’il a déclaré qu’ils avaient envisagé d’essayer de faire monter les prix au niveau mondial, il s’agissait avant tout des prix en Extrême-Orient et en Amérique latine ; ils n’ont ni discuté ni conclu d’accord sur les prix en Amérique du Nord avec les Européens, ni sur les prix en Europe avec les Européens et ces sujets n’ont fait l’objet d’aucune tentative d’accord ». Selon cette même déclaration, « les producteurs américains n’ont jamais tenté de dicter les prix de la choline en Europe occidentale […] mais ils ont évoqué le fait que si les prix étaient très bas en Europe, le produit risquait d’être réexporté vers les États-Unis ». Contrairement à ce que soutient la Commission, les termes de cette déclaration ne permettent pas de l’interpréter comme se rapportant exclusivement à la réunion de janvier 1993.

194    Concernant les deux dernières phrases du considérant 152, selon lesquelles l’interconnexion des branches mondiale et européenne est prouvée par le fait que la stabilisation du marché européen, qui était l’un des objectifs de l’accord mondial, aurait été impossible sans d’autres arrangements collusoires entre les producteurs européens, elle est fondée sur une prémisse erronée. En effet, il ne résulte ni de la Décision ni des pièces du dossier produites devant le Tribunal, sur lesquelles la Commission prend appui, que la « stabilisation » des marchés visée par l’accord mondial se traduisait en l’espèce par une répartition des marchés européen et américain parmi les producteurs qui y resteraient actifs.

195    En revanche, ainsi qu’il a été relevé (voir point 192 ci-dessus), cette « stabilisation » visait à éviter les exportations intercontinentales à des prix inférieurs à ceux en vigueur dans la région d’importation. Selon le considérant 39 de la Décision, « lorsque cela se produit, [ces importations] peuvent, en dépit de la faiblesse des volumes concernés, avoir un effet déstabilisant sur le niveau de prix en vigueur dans la région d’importation, en particulier lorsque ce niveau est relativement élevé ». Ledit considérant précise que ce type de ventes peut être attractif pour une société dont la production est excédentaire et qui tente de récupérer une partie de ses coûts fixes.

196    Le fait que la « stabilisation » des marchés doit être comprise de cette manière est confirmé par le considérant 68 de la Décision, consacré au fonctionnement de l’entente au niveau mondial, qui énonce : « […] on ne pouvait exclure le risque que des producteurs se débarrassent de certains excédents de production sous forme de ventes ponctuelles occasionnelles uniquement destinées à couvrir les coûts de production fixes. Même si elles ne portaient que sur de faibles quantités, de telles exportations pouvaient perturber les prix sur le marché à l’importation, dans la mesure où les clients pourraient utiliser les ventes, lorsqu’elles se produiraient, pour négocier les prix à la baisse. La stabilisation du marché serait donc atteinte en éliminant ou en évitant les exportations, par des concurrents, dans les zones géographiques dans lesquelles d’autres concurrents détenaient des parts de marché importantes. L’élément clé à cet égard était l’accord stipulant que les producteurs européens n’exporteraient pas en Amérique du Nord et que les producteurs nord-américains n’exporteraient pas sur le marché européen. Grâce à cette répartition des marchés, les autres opérateurs pourraient ‘stabiliser’ leur marché national et améliorer la rentabilité dans leur région. » Même à supposer que, par les termes « améliorer la rentabilité dans leur région », la Commission ne vise pas seulement le retrait des producteurs nord-américains, mais aussi la répartition du marché de l’EEE parmi les producteurs européens, une telle analyse ne saurait prospérer au vu des conséquences tirées de la cessation des activités anticoncurrentielles au niveau mondial au plus tard le 20 avril 1994 (voir points 184 à 190 ci-dessus).

197    Il importe d’ajouter que, ainsi qu’il résulte des considérants 71 et 75 et des notes en bas de page nos 31 et 66 de la Décision, au moment où l’accord mondial a été mis en œuvre, tous les producteurs avaient des capacités excédentaires, cette circonstance favorisant les exportations intercontinentales du chlorure de choline à bas prix et, dès lors, menaçant la stabilité des marchés mondiaux (voir points 192 et 195 ci-dessus). Partant, la notion de « stabilisation » des marchés dans le cadre de l’accord mondial ne visait pas un partage au sein des marchés européen et nord-américain tel que le suggère le considérant 152 de la Décision. Le fait que les producteurs européens n’aient entamé le partage du marché européen qu’à la fin de l’entente mondiale et à un moment où l’échec de cette dernière avait été constaté par les participants (considérant 93 de la Décision) témoigne que leur objectif n’était pas de participer aux arrangements mondiaux afin de procéder à la répartition ultérieure des marchés qui leur seraient réservés. Force est d’ailleurs de constater que la Commission ne fait état, dans la Décision, d’aucune preuve qui démontre l’existence d’un tel objectif.

198    Corrélativement, le contrôle auquel ont été soumis les distributeurs et les transformateurs diffère quant au contenu en fonction de l’objectif poursuivi. Dans le cadre des arrangements mondiaux, ce contrôle a pris la forme d’une facturation du chlorure de choline « à des prix appropriés » [considérant 69, sous c), de la Décision]. S’agissant de cette mesure, la Commission indique au considérant 81 de la Décision : « […] Ce contrôle pourrait notamment s’exercer en garantissant que les transformateurs achètent leur chlorure de choline aux membres de l’entente à des conditions appropriées. Les notes de Bioproducts disent ceci : ‘Devons contrôler les matières premières des transformateurs. Tirerons profit d’une augmentation des prix’. Ce même objectif ressort également du document cité au considérant 75, qui dit ceci : ‘Les convertisseurs et les distributeurs devraient être contrôlés par le biais de prix appropriés’. Enfin, selon un autre document provenant de la réunion [de Ludwigshafen] : ‘Chaque producteur de [chlorure de choline] est responsable du contrôle des transformateurs sur son marché national. La fourniture de [chlorure de choline] liquide provenant d’une autre région sape cette règle et ruine le marché’. » Partant, ce contrôle impliquait un respect des prix « planchers » convenus lors des réunions des producteurs européens et nord-américains (considérants 77 et 79 de la Décision).

199    Concernant l’objectif de ce contrôle, la Commission indique au considérant 151 de la Décision : « Pour ce qui est des augmentations de prix en Europe, l’intérêt des producteurs nord-américains se limitait à garantir que le niveau des prix en Europe ne tombe pas trop en dessous de ce qu’il était dans d’autres régions du monde. Dans la mesure où cela ne risquait manifestement pas de se produire tant que les transformateurs seraient soumis à un contrôle, il n’était pas nécessaire d’examiner les prix européens en particulier au cours des réunions mondiales, si ce n’est en tant qu’élément des augmentations de prix décidées au niveau mondial. » Ainsi, ce contrôle avait pour objectif d’empêcher les distributeurs et les transformateurs de mettre en péril l’objectif des arrangements, à savoir le retrait mutuel des marchés européen et nord-américain. Or, les parties aux accords relatifs à ce retrait mutuel y ont mis fin le 20 avril 1994 au plus tard, selon le considérant 165 de la Décision (voir points 185 à 187 ci-dessus).

200    En revanche, le contrôle des distributeurs et des transformateurs dans le cadre des arrangements européens a pris, selon le considérant 99, sous d), de la Décision, plusieurs formes consistant à éviter la réalisation des ventes à des prix préférentiels (mesure concernant les distributeurs), à garantir que les transformateurs achètent des matières premières à des membres de l’entente à des conditions appropriées, à les informer des niveaux de prix convenus par les membres de l’entente et à créer des liens d’exclusivité avec eux. Quant à l’objectif de ce contrôle, ce même considérant souligne qu’il consistait à garantir l’efficacité des accords sur les parts de marché, la répartition des clients et les prix, tels que conclus entre les producteurs européens.

201    Partant, les accords mondiaux sur les prix ne présentent pas de « lien étroit », tel qu’allégué par la Commission, avec la répartition du marché de l’EEE entre les producteurs européens effectuée après leur cessation définitive. Cela est également démontré par le fait que cette répartition a nécessité, selon les considérants 65, 103, 105 et 113 de la Décision, l’application d’une technique différente consistant en la fixation de prix différenciés par chaque producteur européen à l’égard de chaque client afin que ce dernier soit « affecté » au producteur déterminé en vertu des accords collusoires au niveau européen. Un tel résultat n’aurait pas pu être atteint sur la base d’un seul prix « plancher » destiné à être appliqué par tous les producteurs, tel que défini par les accords mondiaux (considérants 77 et 79 de la Décision).

202    En outre, rien n’obligeait les producteurs européens à se fonder, après la fin des arrangements mondiaux, sur les prix « planchers » convenus dans le cadre desdits arrangements afin de se répartir la clientèle européenne. Dans ces circonstances, l’argument de la Commission selon lequel la fixation d’un prix « plancher » au niveau mondial implique nécessairement la fixation des prix au niveau européen s’avère inopérant.

203    Il convient également de souligner que la Décision ne contient aucun élément susceptible de démontrer que les producteurs européens avaient conclu un accord sur la répartition (même ultérieure) du marché de l’EEE lors des réunions relevant du cartel mondial ni qu’ils avaient l’intention d’utiliser les arrangements mondiaux afin de faciliter une répartition ultérieure du marché de l’EEE. La Commission admet par ailleurs, au considérant 151 de la Décision, ne pas être en mesure de prouver une telle circonstance. Si tel avait été le cas, il n’y aurait eu aucune raison de ne pas situer le début des arrangements relatifs à la répartition de l’EEE avant le 14 mars 1994, date de la première réunion entre les producteurs européens. Cependant, tel n’a pas été le cas.

204    Dans ces circonstances, le considérant 151 de la Décision (voir point 174 ci-dessus) est dénué de pertinence dans la mesure où il tend à expliquer pourquoi les producteurs nord-américains n’ont pas participé aux réunions européennes. En effet, cette partie du considérant 151 répond à un argument inopérant avancé par les producteurs européens durant la procédure administrative tiré de l’absence d’identité des parties aux accords mondiaux et européens.

205    De même, le considérant 152 de la Décision (voir point 175 ci-dessus) ne saurait étayer utilement la thèse de la Commission dans la mesure où il énonce que les producteurs nord-américains connaissaient ou auraient dû avoir connaissance de l’existence des arrangements européens. En effet, la connaissance de ces arrangements par les producteurs nord-américains aurait eu pour conséquence, en cas de constatation d’une infraction unique, l’extension de leur responsabilité à l’ensemble de cette infraction, à condition que lesdits arrangements eussent présenté un lien avec les arrangements mondiaux (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 139 supra, point 371). Partant, cet élément ne peut avoir une incidence sur la responsabilité des producteurs européens et n’établit pas l’existence d’une infraction unique et continue.

206    L’affirmation de portée générale selon laquelle les arrangements européens peuvent être considérés comme la poursuite, par les producteurs européens, de ce qui avait été initialement conclu, au niveau mondial, non seulement avec les producteurs nord-américains, mais également entre les producteurs européens eux-mêmes en ce qui concerne les augmentations des prix et le contrôle des transformateurs, est, dès lors, inexacte. Il en est nécessairement de même en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle l’ensemble des arrangements constitue une seule entente, de laquelle les producteurs nord-américains se sont retirés à un moment donné et dont les parties restantes ont adapté les caractéristiques après ce retrait.

207    Au vu des considérations qui précèdent, la Commission ne saurait prendre appui sur le point 67 de l’arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 150 supra. En effet, s’il est vrai que, à propos d’une infraction ayant porté, dans un premier temps, sur le marché danois de conduites précalorifugées et, après une interruption, sur l’ensemble du marché européen, le Tribunal a pris en compte le but unique de contrôler le marché du chauffage urbain afin de qualifier lesdits agissements d’infraction unique et continue, il n’en demeure pas moins que cette appréciation a été aussi fondée sur d’autres considérations également importantes. Ainsi, dans cet arrêt, le Tribunal a souligné, à l’instar de la Commission, l’existence, « dès le départ de l’entente au Danemark, [d’]un objectif à plus long terme visant à étendre le contrôle à tout le marché […] et qu’il y avait une continuité évidente en termes de méthodes et de pratiques entre le nouvel accord conclu à la fin de 1994 pour tout le marché européen et les arrangements antérieurs » (points 65 et 68). De plus, au point 67, invoqué par la Commission, il est également souligné qu’il ressortait du premier accord sur la coordination d’une augmentation des prix pour les marchés à l’exportation que, « dès le début, l’entente entre les producteurs danois a dépassé le cadre du seul marché danois ».

208    Or, en l’espèce, la Commission n’a pas établi que les requérantes, en participant aux arrangements mondiaux, avaient un objectif à plus long terme consistant en la répartition du marché de l’EEE telle qu’opérée dans le cadre des arrangements européens. Elle n’a pas non plus démontré une relation entre les méthodes et les pratiques employées dans le cadre de chaque bloc d’arrangements.

209    Au vu des conséquences tirées de l’absence de concomitance entre la mise en œuvre des arrangements mondiaux et européens (voir points 182 à 191 ci-dessus), du fait que le retrait mutuel des marchés européen et nord-américain et la répartition du marché de l’EEE au moyen d’une attribution des clients constituent des objectifs différents mis en œuvre par des méthodes dissemblables (voir points 192 à 202 ci-dessus) et, enfin, de l’absence de preuves démontrant l’intention des producteurs européens d’adhérer aux arrangements mondiaux afin de réaliser ultérieurement la répartition du marché de l’EEE (voir point 203 ci-dessus), il y a lieu de conclure que les producteurs européens ont commis deux infractions distinctes à l’article 81, paragraphe 1, CE et non une infraction unique et continue.

210    Partant, la Décision doit être annulée en ce qu’elle inflige une amende aux requérantes en raison de leur participation à l’entente mondiale, infraction qui doit être jugée prescrite. L’incidence de cette annulation sur le calcul du montant de l’amende infligée à BASF sera examinée aux points 212 à 223 ci-après. En ce qui concerne l’incidence de cette annulation sur le calcul de l’amende infligée à UCB, il conviendra de l’analyser à l’issue de l’examen du deuxième moyen de cette requérante (voir points 235 à 241 ci-après).

211    Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de statuer sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense de BASF (voir point 157 ci-dessus).

 Sur le calcul de l’amende de BASF

212    Il y a lieu de souligner d’abord que, à la demande du Tribunal, tant les requérantes que la Commission ont exposé, lors de l’audience, leur évaluation relative au calcul du montant des amendes dans l’hypothèse où le moyen tiré d’une erreur de droit dans la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique serait jugé fondé par le Tribunal. Ainsi qu’il a été observé au point 120 ci-dessus, l’appréciation effectuée sur la coopération de BASF dans le cadre de son troisième moyen est sans préjudice des conséquences que l’appréciation du Tribunal relative au cinquième moyen peut avoir sur cette réduction.

213    La compétence de pleine juridiction conférée au juge communautaire par l’article 31 du règlement n° 1/2003 l’habilite, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée lorsque la question du montant de celles-ci est soumise à son appréciation (arrêt Groupe Danone/Commission, point 65 supra, points 61 et 62). Dans ce cadre, il importe de relever que les lignes directrices ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge communautaire lorsque celui-ci statue en vertu de ladite compétence (arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169).

214    Par conséquent, il y a lieu pour le Tribunal d’exercer son pouvoir de pleine juridiction, BASF ayant soumis la question du montant de l’amende qui lui a été infligée à son appréciation.

215    À cet égard, il importe d’examiner, à titre liminaire, l’allégation formulée par la Commission dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑111/05, selon laquelle un nouveau calcul du montant des amendes présuppose une modification de la répartition par catégories des producteurs européens. Cette allégation est fondée sur le fait que la Décision a procédé à ladite répartition en tenant compte des parts de marché mondiales des entreprises parties à l’infraction en 1997, dernière année pleine de l’infraction. Sur la base de cette appréciation, UCB et Akzo Nobel ont été classées dans la troisième catégorie (avec une part de marché respectivement de 13,4 % et de 12 %), alors que BASF a été classée dans la quatrième catégorie avec une part de marché de 9,1 % (voir point 15 ci-dessus).

216    Toutefois, dès lors que la seule infraction à retenir est celle concernant le marché de l’EEE (voir point 210 ci-dessus), les parts de marché à prendre en compte aux fins de la répartition des producteurs européens par catégories sont celles relatives à ce marché. Une telle modification n’est cependant pas susceptible de changer le classement des entreprises par catégories ni les montants de départ retenus au titre de la gravité de l’infraction. En effet, il résulte du considérant 44 de la Décision que, en 1997, Akzo Nobel et UCB détenaient respectivement 28,9 % et 28,5 % du marché européen alors que la part de BASF s’élevait à 20,9 %. Cette configuration des parts de marché justifie le maintien de la répartition faite par la Commission avec Akzo Nobel et UCB dans une même catégorie et BASF dans la catégorie inférieure.

217    Pour ce qui est du niveau général des montants de départ, ceux-ci doivent rester identiques à ceux définis au considérant 202 de la Décision. En effet, ces montants ont été fixés sur la base de la nature très grave, tant au niveau mondial qu’au niveau européen, du comportement infractionnel adopté ainsi que de la valeur relativement faible du marché européen du chlorure de choline (52,6 millions d’euros en 1997), facteurs qui restent pertinents même si la seule infraction à retenir est celle relative à l’EEE.

218    Partant, le montant de départ fixé pour BASF au titre de la gravité de l’infraction doit demeurer inchangé à 18,8 millions d’euros.

219    S’agissant de la durée de la participation de BASF aux arrangements européens, il résulte des considérants 101, 102, 105 et 206 de la Décision qu’elle a commencé le 29 novembre 1994, lors d’une réunion à Amersfoort (Pays-Bas), et qu’elle a pris fin le 30 septembre 1998. À cet égard, il convient de relever que l’approche proposée par la Commission consistant à majorer le montant de départ de 10 % pour chaque année complète et de 5 % pour chaque période supplémentaire de six mois complets est susceptible de donner lieu à des disparités considérables entre les requérantes dans les circonstances de l’espèce. En effet, la participation de BASF à l’infraction ayant duré trois ans et dix mois complets, le fait pour le Tribunal d’appliquer une majoration de 5 % afin de tenir compte de ces dix mois reviendrait à faire abstraction des quatre mois supplémentaires. Il y a également lieu de relever que, en l’espèce, le Tribunal dispose d’éléments précis en ce qui concerne la durée de la participation de chaque requérante à l’infraction et qu’il est donc en mesure de calculer leur amende d’une manière qui reflète la durée exacte de cette participation, en affinant de cette façon leur proportionnalité.

220    Ainsi, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal considère qu’il convient d’appliquer une majoration de 38 % pour tenir compte de la période de trois ans et dix mois de participation à l’infraction de BASF.

221    Le montant de base de l’amende de BASF est, dès lors, fixé à 25,944 millions d’euros. À ce montant, il y a lieu d’appliquer la majoration de 50 % au titre de la récidive (voir point 18 ci-dessus), ce qui porte le montant de l’amende à 38,916 millions d’euros.

222    Le montant final de l’amende de BASF sera fixé après la réduction, au titre de la coopération, de 10 % pour non-contestation de la matérialité des faits. En revanche, en ce qui concerne les éléments de preuve fournis par BASF au titre de sa coopération et pour lesquels elle s’est vu accorder une réduction supplémentaire de 10 % (voir point 87 ci-dessus), il y a lieu de rappeler que ne constitue pas une coopération relevant du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996 le fait pour une entreprise de mettre à la disposition de la Commission des informations relatives à des actes pour lesquels elle n’aurait pas dû acquitter d’amende au titre des règlements nos 17 et 1/2003 (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 108 supra, point 297). Étant donné que lesdits éléments concernaient exclusivement les arrangements mondiaux, alors que les informations sur les arrangements européens fournies par BASF n’étaient que d’une valeur minime (voir point 116 ci-dessus), que l’infraction se rapportant aux arrangements mondiaux a été jugée prescrite (voir point 210 ci-dessus) et que, par conséquent, BASF n’est tenue de s’acquitter d’aucune amende à cet égard, il n’y a plus lieu pour celle-ci de bénéficier de la réduction de 10 % qui lui avait été accordée à ce titre.

223    Partant, le montant de l’amende de BASF doit être fixé à 35,024 millions d’euros.

7.     Sur le deuxième moyen soulevé par UCB, tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 1996

 Arguments des parties

224    Selon UCB, la distinction qui doit être opérée entre les arrangements mondiaux et les arrangements européens aurait des répercussions sur l’application de la communication sur la coopération de 1996 à son égard. Plus précisément, UCB ayant été la première entreprise à dénoncer l’entente secrète au niveau communautaire (voir point 19 ci-dessus) et ayant rempli toutes les autres conditions énoncées dans la section B de la communication sur la coopération de 1996, elle estime être en droit de bénéficier d’une réduction de 75 à 100 % du montant de l’amende qui lui aurait été autrement infligée.

225    UCB fait valoir que la nouvelle communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »), qui remplace la communication sur la coopération de 1996, prévoit que la Commission exemptera de toute amende l’entreprise qui sera la première à fournir des éléments de nature à lui permettre de constater une infraction à l’article 81 CE. Le standard de protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire imposerait l’application du principe de la rétroactivité in mitius, principe général de droit internationalement reconnu et corollaire du principe de non-rétroactivité des lois aggravant une peine. La Commission serait tenue d’appliquer ce principe dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence. Il en résulterait que la Commission aurait dû appliquer la section A de la communication sur la coopération de 2002 en tant que « loi » plus douce par rapport à la section B de la communication sur la coopération de 1996, en ce qu’elle instaure une immunité totale sans laisser à la Commission une marge d’appréciation du montant de la réduction, comme le faisait la communication sur la coopération de 1996. L’application de la communication sur la coopération de 2002 aurait donc donné lieu à une immunité totale de l’amende imposée à UCB.

226    La notion de rétroactivité de la lex mitior engloberait la modification de toute disposition spécifique qu’une autorité entend appliquer contre une personne, comme les communications de la Commission portant sur les amendes infligées en matière de concurrence. Ce principe prévaudrait d’ailleurs sur le point 28 de la communication sur la coopération de 2002, qui limite son application à la période postérieure au 14 février 2002. Le fait que la confiance légitime dont jouissait UCB au moment de sa coopération était fondée sur la communication sur la coopération de 1996 ne serait pas pertinent pour empêcher l’application du principe de la lex mitior.

227    En toute hypothèse, l’application de la communication sur la coopération de 1996 aurait dû conduire la Commission à ne pas imposer une amende à UCB, puisqu’elle a été la première à fournir des informations à propos de l’entente européenne avant toute demande de la part de la Commission, à un moment où cette dernière n’avait aucune connaissance de cette entente.

228    La Commission souligne que ce moyen constitue en réalité une analyse des conséquences à tirer au cas où le premier moyen soulevé par UCB serait jugé fondé. Elle renvoie donc à son argumentation relative audit moyen et estime que le présent moyen doit être rejeté.

229    À titre subsidiaire, la Commission admet que si les agissements des requérantes ne s’étaient pas inscrits dans le cadre d’une infraction unique et continue, UCB aurait bénéficié d’une réduction du montant de son amende d’au moins 75 %. Dans cette hypothèse, d’autres éléments du calcul du montant de l’amende auraient été modifiés, comme la durée, les circonstances atténuantes et aggravantes et le chiffre d’affaires pris en compte pour le traitement différencié.

230    S’agissant du principe d’application rétroactive de la lex mitior, la Commission souligne que, s’il est vrai qu’il s’agit d’un principe général en droit pénal, il n’en demeure pas moins que les décisions infligeant des amendes en matière de concurrence ne sont pas de nature pénale. La jurisprudence ne confirmerait pas la thèse de la requérante sur l’application rétroactive obligatoire de la lex mitior en matière de concurrence. En outre, l’application de ce principe présupposerait une modification de la base juridique pour le calcul de l’amende, c’est-à-dire de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui n’a pas été modifié par la communication sur la coopération de 2002.

231    La Commission jouirait d’une marge d’appréciation quant à la détermination du montant des amendes, marge qui serait délimitée par les communications sur la coopération. La jurisprudence aurait affirmé que, tant que ces communications restent dans le cadre des dispositions du règlement n° 17, la Commission dispose d’une grande marge de manœuvre pour déterminer le niveau des amendes répondant aux besoins de sa politique de concurrence. En outre, la Commission ne se lierait dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation qu’aussi longtemps que la communication applicable serait en vigueur. La Commission souligne à cet égard que la communication sur la coopération de 2002 a remplacé celle de 1996 à partir du 14 février 2002. Toutefois, la confiance légitime dont jouissait UCB serait limitée par l’application ratione temporis de chaque communication, en l’espèce la communication sur la coopération de 1996.

232    En toute hypothèse, la Commission exprime des doutes quant au caractère, en général, plus favorable de la communication sur la coopération de 2002 par rapport à celle de 1996. Ce caractère ne saurait être examiné sur la base d’une appréciation sélective des dispositions de la communication sur la coopération de 2002. Dans le cas contraire, la Commission serait obligée d’appliquer cette communication rétroactivement uniquement à l’égard des entreprises qui y trouveraient un élément favorable, ce qui mettrait en péril la cohérence de sa politique.

 Appréciation du Tribunal

 Sur l’application de la lex mitior

233    Il résulte de la jurisprudence que le principe de non-rétroactivité ne s’oppose pas à l’application de lignes directrices ayant, par hypothèse, un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées pour des infractions commises avant leur adoption, à condition que la politique qu’elles mettent en œuvre soit raisonnablement prévisible à l’époque où les infractions concernées ont été commises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 91 supra, points 202 à 232).

234    Par conséquent, le droit, même conditionnel, de la Commission d’appliquer rétroactivement au détriment des intéressés des règles de conduite visant à produire des effets externes, telles que les lignes directrices, exclut toute obligation pour cette institution d’appliquer la lex mitior.

 Sur le calcul du montant de l’amende d’UCB

235    Aux fins du calcul du montant de l’amende d’UCB, il convient tout d’abord de renvoyer aux appréciations figurant aux points 212 à 217 ci-dessus.

236    Ensuite, le fait que les appréciations de la Commission quant au caractère unique et continu des infractions sont erronées influence le montant de l’amende infligée à UCB au regard de la communication sur la coopération de 1996. Ainsi que l’admet la Commission (voir point 229 ci-dessus), UCB aurait bénéficié des dispositions de la section B de la communication sur la coopération de 1996 intitulée « Non-imposition d’amende ou réduction très importante de son montant » si les arrangements mondiaux avaient été considérés comme une infraction distincte des arrangements européens et, dès lors, prescrite. En effet, dans ces circonstances, il y a lieu de constater qu’UCB a dénoncé l’entente européenne à la Commission et a satisfait aux autres conditions prévues par la section B de la communication sur la coopération de 1996 (voir point 237 ci-après).

237    Selon la section B de la communication sur la coopération de 1996 :

« L’entreprise qui :

a)      dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée ;

b)      est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ;

c)      a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente ;

d)      fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête ;

e)      n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite,

bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non-imposition totale d’amende. »

238    Dans ces circonstances, il convient de majorer le montant de départ de 12,9 millions d’euros, déterminé par la Commission au titre de la gravité de l’infraction (voir point 15 ci-dessus), de 45 % au titre de la durée de l’infraction d’environ quatre ans et demi (du 14 mars 1994 au 30 septembre 1998). Le montant de base doit donc être fixé à 18,705 millions d’euros.

239    Aucune circonstance aggravante n’ayant été retenue à la charge d’UCB, il y a lieu d’appliquer au montant de base un pourcentage de minoration au titre de sa coopération. Aux fins de la détermination de ce pourcentage, il y a lieu de considérer qu’UCB a dénoncé l’entente européenne, ce qui a permis à la Commission d’infliger des sanctions importantes, possibilité qu’elle n’aurait pas eu sur la base du seul cartel mondial qui était prescrit au moment de sa première intervention (voir point 9 ci-dessus). De surcroît, il résulte des considérants 102, 105, 107, 108, 109, 114, 118, 119 et 120 de la Décision que les neuf réunions révélées par UCB couvraient toute la durée de l’infraction concernant l’EEE, les six réunions dénoncées par Akzo Nobel n’étant qu’intermédiaires, ainsi qu’il résulte des considérants 110, 112, 113, 115, 116 et 117 de la Décision.

240    Néanmoins, UCB a dénoncé un peu moins des deux tiers des réunions. De surcroît, si UCB a agi de sa propre initiative, il n’en demeure pas moins que, à la date où elle a fourni ces informations (26 juillet 1999), elle avait déjà connaissance du fait que la Commission avait entamé des actions à l’égard du cartel mondial du chlorure de choline.

241    Dans ces conditions, il y a lieu d’appliquer une réduction de 90 % au montant de base, tel que fixé au point 238 ci-dessus, ce qui ramène le montant de l’amende d’UCB à 1,870 million d’euros.

242    Le troisième moyen ayant été soulevé par UCB à titre subsidiaire dans le cas où le Tribunal retiendrait la thèse de la Commission relative au caractère unique et continu des arrangements mondiaux et européens (voir point 35 ci-dessus), il n’y a plus lieu de statuer à cet égard. En effet, même si UCB conclut également dans le cadre de ce moyen à ce qu’aucune amende ne lui soit infligée, il n’en demeure pas moins que son argumentation repose, premièrement, sur l’existence d’une infraction unique et continue, circonstance qui n’a pas été retenue, deuxièmement, sur l’application de la communication sur la coopération de 2002 (voir point 225 ci-dessus) et, troisièmement, sur le fait que, en l’absence de coopération de sa part, la Commission n’aurait pas été en mesure d’infliger d’amende. Or, l’argument tiré de l’application de la communication sur la coopération de 2002 a déjà été écarté (voir points 233 et 234 ci-dessus), alors que le Tribunal a, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, apprécié la valeur de la coopération d’UCB en lui accordant une réduction de 90 % du montant de l’amende qui lui aurait été autrement infligée.

243    Partant, le montant de l’amende d’UCB doit être fixé à 1,870 million d’euros.

244    Sur la base de ce qui précède, il y a lieu, premièrement, d’annuler l’article 1er, sous b) et f), de la Décision en ce qu’il porte sur l’infraction reprochée aux requérantes pour une période antérieure au 29 novembre 1994 s’agissant de BASF et antérieure au 14 mars 1994 s’agissant d’ UCB, deuxièmement, de fixer le montant des amendes infligées à BASF et à UCB respectivement à 35,024 et à 1,870 million d’euros et, troisièmement, de rejeter les recours pour le surplus.

 Sur les dépens

245    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

246    Dans l’affaire T‑101/05, BASF ayant succombé sur plusieurs moyens, mais obtenu gain de cause dans le cadre de son cinquième moyen, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

247    Dans l’affaire T‑111/05, la Commission ayant succombé sur la majorité de ses conclusions, il y a lieu de décider qu’elle supporte, outre ses propres dépens, 90 % des dépens exposés par UCB.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’affaire T‑112/05, Akzo Nobel e.a./Commission est disjointe des affaires T‑101/05 et T‑111/05 aux fins de l’arrêt.

2)      L’article 1er, sous b) et f), de la décision 2005/566/CE de la Commission, du 9 décembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.533 – Chlorure de choline), est annulé en ce qu’il retient l’infraction reprochée à BASF AG et à UCB SA pour une période antérieure au 29 novembre 1994 s’agissant de BASF et antérieure au 14 mars 1994 s’agissant d’UCB.

3)      Dans l’affaire T‑101/05, le montant de l’amende infligée à BASF est fixé à 35,024 millions d’euros.

4)      Dans l’affaire T‑111/05, le montant de l’amende infligée à UCB est fixé à 1,870 million d’euros.

5)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

6)      Dans l’affaire T‑101/05, chaque partie supportera ses propres dépens.

7)      Dans l’affaire T‑111/05, la Commission supportera, outre ses propres dépens, 90 % des dépens exposés par UCB.

Meij

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2007.

Le greffier

 

      Le président faisant fonction

E. Coulon

 

      A.W.H. Meij

Table des matières


Antécédents du litige et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Observations liminaires

2.  Sur le premier moyen soulevé par BASF, tiré d’une violation des règlements nos 17 et 1/2003 ainsi que des lignes directrices en raison de la majoration du montant de l’amende de 100 % aux fins de dissuasion

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le deuxième moyen soulevé par BASF, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité en raison de la majoration de 50 % du montant de l’amende au titre de la récidive ainsi que d’un calcul erroné de cette majoration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur le troisième moyen soulevé par BASF, tiré d’une application erronée de la communication sur la coopération de 1996

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le document du 6 mai 1999

Sur la réunion du 17 mai 1999

Sur la communication du 21 mai 1999

Sur la communication du 23 juillet 1999

Sur l’appréciation du rapport du 15 juin et de la communication du 23 juin 1999 à la lumière de la demande de renseignements du 26 mai 1999

Sur la communication du 16 juillet 1999

Appréciation globale de la réduction accordée à BASF

5.  Sur le quatrième moyen soulevé par BASF, tiré d’une réduction insuffisante de l’amende indépendamment de la communication sur la coopération de 1996

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

6.  Sur le moyen soulevé par BASF et UCB, tiré d’une erreur de droit dans la qualification des arrangements mondiaux et européens d’infraction unique et continue

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

–  Sur la portée de l’argumentation de BASF

–  Sur la notion d’infraction unique et continue

–  Position prise par la Commission dans la communication des griefs et constatations dans la Décision

Sur la qualification du comportement infractionnel en question

Sur le calcul de l’amende de BASF

7.  Sur le deuxième moyen soulevé par UCB, tiré de l’application erronée de la communication sur la coopération de 1996

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’application de la lex mitior

Sur le calcul du montant de l’amende d’UCB

Sur les dépens


* Langues de procédure : l’anglais et le français.